À l’époque de la naissance de Gobind Rai, vivait dans la ville de Kuhram un Satyid appelé Bhikan Shah. Le matin de la naissance du jeune gourou, Bhikan Shah regarda et s’inclina vers l’est. Ses disciples lui demandèrent pourquoi il s’inclinait, contrairement à toute coutume musulmane, dans la direction vers laquelle seuls les hindous se tournaient pour leur adoration matinale du soleil. Il répondit que venait de naître à Patna un roi spirituel et temporel qui devait établir la religion et détruire le mal. Il fit vœu d’aller adorer le nouveau-né et d’observer un jeûne quotidien jusqu’à ce qu’il l’ait vu. Il passa par Dihli et arriva à Patna, souffrant de faim et de fatigue. Il s’assit près de la maison du gourou, mais à l’écart de la foule venue le féliciter. Une fois la foule dispersée, Kripal Chand, l’oncle de l’enfant, alla trouver Bhikan Shah et lui demanda le but de sa venue. Il lui expliqua la nature de son vœu et demanda à voir le nouveau-né. La mère et la grand-mère craignaient les musulmans et leur empereur Aurangzeb. Elles tentèrent donc de repousser Saiyid Bhikan Shah et lui dirent qu’il pourrait revenir trois mois plus tard pour lui montrer l’enfant. Le Saiyid protesta en recevant cette réponse, affirmant qu’il n’était qu’un faqir et qu’il avait parcouru des centaines de kilomètres pour voir le garçon. Finalement, sur les conseils de Kripal Chand, la mère et la grand-mère cédèrent et consentirent à ce que le faqir [ p. 359 ] puisse contempler l’enfant, mais seulement en public, en présence des Sikhs de Patna, et au son des chants émouvants des gourous, accompagnés de rebeck.
Lorsque l’enfant fut présenté, toute l’assemblée se leva pour lui rendre hommage et présenter ses offrandes. Le Saiyid présenta également les siennes et s’inclina aux pieds du jeune prince spirituel. Il plaça devant lui deux vases en terre recouverts de mousseline, l’un contenant du lait, l’autre de l’eau. L’enfant toucha les deux vases avec espièglerie. Sur ce, le faqir les prit et s’apprêta à partir, sous les remerciements des Sikhs pour leur avoir permis d’entrevoir leur futur gourou. Ils demandèrent à Bhikan Shah ce qu’il entendait par ces deux vases. Il répondit que si l’enfant n’en avait touché qu’un seul, aucun musulman ne serait laissé sur terre ; mais puisqu’il avait touché les deux, les hindous et les musulmans devraient demeurer, et l’enfant devrait les inclure tous deux dans sa religion.[1] Sur ces mots, le Saiyid partit.
Lorsque Guru Teg Bahadur eut réglé le différend entre Raja Ram Singh et le roi de Kamrup, et qu’il eut également appris la naissance de son fils, il partit pour Patna avec le Raja. Voyageant étape par étape, ils arrivèrent enfin sur les rives du [ p. 360 ] Gange. Le Guru envoya un message à sa mère pour lui dire qu’il rentrerait tôt le lendemain matin. Sa mère et son épouse prirent un bain et revêtirent leurs plus beaux habits pour l’accueillir. À leur arrivée, Raja Ram Singh, contemplant le futur Guru, lui offrit une grande quantité de bijoux et de robes, prédisant ses prouesses et sa renommée futures.
Lorsque la famille fut seule, sa femme demanda au gourou jusqu’où il avait pénétré à Kamrup. Il répondit jusqu’où Guru Nanak était allé. Il lui apprit également qu’il avait érigé à Dhubri, où Guru Nanak avait prêché, un haut tertre surmonté d’un temple visible de loin. Certains de ses compagnons restèrent sur place pour garder le temple et prêcher la vraie religion. Il déclara qu’il était le serviteur du Créateur et qu’il s’y rendait en triple qualité d’ami de Raja Ram Singh, prédicateur de la parole de Dieu et protecteur des effusions de sang. Après quelques jours de repos et de réconfort spirituel, Raja Ram Singh se rendit à Dihli pour faire part de son succès à l’empereur, puis retourna dans son royaume.
Les chroniqueurs de la vie de Guru Gobind Singh se plaisent à raconter des anecdotes sur son enfance. Il reçut une petite barque du fils d’un marchand et prit grand plaisir à la conduire sur le Gange. Un jour, il trempa ses pieds dans l’eau, et les Sikhs répétèrent les paroles de Guru Ram Das : « Le Gange, Jamna, Godavari et Saraswati s’efforcent d’obtenir la poussière des pieds du saint. » [2] Il avait l’habitude de provoquer d’autres enfants à se battre et d’assister à leurs joutes. Sa mère le sermonnant sur cette inconvenance, il s’endormait. Au réveil, on le voyait souvent dans une attitude dévotionnelle.
Dès son plus jeune âge, Gobind Rai s’entraînait au tir à l’arc à plombs et organisait une troupe de garçons de son âge pour s’entraîner [ p. 361 ] avec lui. Son père le faisait asseoir près de lui et lui disait que, bien que l’exercice fût méritoire, le moment de le mettre en pratique n’était pas encore venu.
Il existe différentes versions de cette légende. La Khalsa Tract Society rapporte ce qui suit : Une lumière fut aperçue dans le ciel par un pieux faqir et ses disciples à l’occasion de la naissance du gourou. Le faqir expliqua la signification du phénomène. Il dit qu’un être aimé de Dieu, qui serait à la fois un saint et un héros, était né dans le monde. Le faqir suivit la direction de la lumière jusqu’à ce qu’il arrive à la résidence de l’enfant à Patna. Il fit plusieurs supplications, qui furent finalement exaucées, pour voir le jeune gourou. Le faqir s’inclina et déposa une offrande devant lui. Il remplit ensuite deux petits récipients, l’un de lait et l’autre d’eau, et les plaça devant l’enfant pour le mettre à l’épreuve. Si l’enfant renversait celui contenant du lait, cela signifiait qu’il était hindou ; s’il renversait celui contenant de l’eau, il serait considéré comme musulman. Le gourou renversa impartialement les deux récipients, ce qui fit comprendre au faqir que l’enfant ne serait adepte ni de l’hindouisme ni de l’islam. Il aurait sa propre religion distincte et conférerait le salut aux mortels pécheurs. ↩︎
Chiffon Malar. ↩︎