[ p. 1 ]
KÂRÂṄGA SÛTRA.
PREMIER LIVRE [^91].
PREMIÈRE LEÇON [^92], APPELÉE CONNAISSANCE DE L’ARME.
Ô toi qui vis longtemps (Gambûsvâmin [^94]) ! J’ai (Sudharman) entendu le discours suivant du vénérable (Mahâvîra) : (1)
Français Ici, beaucoup ne se souviennent pas s’ils sont descendus dans une direction orientale (lorsqu’ils sont nés dans ce monde), ou dans une direction méridionale, ou occidentale, ou septentrionale, ou dans la direction d’en haut, ou dans la direction d’en bas, ou dans une direction intermédiaire (entre les points cardinaux), ou dans une direction intermédiaire entre ceux-ci (et les [ p. 2 ] points cardinaux). (2) De même, certains ne savent pas si leur âme naît encore et encore ou non ; ni ce qu’ils étaient autrefois, ni ce qu’ils deviendront après être morts et avoir quitté ce monde. (3) Or, voici ce qu’il faut savoir, soit par sa propre connaissance, soit par l’instruction du plus haut (c’est-à-dire un Tîrthakara), ou l’avoir entendu d’autres : qu’il est descendu dans une direction orientale, ou dans toute autre direction (particulièrement précisée ci-dessus). De même, certains savent que leur âme naît encore et encore, qu’elle arrive dans telle ou telle direction, quelle qu’elle soit. (4) Il croit en l’âme [2], croit au monde [3], croit en la récompense [4], croit en l’action (reconnue comme étant notre propre œuvre dans des jugements comme ceux-ci) : « Je l’ai fait ; » « Je ferai en sorte qu’un autre le fasse ; » « Je permettrai à un autre de le faire [5]. » Dans le monde, ce sont toutes les causes du péché [6], qui doivent être comprises et renoncées. (5) Un homme qui ne comprend pas et ne renonce pas aux causes du péché, descend dans une direction cardinale ou intermédiaire, erre dans toutes les directions cardinales ou intermédiaires, naît encore et encore dans de multiples naissances, éprouve tous les sentiments douloureux. (6) À ce sujet, le Vénérable a enseigné [ p. 3 ] la vérité (compréhension et renonciation). Pour la splendeur, l’honneur et la gloire de cette vie, pour la naissance, la mort et la libération finale, pour la suppression de la souffrance, toutes ces causes de péché sont à l’œuvre, et il faut les comprendre et y renoncer en ce monde. Celui qui, dans le monde, comprend et renonce à ces causes de péché est appelé un sage connaissant la récompense (muni). Ainsi dis-je [7]. (7)
Le monde (vivant) est affligé, misérable, difficile à instruire et sans discrimination. Dans ce monde plein de douleur, souffrant par leurs différents actes, voyez les obscurs causer une grande douleur. (1) Voyez ! Il y a des êtres individuellement incarnés (dans la terre ; pas une seule âme universelle). Voyez ! Il y a des hommes qui [ p. 4 ] se contrôlent, (tandis que d’autres seulement) prétendent être sans abri (c’est-à-dire des moines, tels que les Bauddhas, dont la conduite ne diffère pas de celle des chefs de famille), car on détruit ce (corps terrestre) par des actions mauvaises et nuisibles, et bien d’autres êtres, en outre, qu’on blesse au moyen de la terre, par ses actes liés à la terre. (2) À ce sujet, le Révéré a enseigné la vérité : pour la splendeur, l’honneur et la gloire de cette vie, pour la naissance, la mort et la libération finale, pour la délivrance de la souffrance, l’homme commet un péché envers la terre, ou incite ou permet aux autres d’agir ainsi. Cela le prive du bonheur et de la sagesse parfaite. Il en est informé lorsqu’il a compris ou entendu, soit du Révéré, soit des moines, la foi convoitée. (3) Certains, en vérité, savent que cela (c’est-à-dire nuire) est l’esclavage, l’illusion, la mort, l’enfer. C’est à cela [9] que aspire l’homme lorsqu’il détruit ce corps terrestre par des actes mauvais et nuisibles, et bien d’autres êtres, qu’il nuit par le moyen de la terre, par ses actes relatifs à la terre. Ainsi parle-je. (4)
