Livre XVIII — Du bannissement d'Archélaüs à la sortie des Juifs de Babylone | Page de titre | Livre XX — De Fadus le procureur à Florus |
CONTENANT L’INTERVALLE DE TROIS ANS ET DEMI.
COMMENT CAIUS [1] A ÉTÉ TUÉ PAR CHEREA.
1. Or, ce Caïus [2] ne fit pas preuve de folie en infligeant des outrages seulement aux Juifs de Jérusalem et à ceux des environs ; mais il laissa cette injure s’étendre à toute la terre et à toute la mer, dans la mesure où elle était soumise aux Romains, et la remplit de dix mille maux, un nombre tel qu’aucune histoire antérieure ne le rapporte. Mais Rome elle-même en subit les plus graves conséquences, bien qu’il ne la considérât pas comme plus honorable que les autres villes ; mais il tira et traîna ses autres citoyens, mais surtout le Sénat, et particulièrement la noblesse, et ceux qui avaient été honorés par d’illustres ancêtres ; il avait aussi dix mille intrigues contre ceux de l’ordre équestre, comme on l’appelait, que les citoyens estimaient égaux en dignité et en richesse aux sénateurs, parce que c’est parmi eux que les sénateurs étaient choisis ; Il les traita avec infamie et les écarta de son chemin, les massacrant et pillant leurs biens, car il tuait des hommes pour s’en emparer. Il affirmait aussi sa propre divinité et exigeait de ses sujets des honneurs plus grands que ceux dus aux hommes. Il fréquentait aussi le temple de Jupiter qu’ils appellent le Capitole, le plus sacré de tous leurs temples, et osait se dire frère de Jupiter. Il accomplissait d’autres folies comme un fou, comme la construction d’un pont reliant la ville de Dicéarchie, en Campanie, à Misène, une autre ville côtière, d’un promontoire à l’autre, d’une longueur de trente stades, mesurée sur la mer. Et cela fut fait parce qu’il estimait que ce serait une chose très fastidieuse de le traverser dans un petit navire, et pensait en outre qu’il lui convenait de construire ce pont, puisqu’il était maître de la mer, et pouvait l’obliger à donner des signes d’obéissance aussi bien que la terre. Il entoura donc toute la baie de son pont, et y conduisit son char ; et pensa que, étant un dieu, il lui convenait de voyager sur des routes comme celle-ci. Il ne s’abstint pas non plus de piller aucun des temples grecs, et ordonna que toutes les gravures et sculptures, ainsi que le reste des ornements des statues et des offrandes qui y étaient consacrées, lui soient apportés, disant que les meilleures choses ne devaient être placées qu’au meilleur endroit, et que la ville de Rome était ce meilleur endroit. Il orna également sa propre maison et ses jardins des curiosités rapportées de ces temples, ainsi que des maisons où il séjournait lors de ses voyages à travers l’Italie ; C’est pourquoi il n’hésita pas à ordonner que la statue de Jupiter Olympien, ainsi nommée parce qu’il était honoré aux Jeux olympiques par les Grecs, œuvre de Phidias l’Athénien, soit apportée à Rome. Pourtant, il n’atteignit pas son but, car les architectes dirent à Memmius Regulus, à qui il avait été ordonné d’enlever cette statue de Jupiter,L’ouvrage était tel qu’il était abîmé et ne pouvait supporter le déplacement. On rapporte également que Memmius, à la fois pour cette raison et à cause de prodiges aussi incroyables que prodigieux, différa sa démolition et écrivit ces récits à Caius pour s’excuser de ne pas avoir fait ce que son épître lui demandait. De là, alors qu’il était en danger de mort, il fut sauvé par la mort de Caius lui-même, avant qu’il ne le mette à mort.
2. La folie de Caïus atteignit un tel comble que, lorsqu’il eut une fille, il la porta au Capitole, la plaça sur les genoux de la statue, et dit que l’enfant lui était commune à lui et à Jupiter, et qu’il avait deux pères, mais qu’il laissait indéterminé lequel de ces pères était le plus grand. Et pourtant, les hommes le supportaient dans ses frasques. Il autorisait aussi les esclaves à accuser leurs maîtres de tous les crimes qu’ils voulaient ; car toutes ces accusations étaient terribles, car elles étaient en grande partie faites pour lui plaire et à sa suggestion, à tel point que Pollux, l’esclave de Claude, eut l’audace d’accuser Claude lui-même. Caïus n’eut pas honte d’assister à son procès de vie ou de mort, d’entendre celui de son oncle, dans l’espoir de pouvoir le faire disparaître, bien qu’il n’y parvînt pas, à son avis. Mais lorsqu’il eut rempli le monde habitable qu’il gouvernait de fausses accusations et de misères, et qu’il eut infligé les plus grandes insultes aux esclaves contre leurs maîtres, qui les gouvernaient en grande partie, de nombreux complots secrets furent ourdis contre lui ; certains, par colère, pour se venger des souffrances qu’il leur avait déjà infligées ; d’autres tentèrent de l’éliminer avant de sombrer dans de si grandes misères. Sa mort, heureuse pour la préservation des lois, eut une grande influence sur le bien public. Ce fut un heureux événement pour notre nation en particulier, qui aurait presque entièrement péri s’il n’avait été tué subitement. J’avoue que je tiens à vous donner un compte rendu complet de cette affaire, car il apportera une grande assurance de la puissance de Dieu, un grand réconfort à ceux qui souffrent, et une sage prudence à ceux qui pensent que leur bonheur ne finira jamais, ni ne les mènera finalement aux misères les plus durables, s’ils ne mènent pas leur vie selon les principes de la vertu.
3. Trois conspirations furent orchestrées pour se débarrasser de Caïus, et chacune d’elles fut menée par d’éminents personnages. Emilius Regulus, né à Cordoue en Espagne, rassembla des hommes et voulut se débarrasser de Caïus, soit par eux, soit par lui-même. Une autre conspiration fut fomentée par eux, sous la conduite de Cherea Cassius, tribun [de la troupe prétorienne]. Minucianus Annins était également un personnage important parmi ceux qui étaient prêts à s’opposer à sa tyrannie. Or, les raisons de la haine et de la conspiration de ces hommes contre Caïus furent les suivantes : Regulus était indigné et haïssait toute injustice, car il avait un esprit naturellement colérique, hardi et libre, qui ne lui permettait pas de cacher ses desseins ; Français il les communiqua donc à plusieurs de ses amis, et à d’autres qui lui semblaient des personnes actives et vigoureuses. Minucianus entra dans cette conspiration, à cause de l’injustice faite à Lépide, son ami particulier, et l’un des citoyens les plus distingués, que Caïus avait tué, et aussi parce qu’il avait peur de lui-même, car la colère de Caïus tendait au massacre de tous sans distinction. Et pour Chéréa, il entra, parce qu’il pensait que tuer Caïus était un acte digne d’un homme libre et naïf, et qu’il avait honte des reproches que Caïus lui faisait, comme s’il était un lâche ; et aussi parce qu’il était lui-même en danger chaque jour à cause de son amitié pour lui, et des égards qu’il lui rendait. Ces hommes proposèrent cette tentative à tous les autres intéressés, qui voyaient les injures qui leur étaient faites, et souhaitaient que le massacre de Caïus réussisse par leur entraide mutuelle, et qu’eux-mêmes échappent à la mort en enlevant Caïus ; que peut-être ils obtiendraient gain de cause ; et qu’il serait heureux, s’ils l’obtenaient, de se faire approuver par tant de personnes d’excellence qui désiraient ardemment participer avec eux à leur projet de sauver la ville et le gouvernement, même au péril de leur vie. Mais Chéréa était le plus zélé de tous, à la fois par désir de se faire un nom, et aussi parce qu’il était moins exposé aux dangers de Caïus, car il était tribun et pouvait donc le tuer plus facilement.
4. C’est à cette époque qu’eurent lieu les courses de chevaux (jeux circassiens). Le peuple romain désirait vivement assister à ces jeux, car il se rendait alors avec une grande empressement à l’hippodrome (cirque) et demandait en grand nombre à ses empereurs ce dont il avait besoin. Ceux-ci, en général, ne jugeaient pas bon de les refuser, mais les accordaient avec empressement et reconnaissance. Ils demandèrent donc avec insistance à Caïus de les alléger dans leurs tributs et d’alléger quelque peu le poids des impôts qui leur étaient imposés. Mais il refusa d’écouter leur requête. Leurs clameurs s’intensifiant, il envoya des soldats, l’un dans un sens, l’autre dans l’autre, et donna l’ordre de saisir ceux qui les lançaient, de les faire sortir sans plus attendre et de les mettre à mort. Tels furent les ordres de Caïus, et ceux qui reçurent l’ordre les exécutèrent ; le nombre de ceux qui furent tués à cette occasion fut très élevé. Le peuple vit cela et le supporta si fort qu’il cessa de crier, car il voyait de ses propres yeux que cette demande de soulagement, quant au paiement de leur argent, les amenait à la mort immédiate. Ces événements rendirent Chéréa plus résolu à poursuivre son complot, afin de mettre fin à la barbarie de Caïus envers les hommes. Il pensa alors à plusieurs reprises à fondre sur Caïus, alors même qu’il festoyait ; mais il se retint par quelques considérations ; non qu’il eût le moindre doute sur sa capacité à le tuer, mais il attendait le moment opportun, afin que sa tentative ne soit pas déjouée et qu’il puisse porter le coup de manière à atteindre son but.
5. Cherea était depuis longtemps dans l’armée, et pourtant il n’aimait pas tant s’entretenir avec Caius. Or, Caius l’avait chargé de réclamer les tributs et autres droits qui, non payés à temps, étaient confisqués au trésor de César. Il avait tardé à les réclamer, car ces charges avaient doublé, et il avait préféré se laisser aller à sa douceur plutôt qu’exécuter l’ordre de Caius. Il avait même provoqué la colère de Caius en ménageant ses hommes et en compatissant à la situation difficile de ceux à qui il exigeait les impôts. Caius lui reprochait sa paresse et sa mollesse d’avoir tant tardé à les percevoir. Et en effet, non seulement il l’offensait sur d’autres points, mais lorsqu’il lui donnait le mot d’ordre du jour, à qui il devait être donné par sa place, il lui donnait des mots féminins et très répréhensibles, Il donnait ces ordres, comme s’il avait été initié aux secrets de certains mystères dont il était lui-même l’auteur. Bien qu’il eût parfois revêtu des vêtements de femmes, s’était enveloppé de vêtements brodés à leur effigie, et accompli bien d’autres actes, afin de faire prendre la compagnie pour une femme, il reprochait néanmoins à Chéréa, en guise de reproche, une telle attitude féminine. Lorsque Chéréa reçut l’ordre de lui, il en fut indigné, mais plus encore de le transmettre à d’autres, car il était la risée de ceux qui le recevaient ; à tel point que ses collègues tribuns le tournèrent en ridicule ; car ils prédisaient qu’il leur apporterait certains de ses ordres habituels lorsqu’il s’apprêtait à prendre l’ordre de César, le rendant ainsi ridicule. C’est pourquoi il prit le courage de lui prêter main forte, car il avait de justes raisons d’être en colère contre Caïus. Or, il y avait un certain Pompédius, sénateur, qui avait occupé presque tous les postes du gouvernement, mais qui était par ailleurs épicurien, et pour cette raison aimait mener une vie inactive. Timidius, son ennemi, avait informé Caius qu’il lui avait adressé des reproches indécents, et il se servit de Quintilia comme témoin. Cette femme était très appréciée de nombreux habitués du théâtre, et particulièrement de Pompédius, en raison de sa grande beauté. Or, cette femme trouvait horrible de témoigner d’une accusation qui touchait la vie de son amant, ce qui était également un mensonge. Timidius, cependant, voulait la faire torturer. Caius, irrité par ce reproche, ordonna à Cherea de torturer Quintilia sans délai, comme il l’employait habituellement dans les affaires sanglantes et celles qui nécessitaient la torture, pensant le faire d’autant plus barbare pour éviter l’accusation de mollesse qu’il lui avait portée. Mais Quintilia, lorsqu’elle fut amenée au supplice, marcha sur le pied d’un de ses compagnons et lui fit savoir qu’il pouvait avoir bon courage,et ne craignez pas les conséquences de ses tortures, car elle les supporterait avec magnanimité. Cherea tortura cette femme avec cruauté ; à contrecœur, certes, mais par nécessité. Il la conduisit alors, sans s’émouvoir le moins du monde de ce qu’elle avait enduré, devant Caïus, dans un état si désolant à voir. Caïus, quelque peu ému à la vue de Quintilia, dont le corps était misérablement abîmé par les souffrances subies, la libéra, elle et Pompédius, du crime qui leur était reproché. Il lui donna également de l’argent pour lui faire honorablement amende honorable et la consoler de la mutilation corporelle qu’elle avait subie, et pour sa glorieuse patience face à de si insupportables tourments.
6. Cette affaire affligea profondément Cherea, qui avait été, autant qu’il le pouvait, la cause ou l’instrument de ces malheurs qui semblaient dignes de consolation à Caius lui-même. C’est pourquoi il dit à Clément et à Papinius (dont Clément était général de l’armée et Papinius tribun) : « Certes, ô Clément, nous n’avons failli en rien à la protection de l’empereur ; car quant à ceux qui ont conspiré contre son gouvernement, certains ont été tués par nos soins et nos peines, d’autres ont été torturés par nous, et cela à un tel point qu’il les a lui-même plaints. Quelle grande vertu donc que de nous soumettre à la conduite de ses armées ! » Clément garda le silence, mais montra la honte qu’il ressentait en obéissant aux ordres de Caius, tant par son regard que par son visage rougissant, tout en jugeant inadmissible d’accuser l’empereur en termes explicites, de peur de mettre leur propre sécurité en danger. Sur ce, Cherea reprit courage et lui parla sans crainte des dangers qui l’attendaient, et lui parla longuement des terribles calamités auxquelles la ville et le gouvernement étaient alors confrontés, et dit : « Nous pouvons certes prétendre que Caïus est celui à qui la cause de telles misères doit être imputée ; mais, de l’avis de ceux qui sont capables de juger avec droiture, c’est moi, ô Clément ! et ce Papinius, et avant nous toi-même, qui faisons venir ces supplices sur les Romains et sur toute l’humanité. Cela ne se fait pas par soumission aux ordres de Caïus, mais par notre propre consentement ; car s’il est en notre pouvoir de mettre fin à la vie de cet homme, qui a si terriblement blessé les citoyens et ses sujets, nous sommes ses gardes du corps, ses bourreaux au lieu de ses soldats, et nous sommes les instruments de sa cruauté. Nous portons ces armes, non pour notre liberté, non pour le gouvernement romain, mais seulement pour sa préservation, lui qui a Nous avons asservi leurs corps et leurs esprits ; et nous sommes chaque jour souillés par le sang que nous versons et les tourments que nous infligeons aux autres ; et ce, jusqu’à ce que quelqu’un devienne l’instrument de Caïus pour nous attirer les mêmes malheurs. Il ne nous emploie pas ainsi par bienveillance, mais plutôt par suspicion à notre égard, et aussi parce que, lorsque beaucoup plus de gens auront été tués (car Caïus ne met pas de limites à sa colère, car il ne cherche pas à tout faire par souci de justice, mais par plaisir), nous serons nous-mêmes exposés à sa cruauté ; alors que nous devrions être le moyen de garantir la sécurité et la liberté de tous, et en même temps de nous affranchir des dangers.
7. Clément loua alors ouvertement les intentions de Cherea, mais lui recommanda de se taire. Car si ses paroles se répandaient parmi beaucoup de gens et que des choses dignes d’être cachées fussent répandues, le complot serait découvert avant d’être exécuté et ils seraient punis. Mais ils devaient laisser tout cela à l’avenir, et l’espoir qui en résultait, qu’un événement heureux viendrait à leur secours ; quant à lui, son âge ne lui permettrait aucune tentative en ce cas. « Cependant, bien que je puisse peut-être suggérer quelque chose de plus sûr que ce que tu as imaginé et dit, Cherea, comment pourrait-on suggérer quelque chose de plus pour ta réputation ? » Clément rentra donc chez lui, profondément pessimiste sur ce qu’il avait entendu et sur ce qu’il avait lui-même dit. Cherea, lui aussi, était inquiet, et se rendit promptement chez Cornelius Sabinus, qui était lui-même tribun, et qu’il connaissait par ailleurs pour être un homme de bien et un amoureux de la liberté, et pour cela très inquiet de la conduite actuelle des affaires publiques, désireux d’en venir immédiatement à l’exécution de ce qui avait été décidé, et pensant qu’il était juste pour lui de le proposer à l’autre, et craignant que Clément ne les découvre, et de plus il regardait les retards et les ajournements comme le prochain abandon de l’entreprise.
