Emil Schürer commente : « Περι προνοιας. De providentia. — Le titre dans Euseb. H. E. ii. 18. 6 ; Praep. evang. vii. 20 fin., viii. 13 fin. L’ouvrage n’est conservé qu’en arménien et a été publié par Aucher avec une traduction latine. Deux fragments grecs, un plus petit et un très grand, se trouvent dans Euseb. Praep. evang. vii. 21 et viii. 14. Le texte arménien comprend deux livres. Cependant, le premier, bien qu’authentique dans son ensemble, n’a été conservé que sous une forme abrégée et, dans certaines parties, retouchée. Eusèbe semble n’avoir connu que le second ; au moins les deux fragments appartiennent à ce livre et sont introduits par Eusèbe avec la formule εν τω (Sing.) περι προνοιας. Dans l’Histoire ecclésiastique, la lecture oscille entre το περι προνοιας et τα περι προνοιας. Il y a aussi des citations dans Johannes Damascenus et Johannes Monachus ineditus. (La littérature du peuple juif au temps de Jésus, pp. 354-355)
FH Colson écrit (Philo, vol. 9, pp. 447-450) :
Comme indiqué dans la Préface, les fragments du De Providentia rapportés par Eusèbe se distinguent des extraits des Hypothetica, car non seulement eux, mais l’intégralité du traité dont ils font partie existent en version arménienne. Il se compose de deux livres, tous deux initialement rédigés sous la forme d’un dialogue entre Philon, qui soutient la croyance que le monde est gouverné par la Providence, et un certain Alexandre, qui expose ses doutes et ses difficultés. Cet Alexandre peut être considéré avec une certaine certitude comme le neveu de Philon, Alexandre Tibère, qui a par la suite apostasié le judaïsme.
Comme les extraits d’Eusèbe sont tous tirés du deuxième livre, nous n’avons pas besoin de nous intéresser au premier livre, beaucoup plus court. Il suffira de consigner le verdict de Wendland sans nécessairement l’accepter dans son intégralité. Voici ce qu’il en est. Il a été retravaillé par une main maladroite qui a détruit le cadre interlocutoire et arraché les pensées à leur ordre essentiel ; il comprend deux importantes interpolations chrétiennes, mais reste par ailleurs authentiquement philonien. Le deuxième livre, deux fois plus long, ne présente pas de telles difficultés. Le dialogue est clairement maintenu d’un bout à l’autre. Rien ne suggère une interpolation, et le parallélisme de pensée et de langage, du moins dans la partie dont l’original est conservé par Eusèbe, témoigne de son authenticité. Cela est particulièrement vrai pour la première partie du deuxième fragment. Il est donc très remarquable qu’il soit plus dépourvu de traces de judaïsme que le Quod Omn. Prob. et le De Aet. Il n’y a aucune allusion à l’Ancien Testament, ni aucune mention de Moïse ; Le seul fait suggérant que l’auteur est juif est l’allusion personnelle à sa visite à Jérusalem via Ascalon (§ 64). Cela a naturellement suscité des doutes chez les critiques qui ne se sont pas familiarisés avec les pensées et le style de Philon, mais l’analyse approfondie de Wendland et son recueil de parallèles ne manqueront pas de convaincre les plus sceptiques. Même sans cela, tout lecteur attentif de Philon aura constamment le sentiment, en parcourant le texte grec du De Providentia, d’avoir déjà vu quelque chose de semblable, sans pouvoir préciser où le trouver.
Eusèbe a enregistré environ les deux tiers des réponses de Philon à l’argument d’Alexandre, mais de l’argument lui-même, seulement la première section de ce texte, et même cela, il le présente comme s’il s’agissait d’une déclaration de Philon lui-même sur les objections que les opposants pourraient apporter - il y a des utilisations occasionnelles d’une deuxième personne du singulier, mais sinon il n’y a pratiquement rien qui suggère un dialogue.
L’omission des arguments de l’adversaire n’est sérieusement ressentie ni dans le court extrait donné ici comme fragment (1), ni dans la longue réponse à l’argument selon lequel la Providence, si elle existe, traite trop mal les bons et trop bien les méchants. Car c’est une difficulté ressentie à toutes les époques et probablement présente dans toute la littérature depuis Job et Asaph. Philon a su manipuler, même s’il n’a pas entièrement inventé, le rôle joué par Alexandre, et il ne semble pas avoir traité son adversaire équitablement en lui faisant citer en exemple la bonne fortune du méchant Polycrate, finalement empalé, et de Denys, dont la vie d’anxiété perpétuelle était proverbiale. Dans la seconde partie de cet extrait, les choses sont assez différentes et la suppression des difficultés d’Alexandre rend le discours décousu. Les références par exemple au pays des Cyclopes, aux habitudes des hirondelles, des serpents et des crocodiles semblent un ramassis de choses chaotiques jusqu’à ce que nous nous tournions vers l’argumentation à laquelle elles répondent.