Comme quelqu’un peut couper ou frapper un aveugle (qui ne peut pas voir la blessure), comme quelqu’un peut couper ou frapper le pied, la cheville, le genou, la cuisse, la hanche, le nombril, le ventre, le flanc, le dos, la poitrine, le cœur, la poitrine, le cou, le bras, le doigt, l’ongle, l’œil, le front, le front, la tête, comme certains tuent (ouvertement), comme certains extirpent [ p. 5 ] (secrètement), (ainsi les corps terrestres sont coupés, frappés et tués bien que leur sentiment ne soit pas manifeste). (5)
Celui qui porte atteinte à ces corps terrestres ne comprend pas et ne renonce pas aux actes pécheurs ; celui qui ne les porte pas atteinte, les comprend et n’y renonce pas. Les connaissant, un homme sage ne devrait pas agir pécheur envers la terre, ni inciter les autres à agir ainsi, ni permettre aux autres d’agir ainsi. Celui qui connaît ces causes de péché relatives à la terre est appelé un sage connaissant la récompense. Ainsi dis-je. (6)
(Ainsi je dis) : Celui qui agit avec droiture, qui accomplit une œuvre pieuse, qui ne commet aucune tromperie, est appelé sans-abri. (1) Il faut, en conquérant le monde, persévérer dans la foi qu’on avait à l’entrée dans l’ordre ; les héros (de la foi), humblement inclinés, (devraient conserver leur croyance en) la voie illustre (vers la libération finale) et dans le monde (des étendues d’eau) ; les ayant bien compris grâce à l’instruction (de Mahâvîra), (ils devraient conserver) ce qui ne présente aucun danger (c’est-à-dire la maîtrise de soi). Ainsi je dis. (2) L’homme ne devrait pas (lui-même) nier le monde (des étendues d’eau), ni renier son propre moi. Qui renie le monde (des étendues d’eau), renie son propre moi ; et qui renie son propre moi, renie le monde (des étendues d’eau). (3)
Voyez ! il y a des hommes qui se contrôlent ; [ p. 6 ] d’autres prétendent seulement être sans abri ; car l’un détruit cette (étendue d’eau) par des actions mauvaises et nuisibles, et bien d’autres êtres, en outre, qu’il blesse au moyen de l’eau, par ses actes liés à l’eau. (4) À ce sujet, le Vénérable a enseigné la vérité : pour la splendeur, l’honneur et la gloire de cette vie, pour la naissance, la mort et la libération finale, pour la suppression de la douleur, l’homme agit pécheur envers l’eau, ou fait agir les autres ainsi, ou permet aux autres d’agir ainsi. (5) Cela le prive du bonheur et de la sagesse parfaite. À ce sujet, il en est informé lorsqu’il a compris et entendu du Vénérable, ou des moines, la foi à convoiter. Certains savent, en vérité, que cela (le mal) est l’esclavage, l’illusion, la mort, l’enfer. C’est à cela que aspire l’homme lorsqu’il détruit cette masse d’eau par des actes mauvais et nuisibles, ainsi que bien d’autres êtres qu’il blesse par l’eau, en commettant des actes liés à l’eau. Ainsi parle-t-il. (6)
Il y a des êtres vivant dans l’eau, de multiples vies ; en vérité, pour les moines, l’eau a été déclarée matière vivante. Voyez ! Considérant les dommages causés aux plans d’eau, ces actes (qui sont des dommages, mais doivent être accomplis avant l’utilisation de l’eau, par exemple filtrer) ont été clairement déclarés. De plus, celui qui utilise de l’eau non filtrée enlève ce qui n’a pas été donné (c’est-à-dire les corps des vies aquatiques). (Un Bauddha objectera) : « Nous avons la permission, nous avons la permission de la boire, ou (de la prendre) pour la toilette. » Ainsi, ils détruisent les plans d’eau par divers dommages. Mais en cela, leur doctrine n’a aucune autorité.