8. Mais comme tout était agréable à Sabinus, qui avait lui-même, sans Chéréa, le même projet, mais était resté silencieux, faute de personne à qui le communiquer en toute sécurité, ayant rencontré quelqu’un qui non seulement promettait de taire ce qu’il entendait, mais qui lui avait déjà ouvert son esprit, il fut d’autant plus encouragé et demanda à Chéréa de ne pas tarder. Ils allèrent donc trouver Minucianus, qui était un homme aussi vertueux et aussi zélé pour les actions glorieuses qu’eux, et suspecté par Caius à l’occasion du meurtre de Lépide. Car Minucianus et Lépide étaient des amis intimes, et tous deux craignaient les dangers auxquels ils étaient exposés. Car Caius était redoutable à tous les grands hommes, paraissant prêt à agir comme un fou envers chacun d’eux en particulier, et envers tous en général ; et ces hommes avaient peur les uns des autres, bien qu’ils fussent encore inquiets de la situation, mais ils évitaient de se déclarer mutuellement leur esprit et leur haine contre Caius, par crainte des dangers qu’ils pourraient encourir, bien qu’ils aient perçu par d’autres moyens leur haine mutuelle contre Caius, et pour cette raison n’étaient pas opposés à une gentillesse mutuelle les uns envers les autres.
9. Après que Minuetanus et Chéréa se furent rencontrés et salués (comme on l’avait fait lors de conversations précédentes pour donner l’avantage à Minucianus, à la fois en raison de sa haute dignité, car il était le plus noble de tous les citoyens, et hautement loué de tous, surtout lorsqu’il leur parlait), Minuetanus commença le premier et demanda à Chéréa quel était le mot d’ordre qu’il avait reçu ce jour-là de Caïus ; car l’affront que Chéréa avait fait à ce mot d’ordre était célèbre dans toute la ville. Mais Chéréa ne tarda pas à répondre à cette question, heureux que Minueianus ait assez confiance en lui pour s’entretenir avec lui. « Mais toi, dit-il, donne-moi le mot d’ordre de la liberté. Et je te remercie de m’avoir tant encouragé à me donner à fond. Je n’ai pas besoin de beaucoup de mots pour m’encourager, puisque nous partageons les mêmes idées et les mêmes résolutions, et ce avant même que nous ayons discuté. Je n’ai qu’une seule épée ceinte, mais celle-ci nous servira à tous les deux. Viens donc, mettons-nous au travail. Vas-y le premier, si tu en as envie, et dis-moi de te suivre ; sinon, j’irai le premier, et tu m’assisteras, et nous nous entraiderons et nous nous ferons mutuellement confiance. Il n’est même pas nécessaire d’avoir une seule épée pour ceux qui ont l’esprit disposé à de telles œuvres, car c’est par cet esprit que l’épée réussit. Je suis zélé pour cette action, et je ne me soucie pas de ce que je pourrais subir moi-même ; car je ne peux pas à loisir envisager les dangers qui pourraient m’atteindre, tant je suis profondément troublé par l’esclavage de notre pays autrefois libre. Je suis maintenant sous le coup du mépris que nous portons à nos excellentes lois et de la destruction qui menace tous les hommes par l’intermédiaire de Caïus. Je souhaite que tu me juges et que tu m’estimes digne de confiance en ces matières, car nous sommes tous deux du même avis et il n’y a aucune divergence entre nous sur ce point.
10. Voyant la véhémence avec laquelle Cherea se livra, Minucianus l’embrassa avec joie et l’encouragea dans sa tentative audacieuse, le félicitant et l’embrassant. Il le laissa donc partir avec ses meilleurs vœux. Certains affirment qu’il confirma ainsi Minuclanus dans l’exécution de ce qui avait été convenu entre eux. Car, lorsque Cherea entra dans la salle d’audience, on raconte qu’une voix s’éleva de la multitude pour l’encourager, lui ordonnant d’achever son projet et de saisir l’occasion que la Providence lui offrait. Cherea soupçonna d’abord que l’un des conspirateurs l’avait trahi, et il fut pris, mais comprit finalement que c’était par exhortation. On ne sait pas si quelqu’un [3] conscient de ce qu’il faisait lui donna un signal pour l’encourager, ou si ce fut Dieu lui-même, qui regarde les actions des hommes, qui l’encouragea à poursuivre hardiment son dessein. Le complot fut alors communiqué à un grand nombre de personnes, et tous étaient en armes ; Parmi les conspirateurs, certains étaient sénateurs, d’autres membres de l’ordre équestre, et tous les soldats qui en étaient informés. Car il n’en était pas un qui ne se fût donné pour joie de tuer Caïus. C’est pourquoi ils étaient tous très zélés, par tous les moyens possibles, afin qu’il ne soit pas en retard dans ses desseins vertueux, mais qu’il soit prêt, de toute son alacrité et de toute sa puissance, tant par ses paroles que par ses actes, à achever le massacre d’un tyran. De plus, Calixte, affranchi de Caïus, était le seul homme à avoir atteint sous lui le plus haut degré de pouvoir, un pouvoir qui égalait en quelque sorte celui du tyran lui-même, par la crainte que chacun lui inspirait et par les immenses richesses qu’il avait acquises. Car il acceptait des pots-de-vin avec abondance, commettait des injures sans bornes et usait de son pouvoir avec plus d’extravagance que quiconque lors de procès injustes. Il savait aussi que Caïus était d’un tempérament implacable et inflexible. Il avait d’ailleurs bien d’autres raisons de se croire en danger, et l’immensité de sa fortune n’était pas la moindre. C’est pourquoi il s’était secrètement insinué auprès de Claudius et lui avait confié sa cour, espérant qu’au cas où, après la destitution de Caïus, le gouvernement lui reviendrait, son intérêt pour de tels changements lui permettrait de conserver sa dignité sous son règne, puisqu’il avait accumulé d’avance un capital de mérite et rendu de bons services à Claudius pour sa promotion. Il avait aussi l’audace de prétendre qu’on l’avait persuadé de se débarrasser de Claudius en l’empoisonnant, mais il avait pourtant inventé mille et une excuses pour retarder sa décision. Mais il me semble probable que Callistus n’a fait que simuler cela, afin de s’attirer les bonnes grâces de Claudius ; car si Caïus avait été sérieusement résolu à se débarrasser de Claudius,il n’aurait pas admis les excuses de Callistus ; et Callistus, s’il avait été enjoint de faire un acte tel que désiré par Caius, ne l’aurait pas différé ; et s’il avait désobéi aux injonctions de son maître, il aurait échappé à un châtiment immédiat ; tandis que Claudius fut préservé de la folie de Caius par une certaine providence divine, et Callistus prétendit à un tel mérite qu’il ne le méritait en aucune façon.
11. Cependant, l’exécution des projets de Chéréa était remise de jour en jour par la paresse de plusieurs personnes concernées. Quant à Chéréa lui-même, il ne voulait pas en retarder l’exécution, pensant que chaque fois était opportun ; car de fréquentes occasions se présentaient ; par exemple, lorsque Caïus montait au Capitole pour sacrifier pour sa fille, ou lorsqu’il se tenait sur son palais royal et jetait des pièces d’or et d’argent au peuple, il risquait d’être précipité en bas, car le sommet du palais, qui donne sur la place du marché, était très élevé ; et aussi lorsqu’il célébrait les mystères qu’il avait fixés à ce moment-là ; car il n’était alors nullement isolé du peuple, mais soucieux de tout faire avec soin et décence, et était à l’abri de tout soupçon d’être alors attaqué par qui que ce soit ; et bien que les dieux ne lui accordassent aucune aide divine pour lui permettre de lui ôter la vie, il avait néanmoins la force d’achever Caïus, même sans épée. Ainsi, Chorée était en colère contre ses compagnons de conspiration, de peur qu’ils ne laissent passer une occasion favorable ; et ils étaient eux-mêmes conscients qu’il avait de justes raisons de s’irriter contre eux, et que son empressement était à leur avantage ; mais ils désiraient qu’il patiente un peu plus longtemps, de peur qu’en cas de déception ils ne mettent la ville en désordre, et qu’une enquête ne soit menée après la conspiration, et ne décourage ceux qui allaient attaquer Caïus sans succès, tandis qu’il se protégerait alors plus soigneusement que jamais contre eux ; qu’il serait donc préférable de commencer les travaux au moment où les spectacles seraient présentés dans le palais. Ces spectacles étaient joués en l’honneur de ce César [4] qui le premier changea le gouvernement populaire et se le transféra ; des galeries étant installées devant le palais, où les Romains qui étaient patriciens devinrent spectateurs avec leurs enfants et leurs femmes, et César lui-même devait être aussi spectateur ; et ils estimaient que parmi ces dizaines de milliers de personnes qui seraient là, entassées dans un espace étroit, ils auraient une occasion favorable de tenter leur coup contre lui à son arrivée, car ses gardes qui le protégeraient, si l’un d’eux avait l’intention de le faire, ne pourraient ici lui apporter aucune aide.
12. Cherea consentit à ce délai ; et lorsque les spectacles furent présentés, il fut décidé d’exécuter l’œuvre dès le premier jour. Mais la fortune, qui permit un nouveau report du massacre, fut trop dure pour leur résolution précédente ; et comme trois jours de spectacles étaient déjà écoulés, ils eurent beaucoup de mal à terminer l’affaire le dernier jour. Cherea convoqua alors les conspirateurs et leur parla ainsi : « Tant de temps passé sans effort est un reproche pour nous, car nous tardons à mettre à exécution un projet aussi vertueux que celui que nous poursuivons ; mais ce retard sera plus fatal si nous sommes découverts et que le projet est déjoué ; car Caïus deviendra alors plus cruel dans ses agissements injustes. Ne voyons-nous pas combien de temps nous privons tous nos amis de leur liberté et permettons à Caïus de continuer à les tyranniser ? Alors que nous aurions dû leur assurer une sécurité pour l’avenir et, en posant les bases du bonheur des autres, gagner pour nous-mêmes une grande admiration et un grand honneur pour toujours. » Alors que les conspirateurs n’avaient rien de tolérable à dire en guise de contradiction, et pourtant, peu enthousiasmés par ce qu’ils faisaient, se taisaient et restaient stupéfaits, il ajouta : « Ô mes braves camarades ! Pourquoi tant d’attente ? Ne voyez-vous pas que c’est le dernier jour de ces spectacles, et que Caïus s’apprête à prendre la mer ? Il se prépare à faire voile vers Alexandrie pour voir l’Égypte. Est-ce donc votre honneur de laisser partir de vos mains un homme qui est un opprobre pour l’humanité, et de le laisser partir, avec pompe, triomphant sur terre et sur mer ? N’aurions-nous pas à juste titre honte de nous-mêmes, si nous laissions un Égyptien quelconque, qui jugerait ses torts insupportables à des hommes libres, le tuer ? Quant à moi, je ne supporterai plus vos agissements insupportables, mais je m’exposerai dès aujourd’hui aux dangers de l’entreprise, et j’en supporterai avec joie les conséquences ; aussi grandes soient-elles, je ne les exposerai pas. plus longtemps : car, pour un homme sage et courageux, quoi de plus misérable que de voir, de mon vivant, quelqu’un d’autre tuer Caïus et me priver de l’honneur d’une action aussi vertueuse ?
13. Après avoir ainsi parlé, Chéréa se mit à l’ouvrage avec zèle et inspira aux autres le courage de poursuivre l’œuvre. Tous étaient impatients de s’y mettre sans plus tarder. Il était donc au palais le matin, son épée de cavalerie ceinturée ; car la coutume voulait que les tribuns demandent le mot d’ordre l’épée au poing, et c’était le jour où Chéréa devait, selon la coutume, le recevoir. La foule était déjà arrivée au palais, pour être assez tôt pour assister aux spectacles, et cela en foule, les uns se bousculant avec fracas. Caïus était ravi de cet empressement. C’est pourquoi il n’y avait pas d’ordre dans les places assises, ni de place particulière réservée aux sénateurs ni à l’ordre de cavalerie ; on s’asseyait au hasard, hommes et femmes ensemble, et les hommes libres étaient mêlés aux esclaves. Caïus sortit donc solennellement et offrit un sacrifice à César Auguste, en l’honneur duquel ces spectacles étaient célébrés. Or, lors de la chute d’un prêtre, le vêtement d’Asprenas, sénateur, fut rempli de sang, ce qui fit rire Caïus, bien que ce fût un présage évident pour Asprenas, car il fut tué en même temps que Caïus. On raconte aussi que Caïus se montra ce jour-là, contrairement à son habitude, si affable et si bon enfant dans ses conversations que tous les assistants en furent étonnés. Une fois le sacrifice terminé, Caïus alla voir les spectacles et s’assit à cet effet, ainsi que ses principaux amis. Or, les parties du théâtre étaient reliées entre elles, comme chaque année, de la manière suivante : il avait deux portes, l’une donnant sur l’air libre, l’autre permettant d’entrer ou de sortir du cloître, afin de ne pas déranger les personnes présentes. Mais d’une galerie partait un passage intérieur, lui aussi divisé en cloisons, qui menait à une autre galerie, pour permettre aux combattants et aux musiciens de sortir selon les circonstances. Lorsque la foule fut installée, ainsi que Chéréa et les autres tribuns, et que le coin droit du théâtre fut attribué à César, un certain Vatinius, sénateur et chef de la troupe prétorienne, demanda à Cluvius, assis à côté de lui et également consulaire, s’il avait eu des nouvelles. Il prit soin que personne n’entendît ce qu’il disait. Cluvius répondit qu’il n’avait aucune nouvelle. « Sache donc », dit Vatinius, « que le jeu du massacre des tyrans aura lieu ce jour-là. » Mais Cluvius répondit : « Ô brave camarade, tais-toi, de peur que d’autres Achéens n’entendent ton récit. » Et comme il y avait une abondance de fruits d’automne jetés parmi les spectateurs, et un grand nombre d’oiseaux, qui étaient d’une grande valeur pour ceux qui les possédaient, en raison de leur rareté, Caius était content de voir les oiseaux se battre pour les fruits,et avec la violence avec laquelle les spectateurs s’emparèrent d’eux. C’est là qu’il vit deux prodiges se produire : un acteur fut introduit, qui crucifia un chef de brigands, et la pantomime présenta une pièce intitulée Cinyras, où il devait être tué lui-même, ainsi que sa fille Myrrha, et où une grande quantité de sang fut versée, fictivement, à la fois autour du crucifié et autour de Cinyras. On avoua aussi que c’était le jour même où Pausanias, ami de Philippe, fils d’Amyntas, roi de Macédoine, le tua, alors qu’il entrait au théâtre. Caïus hésitait alors s’il devait attendre jusqu’à la fin des représentations, car c’était le dernier jour, ou s’il ne devait pas d’abord aller aux bains, puis dîner, puis revenir s’asseoir comme auparavant. Alors Minucianus, qui était assis au-dessus de Caïus et craignait que l’occasion ne leur manque, se leva, voyant que Chéréa était déjà sortie, et se hâta de le confirmer dans sa résolution. Caïus, le saisissant par son vêtement, lui dit avec complaisance : « Ô brave ! Où vas-tu ? » Sur quoi, par respect pour César, semblait-il, il se rassit ; mais la peur l’emporta, et il se releva peu après. Caïus ne s’opposa pas à sa sortie, pensant qu’il sortait pour accomplir des nécessités de la vie. Asprenas, l’un des alliés, persuada Caïus d’aller aux bains et au dîner, puis de revenir, désireux que ce qui avait été décidé soit immédiatement conclu.qui était l’un des confédérés, persuada Caius d’aller au bain, puis au dîner, puis de revenir, désireux que ce qui avait été résolu soit immédiatement conclu.qui était l’un des confédérés, persuada Caius d’aller au bain, puis au dîner, puis de revenir, désireux que ce qui avait été résolu soit immédiatement conclu.
