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TREIZIÈME LEÇON, APPELÉE LA VRAIE VÉRITÉ.
Je vais maintenant exposer, selon la vérité, les diverses qualités des hommes ; j’expliquerai la vertu et la paix des bons, les vices et l’inquiétude des méchants. (1)
Ayant appris la Loi auprès d’hommes qui s’efforcent jour et nuit, auprès des Tathâgatas [^946], ils négligent la conduite dans laquelle ils ont été instruits et parlent grossièrement à leur maître. (2)
Ceux qui expliquent la pure doctrine selon leur opinion individuelle, la falsifient en la répétant (après leurs enseignants) ; ceux qui disent des mensonges par orgueil de connaissance, ne sont pas capables de beaucoup de vertus. (3)
Ceux qui, interrogés, cachent la vérité se privent du véritable bien. Ces hommes mauvais, qui se croient bons et sont pleins de tromperie, subiront un châtiment sans fin. (4)
Celui qui est d’un tempérament colérique et appelle chaque chose par son vrai nom [^947], qui renouvelle une querelle composée, se fera du mal à lui-même, comme un aveugle tâtonnant avec un bâton, étant encore sujet à la passion et possédant un mauvais Karman. (5)
Celui qui est querelleur et parle mal, n’est ni impartial ni à l’abri de la tromperie [^948] ; mais celui qui exécute les ordres (de son maître) et se contrôle, ne voit que la vérité et est exempt de tromperie. (6)
Celui qui se conforme aux avertissements, aussi nombreux soient-ils, est aimable, subtil, viril, noble et bienfaisant ; (un tel homme) est impartial et à l’abri de la tromperie. (7)
Celui qui se croit riche de pouvoir, ou qui vante inconsidérément son savoir, ou qui s’imagine purifié par des austérités, regardera les autres hommes comme des ombres. (8)
Il est toujours tourmenté par l’illusion, et n’a pas sa place dans le Gôtra où le vœu de silence est pratiqué (c’est-à-dire dans l’église de Gaïna), celui qui, n’étant pas réveillé, se met en avant pour gagner des honneurs par autre chose que le contrôle. (9)
Un Brâhmane ou un Kshattriya de naissance, un descendant de la race Ugra [^949] ou un Likkhavi [^950], qui entre dans l’ordre en mangeant des aumônes que lui donnent d’autres, n’est pas prétentieux à cause de son célèbre Gôtra. (10)
Son pedigree du côté de sa mère et de son père [ p. 322 ] ne lui servira à rien, rien que la connaissance et la conduite justes : quand, devenu moine, il agira comme un chef de famille, il ne parviendra pas à obtenir la Libération finale. (11)
Si un pauvre moine subsistant avec la nourriture la plus misérable est attaché aux vanités, désire la gloire et, n’étant pas éveillé, (fait de sa monachisme) un moyen de subsistance, il souffrira encore et encore (dans le Cercle des Naissances). (12)
Un moine qui est éloquent, qui parle très bien, qui a des idées brillantes, qui est intelligent, qui possède un bel intellect et qui a purifié son âme, peut (peut-être) mépriser les autres hommes à cause de son intellect. (13)
Ainsi un moine intelligent qui se met en avant n’a pas encore compris la prudence ; ou plutôt c’est un homme faible d’esprit qui, exalté par son succès, blâme les autres hommes. (14)
Un moine doit combattre l’orgueil du génie, l’orgueil de la sainteté, l’orgueil de la naissance et (l’orgueil de la bonne) vie, qui est énuméré comme le quatrième ; un tel homme est sage et de bonne étoffe. (15)
Les sages abandonnent ces sortes d’orgueil, les pieux ne les cultivent pas ; les grands sages sont au-dessus de toutes choses telles que Gôtra (&c.), et ils s’élèvent à l’endroit où il n’y a pas de Gôtra du tout (c’est-à-dire à Môksha). (16)
Un moine qui considère son corps comme un cadavre et qui comprend pleinement la Loi, saura, en entrant dans un village ou une ville, distinguer ce qui peut être accepté de ce qui ne peut pas l’être, et ne sera pas avide de nourriture ou de boisson. (17)
Un moine ayant vaincu l’aversion pour le contrôle et le plaisir des objets sensuels, vivant en compagnie de nombreux frères ou menant une vie célibataire, devrait [ p. 323 ] se répéter silencieusement : « Un homme doit aller et venir (selon son Karman) seul » (c’est-à-dire sans aucune aide d’autrui). (18)
Connaissant cette loi par intuition ou l’ayant apprise des autres, il faut l’enseigner, car elle est utile aux hommes ; les hommes pieux ne se livrent pas à des pratiques pécheresses blâmables. (19)
Si un moine prêche la Loi à quelqu’un dont il ignore le tempérament, cet homme, ne croyant pas à ce qu’on lui enseigne, se mettra en colère et risque de le blesser au point d’abréger ou de mettre fin à sa vie. Lorsqu’il connaît son tempérament, il peut enseigner la vérité aux autres. (20)
Un homme sage, en supprimant son Karman et sa volonté, devrait renoncer à tout intérêt pour le reste. Car les objets de la vue (c’est-à-dire les sens), sources de danger, peuvent nuire aux hommes. Connaissant la vérité concernant les êtres mobiles et immobiles, un moine devrait s’efforcer [^951]. (21)
Ne désirant ni honneur ni gloire, il ne doit rien dire à personne, ni pour lui plaire ni pour l’irriter. Évitant tout mal, un moine doit prêcher la Loi sans gêne ni passion. (22)
Considérant bien (ses devoirs) conformément à la vérité, s’abstenant de nuire aux êtres vivants, ne désirant ni la vie ni la mort, il devrait errer libéré du Cercle (des Naissances). (23)
Ainsi je dis.
[^956] : 321 : 2 Concernant les Ugras, voir ci-dessus, p. 71, note 2.