[ p. 79 ]
HUITIÈME CONFÉRENCE, (APPELÉE) L’OREILLER DE LA JUSTICE.
Comme je l’ai entendu, je raconterai comment le Vénérable Ascète, s’efforçant et méditant, après être entré dans l’ordre cet hiver-là, erra [^297],
« Je ne me couvrirai pas de cette robe [^298] », seulement cet hiver-là (il l’utilisa). Il avait traversé (le samsâra) pour le reste de sa vie. Ce refus de s’habiller est conforme à sa doctrine. (1)
Pendant plus de quatre mois, de nombreuses espèces d’êtres vivants se sont rassemblées sur son corps, ont rampé dessus et lui ont causé des douleurs. (2)
Pendant un an et un mois, il ne quitta pas sa robe. Depuis lors, le Vénérable, abandonnant sa robe, était nu, sans abri et sans abri [^299]. (3)
Il méditait alors (marchant), le regard fixé sur un espace carré devant lui, de la longueur d’un homme [^300]. De nombreuses personnes s’assemblèrent, choquées par ce spectacle ; elles le frappèrent et pleurèrent. (4)
Connaissant (et renonçant) au sexe féminin dans les lieux de rassemblement mixtes [1], il méditait, trouvant lui-même sa voie : Je ne mène pas une vie mondaine. (5)
Abandonnant la compagnie [2] de tous les chefs de famille, il médita. Interrogé, il ne répondit pas ; il partit, et ne transgressa pas le droit chemin. (6)
Pour certains, il n’est pas facile (de faire ce qu’il a fait), de ne pas répondre à ceux qui saluent ; il a été battu avec des bâtons, et frappé par des gens pécheurs. (7)
Sans tenir compte des affronts difficiles à supporter, le Sage errait, (sans être attiré) par les conteurs, les pantomimes, les chansons, les combats au bâton et les matchs de boxe. (8)
À cette époque, le fils de Gñâtri voyait sans chagrin (ni plaisir) des gens en conversation mutuelle. Gñâtriputra obtint l’oubli de ces chagrins exquis. (9)
Pendant plus de deux ans, il a mené une vie religieuse sans utiliser d’eau froide ; il a réalisé le célibat, a protégé son corps, a eu de l’intuition et était calme. (10)
Connaissant parfaitement les corps terrestres, les corps aquatiques, les corps de feu et les corps de vent, les lichens, les graines et les pousses, (11)
Il comprit qu’ils sont, s’ils sont inspectés de près, imprégnés de vie, et évitait de les blesser ; lui, le grand Héros. (12)
Les êtres immobiles se changent en êtres mobiles, et les êtres mobiles en êtres immobiles ; les êtres qui naissent dans tous les états deviennent individuellement pécheurs [3] par leurs actions. (13)
Le Vénérable comprend ainsi : celui qui est soumis aux conditions (d’existence) [4], cet insensé souffre. Connaissant parfaitement (karman), le Vénérable évite le péché. (14)
Le sage, percevant le double (karman) [5], proclame l’activité incomparable [6], lui, le connaissant ; connaissant le courant de la mondanité, le courant du péché et l’impulsion, (15)
Pratiquant l’abstinence sans péché du meurtre, il n’a commis aucun acte, ni lui-même ni avec l’aide d’autrui ; lui pour qui les femmes étaient connues comme les causes de tous les actes pécheurs, il a vu (le véritable état du monde). (16)
Il n’a pas utilisé ce qui lui avait été expressément préparé [7] ; il a bien vu (que l’esclavage vient) par l’action. Tout ce qui est péché, le Vénérable l’a laissé de côté : il a consommé une nourriture pure. (17)
Il ne portait pas la robe d’autrui, et ne mangeait pas dans le récipient d’autrui. Ignorant le mépris, il allait avec indifférence aux lieux où l’on préparait de la nourriture. (18)
Connaissant la mesure dans le manger et le boire, il n’était ni avide de mets délicieux, ni en éprouvait le moindre désir. Un sage ne devrait ni se frotter les yeux ni se gratter le corps. (19)
[ p. 82 ]
Regardant un peu de côté, regardant un peu en arrière, répondant peu quand on lui parle, il doit marcher en regardant attentivement son chemin. (20)
Quand la saison froide est à mi-chemin, le sans-abri, laissant tomber sa robe et étendant les bras, devrait errer, sans s’appuyer contre un tronc. (21)
C’est la règle qui a souvent été suivie par le sage Brâhmane, le Vénérable, qui est libre de tout attachement : ainsi procèdent (les moines).
