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SIXIÈME LEÇON, APPELÉE LE NETTOYAGE [^230].
Celui qui est éveillé parmi les hommes prêche ; l’homme à qui toutes ces classes de vie sont bien connues prêche une sagesse incomparable. Il loue la voie de la libération pour ceux qui se dépensent bien, qui ont renoncé à la cruauté, sont zélés et dotés de savoir. Ainsi, certains grands héros sont victorieux ; mais, voyez-vous, d’autres, défaillants, ne comprennent pas le bien-être de leur âme. Ainsi, je dis. (1)
Comme dans un lac une tortue avide couverte de feuilles ne peut s’élever ; comme les arbres ne quittent pas leur place (bien que secoués par les tempêtes, etc.) : ainsi les hommes, nés dans diverses familles, pleurent amèrement parce qu’ils sont attachés aux objets des sens [^231] ; à cause de leur péché, ils n’atteignent pas la libération [^232]. (2)
Regardez maintenant ceux qui naissent dans ces familles pour récolter le fruit de leurs propres actes [1] :
Furoncles et lèpre, consomption, mal des transports, cécité et raideur, boiterie et bosse, 1
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Hydropisie et mutisme, regardez ! apoplexie (?) et maladie des yeux, tremblements et infirmité, éléphantiasis et diabète, 2
Voici les seize maladies énumérées dans l’ordre approprié ; outre elles, de nombreuses maladies et blessures surviennent.
Contemplant leur mort (celle des créatures), connaissant leurs naissances dans les régions supérieures et inférieures, contemplant le fruit (de leurs actes), écoutez cela selon la vérité.
On dit qu’il existe des êtres aveugles vivant dans l’obscurité ; une fois ou fréquemment, en les rencontrant, ils éprouvent des sensations agréables et désagréables. Ceci a été déclaré par les éveillés. (3) Il existe des êtres doués de voix, de goût, des êtres aquatiques vivant dans l’eau, des êtres vivant dans l’air : « Les êtres tourmentent les êtres. Voyez le grand danger de ce monde » ; « Les créatures sont le lot de nombreuses souffrances. Les hommes qui s’adonnent à leurs convoitises sont détruits par leur corps faible et fragile. « L’insensé travaille dur, pensant » que le malheureux souffre de nombreuses souffrances. « Sachant que ces maladies sont nombreuses, les affligés devraient-ils chercher des remèdes ? » Voyez ! Ils ne servent à rien, qu’ils disparaissent ! Sage ! voyez ce grand danger ! Ne faites de mal à personne ! Méditez. Soyez attentif ! Je proclamerai la doctrine du renoncement » (4).
Pour récolter le fruit de leurs actes, ils naissent dans ces diverses familles, ils grandissent, naissent, grandissent, s’éveillent et quittent le monde en ordre comme de grands sages. Les parents en pleurs disent à ceux qui avancent sur la voie glorieuse : « Ne nous quittez pas ! » (5) Consultant leur propre plaisir, se livrant à leurs passions, « faisant du bruit [2], les parents s’écrient : « Aucun homme qui quitte ses parents n’est (apte à devenir) un sage traversant les flots ! (L’ascète) ne s’y réfugie (dans sa famille) ; car qui pourrait l’y attirer ? »
Il devrait toujours maintenir cette connaissance ! Ainsi dis-je. (6)
Bien que certains connaissent la misère du monde, aient renoncé à leurs anciennes relations, aient renoncé à l’aisance, vivent dans la chasteté et, qu’ils soient moines ou laïcs, comprennent parfaitement la loi, ils ne sont pas capables de persévérer dans une vie religieuse. Les personnes mal intentionnées, abandonnant la robe, le bol d’aumône, la couverture et le balai, ne supportent pas les épreuves continuelles et difficiles à supporter. Celui qui préfère les plaisirs sera, maintenant ou dans une heure [3], privé [de son corps [4], pour ne pas le recouvrer], pour un temps infini. Et ainsi, ils ne franchissent pas [le samsâra], au nom de ces plaisirs qui entraînent de mauvaises conséquences et sont associés à d’autres de leur espèce. (1)
