Le gourou adressa des paroles de consolation à sa mère et à son épouse, puis, les confiant à son beau-frère Kripal Chand, leur fit un adieu affectueux. Il partit ensuite avec le Raja. Partout où il allait, il était accueilli avec grand honneur par la population, à laquelle il dispensait des instructions religieuses et enjoignait la dévotion à l’Être Immortel. Lui et le Raja traversèrent Munger, Rajmahal et Maldah. Dans ce dernier lieu se trouvait un dharmsal, mais ses serviteurs ne vinrent pas lui rendre visite. On l’informa qu’ils étaient tous allés à une foire au village de Pandua, mais qu’à leur retour ils lui présenteraient leurs respects. Il répondit qu’il ne pouvait rencontrer ceux qui participaient à de tels rassemblements idolâtres. À Maldah, le gourou ne rencontra qu’un seul sikh, un confiseur, qui le pria d’aller prendre un rafraîchissement chez lui. Le gourou s’exécuta, lui donna des instructions et le bénit.
Au matin, le gourou partit avec le Raja. Leur prochaine étape fut à Dhaka. Là résidait un masand appelé Bulaki, dont la mère avait juré que, si jamais le gourou visitait les lieux, elle l’assiérait sur un magnifique divan qu’elle avait préparé, [ p. 353 ] l’habillerait d’un tissu qu’elle avait filé elle-même et lui offrirait un repas délicat préparé de ses propres mains. Le gourou, connaissant le désir de son cœur, se rendit sans autre guide directement à sa résidence. Il l’appela de l’extérieur, ce qui la combla de joie. Elle courut poser sa tête sur ses pieds. Elle le prit à l’intérieur et lui prodigua toutes les attentions qu’elle lui avait promises. Le gourou lui dit qu’il était venu lui rendre visite en raison de sa pure dévotion et l’invita à lui demander une faveur. Elle répondit que la seule faveur qu’elle désirait était de pouvoir rester toujours près de lui. Il lui répondit qu’elle pourrait le contempler chaque fois qu’après ses ablutions elle méditerait profondément sur Dieu, dirigerait son amour vers Ses pieds pareils au lotus et répéterait Son vrai nom.
Bulaki informa tous les habitants sikhs de l’arrivée du gourou. Ils accoururent en foule pour lui rendre hommage et recevoir ses instructions et ses bénédictions. Voyant leur enthousiasme, le gourou déclara que Dhaka était le berceau de sa foi. Il suggéra aux sikhs de construire un dharmsal dans leur ville où les louanges de Dieu seraient constamment chantées, car le gourou Nanak avait décrété que chanter les louanges de Dieu était la forme suprême de culte. Le gourou leur ordonna également de tenir des réunions lors des anniversaires des gourous et de vénérer sans cesse l’Être Immortel.
Alors que le Guru s’apprêtait à partir, la mère de Masand Bulaki vint lui rendre visite. Elle le supplia de rester quelques jours de plus parmi eux. Il répondit qu’il avait beaucoup à faire ailleurs et qu’il devait partir. Il lui conseilla d’adorer Wahguru et de servir les saints, et qu’elle serait heureuse. Elle fit venir un peintre et fit peindre un portrait du Guru. Elle l’accrocha au-dessus du canapé sur lequel il était assis. Ainsi, elle put contempler le Guru chaque fois que ses occupations profanes le lui permettaient.
Le gourou et le raja partirent alors pour la ville de Rangamati, sur la rive droite du Brahmapoutre. [ p. 354 ] Là, le gourou s’installa, et le raja et son armée suivirent son exemple. Lorsque le roi de Kamrup apprit l’arrivée du raja Ram Singh pour l’attaquer, il jura de le détruire, lui et son armée. Il entreprit des incantations et des sorts, mais aucun ne réussit. Comme l’ignorance pâlit devant la connaissance, les sorciers échouèrent et se lassèrent de leurs efforts. Le roi de Kamrup fit alors venir toutes ses femmes, célèbres pour leurs talents magiques. Elles aussi ne réussirent pas contre le gourou. Le roi fut alors convaincu qu’un personnage divin devait se trouver parmi l’armée d’invasion et contrecarrer les efforts de tous les sorciers. Il se rendit au temple de la déesse Kamakhsha pour l’adorer, lui offrit un sacrifice et reçut la bénédiction de ses prêtres. Il entreprit ensuite de faire des préparatifs immédiats pour vaincre Raja Ram Singh.