14. Les compagnons de Chéréa se mirent en ordre, selon le temps qui leur était accordé, et ils furent obligés de travailler dur pour ne pas quitter la place qui leur avait été assignée. Mais ils étaient indignés de la longueur des retards et de ce qu’ils devaient encore retarder, car il était déjà environ la neuvième heure du jour. Chéréa, devant le long retard de Caïus, eut bien envie d’entrer et de se jeter sur lui dans son siège, bien qu’il prévoyât que cela ne pourrait se faire sans beaucoup de sang, tant parmi les sénateurs que parmi les cavaliers présents. Et bien qu’il sache que cela devait arriver, il avait pourtant bien envie d’agir ainsi, estimant qu’il était juste d’assurer la sécurité et la liberté de tous, aux dépens de ceux qui risquaient de périr en même temps. Et comme ils revenaient à l’entrée du théâtre, on leur annonça que Caïus s’était levé, ce qui provoqua un tumulte. Sur ce, les conspirateurs repoussèrent la foule, sous prétexte que Caïus était en colère contre eux, mais en réalité désireux d’avoir un endroit tranquille, sans personne pour le défendre, pendant qu’ils s’attelaient au massacre de Caïus. Or, Claudius, son oncle, était sorti en avant, ainsi que Marcus Vinicius, le mari de sa sœur, et Valellus d’Asie. Bien qu’ils aient eu l’intention de les destituer, le respect de leur dignité les en empêcha. Puis Caius suivit Paulus Arruntius. Comme Caius était maintenant dans le palais, il quitta la route directe par laquelle ses serviteurs l’attendaient, et par laquelle Claudius était sorti auparavant. Caius se détourna dans un étroit passage privé pour se rendre au lieu de baignade, et aussi pour observer les jeunes gens venus d’Asie, envoyés de là, en partie pour chanter des hymnes dans ces mystères alors célébrés, et en partie pour danser à la Pyrrhus sur les théâtres. Chéréa le rencontra et lui demanda le mot d’ordre. Sur l’une de ses paroles ridicules, Caius le réprimanda aussitôt, tira son épée et lui porta un coup terrible, mais ce coup ne fut pas mortel. Et bien que certains disent que Chéréa avait arrangé exprès de telle sorte que Caius ne soit pas tué d’un seul coup, mais puni plus sévèrement par une multitude de blessures, Pourtant, cette histoire me paraît incroyable, car la peur que l’on éprouve face à de tels actes ne permet pas aux hommes de raisonner. Si Cherea était de cet avis, je le considère comme le plus grand des insensés, car il se complaisait dans sa rancune contre Caïus, plutôt que de se mettre immédiatement à l’abri, lui et ses complices, des dangers qui les menaçaient. Car bien des choses auraient pu arriver pour avoir aidé Caïus à s’échapper, s’il n’avait pas déjà rendu l’âme ; car Cherea aurait certainement eu égard, non pas tant au châtiment de Caïus,Quant à l’affliction dans laquelle se trouvaient lui-même et ses amis, tant qu’il était en son pouvoir, après un tel succès, de garder le silence et d’échapper à la colère des défenseurs de Caïus, de ne pas laisser planer le doute sur son objectif, et d’agir de manière déraisonnable comme s’il avait l’intention de se ruiner et de laisser passer l’occasion qui s’offrait à lui. Mais chacun peut deviner ce qui lui plaît. Cependant, Caïus fut ébranlé par la douleur que le coup lui causa ; car le coup d’épée, tombé au milieu, entre l’épaule et le cou, fut empêché par le premier os de la poitrine de continuer. Il ne cria pas, tant il était étonné, ni n’appela aucun de ses amis, soit qu’il n’eût pas confiance en eux, soit que son esprit fût autrement troublé, mais il gémit sous la douleur qu’il endurait, et s’enfuit aussitôt. Cornelius Sabinus, qui était déjà prêt à agir ainsi, le jeta à genoux, et beaucoup l’entourèrent et le frappèrent de leurs épées. Ils crièrent et s’encourageèrent mutuellement à le frapper de nouveau. Mais tous s’accordent à dire qu’Aquila lui porta le coup de grâce, qui le tua sur le coup. Mais on peut à juste titre attribuer cet acte à Chéréa ; car, bien que beaucoup aient concouru à l’acte lui-même, il en fut le premier instigateur, et commença bien avant tous les autres à s’y préparer, et fut le premier à en parler hardiment aux autres. Et, sur leur aveu, il rassembla les conspirateurs dispersés ; il prépara tout avec prudence et, par de bons conseils, se montra bien supérieur aux autres, et leur fit des discours obligeants, au point de les forcer tous à continuer, eux qui n’avaient pas eu le courage d’agir autrement. et lorsque l’occasion se présenta de se servir de son épée à la main, il parut le premier prêt à le faire, et porta le premier coup dans ce massacre vertueux ; il mit aussi facilement Caïus au pouvoir des autres, et le tua presque lui-même, de sorte qu’il est juste d’attribuer tout ce que les autres firent aux conseils, à la bravoure et aux travaux des mains de Chéréa.) Il n’appela aucun de ses amis, soit qu’il n’eût pas confiance en eux, soit que son esprit fût autrement troublé, mais il gémit sous la douleur qu’il endurait, et s’enfuit aussitôt. Cornelius Sabinus, qui était déjà prêt dans son esprit à le faire, le jeta à genoux, où plusieurs d’entre eux se tenaient autour de lui, et le frappèrent de leurs épées ; et ils crièrent, et s’encourageèrent tous ensemble à le frapper de nouveau ; mais tous s’accordent à dire qu’Aquila lui porta le coup de grâce, qui le tua sur le coup. Mais on peut justement attribuer cet acte à Chéréa ; car bien que beaucoup aient concouru à l’acte lui-même, il en fut le premier instigateur, et commença bien avant tous les autres à s’y préparer, et fut le premier homme à en parler hardiment aux autres ; et sur leur aveu de ce qu’il avait dit à ce sujet, il rassembla les conspirateurs dispersés ; Français il prépara tout avec prudence, et en suggérant de bons conseils, se montra bien supérieur aux autres, et leur fit des discours obligeants, à tel point qu’il les força tous à continuer, qui autrement n’avaient pas assez de courage pour cela ; et lorsque l’occasion se présenta d’utiliser son épée à la main, il parut le premier prêt à le faire, et porta le premier coup dans ce massacre vertueux ; il mit aussi facilement Caïus au pouvoir des autres, et le tua presque lui-même, de sorte qu’il est tout à fait juste d’attribuer tout ce que les autres ont fait aux conseils, à la bravoure et aux travaux des mains de Chéréa.) Il n’appela aucun de ses amis, soit qu’il n’eût pas confiance en eux, soit que son esprit fût autrement troublé, mais il gémit sous la douleur qu’il endurait, et s’enfuit aussitôt. Cornelius Sabinus, qui était déjà prêt dans son esprit à le faire, le jeta à genoux, où plusieurs d’entre eux se tenaient autour de lui, et le frappèrent de leurs épées ; et ils crièrent, et s’encourageèrent tous ensemble à le frapper de nouveau ; mais tous s’accordent à dire qu’Aquila lui porta le coup de grâce, qui le tua sur le coup. Mais on peut justement attribuer cet acte à Chéréa ; car bien que beaucoup aient concouru à l’acte lui-même, il en fut le premier instigateur, et commença bien avant tous les autres à s’y préparer, et fut le premier homme à en parler hardiment aux autres ; et sur leur aveu de ce qu’il avait dit à ce sujet, il rassembla les conspirateurs dispersés ; Français il prépara tout avec prudence, et en suggérant de bons conseils, se montra bien supérieur aux autres, et leur fit des discours obligeants, à tel point qu’il les força tous à continuer, qui autrement n’avaient pas assez de courage pour cela ; et lorsque l’occasion se présenta d’utiliser son épée à la main, il parut le premier prêt à le faire, et porta le premier coup dans ce massacre vertueux ; il mit aussi facilement Caïus au pouvoir des autres, et le tua presque lui-même, de sorte qu’il est tout à fait juste d’attribuer tout ce que les autres ont fait aux conseils, à la bravoure et aux travaux des mains de Chéréa.
15. Caïus finit ainsi, et gisait mort des suites de ses nombreuses blessures. Après le massacre de Caïus, Chéréa et ses compagnons comprirent qu’il leur serait impossible de se sauver s’ils suivaient tous le même chemin, en partie à cause de la stupeur qui les attendait ; car le danger qu’ils couraient en tuant un empereur honoré et aimé par la folie du peuple était considérable, surtout au moment où les soldats allaient mener une enquête sanglante sur ses meurtriers. Les passages où s’effectuait l’opération étaient étroits, et ils étaient encombrés d’une grande foule de serviteurs de Caïus et de soldats qui faisaient partie de la garde impériale ce jour-là. C’est de là qu’ils prirent d’autres chemins et arrivèrent à la maison de Germanicus, père de Caïus, qu’ils venaient de tuer (maison attenante au palais ; car, bien que l’édifice fût unitaire, il avait été construit en ses différentes parties par d’anciens empereurs, et ces parties portaient le nom de leurs bâtisseurs ou celui de celui qui avait commencé à les construire). Ils échappèrent ainsi aux insultes de la multitude et furent temporairement hors de danger, tant que le malheur qui avait frappé l’empereur ne serait pas connu. Les Germains furent les premiers à s’apercevoir que Caïus avait été tué. Ces Germains étaient la garde de Caïus et portaient le nom du pays d’où ils avaient été choisis, et composaient la légion celtique. Les hommes de ce pays sont naturellement passionnés, ce qui est aussi le caractère courant de certaines autres nations barbares, car ils ne sont pas habitués à se soucier beaucoup de ce qu’ils font ; ils sont robustes et fondent sur leurs ennemis dès qu’ils sont attaqués par eux ; Et, quel que soit leur chemin, ils accomplissent de grands exploits. Lorsque ces gardes germaniques apprirent la mort de Caïus, ils en furent profondément attristés, car ils ne se servaient pas de leur raison pour juger les affaires publiques, mais mesuraient tout à l’aune des avantages qu’ils en avaient eux-mêmes retirés. Caïus était aimé d’eux pour l’argent qu’il leur donnait, grâce auquel il avait acheté leur bienveillance. Ils tirèrent donc leurs épées, et Sabinus les conduisit. Il était tribun, non pas grâce aux vertus de ses ancêtres, car il avait été gladiateur, mais il avait obtenu ce poste dans l’armée grâce à sa robustesse. Ces Germains parcoururent donc les maisons à la recherche des meurtriers de César et taillèrent Asprenas en pièces, car il était le premier homme sur qui ils tombèrent, et dont le vêtement avait été taché par le sang des sacrifices, comme je l’ai déjà dit, ce qui présageait que sa rencontre avec les soldats ne lui serait pas profitable. Alors Norbanus les rencontra, lui qui était l’un des principaux nobles et pouvait montrer de nombreux généraux d’armées parmi ses ancêtres ; mais ils ne prêtèrent aucun égard à sa dignité ; pourtant il était d’une si grande force,Il arracha l’épée du premier de ses assaillants et ne parut manifestement pas disposé à mourir sans lutter pour sa vie, jusqu’à ce qu’il fût encerclé par un grand nombre d’assaillants et succombât à la multitude de blessures qu’ils lui infligèrent. Le troisième homme était Anteius, sénateur, et quelques autres avec lui. Il ne rencontra pas ces Germains par hasard, comme les autres auparavant, mais pour manifester sa haine envers Caïus, et parce qu’il aimait voir Caïus mort de ses propres yeux, et prenait plaisir à ce spectacle. Car Caïus avait banni le père d’Anteius, qui portait le même nom que lui, et, mécontent de cela, il envoya ses soldats le tuer ; il était donc venu pour se réjouir de sa vue, maintenant qu’il était mort. Mais comme la maison était en émoi, alors qu’il cherchait à se cacher, il ne put échapper à la recherche minutieuse des Allemands, qui massacrèrent aussi bien les coupables que les innocents, et ce, de manière barbare. C’est ainsi que ces trois personnes furent tuées.
16. Mais lorsque la rumeur de la mort de Caïus parvint au théâtre, ils en furent stupéfaits et ne purent y croire. Même ceux qui envisageaient sa mort avec une grande joie, et qui la désiraient plus que presque toutes les autres factions qui pouvaient les rejoindre, étaient saisis d’une telle peur qu’ils n’y croyaient pas. D’autres encore s’en doutaient profondément, car ils ne voulaient pas qu’une telle chose arrive à Caïus, et ne pouvaient y croire, même si c’était vrai, car ils pensaient que personne ne pouvait avoir assez de pouvoir pour tuer Caïus. Il s’agissait des femmes, des enfants, des esclaves et de quelques soldats. Ces derniers avaient pris sa solde, l’avaient tyrannisé et avaient abusé des meilleurs citoyens en se soumettant à ses ordres injustes, afin d’obtenir honneurs et avantages. Quant aux femmes et aux jeunes gens, ils avaient été séduits par des spectacles, des combats de gladiateurs et des distributions de viande, choses qui, sous prétexte de plaire à la multitude, visaient en réalité à assouvir la cruauté et la folie barbares de Caïus. Les esclaves étaient également désolés, car Caïus leur permettait d’accuser et de mépriser leurs maîtres, et ils pouvaient recourir à son aide lorsqu’ils les avaient injustement offensés ; car il leur était très facile de les croire contre leurs maîtres, même lorsque la ville les accusait faussement ; et s’ils découvraient l’argent de leurs maîtres, ils pourraient bientôt obtenir richesses et liberté, en récompense de leurs accusations, car la récompense de ces informateurs était le huitième [5] de la fortune du criminel. Quant aux nobles, bien que le rapport ait semblé crédible à certains d’entre eux, soit parce qu’ils avaient eu connaissance du complot à l’avance, soit parce qu’ils souhaitaient qu’il soit vrai, Cependant, ils cachèrent non seulement la joie qu’ils éprouvaient à cette nouvelle, mais aussi le fait qu’ils en avaient entendu parler. Ces derniers agissaient ainsi par crainte d’être punis, si la rumeur se révélait fausse, pour avoir si tôt révélé leur intention. Mais ceux qui savaient que Caïus était mort, parce qu’ils étaient complices des conspirateurs, cachaient tout avec encore plus de prudence, ignorant leurs intentions respectives et craignant d’en parler à ceux à qui la persistance de la tyrannie était avantageuse ; et si Caïus était vivant, ils pourraient être dénoncés et punis. Un autre bruit se répandait : bien que Caïus ait été blessé, il n’était pas mort, mais toujours vivant, et sous les soins du médecin. Personne ne semblait assez fidèle pour être digne de confiance, ni à qui l’on pût confier son esprit. car il était soit un ami de Caïus, et donc suspecté de favoriser sa tyrannie, soit il le haïssait, et donc pouvait être soupçonné de mériter moins de crédit, en raison de sa mauvaise volonté à son égard.Certains racontaient (et c’est précisément ce qui privait la noblesse de ses espoirs et la rendait triste) que Caïus, en état de mépriser les dangers qu’il avait courus, ne prenait aucun soin de soigner ses blessures, mais s’était réfugié sur la place publique et, tout ensanglanté qu’il était, s’adressait au peuple. Tels étaient les rapports conjecturaux de ceux qui étaient assez déraisonnables pour tenter de provoquer des troubles, qu’ils détournaient de divers côtés, selon l’avis des porteurs. Pourtant, ils ne quittaient pas leurs sièges, de peur d’être accusés s’ils sortaient avant les autres ; car ils ne seraient pas jugés selon l’intention réelle avec laquelle ils sortaient, mais selon les suppositions des accusateurs et des juges.
17. Mais une multitude d’Allemands encerclaient le théâtre, l’épée au clair. Tous les spectateurs ne s’attendaient qu’à la mort, et à chaque arrivée, la peur les saisit, comme s’ils allaient être immédiatement mis en pièces. Ils étaient dans une grande détresse, n’ayant pas le courage de sortir du théâtre, et ne se croyant pas à l’abri du danger s’ils y restaient. Et lorsque les Allemands arrivèrent, les cris furent si forts que le théâtre résonna de nouveau des supplications des spectateurs aux soldats, arguant qu’ils ignoraient tout de ces complots séditieux, et que si une sédition avait été soulevée, ils n’en savaient rien ; ils les supplièrent donc de les épargner et de ne pas punir ceux qui n’avaient pas participé le moins du monde à des crimes aussi audacieux que ceux commis par d’autres, tout en négligeant de rechercher ceux qui avaient réellement commis ces actes. Ainsi, ces gens implorèrent Dieu, déplorèrent leur malheur en versant des larmes et en se frappant le visage, et dirent tout ce que le danger le plus imminent et le plus grand souci de leur vie pouvaient leur dicter. Cela calma la fureur des soldats et les fit regretter ce qu’ils avaient l’intention de faire aux spectateurs, ce qui aurait été la plus grande cruauté. Et c’est ce qu’il apparut même à ces sauvages, lorsqu’ils eurent une fois fixé les têtes de ceux qui avaient été tués avec Asprenas sur l’autel. À cette vue, les spectateurs furent profondément affligés, tant par la considération de la dignité des personnes que par compassion pour leurs souffrances. En fait, ils étaient presque aussi désemparés à la perspective du danger qu’ils couraient eux-mêmes, car il était encore incertain qu’ils échapperaient entièrement à une telle calamité. C’est pourquoi ceux qui haïssaient Caïus à juste titre ne purent goûter le plaisir de sa mort, car ils risquaient eux-mêmes de périr avec lui. et ils n’avaient jusqu’alors aucune assurance ferme de survie.
