La période Nara : de 700 à 800 après J.-C. | Page de titre | La période Fujiwara : de 900 à 1200 après J.-C. |
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800 à 900 après J.-C.
L’idée de l’union de l’esprit et de la matière était destinée à se renforcer encore dans la pensée japonaise, jusqu’à la fusion complète des deux conceptions. Il est remarquable de constater que cette fusion se concentre plutôt sur la matière, le symbole étant considéré comme une réalisation, l’acte commun comme une béatitude, le monde lui-même comme un monde idéal. Après tout, il n’y a pas de Maya. En Inde, si ce sentiment du physique et du concret comme un lumineux sacrement de spiritualité peut conduire d’un côté au tantrisme et au culte phallique, il forme de l’autre, rappelons-le, la poésie vivante du foyer et de l’expérience.
De telles conceptions font de la vie du sannyasin [ p. 129 ] une séquestration, et c’est ainsi que lorsque le moine japonais de la secte Shingon tente d’exprimer dans son culte cette notion que la vie quotidienne n’est pas comme la vie mais qu’elle est la vraie vie, il adopte pour le moment les marques symboliques du chef de famille.
Dans cette fusion de l’esprit et de la forme, les superstitions populaires sont élevées à la même dignité et au même sérieux que les sciences authentiques. Aucune activité ne peut échapper à l’attention des plus hautes intelligences. Ainsi, la pensée fine et les émotions particulières se démocratisent ; le peuple accumule d’immenses réserves d’énergie latente, et nous préparons ainsi l’émergence d’une faculté dynamique à une époque ultérieure.
À cette époque de l’histoire japonaise connue sous le nom de période Heian, du fait que la capitale fut à nouveau déplacée en 794 après J.-C. de Nara à Heian, ou Kyoto, nous trouvons une nouvelle vague de développement bouddhiste, appelée doctrine Mikkio ou ésotérique [ p. 130 ], dont la base philosophique est telle qu’elle est capable d’inclure les deux extrêmes, l’auto-torture ascétique et le culte du ravissement physique.
Ce mouvement fut d’abord représenté en Chine par Vajrabodhi et son neveu Amoghavajra, du sud de l’Inde, ce dernier étant retourné en Inde à la recherche de telles idées en 741 après J.-C. On peut considérer que c’est à ce moment-là que le bouddhisme se fond dans l’afflux plus large de l’hindouisme, de sorte que l’influence indienne à cette époque est écrasante, dans l’art comme dans la religion.
L’origine de l’école en Inde même est obscure. On trouve des traces apparentes de son existence dès les premiers temps, mais sa systématisation ne semble achevée qu’aux VIIe et VIIIe siècles, lorsqu’il devint nécessaire de combiner les doctrines brahmaniques et bouddhistes. C’est à ce moment que le Ramayana prit sa forme définitive, en protestation contre la monachisation excessive de la vie. Au Japon, le nouveau point de vue philosophique constituait une avancée par rapport aux écoles Hosso et Kegon, qui enseignaient l’union de l’esprit et de la matière, et la réalisation de l’Esprit suprême, sous des formes concrètes. Ces penseurs allèrent plus loin que leurs prédécesseurs dans leur effort de démontrer cette idée en pratique, revendiquant leur propre descendance de la communion directe avec Vairochana, la Divinité suprême, dont le Sakya-Bouddha n’était qu’une manifestation. Ils cherchaient à trouver la vérité dans toutes les religions et tous les enseignements, chacun d’eux étant sa propre méthode pour atteindre le plus haut niveau.
L’union de l’esprit, du corps et de la parole dans la méditation était considérée comme essentielle, bien que chacune des trois, poussée à son maximum, produisît les résultats les plus élevés. Ainsi, ils firent du Verbe, ou de la prononciation de charmes sacrés, qu’ils considéraient comme se situant à la frontière entre l’esprit et le corps, le moyen le plus important d’atteindre le résultat, de sorte que cette secte fut parfois appelée le Verbe Véritable, ou Shingon.
L’art et la nature étaient désormais perçus sous un jour nouveau, car chaque objet contenait Vairochana, l’Impersonnel-Universel, dont la réalisation suprême devait être la quête du croyant. Le crime, de ce point de vue d’unité transcendante, devient aussi sacré que le sacrifice de soi, le démon le plus bas étant aussi naturellement le centre du panthéon que le dieu suprême. Les plus infimes détails doivent être préservés, l’objectif étant de considérer la vie entière comme une incarnation de la Divinité. Et la mythologie en vient à être traitée comme une irisation chatoyante, dont n’importe quel point peut à tout moment devenir le centre, reléguant tous les autres dans une relative subordination.
