LES GUERRES DES JUIFS OU L’HISTOIRE DE LA DESTRUCTION DE JÉRUSALEM
PRÉFACE
1. [1] CONSIDÉRANT que la guerre que les Juifs ont faite aux Romains a été la plus grande de toutes celles, non seulement de notre temps, mais, d’une certaine manière, de celles dont on ait jamais entendu parler ; à la fois de celles où des villes ont combattu contre des villes, ou des nations contre des nations ; tandis que certains hommes qui n’étaient pas concernés par les affaires elles-mêmes ont rassemblé des histoires vaines et contradictoires par ouï-dire, et les ont écrites d’une manière sophistique ; et tandis que ceux qui étaient là ont donné de faux récits des choses, et cela soit par humeur de flatterie envers les Romains, soit par haine envers les Juifs ; et tandis que leurs écrits contiennent parfois des accusations, et parfois des éloges, mais nulle part la vérité exacte des faits ; je me suis proposé, pour le bien de ceux qui vivent sous le gouvernement des Romains, de traduire en langue grecque ces livres que j’ai autrefois composés dans la langue de notre pays, et envoyés aux Barbares du Haut-Karabakh ; [2] Joseph, fils de Matthias, Hébreu de naissance, prêtre également, et qui au début combattit moi-même contre les Romains, et fus contraint d’assister à ce qui se fit ensuite, [suis l’auteur de cet ouvrage].
2. Or, au moment où se produisit ce grand bouleversement, les affaires des Romains étaient elles-mêmes en grand désordre. Les Juifs, partisans des innovations, se levèrent alors en ces temps troublés ; ils jouissaient également d’une situation florissante de force et de richesse, à tel point que les affaires de l’Orient étaient alors extrêmement tumultueuses, tandis que certains espéraient des gains, tandis que d’autres craignaient des pertes dans de tels troubles ; car les Juifs espéraient que toute leur nation, au-delà de l’Euphrate, se soulèverait avec eux. Les Gaulois, eux aussi, dans le voisinage des Romains, étaient en mouvement, et les Gélins n’étaient pas tranquilles ; mais tout était en désordre après la mort de Néron. L’occasion qui se présentait alors en poussa beaucoup à viser le pouvoir royal ; et les soldats affectèrent des changements, dans l’espoir de gagner de l’argent. J’ai donc pensé qu’il était absurde de voir la vérité falsifiée dans des affaires d’une si grande importance, et de ne pas en tenir compte ; mais de permettre aux Grecs et aux Romains qui n’étaient pas en guerre d’ignorer ces choses, et de lire soit des flatteries soit des fictions, tandis que les Parthes, et les Babyloniens, et les Arabes les plus éloignés, et ceux de notre nation au-delà de l’Euphrate, avec les Adiabènes, par mon moyen, savaient exactement d’où la guerre avait commencé, quelles misères elle nous avait apportées, et de quelle manière elle s’était terminée.
3. Il est vrai que ces écrivains ont l’assurance de qualifier leurs récits d’histoires ; pourtant, ils me semblent manquer à leur propre objectif et ne rien rapporter de valable. Car ils cherchent à démontrer la grandeur des Romains, tout en diminuant et en amoindrissant les actions des Juifs, sans discerner comment il est impossible que ceux qui n’ont vaincu que les petits paraissent grands. Ils n’ont pas honte non plus de négliger la longueur de la guerre, la multitude des forces romaines qui y ont tant souffert, ni la puissance des commandants, dont les grands travaux autour de Jérusalem seront jugés sans gloire, si leurs exploits sont considérés comme négligeables.