Celui qui porte atteinte à ces [étendues d’eau] ne comprend pas et ne renonce pas aux actes pécheurs ; celui qui ne les porte pas atteinte les comprend et ne renonce pas. (7) Les connaissant, un homme sage ne devrait pas agir pécheur envers l’eau, ni inciter les autres à agir ainsi, ni permettre aux autres d’agir ainsi. Celui qui connaît ces causes de péché liées à l’eau est appelé un sage connaissant la récompense. Ainsi dis-je. (8)
(Ainsi je dis) : Un homme ne devrait pas, de son propre chef, nier le monde (des corps de feu), ni se renier lui-même. Celui qui nie le monde (des corps de feu), nie le soi ; et celui qui nie le soi, nie le monde (des corps de feu). (1) Celui qui sait que (c’est-à-dire le feu) par lequel on nuit aux corps durables (c’est-à-dire les plantes) [11], sait aussi ce qui ne nuit pas (c’est-à-dire le contrôle) ; et celui qui sait ce qui ne nuit pas, sait aussi ce par lequel on ne nuit pas aux corps durables. (2) Ceci a été vu par les héros (de la foi) qui ont vaincu l’ignorance ; car ils se contrôlent, s’efforcent toujours, se préoccupent toujours de leur devoir. Celui qui est insouciant du devoir et désire les qualités (c’est-à-dire le plaisir et le profit qui peuvent être tirés des éléments) est appelé le tourment [12] (des êtres vivants). Sachant cela, un homme sage (résolu) : « Maintenant (je ne ferai) plus ce que je faisais auparavant sans discernement. » (3) Voyez ! Il y a des hommes qui se contrôlent ; d’autres prétendent seulement être sans abri ; car l’un détruit ce (corps de feu) par des actions mauvaises et nuisibles, et bien d’autres êtres, en outre, qu’il blesse au moyen du feu, en accomplissant des actes liés au feu. À ce sujet, le Vénérable a enseigné la vérité : pour la splendeur, l’honneur et la gloire de cette vie, pour la naissance, la mort et la libération finale, pour la suppression de la douleur, l’homme agit pécheur envers le feu, ou fait agir les autres ainsi, ou permet aux autres d’agir ainsi. (4) Cela le prive du bonheur et de la sagesse parfaite. Il en est informé lorsqu’il a compris, ou entendu du Vénérable ou des moines, la foi convoitée. Certains savent en vérité que cela (c’est-à-dire nuire) est l’esclavage, l’illusion, la mort, l’enfer. C’est à cela que aspire l’homme lorsqu’il détruit ce corps de feu par des actes mauvais et nuisibles, ainsi que bien d’autres êtres qu’il blesse par le feu, en commettant des actes liés au feu. Ainsi parle-t-on. (5)
Il y a des êtres vivant dans la terre, dans l’herbe, dans les feuilles, dans le bois, dans la bouse de vache, dans les tas de poussière, des êtres sauteurs qui, s’approchant du feu, y tombent. Certains, certes, touchés par le feu, se ratatinent ; ceux qui s’y ratatinent y perdent la raison ; ceux qui y perdent la raison y meurent. (6)
Celui qui porte atteinte à ces corps de feu ne comprend pas et ne renonce pas aux actes pécheurs ; celui qui ne les porte pas atteinte, comprend et renonce aux actes pécheurs. Les connaissant, un homme sage ne devrait pas agir pécheur envers le feu, ni inciter les autres à agir ainsi, ni permettre aux autres d’agir ainsi. Celui qui connaît les causes du péché lié au feu est appelé un sage connaissant la récompense. Ainsi dis-je. (7)
[ p. 9 ]
« Je ne ferai pas (d’actes relatifs aux plantes) après être entré dans l’ordre, avoir reconnu (la vérité sur ces actes) et avoir conçu ce qui est exempt de danger (c’est-à-dire de contrôle). »