Il imagina un plan d’hostilité inédit. Il consistait à détourner un affluent du Brahmapoutre en construisant un immense barrage et en le retournant contre l’armée du Raja Ram Singh. Le Guru avertit le Raja qu’un grand torrent allait déferler cette nuit-là et que son armée était en danger. Les Sikhs au service du Raja Ram Singh levèrent leurs tentes, mais plusieurs musulmans, qui ne croyaient pas au Guru et n’écoutaient pas ses avertissements, furent balayés.
La mère du roi vit en vision la déesse Devi, qui s’adressa à elle en ces termes : « Ô mère, Guru Nanak est né en cet âge. Sur son trône siège désormais le neuvième Guru, Teg Bahadur. Il est ici avec Raja Ram Singh, qui est devenu son disciple. Aujourd’hui, le Guru est souverain. Personne n’a la force de s’opposer à lui. Va, rends-lui hommage et demande pardon pour tes péchés, et ton règne sera éternel ; sinon, il périra. »
La reine douairière communiqua cet ordre de la déesse à son fils, et celui-ci se prépara en conséquence [ p. 355 ] à aller rencontrer le gourou. Il prit avec lui une escorte et des présents, et, traversant l’affluent du Brahmapoutre mentionné précédemment, se rendit à la tente du gourou. Après s’être prosterné, il déclara être venu sur ordre de la déesse pour implorer pardon et protection. Il supplia le gourou de ne pas le laisser tomber au pouvoir des musulmans. Le gourou répondit que Raja Ram Singh était un homme très religieux. Il dit au roi de ne rien craindre ; son empire devait être permanent ; il devait rencontrer Raja Ram Singh et n’entretenir aucun contact avec les musulmans. Le roi, enchanté par ce discours, supplia le gourou de poser le pied dans sa ville, de la bénir et d’emmener Raja Ram Singh, mais sans musulmans avec lui. Le gourou le renvoya sans lui faire aucune promesse.
Le gourou se rendit ensuite parmi les troupes de Raja Ram Singh et prêcha les bienfaits de la paix. Il cita le « Sidh Gosht » de Guru Nanak.
Un homme saint renonce à l’inimitié et à l’hostilité.
L’armée du Raja Ram Singh n’avait aucune intention de prolonger l’inimitié et se déclara prête à accepter les conseils du gourou.
Le gourou fit alors venir Raja Ram Singh en personne, lui raconta toute la conversation avec le roi et lui demanda de battre le tambour de la victoire. Le gourou fut ravi des négociations du gourou. Il dit que la nouvelle était comme l’eau de vie tombée dans la bouche d’un mourant. Le gourou lui dit alors de se préparer à traverser avec lui l’affluent du Brahmapoutre et de veiller à n’emmener aucun musulman à sa suite, car leur présence serait offensante pour le roi de Kamrup. Le gourou et Raja Ram Singh traversèrent le fleuve accompagnés d’une escorte de mille Rajputs. Ils furent accueillis amicalement par le roi qui s’avança à leur rencontre. Le gourou s’assit, plaçant les opposants royaux de chaque côté, et procéda à une réconciliation [ p. 356 ] et à un échange de services amicaux. Sous son influence, ils échangèrent tous deux leurs turbans en signe d’amitié durable. Raja Ram Singh offrit de généreux présents au gourou, tandis que le roi de Kamrup lui demandait un souvenir qu’il pourrait contempler et vénérer en son absence. Le gourou prit son arc et sa flèche, visa un arbre pipal et le transperça de part en part. Il dit au roi qu’il pourrait toujours se souvenir de lui grâce à la marque sur l’arbre. Le gourou lui donna alors instruction de répéter le vrai Nom, de servir les saints et, en cas de difficulté, d’adresser ses supplications au Dieu immortel et de se fier à ses paroles. Il ne devait pas, même par erreur, vénérer les crématoriums, les cimetières, les temples ou les déesses, et devait toujours fréquenter les personnes vertueuses. Le gourou, enfonçant un poignard dans la terre, s’adressa ensuite aux deux rois : « Que toute la terre de ce côté-ci du poignard appartienne à l’empereur, et toute celle de l’autre côté au roi de Kamrup, et que les deux monarques oublient leur inimitié. » Ils acceptèrent tous deux, ce qui régla la grave querelle et évita un bain de sang.