18. Il y avait alors un certain Euaristus Arruntius, crieur public sur la place publique, et donc à la voix forte et audible, qui rivalisait de richesse avec les plus riches Romains, et pouvait faire ce qu’il voulait dans la ville, alors et plus tard. Cet homme revêtit l’habit le plus triste qu’il put, bien qu’il haïssât Caïus plus que quiconque ; sa peur et son habileté à se protéger l’y incitèrent et l’emportèrent sur son plaisir du moment. Il revêtit donc un costume aussi triste qu’il l’aurait fait s’il avait perdu ses amis les plus chers au monde. Cet homme entra dans le théâtre et annonça la mort de Caïus, mettant ainsi fin à l’ignorance dans laquelle les hommes se trouvaient. Arruntius fit également le tour des colonnes et appela les Germains, comme le firent les tribuns avec lui, leur ordonnant de rengainer leurs épées et leur annonçant la mort de Caïus. Et cette proclamation sauva manifestement ceux qui étaient rassemblés sur le théâtre, et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, rencontrèrent les Germains. Car, tout en espérant que Caïus était encore en vie, ils ne s’abstinrent de rien. Et ils avaient encore pour Caïus une si grande bienveillance qu’ils auraient volontiers empêché le complot contre lui et l’auraient sauvé d’un si triste malheur, au prix de leur propre vie. Mais ils abandonnèrent leur ardent zèle à punir ses ennemis, maintenant qu’ils étaient pleinement convaincus que Caïus était mort, car c’était en vain qu’ils lui témoignaient leur zèle et leur bienveillance, celui qui devait les récompenser ayant péri. Ils craignaient aussi d’être punis par le Sénat s’ils persistaient dans leurs injures, c’est-à-dire si l’autorité du gouverneur suprême leur revenait. Ainsi fut enfin apaisée, non sans difficulté, la colère qui s’emparait des Germains à la mort de Caïus.
19. Mais Cherea craignait tellement pour Minucianus, craignant qu’il ne tombe sur les Germains, maintenant qu’ils étaient en fureur, qu’il alla trouver chacun des soldats, les priant de veiller à sa sécurité, et s’enquit avec insistance de sa mort. Quant à Clément, il laissa partir Minucianus lorsqu’on le lui amena, et, avec de nombreux autres sénateurs, il affirma que l’action était juste, loua la vertu de ceux qui l’avaient orchestrée et eurent le courage de l’exécuter. et dit que « les tyrans se plaisent certes à eux-mêmes et paraissent grands pendant un certain temps, lorsqu’ils ont le pouvoir d’agir injustement ; mais ils ne quittent cependant pas le monde avec bonheur, car ils sont haïs par les vertueux ; et que Caius, avec tout son malheur, était devenu un conspirateur contre lui-même, avant que ces autres hommes qui l’attaquaient ne le fassent ; et en devenant intolérable, en mettant de côté la sage disposition que les lois avaient prise, il a appris à ses amis les plus chers à le traiter comme un ennemi ; de sorte que bien que dans le discours commun ces conspirateurs étaient ceux qui ont tué Caius, pourtant, en réalité, il gît maintenant mort comme périssant de lui-même. »
20. À ce moment-là, le public du théâtre s’était levé de ses sièges, et ceux qui étaient à l’intérieur provoquèrent un grand tumulte. La cause en était que les spectateurs s’étaient éloignés trop vite. Un certain Aleyon, médecin, s’était empressé de partir, comme pour soigner les blessés. Sous ce prétexte, il envoya ses compagnons chercher le nécessaire à leur guérison, mais en réalité pour les tirer du danger où ils se trouvaient. Pendant ce temps, le sénat s’était réuni, et le peuple, comme d’habitude, s’était rassemblé pour rechercher les meurtriers de Caïus. Le peuple s’y employa avec beaucoup de zèle, mais le sénat ne le fit qu’en apparence ; Valère d’Asie, ancien consul, était présent. Cet homme alla trouver le peuple, car il était en désordre et très inquiet de ne pouvoir encore découvrir l’identité des assassins de l’empereur. On lui demanda alors avec insistance qui était l’auteur du crime. Il répondit : « J’aurais voulu être cet homme. » Les consuls [6] publièrent également un édit accusant Caïus et ordonnant au peuple rassemblé et aux soldats de rentrer chez eux. Ils donnèrent au peuple l’espoir d’une diminution des oppressions qu’il subissait. Ils promirent aux soldats, s’ils restaient calmes comme d’habitude et ne se rendaient pas à l’étranger pour commettre des méfaits injustes, de les récompenser. Car il y avait lieu de craindre que la ville ne subisse des dommages à cause de leur conduite sauvage et incontrôlable, s’ils se mettaient à piller les citoyens ou à piller les temples. Alors, toute la multitude des sénateurs était rassemblée, et surtout ceux qui avaient conspiré pour ôter la vie à Caïus, qui affichaient alors une grande assurance et une grande magnanimité, comme si la direction des affaires publiques leur était déjà confiée.
Comment les sénateurs ont décidé de restaurer la démocratie ; mais les soldats étaient pour la préservation de la monarchie, concernant le massacre de la femme et de la fille de Caius. Un trait de la morale de Caius.
1. Alors que les affaires publiques étaient dans cette situation, Claude fut tout à coup chassé de sa maison ; car les soldats étaient réunis ; et après avoir débattu de ce qu’il y avait à faire, ils virent qu’une démocratie était incapable de gérer un si grand poids d’affaires publiques ; et que si elle était établie, ce ne serait pas à leur avantage ; et si quelqu’un de ceux qui étaient déjà au gouvernement obtenait le pouvoir suprême, ce serait à tous égards pour leur chagrin, s’ils ne l’aidaient pas dans cet avancement ; qu’il serait donc juste pour eux, pendant que les affaires publiques étaient instables, de choisir Claude empereur, qui était oncle de feu Caïus, et d’une dignité et d’une valeur supérieures à tous ceux qui étaient assemblés au sénat, à cause des vertus de ses ancêtres et de l’instruction qu’il avait acquise dans son éducation ; et qui, une fois établi dans l’empire, les récompenserait selon leurs mérites et leur accorderait des largesses. Telles furent leurs délibérations, et elles furent exécutées immédiatement. Claude fut donc saisi à l’improviste par les soldats. Mais Cnéas Sentins Saturninns, bien qu’il eût compris que Claude était saisi et qu’il avait l’intention de revendiquer le pouvoir, à contrecœur en apparence, mais en réalité de son plein gré, se leva au Sénat et, sans se laisser troubler, leur fit un discours d’exhortation, digne d’hommes libres et généreux, et parla ainsi :
2. Bien que ce soit une chose incroyable, ô Romains ! En raison de la longueur du temps, qu’un événement aussi inattendu se soit produit, nous sommes désormais en possession de la liberté. Sa durée est incertaine, et dépend des dieux, qui l’accordent ; mais elle est suffisante pour nous réjouir et être heureux pour le moment, même si nous pouvons bientôt en être privés ; car une heure suffit à ceux qui sont exercés à la vertu, pour vivre l’esprit responsable envers nous-mêmes, dans notre propre pays, désormais libre et régi par les lois qui ont autrefois prospéré. Quant à moi, je ne me souviens pas de notre ancienne liberté, comme étant née après sa disparition ; mais je suis comblé de joie à la pensée de notre liberté actuelle. J’estime également heureux ceux qui sont nés et ont grandi dans cette ancienne liberté, et je pense que ces hommes ne méritent pas moins d’estime que les dieux eux-mêmes qui nous en ont fait goûter en ce temps-ci ; et je souhaite de tout cœur que cette paisible jouissance… Ce que nous connaissons actuellement pourrait perdurer à jamais. Cependant, ce seul jour peut suffire à notre jeunesse, comme à nous qui sommes âgés. Il semblerait un siècle à nos vieillards s’ils pouvaient mourir durant son heureuse durée ; il pourrait aussi servir à instruire les plus jeunes sur le genre de vertu qu’ont exercé ces hommes, dont nous sommes issus. Quant à nous, notre devoir est, durant ce temps, de vivre vertueusement, ce qui ne peut être plus avantageux pour nous ; seule cette vertu peut préserver notre liberté ; car quant à notre ancienne situation, j’en ai entendu parler par des proches ; mais quant à notre situation actuelle, de mon vivant, je l’ai connue par expérience, et j’ai ainsi appris les maux que les tyrannies ont causés à cette république, décourageant toute vertu, privant de liberté les personnes magnanimes, et faisant d’elles les maîtres de la flatterie et de la crainte servile, car elles laissent l’administration publique régie non par des lois sages, mais par l’humeur de ceux qui gouvernent. Car depuis que Jules César s’est mis en tête de dissoudre notre démocratie, et, en s’opposant au système régulier de nos lois, de semer le désordre dans notre administration, de s’élever au-dessus du droit et de la justice, et d’être esclave de ses propres inclinations, il n’est pas de malheur qui n’ait contribué à la subversion de cette ville. Tandis que tous ceux qui lui ont succédé se sont efforcés les uns les autres de renverser les anciennes lois de leur pays, et l’ont laissé dépourvu de citoyens aux principes généreux, pensant qu’il était dans leur intérêt d’avoir des hommes vicieux avec qui s’entretenir, et non seulement de briser le moral de ceux qui étaient les plus estimés pour leur vertu, mais de vouloir leur destruction totale. De tous ces empereurs, nombreux et nombreux, qui nous ont imposé d’insupportables difficultés durant leur règne, ce Caïus,Celui qui a été tué aujourd’hui nous a infligé des calamités plus terribles que tous les autres, non seulement en exerçant sa rage incontrôlée sur ses concitoyens, mais aussi sur ses proches et amis, et sur tous les autres, et en leur infligeant des souffrances encore plus grandes, des châtiments qu’ils ne méritaient pas, étant également furieux contre les hommes et contre les dieux. Car les tyrans ne se contentent pas d’obtenir leur doux plaisir, et cela en agissant de manière nuisible, et dans le chagrin qu’ils causent aux biens des hommes et à leurs femmes ; mais ils considèrent que leur principal avantage est de pouvoir renverser complètement les familles entières de leurs ennemis ; tandis que tous les amoureux de la liberté sont les ennemis de la tyrannie. Et ceux qui supportent patiemment les souffrances qu’ils leur infligent ne peuvent gagner leur amitié ; car comme ils sont conscients des nombreux maux qu’ils ont causés à ces hommes, et de la magnanimité avec laquelle ils ont supporté leurs dures fortunes, ils ne peuvent que se rendre compte des maux qu’ils ont commis, et ne compter donc sur la sécurité de ce dont ils se méfient que s’il est en leur pouvoir de les faire sortir complètement du monde. Puisque nous sommes maintenant à l’abri de si grands malheurs, et que nous ne sommes responsables que les uns envers les autres (forme de gouvernement qui nous offre la meilleure assurance de notre concorde actuelle, nous promet la meilleure sécurité contre les mauvais desseins, et qui sera la plus profitable à notre propre gloire en rétablissant la ville en bon ordre), vous devez, chacun de vous en particulier, prendre des dispositions pour ses propres intérêts et, en général, pour l’utilité publique ; ou, au contraire, ils peuvent déclarer leur désaccord avec les propositions qui ont été faites, et cela sans aucun risque de danger pour eux, car ils n’ont plus de seigneur établi sur eux, qui, sans crainte de châtiment, puisse nuire à la ville, et ait le pouvoir irrésistible d’éliminer ceux qui expriment librement leurs opinions. Et rien n’a autant contribué à cette augmentation de la tyrannie ces derniers temps que la paresse et une tolérance craintive à contredire la volonté de l’empereur, alors que les hommes avaient une inclination excessive à la douceur de la paix et avaient appris à vivre comme des esclaves ; Et tous ceux d’entre nous qui, par crainte de mourir vertueusement, ont entendu parler d’insupportables calamités survenues au loin, ou qui ont vu les misères qui nous étaient proches, ont enduré une mort mêlée à la plus grande infamie. Nous devons donc, en premier lieu, décerner les plus grands honneurs possibles à ceux qui ont délivré le tyran, et en particulier à Chéréa Cassius ; car cet homme, avec l’aide des dieux, a, par ses conseils et ses actions, été le garant de notre liberté. Nous ne devons pas non plus oublier, maintenant que nous avons recouvré notre liberté, celui qui, sous la tyrannie précédente, a d’avance pris conseil et s’est risqué pour notre liberté ; mais nous devons lui décerner les honneurs qui lui sont dus, et par là même déclarer ouvertement qu’il a agi dès le début avec notre approbation.Et c’est certainement une excellente chose, et ce qui convient aux hommes libres, de récompenser leurs bienfaiteurs, comme cet homme a été un bienfaiteur pour nous tous, bien que pas du tout comme Cassius et Brutus, qui ont tué Caius Julius [César] ; car ces hommes ont posé les bases de la sédition et des guerres civiles dans notre ville ; mais cet homme, avec son massacre du tyran, a libéré notre ville de toutes ces tristes misères qui ont résulté de la tyrannie.
3. Tel fut le sens du discours de Sentius, [7] qui fut accueilli avec plaisir par les sénateurs et par tous les membres de l’ordre équestre présents. Un certain Trebellius Maximus se leva précipitamment et ôta du doigt de Sentius une bague sur laquelle était gravée une pierre à l’effigie de Caïus. Dans son zèle à parler et son empressement à faire ce qu’il faisait, il avait, comme on le supposait, oublié de l’ôter lui-même. Cette pierre fut brisée aussitôt. Mais comme la nuit était déjà avancée, Chéréa demanda aux consuls le mot d’ordre, qui le lui donna : Liberté. Ces faits étaient pour eux des sujets d’admiration, et presque incroyables ; car cent ans s’étaient écoulés depuis l’abandon de la démocratie, lorsque ce mot d’ordre revint aux consuls ; car avant que la ville ne fût soumise aux tyrans, ils étaient les chefs des soldats. Mais lorsque Cherea eut reçu ce mot d’ordre, il le remit aux quatre régiments du Sénat, qui estimaient préférable un gouvernement sans empereur à la tyrannie. Ceux-ci partirent donc avec leurs tribuns. Le peuple aussi s’en alla alors très joyeux, plein d’espoir et de courage, car il avait retrouvé son ancienne démocratie et n’était plus sous l’autorité d’un empereur ; et Cherea jouissait d’une grande estime auprès d’eux.
4. Chéréa était très inquiet que la fille et la femme de Caïus fussent encore en vie et que toute sa famille ne périsse pas avec lui, car ceux qui en restaient devaient être abandonnés à la ruine de la ville et des lois. De plus, afin de mettre fin à cette affaire avec le plus grand zèle et d’apaiser sa haine pour Caïus, il envoya Julius Lupus, l’un des tribuns, tuer la femme et la fille de Caïus. Ils proposèrent cette fonction à Lupus, comme à un parent de Clément, afin qu’il puisse participer au meurtre du tyran, se réjouir de la vertu d’avoir aidé ses concitoyens et paraître complice de ceux qui avaient été les premiers à le contraindre. Cependant, cet acte parut trop cruel à certains conspirateurs, quant à la sévérité qu’il appliquait à une femme, car Caïus s’abandonnait plus à sa propre méchanceté qu’à ses conseils dans tout ce qu’il faisait. C’est à cause de cette mauvaise nature que la ville se trouva dans un état si désespéré, avec les malheurs qui lui furent infligés, et que la fleur de la ville fut détruite. Mais d’autres l’accusèrent d’avoir consenti à ces choses ; ils en attribuèrent la cause à tout ce que Caïus lui avait fait, et affirmèrent qu’elle avait administré à Caïus un breuvage qui l’avait rendu odieux à ses yeux et l’avait contraint à l’aimer par de si mauvaises méthodes ; au point que, l’ayant rendu fou, elle était devenue l’auteur de tous les malheurs qui avaient frappé les Romains et le monde habitable qui leur était soumis. Si bien qu’il fut finalement décidé qu’elle devait mourir ; et ceux qui étaient de l’avis contraire ne purent la sauver ; et Lupus fut envoyé en conséquence. Il n’y eut aucun retard dans l’exécution de son projet, mais il se soumit à ceux qui l’avaient envoyé à la première occasion, désireux de ne pas être blâmé pour ce qui pouvait être fait pour le bien du peuple. Ainsi, lorsqu’il fut arrivéArrivé au palais, il trouva Césonia, l’épouse de Caïus, étendue près du corps de son mari, lui aussi étendu à terre. Dépourvue de tout ce que la loi accorde aux morts, elle était toute couverte du sang des blessures de son mari, se lamentant sur la grande affliction qu’elle subissait, sa fille étant également étendue à ses côtés. On n’entendit rien d’autre dans cette situation que ses plaintes contre Caïus, comme s’il n’avait pas tenu compte de ce qu’elle lui avait souvent raconté auparavant. Ces paroles, interprétées différemment à cette époque, sont aujourd’hui considérées comme tout aussi ambiguës par ceux qui les entendent, et sont encore interprétées selon les inclinations diverses de chacun. Certains disaient que ces paroles indiquaient qu’elle lui avait conseillé de renoncer à sa folie et à sa cruauté barbare envers les citoyens, et de gouverner le peuple avec modération et vertu, de peur de périr de la même manière, s’ils le traitaient comme il les avait traités. Mais certains disaient que, comme certaines choses s’étaient passées au sujet des conspirateurs, elle avait recommandé à Caius de les mettre immédiatement à mort, coupables ou non, et qu’ainsi il serait à l’abri de tout danger. C’est ce qu’elle lui reprochait en le conseillant, mais il était trop lent et trop délicat. Voilà ce que Césonia avait dit, et ce que les hommes pensaient à ce sujet. Voyant Lupus s’approcher, elle lui montra le corps de Caius et le persuada de s’approcher, avec larmes et lamentations. Voyant que Lupus était en désordre et s’approchait d’elle pour exécuter un dessein qui lui était désagréable, elle comprit parfaitement le but de sa venue et lui tendit son cou nu, le plus joyeusement du monde, se lamentant sur son sort, comme quelqu’un qui désespère de sa vie, et lui recommandant de ne pas hésiter à achever la tragédie qu’ils avaient décidé de lui raconter. Elle reçut donc courageusement la blessure mortelle de la main de Lupus, tout comme sa fille après elle. Lupus s’empressa donc d’informer Cherea de son acte.