Celui qui n’accomplit aucun acte (relatif aux plantes) a cessé ses œuvres ; celui qui les a cessées est appelé « sans abri ». (1) La qualité est le tourbillon (âvatta = samsâra), et le tourbillon est la qualité. Regardant vers le haut, le bas, le côté, l’est, il voit des couleurs, entendant des sons ; (2) aspirant vers le haut, le bas, le côté, l’est, il s’attache aux couleurs et aux sons. C’est ce qu’on appelle le monde ; s’il n’est pas protégé contre lui, s’il n’obéit pas à la loi (des Tîrthakaras), s’il savoure les qualités, s’il se conduit mal, il vivra sans raison dans une maison (c’est-à-dire appartiendra au monde). (3)
Voyez ! il y a des hommes qui se contrôlent ; d’autres prétendent seulement être sans abri, car l’un détruit cela (le corps d’une plante) par des actions mauvaises et nuisibles, et bien d’autres êtres, en outre, qu’il nuit au moyen des plantes, en accomplissant des actes liés aux plantes. (4) À ce sujet, le Vénérable a enseigné la vérité : pour la splendeur, l’honneur et la gloire de cette vie, pour la naissance, la mort et la libération finale, pour la suppression de la douleur, l’homme agit pécheur envers les plantes, ou fait agir les autres ainsi, ou permet aux autres d’agir ainsi. Cela le prive du bonheur et de la sagesse parfaite. Il en est informé lorsqu’il a compris, ou entendu du Vénérable ou des moines, la foi à convoiter. Certains savent, en vérité, que cela (le fait de nuire) est l’esclavage, l’illusion, la mort, l’enfer. C’est à cela que aspire l’homme lorsqu’il détruit ce corps végétal par des actes mauvais et nuisibles, ainsi que bien d’autres êtres qu’il nuit par le biais des plantes, par ses actes liés aux plantes. Ainsi parle-t-il. (5)
Français Comme la nature de ceci (c’est-à-dire les hommes) est de naître et de vieillir, ainsi est la nature de cela (c’est-à-dire les plantes) de naître et de vieillir ; comme ceci a raison, ainsi cela a raison [13] ; comme ceci tombe malade quand on le coupe, ainsi cela tombe malade quand on le coupe ; comme ceci a besoin de nourriture, ainsi cela a besoin de nourriture ; comme ceci pourrira, ainsi cela pourrira ; comme ceci n’est pas éternel, donc cela n’est pas éternel ; comme ceci prend de l’accroissement, ainsi cela prend de l’accroissement ; comme ceci change, ainsi cela change. (6) Celui qui nuit à ces (plantes) ne comprend pas et ne renonce pas aux actes pécheurs [ p. 11 ] ; celui qui ne leur nuit pas, comprend et renonce aux actes pécheurs. Les connaissant, un homme sage ne devrait pas agir pécheur envers les plantes, ni faire en sorte que les autres agissent ainsi, ni permettre aux autres d’agir ainsi. Celui qui connaît les causes du péché liées aux plantes est appelé un sage connaissant la récompense. Ainsi parle-t-on. (7)
Français Ainsi je dis : Il y a des êtres appelés animés, à savoir ceux qui sont produits 1. à partir d’œufs (oiseaux, etc.), 2. à partir d’un fœtus (comme les éléphants, etc.), 3. à partir d’un fœtus avec une membrane enveloppante (comme les vaches, les buffles, etc.), 4. à partir de fluides (comme les vers, etc.), 5. à partir de la sueur (comme les punaises, les poux, etc.), 6. par coagulation (comme les sauterelles, les fourmis, etc.), 7. à partir de germes (comme les papillons, les bergeronnettes, etc.), 8. par régénération (hommes, dieux, êtres de l’enfer). Ceci est appelé le Samsâra (1) pour les lents, pour les ignorants. Après mûre réflexion, après l’avoir bien observé, je dis ceci : tous les êtres, ceux qui ont deux, trois ou quatre sens, les plantes, ceux qui ont cinq sens, et le reste de la création, éprouvent individuellement plaisir ou déplaisir, douleur, grande terreur et malheur. Les êtres sont remplis d’inquiétude de toutes parts. Voyez ! Là, les obscurs causent une grande douleur. Voyez ! Il y a des êtres incarnés individuellement. (2)
