Le gourou prit congé de sa famille et de ses sikhs dévoués et commença son voyage vers Dihli le premier jour du mois de Har, début juin, juste avant les pluies, période où la chaleur est extrême dans le nord de l’Inde. En chemin, il rendit visite à son sincère ami musulman, Saif-ul-din, qui vivait à Saifabad, près de l’actuel fort de Bahadurgarh, dans l’État de Patiala, où un imposant temple a été érigé en l’honneur du gourou. Cet homme le reçut avec grand honneur et l’invita à séjourner chez lui pendant la saison des pluies. Le gourou accepta l’invitation et, durant son séjour, prodigua instruction religieuse et bonheur spirituel à de nombreux sikhs fidèles. Saif-ul-din trouvait toujours quelque nouveau service à rendre au gourou, et leurs conversations portaient constamment sur Dieu. Saif-ul-din se convertit à la foi du gourou.
À la fin des pluies, début octobre, Aurangzeb envoya de nouveau deux messagers pour hâter la progression du gourou vers Dihli. Ils se rendirent à Anandpur, mais il n’y était pas. Ils tentèrent Amritsar, mais avec le même échec. Ils retournèrent ensuite à Dihli et rapportèrent la fuite du gourou. Aurangzeb envoya des ordres dans tout son empire pour le retrouver et l’arrêter. Le gourou se souvint de sa promesse et prit congé de Saif-ul-din. Ce dernier, très triste de se séparer de son hôte, le supplia de l’emmener avec lui. Le gourou s’excusa, prétextant qu’il avait des affaires personnelles auxquelles il serait fastidieux de participer. Il congédia ensuite tous ses sikhs, sauf cinq, à savoir Mati Das, [ p. 374 ] Gurditta de la lignée de Bhai Budha, et trois autres dont les noms auraient été Uda, Chima et Dayala, et se rendit à l’empereur à Dihli.
Le gourou et ses cinq disciples firent d’abord halte à Garhi, près de Samana, dans l’État de Patiala. Le gourou dressa sa tente devant les remparts du village. Un Pachtoune, qui lui avait été présenté à Saifabad, vint lui rendre hommage et lui faire des offrandes. Il supplia le gourou de rester quelques jours avec lui. Le gourou lui dit qu’il devait poursuivre sa route et demanda à son ami pachtoune de le lui permettre.
Le gourou se rendit ensuite dans un village appelé Hali. Là vivait un masand qui, par crainte des musulmans, refusait même de lui rendre visite. Le gourou se rendit ensuite à Chikha, dans l’actuel district de Karnal, où vivait un masand appelé Galaura. Le gourou l’avait autrefois trouvé abandonné et l’avait élevé jusqu’à l’âge adulte. Il quitta alors son service et retourna dans son village natal, où il était ravi de retrouver son ancien maître. Connaissant sa dévotion, le gourou resta auprès de lui et lui prodigua une instruction spirituelle. Le gourou bénit l’épouse de Galaura, décrite comme une personne très simple d’esprit, et offrit à Galaura lui-même un carquois rempli de flèches pour le servir en cas de besoin. Il l’exhorta à agir honnêtement en toute occasion et il prospérerait, mais s’il agissait malhonnêtement, il périrait.
Le gourou se rendit ensuite à Karha où se trouvait un temple érigé en l’honneur du gourou Har Gobind, qui s’y était reposé lors de sa visite à Nanakmata. Là résidait un autre masand qui, par crainte des musulmans, refusait de rendre visite au gourou. Le gourou, cependant, reçut une grande attention de la part d’un agriculteur qu’il incita à creuser un Bawali pour les voyageurs. Le gourou se rendit ensuite au village de Khar où il passa la nuit à donner des instructions religieuses aux sikhs. Lorsqu’ils [ p. 375 ] l’entendirent, ils commencèrent à moraliser la situation politique. Ils dirent que les Turcs avaient atteint un tel degré de puissance que personne ne pouvait leur résister. Il répondit : « Le roi qui agit selon sa religion, qui pratique la justice, qui n’est pas cupide, qui protège et fait preuve de miséricorde envers ses sujets, qui dissipe leurs chagrins et leur confère le bonheur à la place, qui ne reçoit que des revenus raisonnables, qui réprime les voleurs et les brigands, qui supprime les nombreux obstacles similaires au bon gouvernement, et qui agit toujours honnêtement, assurera la souveraineté à ses descendants. »
« Mais ceux qui, bien qu’ayant conquis l’empire par une conduite vertueuse lors de vies antérieures, commettent maintenant de mauvaises actions, qui se consacrent principalement aux plaisirs sexuels, n’écoutent ni ne prennent conscience des souffrances de leurs sujets, qui s’accaparent les richesses par tous les moyens et qui sont insensibles aux pauvres, verront leur empire et leur dignité diminuer de jour en jour. Aurangzeb nourrit désormais de sombres desseins et cherche à détruire la religion hindoue. Dans l’excès de son orgueil, il pratique la violence et l’oppression. Ses sujets souffrants craignent pour leur vie. C’est pourquoi il est désormais manifeste que son empire et sa dignité ne peuvent perdurer, mais périront progressivement, et qu’il ne restera plus personne de sa progéniture, même pour battre le tambour. » [1]
De nombreux Rajas de l’époque actuelle qui supposent que leur position est le résultat d’actes grandement méritoires dans des vies antérieures, et qu’ils n’ont rien d’autre à faire que de se réjouir dans celle-ci, ne peuvent pas méditer sans sagesse sur les paroles du Guru.