Cette idée est l’une des nombreuses issues possibles de la grande aspiration indienne vers la vision unique (Samadarsana). Parallèlement, curieusement, malgré l’analyse profondément intellectuelle inhérente au bouddhisme, les idées scientifiques de cette période s’expriment sous forme de magie, ou d’étude du surnaturel. Cela s’explique peut-être par le fait que la philosophie qui divisait l’Existant en cinq éléments – la terre, l’air, le feu, l’eau et l’éther compris comme l’Esprit, déclarant que sans ce dernier, aucun des quatre autres ne pouvait exister et qu’en lui tous étaient également résolubles – était trop subtile pour être comprise par les masses non formées. Sous cette école de pensée, chaque acte de la vie devint chargé de rituels, à l’instar de l’architecture indienne, telle que réglementée par Varahamihira dans son Vrihat Samhita, et de la sculpture dans le Manasara. En érigeant un temple, par exemple, l’acharya, ou maître, dessinait le sol selon un plan cosmique, où chaque pierre avait sa place, et où même les débris trouvés dans le plan représentaient les imperfections et les défauts de son propre développement. L’architecture, la sculpture et l’agencement général du temple exprimaient tous cette idée de l’univers.
C’est sous cette influence que le bouddhisme acquit sa multitude de dieux et de déesses, étrangers à la foi elle-même, mais rendus possibles par le nouvel enseignement comme manifestations de la Divinité suprême et originelle. Nous trouvons désormais un panthéon systématisé, regroupé autour de l’idée de Vairochana, en quatre subdivisions principales : d’abord Fudo, ensuite Hosho, troisièmement Amida et quatrièmement Sakya, représentant : (1) le Pouvoir, qui est la connaissance ; (2) la Richesse, qui est la force créatrice ; (3) la Miséricorde, qui est l’intelligence divine descendant sur l’homme ; et (4) le Travail, ou Karma, la réalisation des trois premiers dans la vie réelle sur terre, c’est-à-dire Sakya-Muni.
Telle est la signification abstraite des symboles. Sur leur face concrète, Fudo, l’immuable, le Dieu du Samadhi, représente la forme terrible de Shiva, la grande vision du bleu éternel, s’élevant [ p. 135 ] hors du feu. Correspondant à l’idée indienne de l’époque, il possède le troisième œil étincelant, l’épée trident et le lasso de serpents. Sous une autre forme, en Kojin, le Dieu féroce (Rudra ?), ou Makeisura (Maha-Iswara), il porte une guirlande de crânes, des brassards de serpents et la peau de tigre de la méditation.
Son homologue féminin apparaît sous la forme d’Aizen, à l’arc puissant, à la couronne de lion et redoutable, le Dieu d’Amour – mais l’amour sous sa forme puissante, dont le feu de pureté est la mort, qui tue l’aimé pour lui permettre d’atteindre le plus haut. Vairochana devient une trinité avec Fudo et Aizen, par le symbole du joyau Chintamani, dont la forme mystique est celle d’un cercle s’efforçant de se transformer en triangle – car la vie, dit-on, ne s’achève jamais, mais franchit sans cesse la perfection, dans sa lutte pour atteindre les plus hauts niveaux de réalisation.
Français L’idée indienne de Kali est également représentée par Kariteimo, la Reine-Mère [ p. 136 ] du Ciel, à qui l’on fait quotidiennement offrande de grenade, sous une étrange interprétation qui pointe vers la transformation d’un ancien sacrifice de sang en cette forme sous des influences bouddhistes. Saraswati, en tant que Benten, avec sa vina, qui apaise les vagues ; Kompira, ou le Gandharva, à tête d’aigle, sacré pour les marins ; Kichijoten, ou Lakshmi, qui confère fortune et amour ; Taigensui, le Commandant en chef (Kartikeya), qui confère la bannière de la victoire ; Shoden, le Ganesh à tête d’éléphant, le Briseur de Chemin, à qui les premières salutations sont offertes dans tous les cultes villageois, et dont le pouvoir redoutable est tenu en échec par les conseils du Kwannon à onze têtes, atteignant maintenant la forme féminine, expression de la pensée indienne de la maternité - tout cela suggère l’adoption directe des divinités hindoues.