Voyez ! Il y a des hommes qui se maîtrisent ; d’autres prétendent seulement être sans abri, car l’un détruit ce corps (un animal) par des actes mauvais et nuisibles, et bien d’autres êtres, en outre, auxquels il nuit par le biais des animaux, en commettant des actes liés aux animaux. (3) À ce sujet, le Révéré a enseigné la vérité : pour la splendeur, [ p. 12 ] l’honneur et la gloire de cette vie, pour la naissance, la mort et la libération finale, pour la suppression de la douleur, l’homme agit pécheur envers les animaux, ou incite les autres à agir ainsi, ou permet aux autres d’agir ainsi. Cela le prive du bonheur et de la sagesse parfaite. À ce sujet, il est informé, lorsqu’il a compris, ou entendu du Révéré ou des moines, la foi à convoiter. Certains savent, en vérité, que cela (le fait de nuire) est l’esclavage, l’illusion, la mort, l’enfer. C’est à cela que aspire l’homme lorsqu’il nuit à cet animal par des actes mauvais et nuisibles, ainsi qu’à bien d’autres êtres, auxquels il nuit par le biais d’animaux, par des actes relatifs aux animaux. Ainsi parle-t-il. (4)
Certains tuent (des animaux) à des fins sacrificielles, d’autres pour leur peau, d’autres pour leur chair, d’autres encore pour leur sang ; ainsi pour leur cœur, leur bile, les plumes de leur queue, leurs cornes, grandes ou petites, leurs dents, leurs défenses, leurs ongles, leurs tendons, leurs os [14] ; avec ou sans but. Certains tuent des animaux parce qu’ils les ont blessés, ou parce qu’ils sont blessés, ou parce qu’ils le seront. (5)
Celui qui nuit à ces animaux ne comprend pas et ne renonce pas aux actes pécheurs ; celui qui ne les blesse pas, comprend et renonce aux actes pécheurs. Les connaissant, un homme sage ne devrait pas agir pécheur envers les animaux, ni inciter les autres à agir ainsi, ni permettre aux autres d’agir ainsi. Celui qui connaît [ p. 13 ] ces causes de péché relatives aux animaux est appelé un sage connaissant la récompense. Ainsi dis-je. (6)
Celui qui est réfractaire au vent connaît le malheur. Sachant ce qui est mauvais, celui qui le connaît par rapport à lui-même le connaît par rapport au monde extérieur ; et celui qui le connaît par rapport au monde extérieur le connaît par rapport à lui-même : cette réciprocité (entre soi et les autres) est à prendre en compte. Ceux qui sont apaisés, libérés des passions, ne désirent pas vivre. (1)
Voyez ! Il y a des hommes qui se maîtrisent ; d’autres prétendent être sans abri, car l’un détruit ce corps (le vent) par des actes mauvais et nuisibles, ainsi que bien d’autres êtres, auxquels il nuit par le vent, en commettant des actes liés au vent. (2) À ce sujet, le Révéré a enseigné la vérité : pour la splendeur, l’honneur et la gloire de cette vie, pour la naissance, la mort et la libération finale, pour soulager la douleur, l’homme commet des péchés envers le vent, ou incite ou permet aux autres d’agir ainsi. Cela le prive du bonheur et de la sagesse parfaite. Il en est informé lorsqu’il a compris, ou entendu du Révéré ou des moines, la foi convoitée. Certains, en vérité, savent que c’est l’esclavage, l’illusion, la mort, l’enfer. C’est à cela que aspire l’homme lorsqu’il détruit ce corps (le vent) par des actes mauvais et nuisibles, ainsi que bien d’autres êtres qu’il nuit par le vent, en commettant des actes liés au vent. Ainsi parle-t-il. (3)
