‘ÍSÁ IBN HISHÁM nous raconta ce qui s’était passé et dit : « J’étais à Bagdad pendant une année de famine, [1] et je me suis donc adressé à un groupe, uni [2] comme les Pléiades, afin de leur demander quelque chose. Or, il y avait parmi eux un jeune homme qui avait un sifflement dans la langue et un espace entre les dents de devant. » Il me demanda : « Quelle est ta situation ? » Je lui répondis : « Deux situations dans lesquelles l’homme ne prospère pas : celle d’un mendiant harcelé par la faim, et celle d’un exilé auquel le retour est impossible. » Le garçon me dit alors : « Laquelle de ces deux brèches veux-tu voir cesser en premier ? » Je lui répondis : « La faim, car elle est devenue extrême chez moi. » Il me dit : « Que dis-tu d’un gâteau blanc sur une table propre, d’herbes cueillies avec du vinaigre très aigre, d’un vin de dattes fin avec de la moutarde piquante, d’une viande rôtie disposée sur une broche avec un peu de sel, le tout placé devant toi par quelqu’un qui ne veut pas te faire attendre par une promesse ni te torturer par un retard, et qui ensuite le fera suivre [3] de coupes d’or remplies de jus de raisin ? Est-ce cela que tu préfères, ou une grande compagnie, des coupes pleines, des desserts variés, des tapis étendus, des lumières brillantes et un ménestrel habile avec un œil et un cou de gazelle ? [p. 104] « Si tu ne désires ni ceci ni cela, quel est ton verdict concernant la viande fraîche, le poisson de rivière, l’aubergine frite, [4] le vin de Quṭrubbul [5] les pommes cueillies, [6] un lit moelleux sur un endroit élevé, en face d’une rivière rapide, une fontaine jaillissante et un jardin avec des ruisseaux dedans ? » « Ísá ibn Hishám a raconté : Alors j’ai dit : « Je suis l’esclave de tous les trois. » Le garçon a dit : « Et je suis donc leur serviteur, s’ils étaient seulement présents. » J’ai alors dit : « Que Dieu ne te bénisse pas ! Tu as ravivé des désirs que le désespoir avait détruits, et maintenant tu as saisi leur palais. [7] De quelles ruines viens-tu ? » Il a dit :
« Je suis des citoyens d’Alexandrie, [8]
De souche saine et pure parmi eux.
L’époque et ses habitants sont stupides,
C’est pourquoi j’ai fait de ma bêtise mon coursier !
103:4 Une année de famine : Probablement en 382 H. quand les prix de la famine prévalaient à Bagdad et le pain coûtait 40 dirhems la livre (Ibn Al-Athír, ix, 66). 373, 376 et 377 H. furent aussi des années de grave sécheresse en Irak, Ibn Al-Athír, ix. ↩︎
103:5 Unis : Littéralement, liés ensemble avec le cordon des Pléiades. ↩︎
103:7 … Suivi avec : Littéralement, te donner à boire une seconde fois, ↩︎
104:1 … Brinjal : arabiisé à partir du sanskrit persan _Banganah, de l’anglais Brinjal ; du Solanum melongena, pomme folle ; ou aubergine. ↩︎
104:2 Qutrubbul: Village situé entre Bagdad et 'Okbara, réputé pour l’excellence de son vin. Il était très fréquenté par les habitants de la première ville dans leurs parties de plaisir et de débauche. ↩︎
104:3 Pommes marinées : Cf. Coran, xx, 25. ↩︎
104:4 … Tu as saisi leur palais: Les a privés de la réalisation. ↩︎
104:5 _Je suis des citoyens d’Alexandrie : Metre, kámil. ↩︎