'ÍSÁ IBN HISHÁM nous a raconté : « Alors que je revenais du Yémen et que je me dirigeais vers mon pays natal, un compagnon de voyage m’a rejoint avec ses bagages et nous avons voyagé ensemble pendant trois jours, jusqu’à ce que la montagne m’attire et que la plaine l’engloutisse. Alors je suis monté et il est descendu. J’ai voyagé vers l’est et il est allé vers l’ouest, mais j’ai regretté de m’être séparé de lui après que la montagne et sa rudesse se soient emparées de moi et que la vallée et sa profondeur l’aient saisi. »
"Par le ciel ! la séparation d’avec lui m’a laissé désireux de lui, et il m’a laissé souffrir de son absence après lui. Or, quand je me suis séparé de lui, c’était un homme riche et beau, d’apparence agréable [130] et parfait. Eh bien, le temps nous a porté ses coups, mais je l’ai imaginé à moi-même à tout moment, et je me suis rappelé à lui à chaque instant, et je ne pensais pas que le temps m’aiderait à le rejoindre ou à travers lui, jusqu’à ce que je sois arrivé à Shiraz.
« Or, un jour, tandis que j’étais dans ma chambre, [2] tout à coup apparut devant moi un vieillard dont la pauvreté avait gâté le visage, [3] dont le temps avait entièrement épuisé l’éclat, dont la maladie avait courbé la droiture, et dont la misère avait coupé les ongles ; avec un visage plus misérable que son état actuel, un vêtement plus affreux que son état, des gencives sèches et des lèvres desséchées, des pieds boueux, une main couverte d’ampoules, [4] des canines que le malheur avait détruites, et une existence amère. Et il me salua. Mon œil le dédaigna, mais je lui rendis son salut. Il dit alors : « Ô Dieu, rends-nous meilleurs que l’on ne le pense. » Je lui ai donc lissé les rides de mon visage, [5] lui ai ouvert l’oreille et lui ai dit : « Continue [6] ton histoire ! » Il dit alors : « Je t’ai allaité au sein de l’alliance et j’ai partagé avec toi les rênes de la protection [7] et, de l’avis des sages, la connaissance est sacrée et l’amitié est la parenté. » Je dis alors : « Es-tu un concitoyen ou un membre d’une tribu ? » Il dit : « Rien ne nous unit sauf la terre d’exil, et rien ne nous lie ensemble sauf la relation de voisinage. » Alors je demandai : « Quelle route nous liait tous deux par un même cordon ? » Il répondit : « La route du Yémen. » ‘Ísá ibn Hishám dit : Alors je demandai : « Es-tu Abú’l Fatḥ al-Iskanderí ? » Il répondit : « Je suis cette personne. » J’ai dit : [p. 131] « Comme tu es devenu maigre depuis que tu t’es séparé de moi, et tu as changé au-delà de ma reconnaissance ; expose donc devant moi tout ton cas et la cause de ton état désordonné. » Il a dit : « J’ai épousé une belle femme de basse souche, [8] et je suis affligé d’une fille d’elle. Donc à cause d’elle je suis dans l’affliction, et elle m’a dépouillé de ma vie et a sapé ma vigueur juvénile. » J’ai dit : « Pourquoi ne divorces-tu pas complètement d’elle et ne sois-tu pas en paix ? » [9]
129:4 Shiráz : La capitale de la province de Fárs située à 112 miles de Bushire et 220 parasanges de Nishapur. ↩︎
130:1 … Ma chambre : Littéralement, un enclos pour les chameaux. ↩︎
130:2 … avait gâché : littéralement, avait recouvert de poussière. ↩︎
130:4 … Et une main boursouflée : Cf. … J’avais moulu au moulin jusqu’à ce que mes deux mains soient boursouflées (Musnad, p. 106). ↩︎
130:5 J’ai lissé pour lui les rides de mon visage: C’est-à-dire que j’ai cessé de froncer les sourcils et de froncer les sourcils. ↩︎
130:6 … Procéder : aussi … et …. C’est un mot qui dénote le désir de parler. Avec ﮦ quiescent, …, il est utilisé pour réprimander ou contrôler, et signifie … ça te suffit. ↩︎
130:7 … Le rêne de protection : Une allusion au partenariat de deux personnes dans une chose particulière, à l’exclusion du reste des articles ou de la propriété de l’une ou l’autre. ↩︎
131:1 … Une belle femme de basse extraction: Littéralement, la verdure d’un tas de fumier. Cf. hébreu דֹמן fumier, c’est-à-dire de l’enclos où les chameaux étaient gardés pendant le séjour de la tribu à un certain endroit. Lorsque la tribu s’éloignait, l’endroit se couvrait d’une herbe verte riche mais rance, très agréable à l’œil mais grossière et immangeable. Une tradition du Prophète dit: … « Méfiez-vous des tas de fumier verts », qu’il expliqua comme signifiant « une belle femme de basse extraction. » Voir Ḥarírí, i, 48; et Proverbes arabes, i, 48. ↩︎
131:2 Pourquoi ne la répudie-tu pas définitivement ? Voir Coran, ii, 229-30.
Ce maqáma ne se termine pas avec les lignes conventionnelles de la poésie. ↩︎