[ p. 14 ]
Il y a des êtres sauteurs qui, s’approchant du vent, y tombent. Certains, certes, touchés par le vent, se ratatinent ; ceux qui s’y ratatinent y perdent la raison ; ceux qui y perdent la raison y meurent. (4)
Celui qui porte atteinte à ces corps (les corps du vent) ne comprend pas et ne renonce pas aux actes pécheurs ; celui qui ne les porte pas atteinte, comprend et renonce aux actes pécheurs. Les connaissant, un homme sage ne devrait pas agir pécheur envers le vent, ni inciter les autres à agir ainsi, ni permettre aux autres d’agir ainsi. Celui qui connaît ces causes de péché liées au vent est appelé un sage connaissant la récompense. Ainsi dis-je. (5)
Sachez qu’à ce sujet (le corps du vent), sont également impliqués dans le péché ceux qui ne se réjouissent pas de la bonne conduite et, tout en accomplissant leurs actes, parlent de discipline religieuse, qui, se conduisant selon leur propre volonté, poursuivant les plaisirs sensuels et se livrant à leurs actes, sont adonnés aux mondanités. Celui qui possède la vraie connaissance de toutes choses ne commettra aucun acte de péché et n’en incitera pas d’autres à en commettre.
(6) Les connaissant, un homme sage ne devrait pas pécher envers l’ensemble des six vies, ni inciter les autres à agir ainsi, ni permettre qu’ils agissent ainsi. Celui qui connaît ces causes de péché relatives à l’ensemble des six vies est appelé un sage connaissant la récompense. Ainsi dis-je. (7)
Fin de la première conférence, intitulée Connaissance de l’arme.
[^92] : 1:1 Suyakkhamdha, srutaskandha.
[^94] : 1:3 Uddesaya, uddesalias.
[^106] : 7 : 2 Damda.
1:2 Agghayana, adhyayana. La première conférence est appelée sattha-parinnâ (sastra-parigñâ), « connaissance de l’arme ». Les armes se divisent en armes matérielles et en armes consistant en un état (bhâva). Ce dernier est expliqué comme étant le non-contrôle (asamyama) ou le mauvais usage de l’esprit, de la parole et du corps. La connaissance (parigñâ) est double : la compréhension et le renoncement. Le sujet de la première conférence est donc la compréhension et le renoncement à tout ce qui nuit aux autres êtres. ↩︎
1:4 Gambûsvâmin était le disciple de Sudharman, l’un des onze principaux disciples (ganadhara) de Mahâvira. ↩︎
2:1 C’est-à-dire dans une âme permanente, différente du corps. Ceci est dit contre les Kârvâkas. ↩︎
2:2 C’est-à-dire la pluralité des âmes, et non pas une seule âme universelle, comme le disent les Védantins. ↩︎
2:3 Kamma (karma) est ce qui obscurcit notre intellect, etc. Son résultat est la condition de souffrance des hommes, sa cause est l’action (kiriyâ, kriyâ). ↩︎
2:4 Les différents temps employés dans ces phrases impliquent, selon les commentateurs, la reconnaissance de la réalité du temps, comme passé, présent, futur. ↩︎
2:5 Kamma-samârambha. Kamma a été expliqué ci-dessus. Samârambha, une action spéciale (kriyâ), est le fait de s’engager dans quelque chose de blâmable (sâvadyânushthâna). ↩︎
3:1 Ces mots (tti bemi) figurent à la fin de chaque leçon. Les commentateurs les utilisent également au début de chaque leçon. ↩︎