Mais certains, qui embrassent la loi, la pratiqueront, en étant attentifs à ses signes extérieurs ; ne cédant pas à la mondanité, mais en étant fermes. Connaissant (et renonçant) à toute convoitise, un homme pieux devient un grand sage lorsqu’il brise tous les liens, pensant : Rien [ p. 56 ] ne m’appartient. Un homme qui, pensant : Je suis moi [5], s’efforce pour ce (credo), cesse (d’agir), est sans abri, se promène la tête chauve. Le (moine) nu et jeûnant, qui combat la chair, sera maltraité, frappé ou blessé [6] ; il sera réprimandé pour son ancien métier, ou injurié par de faux reproches. Comptabilisant (ce traitement) par ses péchés passés, connaissant les événements agréables et désagréables, il devrait errer patiemment. En abandonnant toute mondanité [7], on devrait supporter tous les sentiments (désagréables), étant possédé de la vue juste [8]. (2)
Ceux qui, en ce monde, sans jamais revenir à la vie terrestre, suivent ma religion selon le commandement sont appelés nus. Cette doctrine suprême a été ici déclarée aux hommes. Ravie de cela, détruisant cela (c’est-à-dire l’effet des œuvres), elle abandonnera progressivement [9] le péché [^244], après en avoir pris connaissance. Ici (dans notre religion), certains vivent comme des mendiants célibataires. C’est pourquoi un homme sage devrait mener une vie ascétique en collectant des aumônes pures ou n’importe quelle aumône dans toutes sortes de familles. « Que (la nourriture) sente bon ou mauvais, ou que des bêtes terribles infligent de la douleur à (d’autres) êtres » – [ p. 57 ] tout ce qui t’arrive, tu le supporteras fermement. Ainsi je le dis. (3)
Un sage bien instruit dans la loi et menant une vie d’abstinence détruit toujours les effets des œuvres [10]. Un mendiant peu vêtu [11] et fermement maître de lui-même ne pensera pas : « Mes vêtements sont déchirés, je mendierai des vêtements neufs ; je mendierai du fil ; je mendierai une aiguille ; je raccommoderai mes vêtements ; je les repriserai ; je les réparerai ; je les revêtirai ; je m’en envelopperai. » (1)
Celui qui est nu, qui excelle dans cette (abstinence), sera souvent molesté par les (brins d’)herbe (coupants), par le froid, la chaleur, les moucherons et les moustiques. Celui qui est nu, qui provoque la pénurie (de ses besoins ou de son karman), supporte ces épreuves et bien d’autres. Il est apte à la pénitence, comme l’a déclaré le Vénérable. Comprenant cela à tous égards et de tout son esprit, il devrait parfaitement connaître la droiture. Les grands héros (c’est-à-dire les Tîrthakaras) qui ont longtemps [12] marché [ p. 58 ] dans les années précédentes [13], les dignes ont supporté les difficultés (mentionnées ci-dessus) ; dotés d’une connaissance parfaite, ils avaient des bras maigres et très peu de chair et de sang. Celui qui cesse de pécher et est éclairé est dit avoir traversé le samsâra, être libéré et avoir cessé d’agir. Ainsi dis-je. (2)
Mais le mécontentement peut-il s’emparer d’un mendiant, qui a cessé d’agir et mène une vie religieuse, se contrôlant depuis longtemps ? Il progresse dans sa carrière spirituelle et s’investit. Telle une île que les eaux ne couvrent jamais, ainsi est la loi enseignée par les nobles (un refuge sûr pour ceux qui sont en danger). Ils sont libres de désirs, à l’abri du meurtre, aimés, sages, instruits. Car leur bien a été l’effort du Révéré ; comme les oiseaux nourrissent leurs petits, ainsi les disciples doivent être instruits régulièrement jour et nuit. Ainsi dis-je. (3)
Les disciples sont ainsi régulièrement instruits, jour et nuit, par les grands héros doués de connaissance, recevant d’eux leur savoir. Certains, séduits par la tranquillité de leur esprit, adoptent des manières rudes. Certains, vivant dans la chasteté, contestent l’autorité (du maître), d’autres entendent et comprennent ses paroles ; ils entendent mener une vie pieuse, mais ayant quitté le monde [14], ils ne sont pas qualifiés (pour une vie religieuse). D’autres, irrités par les convoitises, [ p. 59 ] avides, sensuels, « ne se soucient pas de la méditation abstraite et de l’instruction religieuse : ces hommes parlent durement au maître. » C’est une seconde folie des esprits lents de qualifier de sans valeur des hommes vertueux, calmes et pratiquant la religion.