Ainsi je dis. (22)
Quels que soient les différents sièges et canapés qui ont été racontés, quels que soient ceux qui ont été utilisés par le grand Héros, ces lieux de repos sont ainsi détaillés [8]. (1)
Il logeait parfois dans des ateliers, des lieux de rassemblement, des puits ou des boutiques ; parfois dans des manufactures ou sous un hangar de paille. (2)
Il logeait parfois dans des maisons de voyageurs, des maisons de jardin ou des villes ; parfois sur un cimetière, dans des maisons abandonnées ou au pied d’un arbre. (3)
Dans ces lieux se trouvait le sage Sramana pendant treize longues années ; il méditait jour et nuit, s’efforçant, sans être dérangé, avec acharnement. (4)
Le Vénérable, en s’efforçant, ne chercha pas le sommeil pour le plaisir ; il se réveilla lui-même et ne dormit qu’un peu, libre de tout désir. (5)
Se réveillant de nouveau, le Vénérable s’allongea, s’efforçant ; sortant une fois par nuit, il marcha pendant une heure. (6)
Dans ses lieux de repos, il subit des calamités terribles et multiples ; des animaux rampants ou volants l’attaquent. (7)
Des gens mauvais, la garde du village ou des porteurs de lance l’attaquent ; ou il y a des tentations domestiques, des femmes ou des hommes célibataires ; (8)
Les calamités effrayantes et multiples de ce monde et de l’autre; les odeurs agréables et désagréables, et les sons multiples: (9)
Toujours bien contrôlé, il supportait les différentes sortes de sentiments ; surmontant l’insouciance et le plaisir, le Brâhmana errait, parlant peu. (10)
Dans les lieux de repos, une fois, une nuit, les vagabonds solitaires lui demandèrent (qui il était et pourquoi il était là) ; comme il ne répondit pas, ils le traitèrent mal ; mais il persévéra dans ses méditations, libre de tout ressentiment. (11)
(Parfois, pour éviter de plus grands ennuis lorsqu’on le lui demandait), « Qui est là-dedans ? » il répondait : « C’est moi, un mendiant. » Mais la meilleure loi est de méditer en silence, même si l’on est maltraité. (12)
Lorsqu’un vent froid souffle, dans lequel certains ressentent de la douleur, alors certains moines sans abri sous la pluie froide cherchent un endroit à l’abri du vent. (13)
(Certains moines hérétiques disent) : « Nous mettrons plus de vêtements ; du bois d’allumage ou (bien) couverts, nous pourrons (supporter) l’influence très douloureuse du froid. » (14)
Mais le Vénérable ne désirait rien de tel ; [ p. 84 ], fort de son sang-froid, il souffrait, méprisant tout abri. Sortant une fois par nuit, le Vénérable pouvait (endurer toutes les épreuves) en toute sérénité. (15)
C’est la règle qui a souvent été suivie par le sage Brâhmane, le Vénérable, qui est libre de tout attachement : ainsi procèdent (les moines).
