‘ÍSÁ IBN HISHÁM nous raconta : J’avais fait le vœu de donner un dinar en aumône au plus grand mendiant de Bagdad. Je me suis renseigné à son sujet et on m’a dirigé vers Abú’l Fatḥ al-Iskanderí. Je suis donc allé le voir pour lui donner ce dinar et je l’ai trouvé parmi quelques compagnons qui s’étaient rassemblés en cercle autour de lui. Alors j’ai dit : « Ô fils de Sásán, qui d’entre vous connaît le mieux son métier et est le plus habile dans son art pour que je puisse lui donner ce dinar ? » Al-Iskanderí a dit : « Je le suis. » Un autre de la compagnie a dit : « Non, mais je le suis. » Alors ils se sont disputés et ont disputé jusqu’à ce que je dise : « Que chacun d’entre vous insulte son camarade, alors celui qui remporte la maîtrise emporte le butin, et celui qui triomphe s’empare du butin. » [1] Alors al-Iskanderí a dit : « Ô froid de la vieille femme ! [2] Ô étouffement de Tammuz ! [3] Ô [p. 165] saleté du gobelet ! [4] Ô dirhem non courant ! Ô conversation des chanteurs ! [5] Ô année malheureuse ! Ô étoile malchanceuse ! Ô oppression du cauchemar ! [6] Ô mal de tête affreux ! Ô Ummú Ḥubein ! [7] Ô ophtalmie ! Ô matin de séparation ! Ô éloignement des amis ! Ô heure de la mort ! Ô scène du martyre d’al-Ḥusain ! Ô fardeau de la dette ! Ô marque d’infamie ! Ô messager infortuné ! Ô banni pour sa méchanceté ! Ô bouillie d’ail ! Ô désert du Zaqqum ! [8] Ô refusant de prêter les choses de la maison ! Ô année de la peste bubonique ! Ô esclave rebelle ! Ô clause damnatoire ! Ô discours souvent répété ! Ô pire que (till) dans diverses constructions ! Ô ver des latrines ! Ô vêtement de fourrure dans les quartiers d’été ! Ô toux de l’hôte, quand le pain est rompu ! Ô rot de l’ivrogne ! Ô haleine fétide [p. 166] des faucons ! Ô piquet de la tente ! [9] Ô support [10] du pot ! Ô mercredi non récurrent ! [11] Ô avarice des vaincus aux dés ! Ô grognement de la langue ! Ô lotium spadonis ! Ô nourriture des aveugles ! Ô intercession des nus ! [12] Ô samedi des enfants ! [13] Ô lettre de condoléances ! [14] Ô mare d’impuretés ! Ô avarice de l’homme d’Ahwaz ! [15] Ô bavardage de l’homme de Rayy ! [16] Par les cieux ! si tu posais un de tes pieds sur Arwand [17] et l’autre sur Demawand, [18] prenais dans ta main l’arc-en-ciel et cardais les nuages dans les vêtements des anges, tu ne serais qu’un cardeur de laine !
Alors l’autre dit : « Ô dresseur de singes ! Ô feutre des Juifs ! Ô haleine fétide des lions ! Ô néant dans l’existence ! Ô chien en lutte ! Ô singe sur le tapis ! Ô citrouille à pouls ! [19] Ô moins que rien ! Ô vapeurs de naphte ! [20] Ô puanteur de l’aisselle ! Ô déclin du pouvoir ! Ô auréole de la mort ! Ô plus vil que celui à qui s’accroche la honte du divorce et refuse de rendre la dot du mariage ! Ô boue de la route ! Ô eau prise en état de jeûne ! [21] Ô secoueur d’os ! [22] Ô accélérateur de digestion ! Ô tartre des dents ! Ô saleté des oreilles ! Ô plus dur que la corde de fibre de coco ! Ô moins qu’un faux ! [23] Ô plus traître qu’une larme ! Ô plus rebelle qu’une aiguille ! Ô direction de la botte ! Ô lieu d’atterrissage des palmiers ! Ô le mot [167] « voudrais-tu » ! Ô fuite de la maison ! Ô telle et telle ! [24] Par le ciel ! si tu plaçais ton séant sur les étoiles et étendais tes pieds jusqu’aux limites du monde, si tu prenais Sirius comme une botte et les Pléiades comme un vêtement, et si tu faisais du ciel un métier à tisser, si tu tissais l’air en un manteau, si tu faisais sa trame avec le vautour volant et la tissais avec la sphère tournante, tu ne serais qu’un tisserand ! » [25]
‘Isá ibn Hishám a dit : « Par le ciel ! Je ne savais pas lequel des deux je devais préférer, car rien ne sortait d’eux sauf un langage merveilleux, une aptitude merveilleuse et une inimitié intense. J’ai donc laissé le dinar devant eux sans partage et je ne sais pas ce que le Temps a fait d’eux. »
164:2 … Celui qui vaincra prendra le butin: Freytag, Proverbes arabes, i, 677, Cf. Hébreu בָן butin. ↩︎