5. Telle fut la fin de Caïus, après quatre ans de règne, en quatre mois. Avant même d’être empereur, il était d’un naturel méchant, arrivé au plus haut degré de méchanceté ; esclave de ses plaisirs et amateur de calomnies ; profondément affecté par chaque accident terrible, et de ce fait, d’un tempérament meurtrier lorsqu’il osait le montrer. Il jouissait de son pouvoir exorbitant dans le seul but de nuire à ceux qui le méritaient le moins, avec une insolence déraisonnable, et s’enrichissait par le meurtre et l’injustice. Il s’efforçait de paraître au-dessus de tout ce qui était divin ou conforme aux lois, mais il était esclave des louanges du peuple ; et tout ce que les lois jugeaient honteux et punissaient, il le considérait comme plus honorable que la vertu. Il oubliait ses amis, aussi intimes fussent-ils, et bien qu’ils fussent des personnes de la plus haute considération, S’il était en colère contre l’un d’eux, il le punissait pour les moindres motifs, et considérait comme son ennemi tout homme qui s’efforçait de mener une vie vertueuse. Quoi qu’il ordonnât, il n’admettait aucune contradiction avec ses inclinations ; c’est pourquoi il eut des conversations criminelles avec sa propre sœur ; [8] c’est aussi principalement à cause de cette occasion qu’une haine amère s’éleva contre lui parmi les citoyens, ce genre d’inceste n’étant pas connu depuis longtemps ; ce qui incita les gens à se méfier de lui et à haïr celui qui s’en rendait coupable. Quant à toute œuvre importante ou royale qu’il ait jamais accomplie, qui puisse être pour le présent et pour l’avenir, personne ne peut en nommer une, si ce n’est le port qu’il construisit autour de Rhegium et de la Sicile, pour accueillir les navires qui apportaient du blé d’Égypte ; ce qui était en effet, sans conteste, une œuvre très importante en elle-même, et d’un très grand avantage pour la navigation. Pourtant, ce travail ne fut pas perfectionné par lui, mais une moitié resta imparfaite, faute d’application. La raison en était qu’il employait ses études à des choses inutiles, et qu’en dépensant son argent pour des plaisirs qui ne concernaient que le sien, il ne pouvait exercer sa générosité dans des choses indéniablement de grande importance. Par ailleurs, c’était un excellent orateur, et il connaissait parfaitement la langue grecque, aussi bien que son pays ou la langue romaine. Il était également capable, avec désinvolture et promptitude, de répondre à des compositions d’autrui, d’une longueur et d’une exactitude considérables. Il était aussi plus habile que quiconque à persuader les autres de très grandes choses, et cela grâce à une affabilité naturelle, qu’il avait améliorée par beaucoup d’exercice et de travail. Car, étant le petit-fils [9] du frère de Tibère, dont il était le successeur, cela constituait un puissant encouragement à l’acquisition de connaissances, car Tibère aspirait au plus haut degré de ce genre de réputation. et Caius aspirait à la même gloire pour l’éloquence,Incité à le faire par les lettres de son parent et de son empereur, il comptait parmi les premiers citoyens. Mais les avantages que lui procurait son savoir ne compensaient pas les torts qu’il s’attirait en exerçant son autorité ; il est si difficile d’acquérir la vertu nécessaire à un homme sage, qui possède le pouvoir absolu d’agir à sa guise sans contrôle. Au début, il se fit des amis de la plus haute valeur, et il en fut très aimé, tout en imitant leur zèle pour l’étude et les actions glorieuses des hommes les plus méritants. Mais lorsqu’il devint insolent à leur égard, ils abandonnèrent leur bienveillance et commencèrent à le haïr ; de cette haine naquit le complot qu’ils fomentèrent contre lui et qui le fit périr.
COMMENT CLAUDE FUT SAISI, EMMENÉ HORS DE SA MAISON ET CONDUIT AU CAMP ; ET COMMENT LE SÉNAT LUI ENVOYA UNE AMBASSADE.
1. Or, Claude, comme je l’ai déjà dit, quitta le chemin emprunté par Caïus. Comme la famille était dans un grand désordre à la suite du triste accident du meurtre de Caïus, il se demandait comment se sauver. On découvrit qu’il s’était caché dans un endroit étroit, [10] bien qu’il n’eût d’autre motif de soupçonner aucun danger que la dignité de sa naissance. Car, tout simple citoyen, il se conduisait avec modération et se contentait de sa situation actuelle, s’appliquant à l’étude, et surtout à celle des Grecs, et se tenant à l’écart de tout ce qui pouvait provoquer des troubles. Mais comme à ce moment-là la multitude était dans la consternation, que tout le palais était en proie à la folie des soldats, et que les gardes de l’empereur eux-mêmes semblaient en proie à la même crainte et au même désordre que les simples citoyens, la troupe dite prétorienne, qui était la partie la plus pure de l’armée, se consultait sur la conduite à tenir à ce moment. Or, tous ceux qui étaient à cette délibération n’avaient guère d’égards pour le châtiment subi par Caius, car il méritait justement une telle fortune. Ils pensaient plutôt à leur propre situation, à la meilleure façon de se protéger, surtout pendant que les Germains étaient occupés à punir les meurtriers de Caius. Ce qui était pourtant fait plutôt pour satisfaire leur humeur féroce que pour le bien public. Tout cela troubla Claudius, qui craignait pour sa sécurité, surtout parce qu’il voyait les têtes d’Asprenas et de ses associés promenés. Il se tenait sur une hauteur, où quelques pas le conduisaient, et où il s’était retiré seul dans l’obscurité. Mais lorsque Gratus, l’un des soldats du palais, l’aperçut, mais ne reconnut pas bien à son visage, car il faisait sombre, bien qu’il pût deviner que c’était un homme qui se trouvait là secrètement pour quelque dessein, il s’approcha de lui. Lorsque Claude voulut se retirer, on découvrit son identité et on reconnut qu’il s’agissait de Claude. Il dit alors à ses partisans : « Voici un Germanicus ; [11] allons, choisissons-le pour empereur. » Mais Claude, voyant qu’ils se préparaient à l’emmener de force, et craignant qu’ils ne le tuent, comme ils avaient tué Caïus, les supplia de l’épargner, leur rappelant sa discrétion et son ignorance de ce qui s’était passé. Sur ce, Gratus lui sourit, le prit par la main droite et dit : « Abandonne, seigneur, ces basses pensées de salut ; tu devrais avoir de plus grandes pensées, comme celle d’obtenir l’empire que les dieux, soucieux du monde habité, en éliminant Caïus, confient à ta vertueuse conduite. Va donc accepter le trône de tes ancêtres. » Ils le prirent donc et le portèrent, car il ne pouvait alors pas marcher à pied, tant était grande sa crainte et sa joie à ce qu’on lui disait.
2. Or, un grand nombre de gardes s’étaient déjà rassemblés autour de Gratus ; et lorsqu’ils virent Claude emmené, ils le regardèrent avec tristesse, comme s’ils le supposaient exécuté pour les méfaits qui venaient d’être commis ; tout en le considérant comme un homme qui ne s’était jamais mêlé des affaires publiques de toute sa vie, et qui n’avait pas couru de dangers méprisables sous le règne de Caïus ; et certains d’entre eux pensèrent qu’il était raisonnable que les consuls prennent connaissance de ces faits ; et comme les soldats se rassemblaient de plus en plus, la foule autour de lui s’enfuit, et Claude pouvait à peine continuer son chemin, tant son corps était alors faible ; et ceux qui portaient sa chaise, sur une enquête qui fut faite sur son enlèvement, s’enfuirent et se sauvèrent, comme désespérant de la conservation de leur Seigneur. Mais lorsqu’ils furent entrés dans la grande cour du palais (qui, à ce qu’on dit, était la plus habitée de toutes les parties de la ville de Rome), et qu’ils arrivèrent au trésor public, de nombreux autres soldats l’entourèrent, heureux de revoir Claude et estimant qu’il était tout à fait juste de le faire empereur, en raison de leur bienveillance envers Germanicus, son frère, qui avait laissé une grande réputation parmi tous ceux qui le connaissaient. Ils songèrent aussi à l’avarice des principaux sénateurs et aux graves erreurs qu’ils avaient commises lorsque le Sénat gouvernait auparavant. Ils considérèrent aussi l’impossibilité d’une telle entreprise, et aussi les dangers qu’ils courraient si le gouvernement revenait à une seule personne, et que celle-ci le possédât, comme ils n’y étaient pour rien, et non pas à Claude, qui le prendrait comme leur concession, comme gagné par leur bienveillance envers lui, et se souviendrait des faveurs qu’ils lui avaient faites, et leur en ferait une récompense suffisante.
3. Tels furent les entretiens que les soldats eurent entre eux, et ils les communiquèrent à tous ceux qui les rejoignirent. Ceux qui s’enquirent de ce sujet acceptèrent volontiers l’invitation qui leur fut faite de se joindre aux autres ; ils emmenèrent donc Claude au camp, se pressant autour de lui comme pour le protéger, et l’entourant, un président se succédant sans cesse, afin de ne pas entraver leurs efforts acharnés. Mais quant au peuple et aux sénateurs, leurs opinions divergeaient. Ces derniers étaient très désireux de recouvrer leur ancienne dignité et désiraient ardemment se libérer de l’esclavage que leur avait imposé le traitement injurieux des tyrans, que l’occasion leur offrait. Mais le peuple, jaloux d’eux et sachant que les empereurs étaient capables de réfréner leur cupidité et leur constituaient un refuge, se réjouit de l’arrestation et de l’arrivée de Claude, estimant que si Claude était nommé empereur, il empêcherait une guerre civile comme celle du temps de Pompée. Mais lorsque le Sénat apprit que Claude avait été amené au camp par les soldats, il lui envoya ceux de ses membres les plus vertueux, afin de lui faire comprendre qu’il ne devait rien faire par la violence pour s’emparer du pouvoir ; que lui, seul, déjà membre ou futur membre de leur corps, devait céder à un Sénat si nombreux ; qu’il devait laisser la loi régner sur tout ce qui concernait l’ordre public, et se souvenir des graves afflictions des tyrans précédents dans leur ville, et des dangers auxquels lui et eux avaient échappé sous Caïus ; Français et qu’il ne devait pas haïr le lourd fardeau de la tyrannie, lorsque le mal est fait par d’autres, tandis que lui-même traitait volontairement son pays d’une manière folle et insolente ; que s’il se soumettait à eux, et démontrait que sa ferme résolution était de vivre tranquillement et vertueusement, il se verrait décerner les plus grands honneurs qu’un peuple libre puisse accorder ; et en se soumettant à la loi, il obtiendrait cette branche de louange, qu’il a agi comme un homme de vertu, à la fois comme dirigeant et comme sujet ; mais que s’il agissait stupidement, et n’apprenait aucune sagesse de la mort de Caïus, ils ne lui permettraient pas de continuer ; qu’une grande partie de l’armée était rassemblée pour eux, avec beaucoup d’armes et un grand nombre d’esclaves, dont ils pouvaient se servir ; que bon espoir était une grande chose dans de tels cas, comme l’était aussi la bonne fortune ; et que les dieux n’aideraient jamais d’autres que ceux qui entreprenaient d’agir avec vertu et bonté, qui ne peuvent être autres que ceux qui combattent pour la liberté de leur pays.
4. Or ces ambassadeurs, Véranius et Brocchus, qui étaient tous deux tribuns du peuple, adressèrent ce discours à Claude ; et tombant à genoux, ils le supplièrent de ne pas jeter la ville dans les guerres et les malheurs ; mais quand ils virent quelle multitude de soldats entourait et gardait Claude, et que les forces qui étaient avec les consuls étaient, en comparaison d’elles, tout à fait insignifiantes, ils ajoutèrent que s’il désirait le gouvernement, il devrait l’accepter comme donné par le sénat ; qu’il prospérerait mieux et serait plus heureux, s’il y parvenait, non par l’injustice, mais par la bienveillance de ceux qui le lui donneraient.
CE QUE LE ROI AGRIPPA FUT POUR CLAUDE ; ET COMMENT CLAUDE, APRÈS AVOIR PRIS LE GOUVERNEMENT, ORDONNA QUE LES MEURTRIERS DE CAIUS SOIENT TUÉS.
1. Claude, bien que conscient de l’insolence du Sénat qui lui avait envoyé des troupes, se conduisit pour l’instant avec modération, suivant leurs conseils, non pas au point de ne pas pouvoir se remettre de sa frayeur. Aussi fut-il encouragé à revendiquer le pouvoir, tant par l’audace des soldats que par la persuasion du roi Agrippa, qui l’exhorta à ne pas laisser échapper un tel pouvoir, alors qu’il lui était parvenu spontanément. Agrippa, à l’égard de Caïus, fit ce qui convenait à celui qu’il avait tant honoré : il embrassa le corps de Caïus après sa mort, le déposa sur un lit et le couvrit de son mieux. Il alla trouver les gardes et leur annonça que Caïus était encore vivant ; mais il leur dit d’appeler des médecins, car il était gravement blessé. Apprenant que Claude avait été violemment emmené par les soldats, il se précipita à lui à travers la foule. Voyant qu’il était en désordre et prêt à céder le pouvoir au Sénat, il l’encouragea et le pria de le conserver. Après avoir dit cela à Claude, il se retira chez lui. Le Sénat l’ayant fait venir, il se parfuma la tête, comme s’il venait de l’accompagner avec sa femme et de la renvoyer, puis vint les trouver. Il s’enquit également auprès des sénateurs de ce que faisait Claude. Ceux-ci lui exposèrent la situation actuelle, puis lui demandèrent son avis sur l’état de la cité. Il leur déclara qu’il était prêt à perdre la vie pour l’honneur du Sénat, mais qu’il les priait de considérer leur intérêt, sans se soucier de ce qui leur plaisait le plus. Car ceux qui s’acharnent sur le gouvernement auront besoin d’armes et de soldats pour les protéger, à moins qu’ils ne s’installent sans préparation et ne courent ainsi un danger. Le Sénat répondit qu’il apporterait des armes et de l’argent en abondance, qu’une partie de l’armée était déjà constituée et qu’il en lèverait une plus grande en libérant les esclaves. Agrippa répondit : « Ô sénateurs ! Puissiez-vous réaliser vos projets ! Je vous dirai d’emblée ce que je pense, car il est dans votre intérêt. Sachez donc que l’armée qui combattra pour Claude est depuis longtemps exercée aux affaires militaires ; mais la nôtre ne sera qu’une multitude d’hommes inexpérimentés, libérés de l’esclavage et indomptables. Il nous faudra alors combattre des hommes habiles à la guerre, mais qui ne savent même pas tirer l’épée. Je suis donc d’avis d’envoyer des hommes auprès de Claude pour le persuader de quitter le gouvernement ; et je suis prêt à être l’un de vos ambassadeurs. »
2. Sur ce discours d’Agrippa, le Sénat l’écouta. Il fut envoyé parmi d’autres pour informer Claude en privé du désordre qui régnait au Sénat et lui donner instruction de leur répondre avec un ton autoritaire, en personne investie de dignité et d’autorité. Claude dit donc aux ambassadeurs qu’il ne s’étonnait pas que le Sénat ne veuille pas d’empereur, harcelé par la barbarie de ceux qui avaient auparavant dirigé leurs affaires ; mais qu’ils goûteraient sous lui un gouvernement équitable et des temps modérés, tandis qu’il ne serait leur chef que de nom, mais que l’autorité leur serait également commune ; et puisqu’il avait vécu sous leurs yeux de nombreuses et diverses scènes de la vie, il serait bon qu’ils ne se méfient pas de lui. Les ambassadeurs, après avoir entendu cette réponse, furent congédiés. Claude s’entretint avec l’armée rassemblée, qui prêta serment de lui rester fidèle. Sur quoi il donna à chaque garde cinq mille [12] drachmes chacun, et une quantité proportionnelle à leurs capitaines, et promit de donner la même chose au reste des armées où qu’elles soient.