Ainsi je dis. (16)
Toujours bien gardé, il supportait les douleurs (causées par) l’herbe, le froid, le feu, les mouches et les moucherons ; des douleurs multiples. (1)
Il voyagea dans le pays sans chemin des Lâdhas, à Vaggabhûmi et à Subbhabhûmi [9] ; il y utilisa des lits misérables et des sièges misérables. (2)
À Lâdhâ, de nombreux dangers lui sont arrivés. De nombreux indigènes l’ont attaqué. Même dans la partie la plus fidèle du pays accidenté [10], les chiens l’ont mordu et se sont jetés sur lui. (3)
Peu de gens parvinrent à repousser les attaques des chiens mordeurs. Frappant le moine, ils crièrent « Khukkhû » et obtinrent la morsure des chiens. (4)
Tels étaient les habitants. De nombreux autres mendiants, mangeant une nourriture grossière à Vagabhûmi et portant une solide perche ou une tige (pour éloigner les chiens), vivaient là. (5)
Même ainsi armés, ils furent mordus et déchirés par les chiens. Il est difficile de voyager à Lâdhâ. (6)
[ p. 85 ]
Cessant d’utiliser le bâton (c’est-à-dire la cruauté) contre les êtres vivants, abandonnant le soin du corps, le sans-abri (Mahâvîra), le Vénérable, endure les épines des villages (c’est-à-dire le langage injurieux des paysans), (étant) parfaitement éclairé. (7)
Tel un éléphant en tête de la bataille, Mahâvîra fut victorieux. Parfois, il n’atteignait pas un village de Lâdhâ. (8)
Lorsque celui qui est libre de désirs s’approcha du village, les habitants le rencontrèrent à l’extérieur et l’attaquèrent en disant : « Va-t’en d’ici. » (9)
Il fut frappé à coups de bâton, de poing, de lance, frappé avec un fruit, une motte de terre, un tesson. On le frappait sans cesse, et beaucoup pleuraient. (10)
Lorsqu’il était assis sans bouger, ils lui coupaient la chair [^311], lui arrachaient les cheveux sous la douleur ou le couvraient de poussière. (11)
Le jetant en l’air, ils le laissèrent tomber ou le troublèrent dans ses postures religieuses ; abandonnant le soin de son corps, le Vénérable s’humilia et supporta la douleur, libre de tout désir. (1 2)
Tel un héros en tête de la bataille, encerclé de toutes parts [11], tel Mahâvîra était là. Supportant toutes les épreuves, le Vénérable, imperturbable, poursuivit sa route (sur la route du Nirvân). (13)
C’est la règle qui a souvent été suivie, etc.
Le Vénérable pouvait s’abstenir de toute indulgence charnelle [12], bien que jamais atteint de [ p. 86 ] maladie. Blessé ou non, il ne désirait aucun traitement médical. (1)
Les purgatifs et les émétiques, l’onction du corps et le bain, le shampoing et le nettoyage des dents ne lui conviennent pas, après qu’il a appris (que le corps est quelque chose d’impur). (2)
Étant réticent aux impressions des sens [13], le Brâhmane errait, parlant peu. Parfois, pendant la saison froide, le Vénérable méditait à l’ombre. (3)
En été, il s’expose à la chaleur, il s’accroupit au soleil ; il vit de nourriture grossière : riz, jujube pilé et haricots. (4)
Grâce à ces trois éléments, le Vénérable subvenait à ses besoins pendant huit mois. Il lui arrivait de ne pas boire pendant quinze jours, voire un mois. (5)
Ou bien il ne buvait pas pendant plus de deux mois, ou même six mois, jour et nuit, sans désir (de boire). Parfois, il mangeait de la nourriture avariée. (6)
Parfois il ne mangeait que le sixième repas, ou le huitième, le dixième, le douzième ; sans désirs, persévérant dans la méditation. (7)
Ayant la sagesse, Mahâvîra n’a commis aucun péché lui-même, n’a pas incité les autres à le faire et n’a pas consenti aux péchés des autres. (8)