3:2 Après que les principaux principes du Gainisme concernant l’âme et les actions ont été brièvement exposés dans la première leçon, les six leçons restantes de la première conférence traitent des actions qui nuisent aux six classes de vies ou d’âmes. Les Gainas semblent être parvenus à leur concept de l’âme, non par la recherche du Soi, principe immuable et existant en soi dans le monde toujours changeant des phénomènes, mais par la perception de la vie. Car le terme Gaina le plus général pour l’âme est la vie (gîva), qui est identique au soi (âyâ, âtman). Il existe d’innombrables vies ou âmes, incarnées non seulement dans les animaux, les hommes, les dieux, les êtres infernaux (tasa, trasa) et les plantes (vanassaî, vanaspati), mais aussi dans les quatre éléments : la terre, l’eau, le feu, le vent. La terre, etc., considérée comme le lieu de résidence des vies, est appelée corps terrestre, etc. Ces corps ne sont perceptibles que lorsqu’un nombre infini d’entre eux sont réunis en un même lieu. Les vies terrestres, etc., ne possèdent qu’un seul organe, celui du sentiment ; elles ont un intellect et des sentiments (vedanâ) non développés, mais pas de membres, etc. Les doctrines concernant ces vies élémentaires sont exposées dans le Niryukti de notre Sûtra par Bhadrabâhu, et sont commentées dans le grand commentaire de Sîlâṅka. Elles sont très absconses et traitent des distinctions les plus infimes, qui déroutent notre compréhension. ↩︎
4:1 Ikk’ attham. Les commentateurs pensent qu’il s’agit d’une référence à la phrase : « Pour la splendeur, etc. ». Il serait plus naturel de la relier à la phrase précédente ; le sens est : « Pour l’esclavage, etc., les hommes commettent la violence, bien qu’ils croient que c’est pour le bonheur de cette vie. » ↩︎
5:1 Les êtres aquatiques dont il est question dans cette leçon sont, comme toutes les vies élémentaires, divisés en trois classes : les êtres sensibles, les êtres insensibles et les êtres mixtes. Seule l’eau qui abrite les êtres aquatiques insensibles peut être utilisée. Il faut donc filtrer l’eau avant de l’utiliser, car on pense que seules les êtres insensibles restent dans l’eau après ce processus. ↩︎
7:1 Les corps de feu ne vivent pas plus de trois jours. ↩︎
9:1 La discussion des « corps-vent », qui devrait suivre celle des corps-feu, est reportée à deux leçons consacrées au monde végétal et animal. La raison de cette interruption est, comme l’indiquent les commentateurs, que la nature du vent, en raison de son invisibilité, est sujette à caution, tandis que les plantes et les animaux sont reconnus par tous comme des êtres vivants et constituent donc le meilleur support de la théorie hylozoïste. Le fait que le vent n’ait pas été facilement admis par les anciens Indiens comme une substance particulière peut encore être reconnu dans les Sûtras philosophiques des Brahmanes. Car il y était jugé nécessaire d’examiner en détail les preuves de l’existence d’une substance particulière, le vent. Il convient de noter que le vent n’a jamais été identifié à l’air, et que les Gainas n’avaient pas encore séparé l’air de l’espace. ↩︎
10:1 Les plantes connaissent les saisons, car elles germent au bon moment, l’Asoka bourgeonne et fleurit lorsqu’il est touché par le pied d’une jeune fille bien vêtue, et le Vakula lorsqu’il est arrosé de vin ; la graine pousse toujours vers le haut : tout cela n’arriverait pas si les plantes n’avaient pas connaissance des circonstances qui les entourent. Tel est le raisonnement des commentateurs. ↩︎