Pour une compréhension complète de cette partie de l’extrait, la première partie de la version arménienne est précieuse. Quelle est sa valeur dans la partie où le grec et l’arménien se côtoient ? En tant que traduction, elle est minime, et elle ne le serait pas non plus beaucoup, même si le latin d’Aucher était toujours intelligible, ou si nous étions certains qu’il avait toujours rendu l’arménien avec exactitude. Mais pour la détermination du texte, elle a une valeur que semblent avoir ignorée les éditeurs de la Praeparatio. Là où le latin correspond étroitement au grec, on trouve souvent un mot ou une expression qui indique clairement une variante du texte de tout ou partie des manuscrits d’Eusèbe et constitue une autorité indépendante importante. On en trouvera plusieurs exemples dans les notes.
Ce qui a été dit dans l’introduction de Quod Omn. Prob., qu’on peut probablement l’attribuer à une étape antérieure de la vie spirituelle de Philon, lorsque son esprit était plus occupé par la philosophie grecque et qu’il ne s’était pas encore attelé à sa grande tâche d’interpréter le Pentateuque à la lumière de cette philosophie, peut être dit de ce traité et aussi du De Aet. si c’est son œuvre.
D’après Eusèbe PE 7.21.336b-337a
Mais pour que vous ne pensiez pas que je raisonne ici de manière sophistique, je vais vous présenter un Hébreu comme interprète du sens des Écritures. Il a hérité de son père une connaissance très précise des coutumes et des lois de son pays, et il a appris les doctrines qu’elles contiennent auprès de maîtres savants. Tel était Philon. Écoutez-le donc et entendez comment il interprète les paroles de Dieu.
Pourquoi donc emploie-t-il l’expression : « À l’image de Dieu, j’ai fait l’homme »[1], comme s’il parlait de l’image d’un autre Dieu, et non de l’avoir créé à sa ressemblance ? Cette expression est employée avec beaucoup de beauté et de sagesse. Car il était impossible qu’un être mortel fût créé à l’image du Dieu Très-Haut, le Père de l’univers ; mais il ne pouvait l’être qu’à l’image du second Dieu, qui est le Verbe de l’autre. Car il convenait que le type rationnel dans l’âme humaine reçoive l’empreinte du Verbe de Dieu, puisque le Dieu au-dessous du Verbe est supérieur à toute nature rationnelle ; et il n’est pas permis à aucune créature d’être créée comme le Dieu qui est au-dessus de la raison, et qui est doté d’une forme très excellente et spéciale qui lui soit propre.
C’est ce que je voudrais citer du premier livre des questions et réponses de Philon.
Et l’hébreu Philon, dans son traité sur la Providence, parle de la matière de cette manière.
Quant à la quantité de l’essence, si tant est qu’elle existe, il faut aussi parler. Dieu a veillé, lors de la création du monde, à ce qu’il y ait une quantité de matière abondante et suffisante, si exacte que rien ne manque ni ne soit superflu. Car il aurait été absurde pour des artisans particuliers, occupés à fabriquer quelque chose, et surtout quelque chose de grande valeur, de calculer la quantité exacte de matériaux dont ils ont besoin ; mais pour l’être qui est l’inventeur originel des nombres et des mesures, et des qualités qui existent et se trouvent en eux, d’omettre de veiller à avoir exactement ce qui est approprié. Je parlerai maintenant en toute liberté et dirai que le monde avait besoin, pour sa fabrication, d’une quantité précise de matériaux, ni plus ni moins ; sinon il n’aurait pas été parfait, ni complet dans toutes ses parties, étant parfaitement bien fait, et il n’aurait pas été rendu parfait par une essence parfaite.
Car il est indispensable à un ouvrier parfaitement versé dans son art, avant de commencer quoi que ce soit, de s’assurer que ses matériaux sont exactement suffisants. C’est pourquoi un homme, même s’il était éminemment versé dans la connaissance d’autres choses, s’il n’était pas capable d’éviter complètement l’erreur, si naturelle aux mortels, serait très susceptible de se tromper sur la quantité de matériaux dont il aurait besoin avant de se lancer dans l’exercice de l’art, y ajoutant parfois trop peu, et parfois en retirant trop. Mais cet Être, qui est, pour ainsi dire, une sorte de source de toute connaissance, n’était pas susceptible de fournir quoi que ce soit de insuffisant ou de superflu, dans la mesure où il emploie des mesures élaborées de la manière la plus merveilleuse, de manière à faire preuve d’une exactitude parfaite et de la plus haute louabilité. Mais celui qui est enclin à débiter des absurdités au hasard le fera facilement, considérant les différentes œuvres de tous les artisans comme des causes, et comme ayant été réalisées d’une manière plus excellente, soit par l’addition, soit par la soustraction de telle ou telle matière. Or, c’est le propre du sophisme de chicaner et d’ergoter ; tandis que la sagesse a pour tâche d’examiner avec précision tout ce qui existe dans la nature.
Genèse 1:27.A. ↩︎