3. Les consuls convoquèrent le Sénat dans le temple de Jupiter le Conquérant, pendant la nuit. Certains sénateurs, incertains de la conduite à tenir à cette convocation, se cachèrent dans la ville. D’autres, prévoyant l’évolution des affaires publiques et désespérant de leur liberté, quittèrent la ville pour regagner leurs fermes. Ils estimaient même préférable d’être esclaves sans danger et de mener une vie paresseuse et inactive, plutôt que de se réclamer de la dignité de leurs ancêtres et de risquer leur propre sécurité. Cependant, une centaine d’hommes, pas plus, furent réunis. Comme ils étaient en délibération sur la situation actuelle, une clameur soudaine s’éleva parmi les soldats qui étaient de leur côté, demandant au Sénat de leur choisir un empereur et de ne pas ruiner le gouvernement en instaurant une multitude de chefs. Ils se prononcèrent donc résolument pour que le gouvernement soit confié non pas à tous, mais à un seul. Mais ils permirent au Sénat de chercher un homme digne de les diriger. La situation du Sénat était donc bien pire qu’auparavant, car non seulement ils n’avaient pas recouvré leur liberté, dont ils se vantaient, mais ils redoutaient aussi Claude. Pourtant, certains aspiraient au pouvoir, tant pour la dignité de leurs familles que pour celle que leur conféraient leurs mariages. Marcus Minucianus, en effet, était illustre, tant par sa noblesse que par son mariage avec Julia, sœur de Caïus, qui était donc tout disposé à revendiquer le pouvoir, bien que les consuls le décourageassent et différaient sans cesse sa proposition. Minucianus, l’un des meurtriers de Caïus, empêcha Valérius d’Asie de penser à de telles choses ; et il y aurait eu un massacre prodigieux si on avait permis à ces hommes de se dresser contre Claude. Il y avait aussi un nombre considérable de gladiateurs, de soldats qui veillaient la nuit dans la ville et de rameurs de navires, qui tous se précipitèrent dans le camp ; de sorte que, parmi ceux qui se présentèrent pour le gouvernement, les uns abandonnèrent leurs prétentions afin d’épargner la ville, et les autres par crainte pour leurs propres personnes.
4. Dès que le jour parut, Chéréa et ceux qui l’accompagnaient entrèrent dans le sénat et tentèrent de s’adresser aux soldats. Mais la multitude de ces soldats, voyant qu’ils faisaient signe de la main pour demander le silence et étaient prêts à leur parler, s’agita et les empêcha de parler, car ils étaient tous zélés pour la monarchie. Ils demandèrent au sénat un souverain, ne supportant plus de délais. Mais le sénat hésitait sur son propre gouvernement et sur la manière dont il serait gouverné, tandis que les soldats refusaient de les laisser gouverner et que les meurtriers de Caïus ne leur permettaient pas de leur dicter leur conduite. Dans ces circonstances, Chéréa ne put contenir sa colère et promit que s’ils désiraient un empereur, il le leur donnerait, pourvu que quelqu’un lui apporte le mot d’ordre d’Eutychus. Or, cet Eutychus, cocher de la faction des bandes vertes, surnommé Prasine, était un grand ami de Caïus. Il harcelait les soldats à construire des écuries et consacrait son temps à des travaux ignominieux, ce qui incita Chéréa à les blâmer et à les injurier. Il leur dit qu’il leur apporterait la tête de Claude et qu’il était étonnant qu’après leur folie passée, ils confient leur gouvernement à un fou. Pourtant, sans se laisser impressionner par ses paroles, ils tirèrent leurs épées, prirent leurs enseignes et allèrent trouver Claude pour lui prêter serment de fidélité. Le Sénat se retrouva donc sans personne pour le défendre, et les consuls eux-mêmes ne différaient en rien des simples citoyens. Ils étaient eux aussi dans la consternation et le chagrin, ne sachant ce qui allait advenir, car Claude était très irrité contre eux ; ils se mirent donc à s’insulter les uns les autres et se repentirent de leurs actes. À ce moment-là, Sabinus, l’un des meurtriers de Caïus, menaça de se jeter au milieu d’eux et de se donner la mort plutôt que de consentir à faire de Claude l’empereur et de voir l’esclavage revenir sur eux. Il injuria également Cherea, qui aimait trop sa vie, tandis que lui, le premier à mépriser Caïus, pouvait trouver bon de vivre, alors que, malgré tout ce qu’ils avaient fait pour recouvrer leur liberté, ils trouvaient impossible de le faire. Mais Cherea répondit qu’il n’avait aucun doute quant à son intention de se donner la mort, mais qu’il sonderait d’abord les intentions de Claude avant de passer à l’acte.
5. Tels furent les débats [au sujet du Sénat] ; mais dans le camp, tout le monde se pressait de tous côtés pour faire la cour à Claude ; et l’autre consul, Quintus Pomponhis, fut réprimandé par les soldats, pour avoir plutôt exhorté le Sénat à recouvrer sa liberté. Sur quoi, ils tirèrent leurs épées et voulurent l’attaquer, et ils l’auraient fait, si Claude ne les en avait empêchés, qui avait arraché le consul au danger et l’avait placé à ses côtés. Mais il ne reçut pas avec autant d’honneur la partie du Sénat qui était avec Quintus ; au contraire, certains reçurent des coups et furent repoussés en venant saluer Claude ; au contraire, Aponius s’en alla blessé, et tous étaient en danger. Cependant, le roi Agrippa s’approcha de Claude et le pria de traiter les sénateurs avec plus de douceur ; car si quelque malheur arrivait au Sénat, il ne voulait pas d’autres personnes sur qui gouverner. Claude obéit à ses ordres et convoqua le Sénat au palais. Il y fut lui-même conduit à travers la ville, sous la conduite des soldats, au grand dam de la foule. Cherea et Sabinus, deux des meurtriers de Caius, marchaient en tête, ouvertement, tandis que Pollion, que Claude avait nommé capitaine de ses gardes peu auparavant, leur avait adressé un édit épistolaire leur interdisant toute apparition publique. Claude, à son arrivée au palais, rassembla ses amis et sollicita leur suffrage au sujet de Cherea. Ils dirent que son œuvre était glorieuse ; mais ils l’accusèrent de perfidie, estimant qu’il était juste de lui infliger la peine de mort afin de désapprouver de tels actes à l’avenir. Cherea fut donc conduit à l’exécution, accompagné de Lupus et de nombreux autres Romains. On rapporte que Cherea supporta courageusement cette calamité, non seulement par la fermeté de son comportement, mais aussi par les reproches qu’il adressa à Lupus, qui fondit en larmes. Car, lorsque Lupus retira son vêtement et se plaignit du froid [13], il dit que le froid ne lui faisait jamais de mal, à lui, un loup. Comme de nombreux hommes les accompagnaient pour voir ce spectacle, Cherea, arrivé sur les lieux, demanda au soldat qui devait les exécuter s’il était habitué à cette fonction, ou si c’était la première fois qu’il utilisait son épée de cette manière, et lui demanda de lui apporter l’épée avec laquelle il avait tué Caïus. [14] Il fut donc heureusement tué d’un seul coup. Mais Lupus n’eut pas autant de chance en quittant le monde, car il était craintif et reçut de nombreux coups au cou, car il ne l’avait pas tendu hardiment [comme il aurait dû le faire].
6. Quelques jours plus tard, alors que les solennités des pères approchaient, la multitude romaine fit ses oblations habituelles à ses fantômes et mit des portions au feu en l’honneur de Chéréa, le suppliant d’être clément envers eux et de cesser sa colère contre eux pour leur ingratitude. Telle fut la fin de la vie de Chéréa. Quant à Sabinus, bien que Claude l’eût non seulement libéré, mais lui eût permis de conserver son ancien commandement dans l’armée, il jugea injuste de manquer à ses obligations envers ses compagnons de lutte ; il se jeta donc sur son épée et se tua, la blessure atteignant la garde.
COMMENT CLAUDE RESTAURA À AGRIPPA LES ROYAUMES DE SON AÎNÉ ET AUGMENTA SES DOMAINES ; ET COMMENT IL PUBLIA UN ÉDIT EN SON NOM.
1. Après que Claude eut fait disparaître tous les soldats qu’il soupçonnait, ce qu’il fit aussitôt, il publia un édit confirmant à Agrippa le royaume que Caïus lui avait donné, et il y loua hautement le roi. Il y ajouta aussi tout le territoire sur lequel Hérode, son grand-père, avait régné, c’est-à-dire la Judée et la Samarie ; il le lui rendit comme dû à sa famille. Quant à Abila [15] de Lysanias, et à tout ce qui se trouvait au mont Liban, il les lui donna comme s’il les avait pris sur son propre territoire. Il conclut aussi une alliance avec cet Agrippa, confirmée par serment, au milieu du forum, dans la ville de Rome. Il enleva aussi à Antiochus le royaume qu’il possédait, mais lui donna une partie de la Cilicie et de la Commagène. Il libéra aussi Alexandre Lysimaque, l’alabarque, qui avait été son vieil ami et intendant de sa mère Antonia, mais qui avait été emprisonné par Caïus, dont le fils [Marcus] avait épousé Bérénice, la fille d’Agrippa. Mais après la mort de Marc, fils d’Alexandre, qui l’avait épousée alors qu’elle était vierge, Agrippa la donna en mariage à son frère Hérode, et demanda pour lui à Claude le royaume de Chalcis.
2. À cette époque, une sédition éclata entre les Juifs et les Grecs à Alexandrie. Après la mort de Caïus, la nation juive, profondément humiliée sous le règne de Caïus et accablée par les Alexandrins, se ressaisit et prit aussitôt les armes pour se défendre. Claude envoya donc un ordre au président d’Égypte pour apaiser ce tumulte. il envoya également un édit, à la demande du roi Agrippa et du roi Hérode, à Alexandrie et en Syrie, dont le contenu était le suivant : « Tibère Claude César Auguste Germanicus, grand prêtre et tribun du peuple, ordonne ainsi : Puisque je suis assuré que les Juifs d’Alexandrie, appelés Alexandrins, ont été cohabitants dans les temps les plus anciens avec les Alexandrins, et ont obtenu de leurs rois des privilèges égaux à eux, comme le prouvent les archives publiques qui sont en leur possession, et les édits eux-mêmes ; et qu’après qu’Alexandrie eut été soumise à notre empire par Auguste, leurs droits et privilèges ont été préservés par les présidents qui y ont été envoyés à diverses époques ; et qu’aucune dispute n’avait été soulevée au sujet de ces droits et privilèges, même lorsque Aquila était gouverneur d’Alexandrie ; et que lorsque l’ethnarque juif était mort, Auguste n’a pas interdit la création de tels ethnars, voulant que tous les hommes soient soumis aux Romains de manière à continuer à observer leurs propres coutumes, et non « Je ne veux pas que la nation juive soit contrainte de transgresser les anciennes règles de la religion de son pays ; mais qu’à l’époque de Caïus, les Alexandrins se montrèrent insolents envers les Juifs qui étaient parmi eux, et que Caïus, dans sa grande folie et son incompréhension, réduisit la nation juive très bas, parce qu’elle refusait de transgresser le culte religieux de son pays et de l’appeler un dieu. Je veux donc que la nation juive ne soit pas privée de ses droits et privilèges à cause de la folie de Caïus ; mais que les droits et privilèges dont elle jouissait auparavant lui soient préservés, et qu’elle puisse continuer à vivre selon ses propres coutumes. Et j’ordonne aux deux parties de prendre très grande précaution pour qu’aucun trouble ne survienne après la promulgation de cet édit. »
3. Et tel était le contenu de cet édit en faveur des Juifs qui fut envoyé à Alexandrie. Mais l’édit qui fut envoyé aux autres parties de la terre habitable était le suivant : « Tibère Claude César Auguste Germanicus, grand prêtre, tribun du peuple, élu consul pour la seconde fois, ordonne ainsi : À la requête du roi Agrippa et du roi Hérode, qui me sont très chers, demandant que je conserve aux Juifs de tout l’empire romain les mêmes droits et privilèges que ceux que j’ai accordés à ceux d’Alexandrie, je m’y soumets de tout mon cœur ; et je fais cette concession non seulement par égard pour les pétitionnaires, mais parce que je juge les Juifs pour lesquels j’ai été sollicité dignes d’une telle faveur, en raison de leur fidélité et de leur amitié envers les Romains. Je pense également qu’il est très juste qu’aucune cité grecque ne soit privée de tels droits et privilèges, puisqu’ils lui ont été conservés sous le grand Auguste. Il conviendra donc de permettre aux Juifs, qui sont dans le monde entier sous notre domination, de conserver leurs anciennes coutumes sans en être empêchés. » Je leur ordonne également d’user de cette bienveillance envers eux avec modération, de ne pas mépriser les pratiques superstitieuses des autres nations, mais de n’observer que leurs propres lois. Je veux que ce décret soit gravé sur des tables par les magistrats des villes, des colonies et des municipalités, tant en Italie qu’à l’extérieur, rois et gouverneurs, par l’intermédiaire des ambassadeurs, et qu’il soit exposé au public pendant trente jours, dans un endroit où il puisse être lu clairement à même le sol. [16]
CE QU’AGRIPPA FUT FAIT À JÉRUSALEM LORSQU’IL FUT RETOURNÉ EN JUDÉE ; ET CE QUE PÉTRONE ÉCRIT AUX HABITANTS DE DORIS, EN SON NOM
1. Or, par ces décrets, envoyés à Alexandrie et à toute la terre habitée, Claude César fit connaître son opinion sur les Juifs. Aussitôt, il renvoya Agrippa prendre possession de son royaume, désormais élevé à une dignité plus illustre qu’auparavant, et envoya des lettres aux présidents et aux procurateurs des provinces pour qu’ils le traitent avec beaucoup de bienveillance. Il revint donc en toute hâte, comme il était probable qu’il le ferait, maintenant qu’il était revenu beaucoup plus prospère qu’auparavant. Il vint aussi à Jérusalem, offrit tous les sacrifices qui lui appartenaient, et ne manqua rien de ce que la loi exigeait ; [17] c’est pourquoi il ordonna que beaucoup de nazaréens eussent la tête coupée. Quant à la chaîne d’or que lui avait donnée Caïus, d’un poids égal à celle de fer avec laquelle ses mains royales avaient été liées, il la suspendit dans l’enceinte du temple, au-dessus du trésor, [18] afin qu’elle soit un mémorial du sort sévère qu’il avait subi et un témoignage de son amélioration ; afin qu’elle démontre comment la plus grande prospérité peut tomber, et que Dieu relève parfois ce qui est tombé. Car cette chaîne ainsi consacrée apportait un document à tous les hommes, que le roi Agrippa avait été autrefois enchaîné pour une petite cause, mais qu’il avait recouvré sa dignité antérieure ; et que peu de temps après, il s’était libéré de ses liens et était devenu un roi plus illustre qu’auparavant. Ainsi, les hommes peuvent comprendre que tous ceux qui participent de la nature humaine, si grands soient-ils, peuvent tomber ; et que ceux qui tombent peuvent retrouver leur ancienne dignité illustre.
2. Lorsqu’Agrippa eut entièrement accompli tous les devoirs du culte divin, il destitua Théophile, fils d’Anan, du grand-prêtre, et conféra cet honneur à Simon, fils de Boéthus, également nommé Canthéras, dont le roi Hérode épousa la fille, comme je l’ai déjà rapporté. Simon occupa donc le grand-prêtre avec ses frères et son père, de la même manière que les trois fils de Simon, fils d’Onias, l’occupèrent autrefois sous le gouvernement des Macédoniens, comme nous l’avons rapporté dans un livre précédent.