164:3 Le rhume de la vieille femme : C’est-à-dire les quatre derniers jours de février et les trois premiers jours de mars, ainsi appelés parce qu’ils sont la dernière partie (…) de l’hiver. ↩︎
164:4 Tammuz: Mois syrien consacré dans l’antiquité au dieu de ce nom, correspondant au mois de juillet. Ce dieu est mentionné dans Ezéchiel, viii, 14. ↩︎
165:1 … Al-Kúz: Une bouteille d’eau, un gobelet, arabisé du persan …. ↩︎
165:2 Conversation des chanteurs: Évidemment c’est le chant des chanteurs et non leur conversation que les gens veulent entendre. ↩︎
165:3 … Oppression du cauchemar : Certains pensent que ce n’est pas un mot arabe et que le mot approprié est … (Lane, p. 2588). Je ne vois aucune difficulté, cependant, à faire évoluer ce sens à partir de la racine … il a pressé ou serré. ↩︎
165:4 Ummu Ḥubein : Une espèce de lézard puant. ↩︎
165:5 Zaqqum: Une certaine sorte d’arbre ayant de petites feuilles, malodorantes et amères, trouvées dans le Tehameh, également le nom de l’arbre infernal dont le fruit est la nourriture des gens de l’enfer. Voir Baiḍáwí, ii, 172. ↩︎
165:6 O piquet de la tente : Cf. plus échevelé qu’un piquet de tente. Freytag, Proverbes arabes, i, 706. ↩︎
165:7 … Prop: Littéralement, la poignée de la meule supérieure, ↩︎
165:8 … Mercredi non récurrent : Les mercredis malchanceux du mois, auxquels ceci est une allusion, sont ceux qui ont le nombre quatre, par exemple le quatrième ou le quatorzième du mois, le quatorzième ou le vingt-quatrième, ou le quatrième avant la fin du mois. Mas‘údí, Les Prairies D’or, iii, 422. Freytag, Proverbes arabes, i, 276 et Meidaní (édition Bulak), i, 139, lorsqu’il arrive à la fin du mois. ↩︎
165:9 O intercession de celui qui est nu: C’est-à-dire, celui qui est si complètement démuni qu’il a besoin de demander pour lui-même, et non pour les autres. Pour le sentiment opposé, voir Aghání, viii, 182. ↩︎
165:10 O Samedi des enfants : Succédant à la fête du vendredi, Cf. argot scolaire anglais, Black Monday. ↩︎
165:11 O lettre de condoléances ! Parce qu’on suppose que c’est une chose très difficile à écrire si le défunt n’est pas un proche parent, ou parce que c’est une chose douloureuse à lire pour quelqu’un qui est en deuil. ↩︎
166:1 Avarice de l’homme d’Ahwaz: Les gens d’Ahwaz étaient connus pour leur avarice, leur stupidité et la bassesse de leurs inclinations. Yaqút, i, 411, 12. ↩︎
166:2 Le bavardage de l’homme de Rayy: Le mot … signifie aussi indiscrétion, ou immodération de toute sorte, mais je n’ai pas pu trouver de preuve que les gens de Rayy étaient connus pour l’une de ces choses. ↩︎
166:3 Arwand : ou Elwand, l’Oronte des anciens, au pied duquel se trouve la ville de Hamadhán. ↩︎
166:4 Demawand: Une montagne au nord de Téhéran. Ses pieds seraient donc à plus de deux cents milles l’un de l’autre ! ↩︎
166:5 … Pulse: arabisé du persan … sanskrit másha, pois. ↩︎
166:6 O vapeurs de naphta ! : Apparemment un véritable mot arabe de …. Elle (l’eau) jaillit ou jaillit, et … ce qui suinte ou exsude d’une montagne comme si c’était la sueur des flancs du rocher. (Lane’s Lexicon art. … p. 2759) Cf. grec ναφθα qui est probablement un mot emprunté à l’arabe. ↩︎
166:7 … En état de jeûne : Tout ce qui est mangé ou bu en état de jeûne. Le texte est mal vocalisé, car … lire …. ↩︎
166:8 Secoueur d’os : C’est-à-dire, fièvre. ↩︎
166:9 … Un fals : Une petite pièce de cuivre, la quarante-huitième partie d’un dirhem, c’est-à-dire environ un demi-farthing. Un mot emprunté à l’araméen. ↩︎
167:1 O tel et tel: Ou « tel et tel », se référant à quelque chose de trop grossier pour être mentionné. Cf. Ḥarírí, p. 235, ligne 3., et voir Wright’s Grammar, i, 268. ↩︎
167:2 … Un tisserand: La vocation du tisserand semble avoir été considérée par les Arabes comme dégradante. Cf. Lettres, p. 273, « En vérité, on apprend à se raser sur la tête des tisserands », également Yaqút, Dictionnaire géographique, iv, 1036. Cf. Ḥarírí, p. 31, au sujet du dinar, et p. 628 pour un exemple d’abus mutuel similaire ; voir aussi Horace, Satires, Livre I, Satire 7.
Ce maqáma ne contient aucune poésie. ↩︎