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INTRODUCTION
La religion PRIMITIVE, telle que nous la connaissons, consistait presque entièrement en cérémonies, les questions plus profondes, qui affectent l’âme et l’esprit, n’étant développées que progressivement.
Ce cérémonial, souvent minutieux à un certain degré, dont chaque partie était considérée comme d’une importance extrême si l’on voulait s’assurer la faveur du Dieu, était transmis de père en fils - la relation étant physique ou éducative - sans plus qu’une assistance rudimentaire en signes ou en écriture.
La religion des Hébreux ne fit pas exception. Mais avec le temps, principalement grâce à la révélation à Abraham, puis à Moïse, et au mouvement impulsé par ce dernier, les coutumes furent fixées par des documents écrits, leur lien (certain ou présumé) avec des événements historiques fut consigné, et les anciennes pratiques devinrent un nouveau code susceptible de maintenir la religion sous une forme purifiée de tout abus et adaptée aux temps nouveaux.
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Mais la nécessité d’un enseignement oral se faisait sentir presque aussi fortement que jamais, si l’on voulait comprendre les règles concises établies par écrit et organiser la vie religieuse de manière acceptable à Dieu. Car à mesure que le sens profond de la religion se développait, on percevait plus clairement qu’aucun aspect de la vie humaine ne pouvait être sans importance, mais que tout devait être réglé conformément à la volonté divine, soit expressément déclarée, soit établie par déduction légitime.
Ainsi, avec la codification finale qui eut lieu à l’époque d’Esdras et de ses successeurs immédiats, la tâche de définition formelle et d’application officielle devint de plus en plus urgente, et plus la Loi écrite était fixée, plus la Loi orale s’accrut. Car cette dernière n’était pas moins nécessaire à la conduite humaine que la première.
Mais le jour vint où l’énorme quantité de directives pratiques devint un fardeau trop lourd pour la mémoire humaine – surtout après que les gardiens de la tradition eurent été réduits en nombre par le désastre dévastateur de l’État juif – et il fut nécessaire de recourir à des supports écrits. Pourtant, les documents historiques eux-mêmes étaient canonisés depuis de nombreuses années et ne pouvaient plus être modifiés ni modifiés. De nouveaux documents furent donc rédigés, qui ne prétendaient certes pas à l’inspiration, mais ne faisaient qu’incorporer l’enseignement oral de nombreuses générations, appliqué à la Loi à des circonstances nouvelles, au fur et à mesure qu’elles survenaient. Nous savons très peu de choses des débuts de cette [p. ix] nouvelle codification. Mais il est certain que durant tout le deuxième siècle de notre ère, voire avant, des tentatives furent faites dans ce sens, et qu’elles furent consultées par le compilateur de notre Mishna actuelle, et même incorporées dans son œuvre. Lui-même était très probablement le descendant des deux Gamaliel et de Hillel, R. Judah, le Prince et le Saint, né en l’an 135 et mort vers 210 après J.-C.
Ce recueil, appelé la Mishna, c’est-à-dire l’Enseignement Oral – la Tosephta sera examinée plus loin – abordait l’aspect pratique de la vie, tel qu’on l’entendait alors, avec des divisions bien définies et assez rigoureusement respectées. Mais l’auteur, suivant ses précédents, donnait non seulement les directives elles-mêmes issues des discussions, mais aussi, dans de nombreux cas, un résumé des discussions qui y avaient conduit, souvent avec les noms des opposants et les raisons invoquées. Ainsi, la Mishna est un recueil des pratiques juives, telles qu’elles avaient été ordonnées par les premiers érudits et adoptées par les principaux traditionalistes de la fin du IIe siècle de notre ère.
On remarquera que toute vie devait être régie par des principes strictement religieux. Il est donc tout à fait approprié que le recueil commence par une série de règles relatives au service conscient de Dieu par chaque Israélite fidèle. Il n’existe aucun traité sur la doctrine en tant que telle. Lorsque Maïmonide, au XIIe siècle, commence son résumé du judaïsme pratique par une dissertation sur la véritable doctrine de Dieu, il écrit pour une époque différente et dans un contexte différent. La Mishna ne traite que de la pratique. Mais celle-ci devait être religieuse. Il était donc normal que, puisque, de toutes leurs pratiques, aucune n’égalait en importance primordiale leur reconnaissance formelle de Dieu et leur reconnaissance de Lui en toute chose, le premier traité de la Mishna traite de l’attitude respectueuse du croyant. Dieu est le Donateur de toutes choses ; que son peuple le confesse ouvertement et affirme avec gratitude sa dépendance à son égard. De là le titre de Berakoth, Bénédictions, qui désigne ici les formes d’action de grâce et de reconnaissance propres à diverses occasions, ainsi que les règles de leur observance.
Un résumé du contenu du traité est présenté ci-dessous (p. xx). Il suffit de dire que le traité s’ouvre sur l’examen de la reconnaissance personnelle, si importante, de Dieu dans le Shma’ : « Écoute, Israël, l’Éternel, notre Dieu, est l’unique Éternel », le moment précis où il doit être récité chaque soir et chaque matin, avec les passages des Écritures et les prières qui s’y rapportent. Viennent ensuite deux chapitres traitant de la nécessité de l’intention et de l’attention lors de la récitation, et des cas où la récitation du Shma’ n’est pas requise (cc. i.-iii.).
Vient ensuite la prière, en particulier sa forme incarnée dans les dix-huit bénédictions, qui suivent le Shma’, y compris les règles concernant le [p. xi] chef de la congrégation qui la répète (cc. iv., v.). Enfin, les bénédictions sur divers types de nourriture, avec des règles pour inviter l’un des présents à un repas à les dire, et des instructions sur les formes appropriées de mots à utiliser ; également les bénédictions pour voir des spectacles beaux ou étranges de la nature, et le devoir de tout véritable Israélite de reconnaître Dieu dans tout ce qui lui arrive (cc. vi.-ix.). Les chrétiens, il est clair, peuvent beaucoup gagner, spirituellement aussi bien qu’intellectuellement, de l’étude attentive de ce traité.