Certains, se détournant de la maîtrise de soi, invoquent la difficulté de cette pratique [15] ; d’autres, abandonnant la connaissance pure et souillant la foi, non sans dévotion, changent de vœux par amour de la vie. « Quand ils ressentent les difficultés (de la vie religieuse), ils reculent, par amour de la vie. » Leur départ du monde est un mauvais départ. (1)
Ceux qui méritent d’être qualifiés d’insensés sont nés encore et encore. Se tenant bas (en savoir ou en maîtrise), ils s’exaltent (et disent) dans leur orgueil : « Je suis instruit. » Ils parlent durement aux sans-passion ; ils leur reprochent leurs anciens métiers ou les insultent par de faux reproches [16]. Le sage, par conséquent, devrait connaître la loi. Tu aimes l’injustice, parce que tu es jeune, et tu aimes les actes, et tu dis : « Tuez les êtres » ; tu les tues ou tu consents à ce qu’ils soient tués par d’autres. (Un tel homme) pense avec mépris : « Une religion très sévère a été proclamée. » S’enfonçant dans l’opposition à la loi, il est qualifié de meurtrier. Ainsi dis-je. (2)
Certains pensent : « Qu’ai-je à faire avec tel ou tel homme ? » Ainsi, ils laissent père et mère, parents et amis, tels des héros s’efforçant, à l’abri du meurtre. Voyez ! les pieux et les calmes deviennent [ p. 60 ] découragés ; ceux qui s’élèvent, abattus. Ceux qui sont troublés par la sensualité, les lâches, deviennent des pervers de la foi [17]. C’est pourquoi la réputation de certains devient mauvaise. C’est un ascète apostat ! C’est un ascète apostat ! (3)
Voyez ! Certains, bien que vivant avec des moines religieux, pieux, calmes et dignes, ne sont ni religieux, ni pieux, ni calmes, ni dignes. Les connaissant, le savant, le sage, le héros inébranlable sera toujours victorieux grâce à la foi juste. Ainsi dis-je. (4)
En séjournant dans ou entre des maisons, dans ou entre des villages, dans ou entre des villes, dans ou entre des comtés, un moine est attaqué par des meurtriers ou soumis aux épreuves (de la vie de mendiant). Un héros devrait supporter ces épreuves. (1)
Un saint [18], doté d’une intuition juste, qui nourrit de la compassion pour le monde, à l’est, à l’ouest, au sud et au nord, devrait prêcher, propager et louer (la foi), connaissant la tradition sacrée [19]. Il devrait la proclamer parmi ceux qui s’investissent, et parmi ceux qui ne s’investissent pas [20], parmi ceux qui sont disposés à l’entendre (la parole). (2)
Sans négliger la tranquillité, l’indifférence, la patience, la libération, la pureté, la droiture, la douceur et l’absence de soucis mondains [^256], on devrait, avec la considération qui lui est due, prêcher la loi des mendiants à toutes sortes de créatures. (3)
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En prêchant avec considération la loi des mendiants, il ne faut nuire ni à soi-même, ni à autrui, ni à aucun des quatre êtres vivants. Mais un grand sage, sans nuire ni être blessé, devient un refuge pour toutes sortes de créatures affligées, telle une île que les eaux ne couvrent jamais. (4)
Ainsi, un homme qui s’efforce, qui a l’esprit stable, sans attachement, imperturbable (par la passion) mais agité (dans ses errances), n’ayant aucun désir mondain, devrait mener la vie d’un ascète.
