Chapitre II : Sources du Bushido | Page de titre | Chapitre IV : Le courage, l'esprit d'audace et de maintien |
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Nous discernons ici le précepte le plus pertinent du code du samouraï. Rien ne lui est plus odieux que les agissements sournois et les entreprises malhonnêtes. La conception de la rectitude peut être erronée, voire étroite. Un bushi célèbre la définit comme un pouvoir de résolution : « La rectitude est le pouvoir de décider d’une certaine ligne de conduite en accord avec la raison, sans hésitation : mourir quand il est juste de mourir, frapper quand il est juste de frapper. » Un autre en parle en ces termes : « La rectitude est l’os qui donne la fermeté et la stature. De même que sans os, la tête ne peut reposer sur le haut de la colonne vertébrale, ni les mains bouger, ni les pieds tenir debout, de même sans rectitude, ni le talent ni le savoir ne peuvent faire d’un corps humain un samouraï. Sans elle, le manque d’accomplissements est comme rien. » Mencius appelle la Bienveillance l’esprit de l’homme, et la Rectitude ou la Droiture son chemin. « Qu’il est lamentable », s’exclame-t-il, « de négliger le chemin et de ne pas le poursuivre, de perdre la raison et de ne plus savoir la retrouver ! Quand les oiseaux et les chiens des hommes sont perdus, ils savent les retrouver, mais ils perdent la raison et ne savent plus la retrouver. » N’avons-nous pas ici, « comme dans un miroir obscur », une parabole proposée trois cents ans plus tard, sous un autre climat et par un Maître plus grand, qui s’appelait lui-même la Voie de la justice, par laquelle les égarés pouvaient être retrouvés ? Mais je m’écarte de mon propos. La justice, selon Mencius, est un chemin droit et resserré qu’un homme doit emprunter pour retrouver le paradis perdu.
Même aux derniers temps du féodalisme, lorsque la longue paix apporta le loisir à la classe guerrière, et avec lui les distractions de toutes sortes et les arts doux, l’épithète Gishi (homme de droiture) était considérée comme supérieure à tout nom signifiant la maîtrise du savoir ou de l’art. Les Quarante-sept Fidèles, dont on parle tant dans notre éducation populaire, sont connus dans le langage courant sous le nom de Quarante-sept Gishi.
À une époque où la ruse et l’artifice pouvaient passer pour du tact militaire et le mensonge pour une ruse de guerre, cette vertu virile, franche et honnête, était un joyau qui brillait de mille feux et était hautement louée. La rectitude est la sœur jumelle de la valeur, une autre vertu martiale. Mais avant de parler de la valeur, permettez-moi de m’attarder un instant sur ce que je pourrais appeler un dérivé de la rectitude, qui, s’écartant légèrement de son origine au début, s’en est progressivement éloigné, jusqu’à ce que son sens soit perverti dans l’acception populaire. Je parle de Gi-ri, littéralement la Juste Raison, mais qui en est venue à désigner un vague sens du devoir que l’opinion publique attend de chacun. Dans son sens originel et pur, il signifiait le devoir, pur et simple ; c’est ainsi que nous parlons du Giri que nous devons à nos parents, à nos supérieurs, à nos inférieurs, à la société en général, etc. Dans [ p. 26 ] ces exemples, Giri est un devoir ; car qu’est-ce que le devoir, sinon ce que la juste raison nous demande et nous ordonne de faire ? La juste raison ne devrait-elle pas être notre impératif catégorique ?
Giri ne signifiait à l’origine rien de plus que le devoir, et j’ose dire que son étymologie découlait du fait que, dans notre conduite, par exemple envers nos parents, bien que l’amour soit le seul motif, à défaut de cela, il doit exister une autre autorité pour imposer la piété filiale ; et ils ont formulé cette autorité dans Giri. Ils ont très justement formulé cette autorité — Giri\ — car si l’amour ne se précipite pas vers des actes vertueux, il faut recourir à l’intellect de l’homme et stimuler sa raison pour le convaincre de la nécessité d’agir correctement. Il en va de même pour toute autre obligation morale. Dès que le devoir devient onéreux, la juste raison intervient pour nous empêcher de nous y soustraire. Giri ainsi compris est un maître sévère, avec une verge à la main pour obliger les paresseux à accomplir leur devoir. C’est une force secondaire en éthique ; comme motif, elle est infiniment inférieure à la doctrine chrétienne de l’amour, [ p. 27 ] qui devrait être la loi. Je la considère comme le produit des conditions d’une société artificielle – d’une société où le hasard de la naissance et une faveur imméritée instauraient des distinctions de classe, où la famille était l’unité sociale, où l’ancienneté comptait plus que la supériorité des talents, où les affections naturelles devaient souvent succomber devant des coutumes arbitraires créées par l’homme. À cause de cette artificialité même, le Giri a dégénéré avec le temps en un vague sens des convenances invoqué pour expliquer ceci et sanctionner cela – comme, par exemple, pourquoi une mère doit, si nécessaire, sacrifier tous ses autres enfants afin de sauver le premier-né ; ou pourquoi une fille doit vendre sa chasteté pour obtenir de l’argent afin de payer les dépenses du père, et ainsi de suite. Parti de la Juste Raison, le Giri s’est, à mon avis, souvent abaissé à la casuistique. Il a même dégénéré en une peur lâche de la censure. Je pourrais dire de Giri ce que Scott a écrit du patriotisme : « Comme il est le plus juste, il est souvent le masque le plus suspect d’autres sentiments. » Porté au-delà ou en deçà de la Juste Raison, Giri [ p. 28 ] devint un terme impropre et monstrueux. Il abritait sous ses ailes toutes sortes de sophismes et d’hypocrisie. Il aurait facilement été transformé en un nid de lâcheté si le Bushido n’avait pas eu un sens aigu et juste du courage, l’esprit d’audace et de maintien.
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