Le lendemain matin, le gourou arriva à Khatkar, dans l’État de Patiala. Il fit apporter de la farine et du dal, qu’il fit cuire pour son dîner. Pendant la nuit, les villageois conçurent le projet de voler son cheval, qu’ils [ p. 376 ] virent d’excellente race et de grande valeur. Six hommes allèrent chercher l’animal, mais, dit-on, ils furent immédiatement frappés de cécité et durent abandonner leur projet. Sur ce, ils recouvrèrent la vue et rentrèrent chez eux. En discutant de l’incident, ils apprirent que le cheval appartenait à un prêtre célèbre. Ils décidèrent alors d’aller lui apporter des offrandes et de lui demander pardon. Ils demandèrent une autre faveur : que le gourou adoucisse l’eau saumâtre de leur village. Les deux requêtes furent accordées. Le gourou, tirant une flèche de son carquois, dit que, aussi loin que la flèche volait, l’eau de la terre deviendrait douce. Il leur fut enjoint de creuser un puits dans ce rayon, et leur travail serait récompensé. Ainsi, le gourou poursuivit son voyage, accordant des faveurs temporelles et spirituelles à son auditoire jusqu’à son arrivée à Agra. Là, il campa dans un jardin à l’extérieur de la ville.
Le gourou fit venir un jeune berger aperçu dans le jardin et lui demanda une faveur. Le gourou retira de son doigt une grosse bague en or sertie de diamants et demanda au berger d’aller la lui donner en gage et de lui rapporter deux roupies de friandises. Le berger répondit qu’il n’avait pas de tissu pour les envelopper. Sur ce, le gourou ôta un châle de grande valeur qu’il portait et le lui remit à cet effet. Le jeune homme, ne connaissant pas le gourou, lui enjoignit de surveiller son troupeau de moutons et de chèvres, et partit en mission. Les Sikhs qui accompagnaient le gourou furent stupéfaits de son geste. Mati Das prit la liberté de dire : « N’avons-nous pas d’argent ? Pourquoi t’es-tu séparé de ta bague ? De plus, au lieu d’un mouchoir, tu as donné ton précieux châle pour apporter les friandises. » Le gourou répondit que ce qu’il avait fait était conforme à la volonté divine, qui ne pouvait être annulée par des centaines de stratagèmes.
Le berger entra en ville et, s’arrêtant chez un confiseur, lui montra la bague. Le confiseur, l’examinant, déclara que c’était un objet [ p. 377 ] inestimable et demanda au garçon de qui il l’avait reçue. Le garçon le lui expliqua, après quoi le confiseur pesa les bonbons. Lorsque le garçon présenta le châle pour les envelopper, la surprise du confiseur redoubla. Il affirma que le garçon avait dû voler la bague et le châle, car le propriétaire de ce dernier n’aurait jamais pu les envoyer gâter avec des bonbons. Le confiseur arrêta donc le berger et l’emmena au commissariat. Interrogé, le garçon affirma avoir obtenu la bague et le châle d’un étranger qui s’était réfugié dans un jardin, et le décrivit, lui et ses cinq compagnons. Le policier envoya deux policiers enquêter sur le visiteur.
À leur arrivée, les policiers demandèrent au gourou qui il était. Le gourou leur révéla franchement son nom et son poste. À ces mots, l’un des agents retourna au poste de police pour donner des informations, tandis que l’autre resta pour surveiller le gourou. Le Kotwal fut ravi d’apprendre que le gourou Teg Bahadur avait enfin été retrouvé et de penser qu’il recevrait une généreuse récompense de l’empereur pour sa capture. L’officier de police se rendit alors auprès du gouverneur du fort, lui raconta les circonstances et rit à l’idée qu’ils deviendraient tous de grands hommes après la capture du gourou tant recherché. Le gouverneur ordonna à cent cavaliers de s’équiper et d’accompagner l’officier de police pour arrêter le gourou. Le gourou répondit franchement à toutes leurs questions. Ils l’informa alors que l’empereur avait envoyé des ordres écrits dans toutes les directions pour l’arrêter et le pria de bien vouloir les accompagner au fort afin de s’enquérir de ses souhaits à son égard. Le gourou fit aussitôt seller son cheval et entra dans le fort avec ses cinq disciples sikhs. Le gourou, lors de son arrestation et dans le fort, conserva sa merveilleuse équanimité, ne montrant jamais le moindre signe de mécontentement ou de déception.
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Le gouverneur du fort et l’officier de police rapportèrent l’arrestation à l’empereur. Ce dernier fut ravi de la capture du grand gourou des sikhs. Il déclara que son souhait avait été exaucé et qu’il allait maintenant convertir le gourou à l’islam, permettant ainsi à la religion musulmane d’être rapidement acceptée par le peuple. Il envoya un régiment de douze cents cavaliers à Agra pour amener le gourou en sa présence. Il leur expliqua que le prisonnier ne devait pas s’échapper. Si quelqu’un l’aidait dans cette tentative, le régiment devait accomplir son devoir. Les soldats ne devaient cependant en aucun cas importuner le gourou pendant le voyage vers Dihli.
Suraj Parkash, Ras XII, Chap. 34. La prophétie du Guru s’est amplement accomplie. ↩︎