Après avoir contemplé la belle loi, celui qui discerne est libéré.
Regardez donc la mondanité, vous les hommes, enchaînés dans les chaînes !
Ceux que la convoitise conquiert sombrent ; ne reculez donc pas devant la rigueur ! Celui qui connaît parfaitement et complètement ces actes nuisibles, dont les auteurs ne reculent pas [^257], « qui a secoué la colère, l’orgueil », l’illusion et la cupidité, « celui-là est appelé un être éloigné ». Ainsi parle-t-on. (5)
À propos de la décomposition du corps, il ne se décourage pas, mais mérite son appellation de « chef de la bataille ». Le sage qui a atteint l’autre côté, insensible et imperturbable comme une poutre, étant sous le pouvoir de la mort, désire la mort comme dissolution du corps. Ainsi parle-t-il. (6)
Fin de la sixième leçon, appelée le Nettoyage.
[^244] : 56:3 Visottiyam. Sanscrit visrotasikâ (?) = saṅkâ.
[^256] : 60:2 Oya, voir note 2, p. 52.
[^257] : 60:3 Veyavî = védavid.
53:1 Dhuta, littéralement, secoué. Comparer aux dhutaṅgas des bouddhistes. Childers’ Pâli Dict. sv ↩︎
53:4 « Récolter le fruit de ses propres actes » est, selon le commentaire, le sens de âyattâe = âtmatvâya. ↩︎
54:1 Le résultat d’actes antérieurs. ↩︎
54:2 Dhûtavâda. ↩︎
55:1 Le commentateur explique ce passage : « Nous faisons ta volonté, nous dépendons de toi (?), » alors ils crient, etc. ↩︎
55:2 C’est-à-dire après un court laps de temps. ↩︎
55:3 Le corps avec cinq organes, dans lesquels seul la libération peut être réalisée. ↩︎
56:1 Je n’ai rien à voir avec qui que ce soit d’autre. ↩︎
56:2 Lûsie. Le commentateur le traduit par lunkita, arracher les cheveux. Ce serait une opération plutôt difficile sur la tête chauve d’un moine Gaina. Lûsiya est, bien sûr, le sanskrit lûshita, blessé. ↩︎
56:4 Samiyadamsane. Le commentateur l’explique par samitadarsana. Je pense que cela correspond à samyagdarsana. ↩︎
56:5 Pariyâenam = paryâya. Le commentateur l’interprète par srâmanya. ↩︎
56:6 Âdâniggam = âdânîya. Cela signifie généralement la foi ; mais je l’ai traduit ici selon le commentaire. ↩︎
57:1 Âdânam expliqué comme des instruments qui ne sont pas nécessaires à la loi. ↩︎
57:2 Akela, littéralement, dévêtu. Mais ce terme n’a ce sens que lorsqu’il s’applique à un ginakalpika. Un ginakalpika est un moine nu qui utilise le creux de sa main comme bol à aumônes. Ses seuls instruments sont le balai (ragoharanam) et le morceau de tissu que le moine place devant sa bouche lorsqu’il parle, afin d’empêcher les insectes d’y pénétrer (mukhavastrikâ). ↩︎
57:3 Kirarâta, littéralement, longue nuit. Comparer à dîrgharâtra, que les Bauddhas et les Gainas emploient dans le sens que nous avons donné à kirarâtam dans le texte. ↩︎
58:1 Puvvâim vâsâim, les premières années sont ces longues périodes par lesquelles se mesure la durée de la vie des premiers Tîrthakaras. Marcher signifie marcher dans la droiture. ↩︎
58:2 Ou l’obéissance à leur maître ? ↩︎
59:1 Ils ne réprimandent pas leurs enseignants et ne sont donc pas coupables de la deuxième folie. ↩︎
59:2 Comparer la deuxième leçon, § 3. Paliya, que nous avons ici comme dans le passage ci-dessus traduit par « ancien métier », est ici expliqué par anushthâna, effort. ↩︎
60:1 Ou ceux qui rompent leurs vœux. ↩︎