Cette nouvelle conception des divinités diffère de l’attitude distante des premiers bouddhistes, dans la mesure où elles sont désormais réelles, concrètes et actuelles dans les formes représentées.
Les œuvres artistiques de cette période sont imprégnées de cette ferveur intense et de cette proximité avec les dieux, inconnues à aucune autre époque. Nous avons vu que l’introduction de la doctrine Mikkio en Chine remonte à Vajrabodhi, qui arriva sur cette terre en 719, traduisit un sûtra sur le Yoga, et fut suivi par Amoghavajra, apportant des connaissances supplémentaires à son retour d’Inde en 746. Son introduction au Japon date également de Kukai, qui reçut l’enseignement de Keika, le disciple d’Amoghavajra. Ces maîtres étaient considérés comme dotés de pouvoirs magiques et étaient tenus en grande vénération. Kukai, l’une des plus grandes figures du bouddhisme japonais, serait encore assis en méditation sur le mont Koya, où il entra en samadhi en 833, en tant que yogi. Les œuvres de Kukai sont nombreuses. « Les Sept Patriarches de la [ p. 138 ] Secte du Verbe Véritable », peinte par lui, sont aujourd’hui conservées au temple Toji de Kyoto, parmi ses trésors inestimables, et témoignent profondément de la grande virilité et de la grandeur de ce maître. Ses disciples immédiats, Jitte, Jikaku et Chisho, qui étudièrent tous la doctrine en Chine, portèrent le mouvement encore plus loin. La croyance et les temples du début de l’époque de Nara succombèrent pour l’essentiel à cette nouvelle influence, dans la mesure où sa vision globale n’entraînait aucun conflit avec les principes antérieurs.
L’un des plus beaux spécimens de sculpture de cette période est le Bouddha Yakshi, le Grand Guérisseur, sculpté sous les ordres de Kukai et conservé aujourd’hui au temple Zhingoji, près de Kyoto. Un autre, le Kwannon à onze têtes de Toganji à Omi, est attribué à Saicho, grand rival de Kukai. On peut également citer le Kwannon Nioirin de Kansinji et le gracieux Kwannon de Hokkiji à Nara.
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En peinture, les douze devas de Kukai, conservés actuellement au Saidaiji de Nara, avec le Riokaimandara de Senjuin, de la même province, sont les meilleurs exemples de la force du pinceau de l’époque.
L’art Heian est ainsi synonyme d’une œuvre forte et vitale, car concrète. Il est empreint d’une certaine vigueur et d’une certaine assurance. Mais il n’est pas libre, dépourvu de la spontanéité et du détachement d’un grand idéalisme. Il est en même temps représentatif d’une étape essentielle dans l’appropriation des conceptions bouddhiques. Jusqu’alors, celles-ci étaient considérées et traitées comme distinctes du croyant lui-même. Aujourd’hui, dans leur dynamisation quelque peu banale de la conscience Heian, cette séparation disparaît, et l’époque suivante montre leur absorption et leur réexpression dans la vie nationale sous forme d’émotion.
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Fudo. — L’Immuable. L’un des noms indiens de Shiva est également Achala, l’Immobile.
Les douze Dévas.—Les douze Dévas sont : Bonten (Brahma), accompagné de l’oiseau blanc Ha Kuga, ou Cygne ; Khaten (Agni) ; Ishanna ; Thaishak (Indra) ; Futen ; Vishamon, dont la parèdre est Kichjoten (Déesse de la Fortune) ; Em-ma (Yama), monté sur un buffle et portant le grand bâton de la mort, surmonté de deux têtes ; Nitten, le Dieu-Soleil ; Getten, le Dieu-Lune ; Suiten, le Dieu des Eaux sur une tortue ; et Shoden (Ganesh).
Au moment de l’initiation d’un moine, l’acharya, ou maître, représentait Vairochana ; le postulant, le Vairochana potentiel ; des images des douze devas étaient accrochées dans la salle comme témoins gardiens, et au fond était placé l’écran, portant la représentation des montagnes et des eaux, derrière lequel le texte secret était prononcé à l’oreille.
Samadhi, ou réalisation par la concentration. Au Japon, on distingue trois stades : la transe de supraconscience, produite par la méditation, et l’union parfaite avec l’Absolu, compatible avec l’action dans le monde et identique à la bouddhéité. Cette dernière phase est connue en Inde sous le nom de jivan-mukti.
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