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Durant mes longues recherches et études sur la langue pus’hto, depuis tant d’années, et particulièrement lorsque je faisais des sélections pour mon ouvrage intitulé « Gulshan-i-Roh », [1] je ne pouvais m’empêcher d’être frappé par la beauté de certains poèmes des Afghans ; à tel point, en effet, que j’ai depuis longtemps décidé, et, enfin, je me risque maintenant à soumettre au lecteur européen, une traduction littérale de plusieurs poèmes des plus célèbres poètes afghans – avec une brève notice sur chaque auteur – en tenue anglaise.
Il faut se rappeler que ces poèmes sont les effusions d’hommes qui n’ont jamais joui de ce que nous appelons le luxe de la vie ; et pourtant combien raffinée est la généralité de leurs sentiments ! D’hommes qui vivaient dans un état, comme celui où vivaient nos propres frontaliers, il y a cinq cents ans, dans la violence et la lutte, et dont les descendants vivent encore ainsi ; et pourtant combien exquisément pathétiques sont nombre de leurs poèmes, et combien nobles et bienveillants sont leurs sentiments et leurs idées ! Habitant un beau pays, avec de grandes et hautes montagnes, et des vallées vertes et fertiles, mais avec rien de plus que le strict nécessaire à la vie, combien simples et parfaites sont leurs comparaisons, et combien fidèles à la nature ! Quelle ardeur patriotique, quel véritable esprit de liberté et d’amour de la patrie, une grande partie de leur poésie déploie !
Il faut aussi garder à l’esprit que la plupart des auteurs des [p. vi] poèmes suivants, à l’exception d’Aḥmad Shāh, de Khushḥāl Khān et de ses fils, étaient des hommes qui, de leur vivant, avaient à peine quitté les environs de leur village natal, ou qui avaient consacré leur vie à la pauvreté et à l’abstraction religieuse. Des hommes qui n’ont jamais écrit pour la gloire et qui n’ont jamais envisagé que les pensées les plus intimes qui avaient occupé leur cœur rencontreraient un jour les yeux de plus de quelques amis chers et admiratifs, après qu’eux-mêmes eurent disparu de la scène pour toujours. Jamais ils n’ont imaginé qu’ils apparaîtraient devant un public, encore moins européen, en langue saxonne et traduits par un Farangī !
« Loin des conflits ignobles et exaspérants du monde,
Leurs désirs sobres n’ont jamais appris à s’égarer ;
Le long de la vallée fraîche et séquestrée de la vie,
Ils gardèrent le silence sur leur chemin.
J’ai pris grand soin de rendre les poèmes aussi littéraux que possible et, comme on le verra, j’ai essayé de conserver les mots qui riment, tels qu’ils apparaissent, en anglais également, plus particulièrement lorsque chaque distique se termine par le même mot.
On remarquera aussi sans doute que deux nominatifs apparaissent parfois, un dans chaque ligne d’un distique, ce qui est dû au fait que le premier hémistiche des distiques est placé en premier, là où nous devrions, si nous ne considérions que l’idiome anglais, le placer en dernier. Cela peut donner une impression de bizarrerie dans la traduction, mais j’ai jugé nécessaire de suivre l’original aussi près que possible, afin de conserver le style littéral que j’avais adopté dès le début.
Le lecteur doit aussi comprendre que les livres afghans n’existent qu’en manuscrit, comme c’était le cas en Europe avant l’invention de l’imprimerie ; et les poèmes suivants ont été traduits à partir de ces manuscrits. Les copies des œuvres de certains des auteurs mentionnés ici sont rares et on les rencontre rarement, même en Afghanistan, comme les poèmes d’Aḥmad Shāh, Khwājah Muḥammad et (sauf dans le [p. vii] district de Pes’hāwar) Khushḥāl Khān et ses fils ; tandis que le manuscrit original des poèmes de Shaidā, tels qu’ils ont été rassemblés et arrangés en un volume, et richement enluminés, est en ma possession ; et aucune copie de ces poèmes, à ma connaissance, n’existe, à l’exception de celle que j’ai permis aux descendants du côté de son frère de faire à partir de mon manuscrit, que j’ai envoyé à quelques centaines de kilomètres pour qu’ils l’examinent. Bien qu’il fût célébré comme poète, ils n’avaient jamais vu ses poèmes auparavant, car il était mort en Inde.
On remarquera une plus grande variété dans les poèmes de Khushḥāl Khān que dans ceux des autres poètes afghans contenus dans ce volume ; car, comme les poètes de l’Occident, aucun sujet ne semble lui avoir été étranger ; et, entre autres choses, il n’épargne pas les défauts de ses propres compatriotes, tels qu’il les a trouvés il y a deux siècles ; et il sera probablement pour cette raison le favori du lecteur général.
Tout ce que je peux dire en conclusion, c’est que ce qui est bon dans les pages suivantes doit être crédité aux auteurs, et tous les défauts et imperfections, qui sont très nombreux, je le crains, à leur traducteur anglais, qui, par conséquent, prie pour l’indulgence et la patience de ses lecteurs.
H.G.R.
Voir la liste à la fin de ce volume. ↩︎