À Dhubri, capitale de Kamrup, le gourou informa les officiers de Raja Ram Singh que Guru Nanak avait visité le lieu et l’avait sanctifié par ses pas. Guru Teg Bahadur demanda alors à chaque soldat d’apporter cinq boucliers de terre pour élever, à la mémoire du fondateur de la religion sikh, un tertre visible de loin. Toute l’armée de Raja Ram Singh participa aux travaux, qui, dit-on, furent achevés en quelques heures. Le gourou fit alors ériger un pavillon au sommet. Certains disciples du gourou restèrent à Kamrup, et leurs descendants se trouvent aujourd’hui à Dhubri et à Chaotala.
Le gourou passa quelques jours sur les rives fraîches et agréables du grand fleuve. Des foules, ayant entendu parler de sa renommée, vinrent de loin pour le voir et obtenir [ p. 357 ] de lui la réalisation de leurs désirs. Il était tenu en grand honneur dans tout le pays, et sa réputation ayant atteint le raja Ram d’Asam, ce monarque vint lui rendre hommage. Le raja n’avait pas d’enfant et désirait ardemment un fils. Il amena ses deux épouses, et elles se prosternèrent devant le gourou. Le raja se félicita d’avoir eu la chance de voir le grand prêtre et chef des Sikhs, et lui demanda une instruction religieuse. Sa requête fut acceptée, et le roi fut ravi. Il partit le lendemain matin pour se présenter auprès du gourou, mais, au moment de formuler sa requête, il se sentit confus. Le gourou, connaissant son esprit, l’encouragea à parler. Il demanda alors au gourou de lui accorder la faveur d’un héritier sur son trône, car il avait été jusque-là privé des fruits de ce monde. Il dit, s’adressant au gourou : « Ô grand roi, ramène ce navire en perdition à terre. » En réponse, le gourou retira sa chevalière, en gravait l’empreinte sur la cuisse du raja et s’adressa ainsi à lui : « Ô roi, l’empreinte de mon sceau sera sur le front de ton fils. Sache par ceci que c’est le gourou Nanak qui t’a miséricordieusement accordé une descendance. Fais de ton fils un sikh de la maison du gourou. » Après cela, le raja but l’eau dans laquelle les pieds du gourou avaient été baignés, devint ainsi sikh et retourna heureux dans sa capitale.
À ce moment-là, un messager arriva de Patna pour informer le gourou de la naissance de son fils. À cette nouvelle, Raja Ram Singh inaugura de grandes réjouissances. Des coups de feu furent tirés, les meilleurs musiciens firent étalage de leur talent et de généreuses aumônes furent distribuées aux pauvres.
À propos de la naissance de l’enfant, l’historien sikh remarque : « Il a toujours été habituel que, lorsque Dieu voit son peuple souffrir, il envoie un sauveur du monde. » Guru Gobind Singh, dans son Vichitar Natak, décrivit plus tard les circonstances de sa naissance. Il naquit trois heures avant le lever du soleil, [ p. 358 ] le septième jour de la moitié claire du mois de Poh, en l’an Sambat 1723 (1666 apr. J.-C.). On raconte qu’à son départ pour Asam avec Raja Ram Singh, Guru Teg Bahadur demanda à sa femme Gujari de donner le nom de Gobind Rai à un fils qui naîtrait d’elle en son absence.