4. Cependant, je n’irai pas à l’extrême opposé, par opposition à ceux qui vantent les Romains, ni ne chercherai à exagérer les actions de mes compatriotes ; je poursuivrai les actions des deux partis avec exactitude. Cependant, j’adapterai mon langage à mes passions concernant les affaires que je décris, et je dois me permettre de me lamenter sur les misères subies par mon propre pays. Car que ce soit notre tempérament séditieux qui l’ait détruite, et que ce soient les tyrans juifs qui aient amené la puissance romaine sur nous, qui nous aient attaqués malgré nous et qui aient provoqué l’incendie de notre saint temple, Titus César, qui l’a détruit, en est lui-même témoin. Pendant toute la guerre, il a eu pitié du peuple soumis aux séditieux, et a souvent volontairement retardé la prise de la ville, laissant le temps au siège afin de laisser à ses auteurs le temps de se repentir. Mais si quelqu’un nous accuse injustement, alors que nous parlons avec tant de passion des tyrans ou des brigands, ou que nous déplorons amèrement les malheurs de notre pays, qu’il se montre indulgent envers moi, même si cela est contraire aux règles de l’histoire ; car il est arrivé que notre ville de Jérusalem, parvenue à un degré de félicité plus élevé que toute autre ville sous le gouvernement romain, finisse par retomber dans les plus terribles calamités. Aussi, il me semble que les malheurs de tous les hommes, depuis le commencement du monde, comparés à ceux des Juifs [3], ne sont pas aussi considérables qu’ils l’étaient ; leurs auteurs n’étaient pas non plus des étrangers. Cela m’empêche de contenir mes lamentations. Mais si quelqu’un est inflexible dans ses reproches à mon égard, qu’il attribue les faits eux-mêmes à la partie historique, et les lamentations à l’écrivain lui-même seulement.
5. Cependant, je peux à juste titre blâmer les savants grecs qui, malgré des actions aussi importantes qui, comparées à celles des guerres anciennes, éclipsent les guerres d’autrefois, siègent pourtant en juges et critiquent amèrement les travaux des meilleurs écrivains de l’Antiquité. Les modernes, bien que supérieurs aux écrivains anciens par l’éloquence, leur sont néanmoins inférieurs dans l’exécution de leurs projets. Ceux-ci, quant à eux, écrivent de nouvelles histoires sur les Assyriens et les Mèdes, comme si les auteurs anciens n’avaient pas décrit leurs événements comme ils auraient dû le faire ; bien que ces derniers leur soient aussi inférieurs en talent qu’ils diffèrent d’eux par leurs conceptions. Car, autrefois, chacun se chargeait d’écrire ce qui se passait à son époque, là où leur intérêt immédiat pour les faits constituait des promesses de valeur ; et là où il serait répréhensible d’écrire des mensonges, alors que les lecteurs doivent savoir qu’ils en sont. Mais entreprendre de préserver la mémoire de ce qui n’a jamais été rapporté et de présenter les événements de son époque à ceux qui viendront après lui est véritablement digne d’éloges. Il faut considérer comme un homme sérieux et sérieux celui qui ne se contente pas de modifier la disposition et l’ordre des œuvres d’autrui, mais celui qui non seulement relate ce qui n’avait jamais été raconté auparavant, mais compose tout un corpus historique. C’est pourquoi j’ai été très sollicité et j’ai pris grand soin de cette histoire, bien que je sois étranger ; et je dédie cet ouvrage en mémoire des grandes actions, tant des Grecs que des Barbares. Mais certains de nos principaux personnages, bouche bée et langue déliée, pour le gain et les procès, sont tout à fait muselés lorsqu’il s’agit d’écrire l’histoire, où il leur faut dire la vérité et rassembler les faits avec beaucoup de peine. et ainsi ils laissent l’écriture de telles histoires à des gens plus faibles, à ceux qui ne connaissent pas les actions des princes. Pourtant, la vérité véritable des faits historiques sera notre priorité, même si elle est négligée par les historiens grecs.