Entré dans un village ou une ville, il mendiait de la nourriture préparée pour quelqu’un d’autre. Ayant obtenu de la nourriture propre [14], il la consommait, maîtrisant ses pulsions. (9)
Quand il y avait des corbeaux affamés ou des êtres assoiffés sur son chemin, là où il mendiait, ou quand il les voyait voler à plusieurs reprises, (10)
[ p. 87 ]
Lorsqu’un Brâhmana ou un Sramana, un mendiant ou un invité, un Kândâla [15], un chat ou un chien se dressait sur son chemin, (11)
Sans cesser ses réflexions, et évitant de les négliger [16], le Vénérable errait lentement, et, ne tuant aucune créature, il mendiait sa nourriture. (12)
Nourriture humide, sèche ou froide, vieux haricots, vieille bouillie ou mauvais grain, qu’il ait ou non reçu une telle nourriture, il était riche (en contrôle). (13)
Et Mahâvîra méditait (persévérant) dans une certaine posture, sans le plus petit mouvement ; il méditait en concentration mentale sur (les choses) d’en haut, d’en bas, d’à côté, libre de désirs. (14)
Il méditait libre du péché et du désir, non attaché aux sons ou aux couleurs ; bien qu’il fût encore un mortel errant (khadmastha), il errait et n’agissait jamais avec insouciance. (15)
Lui-même comprenant la vérité et retenant les impulsions pour la purification de l’âme, enfin libéré et libre de l’illusion, le Vénérable fut bien gardé pendant toute sa vie. (16)
C’est la règle qui a été suivie, etc.
Fin de la neuvième conférence, intitulée L’oreiller de la justice.
Fin du premier livre.
[^311] : 81:5 Ahâkadam : yathâ yena prakârena prishtvâ aprishtvâ vâ kritam yathâkritam âdhâkarmâdinâ.
79:1 Les commentateurs appellent ce passage un sloka, bien que seul le début ressemble à un pâda, le reste ne présentant aucune loi métrique. Le début du dernier passage ressemble également au premier pâda d’un sloka ; mais le reste nécessite quelques modifications importantes pour répondre aux lois métriques d’un sloka. ↩︎
79:2 La robe divine qui lui a été donnée par Indra. ↩︎
79:3 Le commentateur dit que cela s’est produit à la rivière Suvarnabâlukâ. ↩︎
80:1 Tiriyabhittim est omis dans la traduction. Je n’arrive pas à en saisir le sens exact, peut-être : « de sorte qu’il était un mur pour les animaux. » ↩︎
80:2 Sayanehim dans l’original. ↩︎
80:3 Littéralement, l’état mixte. ↩︎
81:1 Ou pécheur ? bâlâ. ↩︎
81:2 Upadhi. ↩︎
81:3 Présent et futur. ↩︎
81:4 C’est-à-dire la vie religieuse. ↩︎
82:1 Sîlâṅka remarque : « Ce verset n’a pas été expliqué par l’auteur de l’ancien tîkâ. Pourquoi ? Soit parce qu’il n’offre aucune difficulté, soit parce qu’il manquait. Pourtant, on le trouve dans le manuscrit du texte seul. Nous n’en connaissons pas exactement la raison. » De quel ancien tîkâ Sîlâṅka parle-t-il avec certitude. Il ne peut guère s’agir du Kûrni, car dans le manuscrit de Bombay, le texte du verset en question est donné, mais aucune explication au-delà des mots : esâ pukkhâ, ceci est (donné en réponse à) une question. ↩︎
84:1 Vagrabhûmi et Subhrabhûmi (ou Svabhrabhûmi) sont, selon les commentaires, les deux divisions de Lâdha. Je pense que Lâdha pourrait être identique au Râdhâ classique ou Bengale occidental et au Lâla des bouddhistes, le pays natal de Vigaya, le conquérant légendaire de Ceylan. Subbhabhûmi est probablement le pays des Suhmas, qui sont également identifiés aux Râdhas. ↩︎
84:2 Le commentateur semble comprendre les mots lukkhadesie bhatte dans le sens : Là aussi, la vie était rude ; car ils utilisaient des vêtements d’herbe au lieu de coton. ↩︎
85:1 Ou ses moustaches. ↩︎
85:2 Ou est sur ses gardes. ↩︎
85:3 Omodariya. ↩︎