3. Lorsque le roi eut ainsi établi le grand-prêtre, il rendit la bienveillance dont les habitants de Jérusalem lui avaient fait preuve. Il les exempta de l’impôt sur les maisons, dont chacun s’était acquitté auparavant, estimant bon de récompenser la tendre affection de ceux qui l’aimaient. Il nomma également Silas général de ses forces, lui ayant témoigné sa solidarité dans nombre de ses tribulations. Mais peu après, les jeunes gens de Doris, préférant l’audace à la piété, et naturellement audacieux et insolents, transportèrent une statue de César dans une synagogue juive et l’y érigèrent. Cette démarche irrita vivement Agrippa, car elle tendait manifestement à la dissolution des lois de son pays. Il se rendit donc sans tarder auprès de Publius Petronius, alors président de Syrie, et accusa le peuple de Doris. Il ne fut pas moins irrité qu’Agrippa par ce geste, car il jugeait impie la transgression des lois qui régissent les actions humaines. Il écrivit donc la lettre suivante aux habitants de Doris, sur un ton de colère : « Publius Petronius, président sous Tibère Claude César Auguste Germanicus, aux magistrats de Doris, ordonne ce qui suit : Puisque certains d’entre vous ont eu l’audace, ou plutôt la folie, après la publication de l’édit de Claude César Auguste Germanicus, pour avoir permis aux Juifs d’observer les lois de leur pays, de ne pas les obéir, mais d’agir en totale opposition à celles-ci, comme interdisant aux Juifs de se rassembler dans la synagogue, en enlevant la statue de César et en l’y installant, et ont ainsi offensé non seulement les Juifs, mais l’empereur lui-même, dont la statue est plus commodément placée dans son propre temple que dans un temple étranger, là où se trouve le lieu de rassemblement ; alors que ce n’est qu’une partie de la justice naturelle, que chacun ait le pouvoir sur le lieu qui lui appartient en particulier, selon la détermination de César - sans parler de ma propre détermination, qu’il serait ridicule de mentionner après L’édit de l’empereur, qui autorise les Juifs à user de leurs coutumes et leur confère les mêmes droits de citoyens que les Grecs, ordonne que le centurion Proculus Vitellius m’amène les hommes qui, contrairement à l’édit d’Auguste, ont eu l’insolence de commettre cet acte. Ces mêmes hommes, qui paraissent les plus réputés parmi eux, s’indignent eux aussi et prétendent que cela n’a pas été fait avec leur consentement, mais par la violence de la multitude, afin qu’ils puissent rendre compte de ce qui s’est passé. J’exhorte également les principaux magistrats parmi eux, à moins qu’ils ne veuillent que cet acte soit considéré comme ayant été commis avec leur consentement, à signaler au centurion les coupables.et veillez à ce qu’aucun prétexte ne soit utilisé pour susciter une sédition ou une querelle parmi eux, ce que semblent être ceux qui encouragent de tels agissements. Moi-même et le roi Agrippa, pour qui j’ai le plus grand honneur, nous n’avons d’autre souci que d’empêcher la nation juive de se rassembler sous prétexte de se venger et de devenir tumultueuse. Et afin que soit mieux connu ce qu’Auguste a décidé à ce sujet, j’ai joint les édits qu’il a récemment fait publier à Alexandrie. Bien que connus de tous, le roi Agrippa, pour qui j’ai le plus grand honneur, les a lus alors devant mon tribunal et a plaidé pour que les Juifs ne soient pas privés des droits qu’Auguste leur a accordés. Je vous en conjure donc de ne rechercher, pour l’instant, aucune occasion de sédition ou de trouble, mais de permettre à chacun de suivre ses propres coutumes religieuses.
4. Pétrone prit donc les mesures nécessaires pour corriger une telle violation de la loi et éviter toute tentative de ce genre contre les Juifs. Le roi Agrippa retira alors la haute prêtrise à Simon Canthéras et la remit à Jonathan, fils d’Ananus, reconnaissant qu’il était plus digne de cette dignité que l’autre. Mais recouvrer son ancienne dignité ne lui semblait pas acceptable. Il refusa donc et dit : « Ô roi ! Je me réjouis de l’honneur que tu me portes et je suis reconnaissant que tu m’accordes une telle dignité, selon tes propres désirs, bien que Dieu ait jugé que je ne sois nullement digne du grand prêtre. Je me contente d’avoir revêtu les vêtements sacrés ; car je les ai alors revêtus d’une manière plus sainte que je ne les recevrais maintenant. Mais si tu désires qu’une personne plus digne que moi occupe cette honorable fonction, permets-moi de te la nommer. J’ai un frère pur de tout péché contre Dieu et de toute offense contre toi-même ; je te le recommande, car il est digne de cette dignité. » Le roi, satisfait de ces paroles, passa devant Jonathan et, selon le désir de son frère, conféra le grand prêtre à Matthias. Il ne fallut pas longtemps avant que Marc ne succède à Pétrone comme président de Syrie.
Concernant Silas et la raison pour laquelle le roi Agrippa était en colère contre lui. Comment Agrippa commença à entourer Jérusalem d’une muraille ; et quels bienfaits il accorda aux habitants de Béryte.
1. Or, Silas, le général de la cavalerie du roi, parce qu’il lui avait été fidèle dans tous ses malheurs, et qu’il n’avait jamais refusé de partager avec lui aucun de ses dangers, mais qu’il avait souvent subi pour lui les plus périlleux dangers, était plein d’assurance et pensait pouvoir espérer une sorte d’égalité avec le roi, en raison de la fermeté de l’amitié qu’il lui avait témoignée. En conséquence, il ne laissait nulle part le roi siéger comme son supérieur, et prenait la même liberté de lui parler en toute occasion, jusqu’à ce qu’il devienne importun pour le roi, lorsqu’ils étaient joyeux ensemble, se vantant outre mesure et rappelant souvent au roi la rigueur de sa fortune, afin de démontrer, par ostentation, le zèle dont il avait fait preuve à son service ; il ne cessait de répéter ce sujet, les efforts qu’il avait déployés pour lui, et il s’étendait encore beaucoup sur ce sujet. La répétition de ces paroles sembla faire un reproche au roi, au point qu’il prit la liberté incontrôlable de le calomnier. Car commémorer des moments d’ignominie ne leur est guère agréable ; et il est bien sot de raconter sans cesse à quelqu’un les bienfaits qu’il lui a prodigués. Finalement, Silas avait tellement provoqué l’indignation du roi qu’il agissait plutôt par colère que par égards. Il le destitua de sa charge de général de cavalerie, et le renvoya enchaîné dans son pays. Mais l’amertume de sa colère s’estompa avec le temps et fit place à des raisonnements plus justes sur son jugement à l’égard de cet homme ; il songea aux nombreux efforts qu’il avait consentis pour lui. Alors, alors qu’Agrippa célébrait son anniversaire et offrait des festivités à tous ses sujets, il fit appeler Silas à l’improviste pour qu’il soit son hôte. Mais comme il était d’une grande franchise, il pensait avoir maintenant un motif légitime de colère. Il ne pouvait le cacher à ceux qui venaient le chercher. Il leur dit : « À quel honneur le roi m’invite-t-il, et je le présume bientôt terminé ? Car le roi ne m’a pas laissé conserver les marques originelles de la bienveillance que je lui portais, celles que j’avais autrefois de lui ; mais il m’a dépouillé, et cela injustement. Pense-t-il que je puisse renoncer à cette liberté de parole dont, conscient de mes mérites, je me permettrai d’user plus haut qu’auparavant, et de raconter combien de malheurs j’ai été délivré, combien de travaux j’ai subis pour lui, grâce auxquels je lui ai valu délivrance et respect, et en récompense desquels j’ai supporté les peines des liens et une sombre prison ? Je n’oublierai jamais cet usage. Peut-être même, une fois sorti de ce corps, mon âme n’oubliera-t-elle pas les actions glorieuses que j’ai accomplies pour lui. » Telle fut la clameur qu’il fit, et il ordonna aux messagers de la rapporter au roi. Celui-ci comprit alors que Silas était incurable dans sa folie, et le laissa néanmoins en prison.
2. Quant aux murailles de Jérusalem, attenantes à la nouvelle ville [Bézétha], il les répara aux frais du public, les éleva plus larges et plus hautes ; elles étaient trop solides pour être démolies par toute force humaine, à moins que Marc Aurèle, alors président de Syrie, n’en ait informé Claude César par lettre. Soudain, Claude soupçonna des tentatives d’innovation, et il envoya Agrippa lui demander d’interrompre immédiatement la construction de ces murailles. Il obéit donc, ne jugeant pas convenable de contredire Claude.
3. Ce roi était naturellement très bienveillant et généreux dans ses dons, et très ambitieux de faire plaisir à son peuple par de si importantes donations ; il s’illustra par les nombreux présents qu’il leur offrait. Il prenait plaisir à donner et se réjouissait de vivre dans une bonne réputation. Il ne ressemblait en rien à Hérode qui avait régné avant lui ; car cet Hérode était méchant et sévère dans ses châtiments, et n’avait aucune pitié pour ceux qu’il haïssait. Et chacun voyait qu’il était plus amical envers les Grecs qu’envers les Juifs ; il ornait les villes étrangères de généreux présents en argent, leur construisait des bains et des théâtres ; il érigeait même des temples et des portiques dans certains de ces endroits ; mais il ne daignait pas élever le moindre édifice dans aucune ville juive, ni leur faire un don digne d’intérêt. Mais le caractère d’Agrippa était doux et également généreux envers tous. Il était humain envers les étrangers et les faisait sentir à sa générosité. Il était également d’un tempérament doux et compatissant. Aussi aimait-il vivre continuellement à Jérusalem et observait scrupuleusement les lois de son pays. Il se maintenait donc parfaitement pur ; aucun jour ne passait sans le sacrifice prévu.
4. Or, il y avait à Jérusalem un certain membre de la nation juive, qui semblait très versé dans la connaissance de la loi. Il s’appelait Simon. Cet homme convoqua une assemblée, pendant l’absence du roi à Césarée, et eut l’insolence de l’accuser de ne pas vivre saintement et de vouloir à juste titre l’exclure du temple, celui-ci étant réservé aux Juifs de souche. Mais le général de l’armée d’Agrippa l’informa que Simon avait tenu un tel discours devant le peuple. Le roi le fit donc appeler ; et, comme il était assis au théâtre, il le fit asseoir près de lui et lui dit d’une voix douce et basse : « Que fait-on ici qui soit contraire à la loi ? » Mais il ne trouva rien à dire pour sa défense, mais il lui demanda pardon. Le roi se réconcilia donc avec lui plus facilement qu’on ne l’aurait imaginé, estimant que la douceur est une qualité supérieure chez un roi à la colère, et sachant que la modération est plus convenable aux grands hommes que la colère. Il offrit donc à Simon un petit présent et le congédia.
5. Agrippa, grand bâtisseur en de nombreux lieux, accorda une considération particulière aux habitants de Béryte. Il leur fit ériger un théâtre, supérieur à beaucoup d’autres du même genre, tant par sa somptuosité que par son élégance, ainsi qu’un amphithéâtre, construit à grands frais. Il leur construisit également des thermes et des portiques, et ne lésina sur aucun détail dans ses édifices, afin de les rendre beaux et spacieux. Il dépensa également beaucoup pour leur inauguration, y organisa des spectacles et y fit venir des musiciens de toutes sortes, dont certains jouaient une musique des plus délicieuses et des plus variées. Il manifesta aussi sa magnificence au théâtre, par son grand nombre de gladiateurs ; c’est là qu’il exhiba les différents adversaires, afin de plaire aux spectateurs. Il ne lui restait pas moins de sept cents hommes pour combattre avec sept cents autres hommes [19] et il assigna tous les malfaiteurs à cet exercice, afin que les malfaiteurs soient punis et que cette opération de guerre soit une récréation en paix. Ainsi, tous ces criminels furent détruits d’un coup.
QUELS AUTRES ACTES ONT ÉTÉ ACCOMPLIS PAR AGRIPPA JUSQU’À SA MORT ; ET DE QUELLE MANIÈRE IL EST MORT.
1. Lorsqu’Agrippa eut terminé ce que j’ai raconté à Béryte, il se rendit à Tibériade, ville de Galilée. Il était alors en grande estime parmi les autres rois. Alors vinrent à lui Antiochus, roi de Commalène, Sampsigératnus, roi d’Émèse, Cotys, roi de Petite Arménie, Polémon, roi du Pont, ainsi qu’Hérode, son frère, roi de Chalcis. Il les traita tous avec hospitalité et courtoisie, afin de montrer sa grandeur d’âme et de se montrer digne des égards que les rois lui témoignaient en venant le voir. Cependant, pendant que ces rois séjournaient chez lui, Marc Aurèle, président de Syrie, arriva. Le roi, afin de préserver le respect dû aux Romains, sortit de la ville à sa rencontre, sur une distance de sept stades. Mais ce fut le début d’un différend entre lui et Marc Aurèle ; il emmena avec lui sur son char ces autres rois comme assesseurs. Marc Aurèle se doutait de la signification d’une si grande amitié entre ces rois, et ne pensait pas qu’une si étroite entente entre tant de potentats fût dans l’intérêt des Romains. Il envoya donc quelques-uns de ses domestiques à chacun d’eux et leur enjoignit de rentrer chez eux sans plus tarder. Cette décision fut fort mal accueillie par Agrippa, qui devint ensuite son ennemi. Il retira alors à Matthias le grand-prêtre et nomma Élionée, fils de Canthéras, grand-prêtre à sa place.
2. Agrippa, qui régna trois ans sur toute la Judée, se rendit à Césarée, autrefois appelée la Tour de Straton. Là, il donna des spectacles en l’honneur de César, après avoir été informé qu’une fête était célébrée pour faire des vœux pour sa sécurité. À cette fête, une grande foule se rassembla, composée des personnages les plus importants et des plus illustres de sa province. Le deuxième jour de ces spectacles, il revêtit un vêtement tout d’argent, d’une structure vraiment merveilleuse, et entra au théâtre de bon matin. L’argent de son vêtement, illuminé par le reflet frais des rayons du soleil, brillait alors d’une manière surprenante et était si resplendissant qu’il répandit l’horreur sur ceux qui le regardaient fixement. Aussitôt, ses flatteurs s’écrièrent, l’un de part et d’autre (mais pas pour son bien), qu’il était un dieu ; et ils ajoutèrent : « Sois miséricordieux envers nous ; car bien que nous ne t’ayons jusqu’ici révéré que comme un homme, nous te reconnaîtrons désormais comme supérieur à la nature mortelle. » Sur ce, le roi ne les réprimanda pas, ni ne repoussa leur flatterie impie. Mais, comme il leva peu après les yeux, il vit un hibou [20] perché sur une corde au-dessus de sa tête, et comprit aussitôt que cet oiseau était le messager de mauvaises nouvelles, comme il avait été autrefois le messager de bonnes nouvelles pour lui ; et il tomba dans la plus profonde tristesse. Une vive douleur lui monta également au ventre, et commença d’une manière très violente. Il regarda donc ses amis et dit : « Moi, que vous appelez un dieu, je suis sommé de quitter cette vie sur-le-champ ; la Providence me réprouve ainsi pour les paroles mensongères que vous venez de me dire ; et moi, que vous avez appelé immortel, je vais être emporté par la mort. Mais je suis tenu d’accepter ce que la Providence me réserve, comme il plaît à Dieu ; car nous n’avons pas vécu dans la misère, mais dans la splendeur et le bonheur. » À ces mots, sa douleur devint violente. On le transporta donc au palais, et le bruit se répandit partout qu’il allait certainement mourir bientôt. Mais la multitude s’assit aussitôt, vêtue de sacs, avec ses femmes et ses enfants, selon la loi de leur pays, et implora Dieu pour le rétablissement du roi. Partout aussi, le deuil et les lamentations étaient au rendez-vous. Le roi reposait alors dans une chambre haute, et, les voyant étendus en bas, prosternés sur le sol, il ne put s’empêcher de pleurer. Et quand il eut été complètement épuisé par la douleur dans son ventre pendant cinq jours, il mourut de cette vie, étant dans la cinquante-quatrième année de son âge, et dans la septième année de son règne ; car il régna quatre ans sous Caïus César, trois d’entre eux furent sur la tétrarchie de Philippe seulement, et le quatrième il y eut celle d’Hérode ajoutée ; et il régna, en outre, trois ans sous le règne de Claude César ; pendant ce temps, il régna sur les pays susmentionnés, et y eut aussi la Judée ajoutée,ainsi que Samarie et Césarée. Les revenus qu’il en tirait étaient considérables, pas moins de douze millions de drachmes. [21] Pourtant, il empruntait de grosses sommes à d’autres ; car il était si généreux que ses dépenses dépassaient ses revenus, et sa générosité était sans bornes. [22]
3. Mais avant que la multitude fût informée de la mort d’Agrippa, Hérode, roi de Chalcis, et Helcias, maître de sa cavalerie et ami du roi, envoyèrent Ariston, l’un des plus fidèles serviteurs du roi, et tuèrent Silas, qui avait été leur ennemi, comme si cela avait été fait par l’ordre du roi lui-même.