6. Pour écrire sur les antiquités juives, sur leur origine, sur leur révolte contre les Égyptiens, sur les pays qu’ils ont traversés, sur ceux dont ils se sont emparés par la suite et sur la manière dont ils en ont été chassés, je pense que ce n’est pas le moment opportun, et que c’est même superflu, pour d’autres raisons. En effet, de nombreux Juifs avant moi ont composé l’histoire de nos ancêtres avec une grande exactitude, comme l’ont fait certains Grecs, et ont traduit nos histoires dans leur langue, sans se tromper beaucoup. Mais là où les auteurs de ces événements et nos prophètes s’arrêtent, je commencerai mon histoire. Quant à la guerre qui a eu lieu à mon époque, je m’étendrai longuement et avec toute la diligence possible ; quant à ce qui a précédé mon époque, je m’y attarderai brièvement.
7. [Par exemple, je raconterai] comment Antiochus, qui s’appelait Épiphane, prit Jérusalem par la force et la garda trois ans et trois mois, puis fut chassé du pays par les fils d’Asamonée ; après cela, comment leur postérité se disputa au sujet du gouvernement et attira sur leur établissement les Romains et Pompée ; comment Hérode aussi, le fils d’Antipater, dissout leur gouvernement et fait venir Sosins sur eux ; ainsi que comment notre peuple fit une sédition à la mort d’Hérode, alors qu’Auguste était l’empereur romain, et Quintilius Varus était dans ce pays ; et comment la guerre éclata dans la douzième année de Néron, avec ce qui arriva à Cestius ; et quelles places les Juifs attaquèrent d’une manière hostile dans les premières sorties de la guerre.
8. Je raconterai aussi comment ils bâtirent des murs autour des villes voisines ; comment Néron, après la défaite de Cestius, craignant l’issue de la guerre, nomma Vespasien général ; comment ce Vespasien, avec l’aîné de ses fils [4], fit une expédition en Judée ; quel était le nombre de l’armée romaine dont il fit usage ; combien de ses auxiliaires furent massacrés dans toute la Galilée ; et comment il prit certaines de ses villes entièrement, et par la force, et d’autres par traité et à des conditions. Maintenant que j’en serai là, je décrirai le bon ordre des Romains à la guerre, et la discipline de leurs légions ; l’étendue des deux Galilées, avec sa nature, et les limites de la Judée. Et, en outre, je m’étendrai sur les particularités du pays, les lacs et les sources qui s’y trouvent, et les malheurs qui arrivèrent à chaque ville lors de leur prise. Et tout cela avec exactitude, selon que j’ai vu les choses se faire ou que j’y ai souffert. Car je ne cacherai aucune des calamités que j’ai moi-même endurées, puisque je les raconterai à ceux qui en connaissent la vérité.
9. Après cela, [je raconterai] comment, lorsque les affaires des Juifs furent devenues très mauvaises, Néron mourut, et Vespasien, alors qu’il allait attaquer Jérusalem, fut rappelé pour prendre le gouvernement sur lui ; quels signes lui arrivèrent concernant sa conquête de ce gouvernement, et quelles mutations de gouvernement se produisirent alors à Rome, et comment il fut involontairement fait empereur par ses soldats ; et comment, lors de son départ pour l’Égypte, pour prendre sur lui le gouvernement de l’empire, les affaires des Juifs devinrent très tumultueuses ; et aussi comment les tyrans se soulevèrent contre eux, et tombèrent en dissensions entre eux.
10. De plus, [je raconterai] comment Titus sortit d’Égypte pour entrer en Judée une seconde fois ; comment, où et combien de forces il rassembla ; et dans quel état se trouvait la ville, par l’action des séditieux, à son arrivée ; quelles attaques il lança et combien de remparts il éleva ; des trois murailles qui entouraient la ville, et de leurs dimensions ; de la force de la ville, et de la structure du temple et de la maison sainte ; et de plus, les dimensions de ces édifices, et de l’autel, et tout cela avec précision. Une description aussi de certaines de leurs fêtes, et des sept purifications de pureté, [5] et des ministères sacrés des prêtres, avec les vêtements des prêtres et des grands prêtres ; et de la nature du lieu très saint du temple ; sans rien cacher ni rien ajouter à la vérité connue des choses.
11. Après cela, je raconterai la barbarie des tyrans envers leur propre nation, ainsi que l’indulgence des Romains envers les étrangers ; et combien de fois Titus, désireux de préserver la ville et le temple, invita les séditieux à des compromis. Je décrirai aussi les souffrances du peuple et ses calamités ; à quel point il fut affligé par la sédition, et à quel point par la famine il fut finalement emporté. Je n’oublierai pas non plus de mentionner les malheurs des déserteurs, ni les châtiments infligés aux captifs ; comment le temple fut incendié, contre le consentement de César ; et combien de choses saintes qui y avaient été déposées furent arrachées au feu ; la destruction de la ville entière, avec les signes et les prodiges qui l’avaient précédée ; et la captivité des tyrans, la multitude de ceux qui furent réduits en esclavage, et les différents malheurs qui les régnèrent tous. De plus, ce que les Romains firent aux vestiges des remparts ; comment ils démolirent les forteresses qui se trouvaient dans le pays ; et comment Titus parcourut tout le pays et en régla les affaires ; ainsi que son retour en Italie et son triomphe.
12. J’ai résumé toutes ces choses en sept livres, et je n’ai laissé aucune occasion de plainte ou d’accusation à ceux qui ont été au courant de cette guerre ; et je l’ai écrite pour ceux qui aiment la vérité, et non pour ceux qui se complaisent dans des relations fictives. Et je commencerai mon récit de ces choses par ce que j’appelle mon premier chapitre.
Guerre Pré.1a J’ai déjà observé plus d’une fois que cette Histoire de la guerre des Juifs était le premier ouvrage de Josèphe, et publié vers 75 après J.-C., alors qu’il n’avait que trente-huit ans ; et que lorsqu’il l’écrivit, il n’était pas complètement au courant de plusieurs circonstances historiques depuis l’époque d’Antiochus Épiphane, avec laquelle elle commence, jusqu’à près de son époque, contenues dans la première et première partie du deuxième livre, et y commit ainsi de nombreuses erreurs involontaires. Qu’il publia ses Antiquités dix-huit ans plus tard, dans la treizième année de Domitien, 93 après J.-C., alors qu’il était beaucoup plus complètement au courant de ces temps anciens, et après avoir lu ces histoires les plus authentiques, le Premier Livre des Maccabées et les Chroniques du Sacerdoce de Jean Hyrcan, etc. Qu’en conséquence, il revit alors ces parties de cet ouvrage, et donna au public un compte rendu plus fidèle, plus complet et plus précis des faits qui y sont relatés ; et a honnêtement corrigé les erreurs qu’il avait rencontrées auparavant. ↩︎
Guerre Pré.2a Josèphe lui-même nous informera, sect. 2, de l’identité de ces Barbares du Haut-Karabakh, éloignés de la mer, à savoir les Parthes et les Babyloniens, et les Arabes les plus éloignés [parmi les Juifs parmi eux] ; outre les Juifs d’au-delà de l’Euphrate, et les Adiabènes, ou Assyriens. De là nous apprenons également que ces Parthes, Babyloniens, les Arabes les plus éloignés, [ou du moins les Juifs parmi eux], ainsi que les Juifs d’au-delà de l’Euphrate, et les Adiabènes, ou Assyriens, comprenaient les livres hébreux, ou plutôt chaldéens, de La Guerre des Juifs de Josèphe, avant qu’ils ne soient traduits en grec. ↩︎
Guerre Pré.3a Que ces calamités des Juifs, qui étaient les meurtriers de notre Sauveur, devaient être les plus grandes qui aient jamais existé depuis le commencement du monde, notre Sauveur l’avait directement prédit, Matthieu 24:21; Marc 13:19; Luc 21:23, 24; et qu’elles se révélèrent telles en conséquence, Josèphe est ici un témoin des plus authentiques. ↩︎
Guerre pré-4a Titus. ↩︎
War Pre.5a Ces sept, ou plutôt cinq, degrés de pureté, ou de purification, sont énumérés ci-après, BV ch. 5. sect. 6. Les Rabbins en font dix degrés, comme Reland nous l’informe. ↩︎