CE QUI FUT FAIT APRÈS LA MORT D’AGRIPPA ; ET COMMENT CLAUDE, À CAUSE DE LA JEUNESE ET DE L’INHABILITÉ D’AGRIPPA JUNIOR, ENVOYA CUSPIUS FADUS COMME PROCURATEUR DE JUDÉE ET DE TOUT LE ROYAUME.
1. Ainsi le roi Agrippa quitta cette vie. Il laissa un fils, nommé Agrippa, un adolescent de dix-sept ans, et trois filles : l’une, Bérénice, mariée à Hérode, frère de son père, avait seize ans ; les deux autres, Mariamne et Drusille, étaient encore vierges ; la première avait dix ans et Drusille six. Ces filles furent ainsi fiancées par leur père : Marlatone à Julius Archclaus Épiphane, fils d’Antiochus, fils de Chelcias ; et Drusille au roi de Commagène. Mais lorsqu’on apprit qu’Agrippa était parti, les habitants de Césarée et de Sébaste oublièrent les bienfaits qu’il leur avait prodigués et se comportèrent en ennemis acharnés ; car ils jetèrent sur le défunt des reproches indignes d’être racontés, Français Et un grand nombre d’entre eux qui étaient alors soldats, et qui étaient nombreux, se rendirent à sa maison, et enlevèrent précipitamment les statues [23] des filles de ce roi, et les emportèrent toutes d’un coup dans les maisons closes, et après les avoir placées sur les toits de ces maisons, ils les maltraitèrent de toutes leurs forces et leur firent des choses trop indécentes pour être racontées. Ils se couchèrent aussi sur les places publiques et célébrèrent des festins généraux, la tête ornée de guirlandes, et avec des onguents et des libations à Charon, et buvant les uns aux autres dans la joie de la mort du roi. Bien plus, ils ne se souvenaient pas seulement d’Agrippa, qui leur avait prodigué d’abondantes libéralités, mais aussi de son grand-père Hérode, qui avait lui-même reconstruit leurs villes et leur avait élevé des ports et des temples à grands frais.
2. Agrippa, fils du défunt, était à Rome et avait été élevé par Claude César. Lorsque César apprit la mort d’Agrippa et les mauvais traitements qu’il avait subis de la part des habitants de Sébaste et de Césarée, il regretta la première nouvelle et fut mécontent de l’ingratitude de ces villes. Il était donc disposé à renvoyer Agrippa, le jeune, pour succéder à son père dans le royaume, et était prêt à le confirmer par serment. Mais ses affranchis et ses amis, qui avaient la plus grande autorité auprès de lui, l’en dissuadèrent, affirmant que c’était une expérience dangereuse de laisser un royaume aussi vaste passer sous le gouvernement d’un homme si jeune, à peine âgé, qui ne serait pas capable d’en assurer l’administration avec suffisamment de soin ; alors que le poids d’un royaume est déjà assez lourd pour un homme adulte. César jugea donc leurs propos raisonnables. Il envoya donc Cuspin Fadus comme procurateur de Judée et de tout le royaume, et témoigna au défunt le respect de ne pas introduire dans son royaume Marc Aurèle, qui avait été en conflit avec lui. Mais il résolut, en premier lieu, d’envoyer des ordres à Fadus, lui demandant de châtier les habitants de Césarée et de Sébaste pour les abus qu’ils avaient infligés au défunt, et pour leur folie envers ses filles encore vivantes ; et de transférer dans le Pont le corps de soldats qui se trouvait à Césarée et à Sébaste, avec les cinq régiments, afin qu’ils puissent y accomplir leur devoir militaire ; et de choisir un nombre égal de soldats parmi les légions romaines de Syrie, pour les remplacer. Cependant, ceux qui avaient reçu ces ordres ne furent pas effectivement renvoyés ; car, en envoyant des ambassadeurs à Claude, ils l’apaisèrent et obtinrent la permission de rester en Judée ; et ce sont ces mêmes hommes qui devinrent la source de très grandes calamités pour les Juifs dans la suite, et semèrent les graines de cette guerre qui commença sous Florus ; c’est pourquoi lorsque Vespasien eut soumis le pays, il les retira de sa province, comme nous le raconterons plus tard.
Livre XVIII — Du bannissement d'Archélaüs à la sortie des Juifs de Babylone | Page de titre | Livre XX — De Fadus le procureur à Florus |
19.1a Dans ce chapitre et les trois suivants, nous avons, je pense, un récit plus complet et plus précis du massacre de Caius et de la succession de Claude que nous n’en avons de faits anciens de ce genre ailleurs. Parmi les occasions, on peut citer probablement la haine amère de Josèphe contre la tyrannie et le plaisir qu’il prit à raconter l’histoire du massacre d’un tyran aussi barbare que Caius Caligula, ainsi que la délivrance de sa propre nation par ce massacre, dont il parle dans la secte 2, ainsi que la grande intimité qu’il entretint avec Agrippa, le jeune, dont le père était profondément impliqué dans l’avancement de Claude, à la mort de Caius ; grâce à Agrippa, le jeune, Josèphe pouvait être pleinement informé de son histoire. ↩︎
19.2a Appelé Caligula par les Romains. ↩︎
19.3a On raconte qu’une voix semblable à celle-ci est venue, et d’un original inconnu également, au célèbre Polycarpe, alors qu’il allait au martyre, lui ordonnant de « jouer l’homme » ; comme l’église de Smyrne nous l’assure dans son récit de son martyre, sect. 9. ↩︎
19.4a Ici Josèphe suppose que c’est Auguste, et non Jules César, qui a le premier transformé la république romaine en monarchie ; car ces spectacles étaient en l’honneur d’Auguste, comme nous l’apprendrons dans la section suivante. ↩︎
19.6a Les récompenses proposées par les lois romaines aux dénonciateurs étaient parfois un huitième, comme nous l’assure Spanheim, des biens du criminel, comme ici, et parfois un quart. ↩︎
19.7a Ces consuls sont nommés dans la Guerre des Juifs, B. II. ch. 11. sect. 1, Sentius Saturninus et Pomponius Secundus, comme le note Spanheim ici. Le discours du premier d’entre eux est consigné au chapitre suivant, sect. 2. ↩︎
19.9a Nous apprenons donc que, selon Saturninus, l’autorité souveraine des consuls et du sénat avait été supprimée juste cent ans avant la mort de Caius, en 41 après J.-C., ou dans la soixantième année avant la saga chrétienne, lorsque le premier triumvirat commença sous César, Pompée et Crassus. ↩︎
19.10a Spanheim note ici d’après Suétone que le nom de la sœur de Caïus avec laquelle il se rendit coupable d’inceste était Drusilla, et que Suétone ajoute qu’il se rendit coupable du même crime avec toutes ses sœurs également. Il note en outre que Suétone omet la mention du port pour les navires, que notre auteur estime être la seule œuvre publique pour le bien des siècles présents et futurs que Caïus ait laissée derrière lui, bien qu’en un état imparfait. ↩︎
19.11a Ce Caïus était le fils de cet excellent homme Germanicus, qui était le fils de Drusus, le frère de l’empereur Tibère. ↩︎
19.12a Le premier endroit où Claude arriva était habité et s’appelait Herincure, comme Spanheim nous l’informe ici d’après Suétone, dans Claude ch. 10. ↩︎
19.13a Comment Claude, un autre fils de Drusus, lequel Drusus était le père de Germanicus, pouvait être ici lui-même appelé Germanicus, Suétone nous l’apprend, lorsqu’il nous assure que, par un décret du sénat, le surnom de Germanicus fut conféré à Drusus, ainsi qu’à sa postérité. — Dans Claude, ch. 1. ↩︎
19.14a Ce nombre de drachmes à distribuer à chaque simple soldat, cinq mille drachmes, soit vingt mille sesterces, soit cent soixante et une livres sterling, semble beaucoup trop élevé et contredit directement Suétone, ch. 10., qui les établit en tout sauf quinze sesterces, soit deux shillings et quatre deniers. Pourtant, Josèphe pourrait tenir ce nombre d’Agrippa, le jeune, bien que je doute que les milliers, ou du moins les centaines, aient été ajoutés par les transcripteurs, dont nous avons déjà plusieurs exemples chez Josèphe. ↩︎
19.15a Ce rhume perçant dont se plaint ici Lupus s’accorde bien avec l’époque de l’année où Claude commença son règne ; il s’agit certainement des mois de novembre, décembre ou janvier, et très probablement quelques jours après le 24 janvier et quelques jours avant les Parentalia romaines. ↩︎
19.16a Il est remarquable, ici comme ailleurs, que les meurtres des tyrans les plus vils, qui méritaient pourtant grandement la mort, lorsque ces meurtriers étaient sous serment ou autres obligations de fidélité envers eux, étaient généralement vengés, et les meurtriers eux-mêmes étaient exterminés, et cela d’une manière remarquable ; et cela parfois, comme dans le cas présent, par ceux-là mêmes qui ne regrettaient pas ces meurtres, mais en gagnaient des royaumes. Les exemples sont très nombreux, tant dans l’histoire sacrée que profane, et semblent généralement indiquer la vengeance divine sur de tels meurtriers. Il n’est pas indigne de remarquer non plus que ces meurtriers de tyrans le font généralement selon des principes si mauvais, d’une manière si cruelle, et si prompts à mêler l’innocent au coupable, ce qui était le cas ici, ch. 1. sect. 14, et ch. 2. sect. 4, qu’ils méritaient à juste titre la vengeance divine sur eux. Français Ce qui semble avoir été le cas de Jéhu également, lorsque, outre la maison d’Achab, pour le massacre de laquelle il avait reçu de Dieu une commission, sans aucune commission, ni aucune justice ni commisération, il tua les grands d’Achab, ses connaissances, ses prêtres et quarante-deux membres de la famille d’Achazia (2 Rois 10:11-14). Voir Osée 1:4. Je ne veux pas ici condamner Éhud ou Judith, ni les autres bourreaux de la vengeance divine contre ces tyrans méchants qui avaient injustement opprimé le peuple de Dieu sous leur théocratie ; qui, s’ils ne semblaient toujours pas avoir eu de desseins égoïstes ni l’intention de tuer des innocents, avaient néanmoins une commission divine, ou une impulsion divine, ce qui était leur commission pour ce qu’ils faisaient (Juges 3:15, 19, 20 ; Judith 9:2 ; Test. Lévi. sect. 5, dans Authent. Rec. p. 312. Voir aussi page 432. ↩︎
19.17a Ici, saint Luc est dans une certaine mesure confirmé, lorsqu’il nous réforme, ch. 3:1, que Lysanias était quelque temps avant tétrarque d’Abilène, dont la capitale était Abila ; comme il est en outre confirmé par Ptolémée, le grand géographe, que Spanheim observe ici, lorsqu’il appelle cette ville Abila de Lysanias. Voir la note sur B. XVII. ch. 11. sect. 4 ; et Prid. aux années 36 et 22. J’estime que cette principauté appartenait à l’origine au pays de Canaan, qu’elle était le lieu de sépulture d’Abel, et qu’elle est désignée comme telle, Matthieu 23:35 ; Luc 11:51. Voir Authent. Rec. Part. II. p. 883-885. ↩︎
19.18a Cette forme était si connue et fréquente parmi les Romains, comme le Dr Hudson nous le dit ici à partir du grand Selden, qu’elle était ainsi représentée au bas de leurs édits par les lettres initiales seulement, UDPRL P, Unde De Plano Recte Lege Possit ; « D’où elle peut être clairement lue à partir du sol. » ↩︎
19.19a Josèphe montre, ici et au ch. 7. sect. 3, qu’il avait une bien plus haute opinion du roi Agrippa Ier que Simon le savant rabbin, que les gens de Césarée et de Sébaste, ch. 7. sect. 4; et ch. 9. sect. 1; et en effet que son double jeu entre le sénat et Claude, ch. 4. sect. 2, que son massacre de Jacques le frère de Jean, et son emprisonnement de Pierre, ou son comportement vaniteux avant sa mort, tous deux dans Actes 12:13; et ici, le ch. 4. sect. 1, justifiera ou permettra. Le caractère de Josèphe était probablement emprunté à son fils Agrippa, cadet. ↩︎
19.20a Cette chambre du trésor semble avoir été la même dans laquelle notre Sauveur enseignait, et où les gens offraient leur argent de charité pour les réparations ou d’autres usages du temple, Marc 12:41, etc.; Luc 22:1; Jean 8:20. ↩︎
19.21a Un nombre étrange de criminels condamnés à mort en même temps ; pas moins, semble-t-il, de mille quatre cents ! ↩︎
19.22a Nous avons un grand cri poussé ici par certains critiques, comme le grand Eusèbe avait intentionnellement falsifié ce récit de Josèphe, afin de le faire concorder avec le récit parallèle dans les Actes des Apôtres, parce que les copies actuelles de sa citation, Hist. Eceles. B. II. ch. 10., omettent les mots un hibou - sur une certaine corde, que les copies actuelles de Josèphe conservent, et n’ont que le mot explicatif ou ange ; comme s’il voulait dire cet ange du Seigneur que saint Luc mentionne comme frappant Hérode, Actes 12:23, et non ce hibou que Josèphe appelait un ange ou un messager, simplement de bonnes nouvelles, mais maintenant de mauvaises nouvelles, à Agrippa. Cette accusation est quelque peu étrange dans le cas du grand Eusèbe, connu pour avoir reproduit avec tant d’exactitude et de fidélité un grand nombre d’autres documents anciens, et notamment un grand nombre de nos Josèphes, sans le moindre soupçon de prévarication. Or, sans vouloir nier notre incertitude quant à la ressemblance des copies de Josèphe et d’Eusèbe du IVe siècle avec la présente clause, dont nous n’avons aucune preuve tangible, les mots suivants, conservés chez Eusèbe, ne permettent pas une telle explication : « Cet oiseau (dit Eusèbe) Agrippa perçut aussitôt comme la cause de son malheur, comme il lui avait autrefois été favorable » ; ce qui ne peut concerner que cet oiseau, le hibou, qui, de même qu’il avait autrefois prédit son heureuse délivrance (Antiq. B. XVIII. ch. 6. sect. 7), devait ensuite être le malheureux signe avant-coureur de sa mort cinq jours plus tard. Si l’on remplace les mots impropres signifiant « cause » par le mot approprié de Josèphe, « ange » ou « messager », et si l’on insère les mots précédents, le texte d’Ésuébe représentera fidèlement celui de Josèphe. Si cette imperfection avait été constatée chez un auteur païen apprécié de nos critiques modernes, ils l’auraient facilement corrigée, la considérant comme de simples erreurs de copie ; mais s’agissant d’un ancien écrivain chrétien, moins apprécié par nombre de ces critiques, on ne peut que supposer, sans fondement, une corruption et une prévarication volontaires. ↩︎
19.23a Cette somme de douze millions de drachmes, qui équivaut à trois millions de sicles, soit 2 shillings et 10 pence le sicle, soit quatre cent vingt-cinq mille livres sterling, était le revenu annuel d’Agrippa le Grand, soit environ les trois quarts du revenu de son grand-père Hérode ; il avait réduit l’impôt sur les maisons à Jérusalem, ch. 6, sect. 3, et n’était pas aussi tyrannique qu’Hérode l’avait été envers les Juifs. Voir la note sur Antiq. B. XVII, ch. 11, sect. 4. Une somme importante ! mais pas, semble-t-il, suffisante pour ses dépenses extravagantes. ↩︎
19.24a Reland remarque ici, non sans raison, que Josèphe omet la réconciliation d’Hérode Agrippa avec les Tyriens et Sidonin, par l’intermédiaire de Blastus, le chambellan du roi, mentionné Actes 12:20. Il n’y a pas non plus d’histoire au monde si complète qu’elle n’omette rien de ce que d’autres historiens remarquent, à moins que l’une ne soit extraite de l’autre et accommodée à elle. ↩︎
19.25a Photius, qui a fait un extrait de cette section, dit que ce ne sont pas les statues ou les images, mais les dames elles-mêmes, qui ont été ainsi vilement maltraitées par les soldats. ↩︎