Rav Das est l’auteur de nombreux hymnes dans le Granth Sahib. Il était certainement disciple de Ramanand et contemporain de Kabir, mais on ignore par ailleurs sa date précise, sa filiation ou son lieu de naissance. Lorsqu’il atteignit l’âge de raison, Rav Das commença à servir les saints. Il leur offrait tout ce qu’il pouvait se procurer chez son père. Ce dernier, mécontent, lui donna une résidence séparée. Malgré la richesse et les moyens considérables de son père, il ne donna rien à son fils. Ce dernier, marié à cette époque, subvenait à ses besoins et à ceux de sa femme en fabriquant des chaussures et vivait très heureux. Chaque fois qu’il voyait un saint homme, il lui fournissait gratuitement des couvre-pieds. Il construisit ensuite une hutte, y installa une idole en peau de vache et se consacra à son culte. Lorsqu’on lui [ p. 317 ] reprochait d’avoir fabriqué une idole à partir d’une peau, il se défendait en soulignant les nombreux avantages de cette matière. Les tambours utilisés lors des cultes étaient fabriqués à partir de peaux. La vache, considérée comme sacrée par les hindous, avait une peau. Dieu est contenu dans des animaux qui ont une peau, etc.
Rav Das était constamment plongé dans ses dévotions, ce qui le conduisit à abandonner son métier et à la détérioration de sa situation. Il présenta bientôt tous les signes extérieurs de la pauvreté et d’une vie difficile, mais son cœur était joyeux et heureux dans la contemplation de Dieu. C’est durant cette période de détresse qu’un saint homme désira lui porter secours. Rav Das lui donna du pain à manger et le combla de tous ses soins. En retour, son visiteur lui offrit une pierre philosophale, lui en expliqua les propriétés et lui recommanda de la conserver précieusement. Rav Das répondit qu’il n’en avait pas besoin, car ses biens et sa richesse résidaient dans le nom de Dieu. Voyant que Rav Das ne convoitait absolument rien, le visiteur le supplia d’accepter la pierre philosophale. Rav Das lui indiqua qu’il pouvait la laisser sous le chaume de sa maison, signifiant par là que l’objet ne valait pas la peine d’être accepté. Le visiteur obéit à Rav Das et partit. À cette occasion, Rav Das composa le cantique suivant :
Le nom de Dieu est la grande richesse des saints de Dieu ;
De jour en jour, cela augmente et ne diminue en aucune façon.
Rien ne peut le voler, ni de jour ni de nuit ; son possesseur dort en sécurité dans sa maison.
Ô Dieu, qu’a besoin d’une pierre celui qui possède cette richesse ?
Treize mois plus tard, le visiteur revint et trouva Rav Das dans les mêmes conditions qu’auparavant. Il lui demanda ce qu’était devenue la pierre philosophale. Rav Das répondit : « Elle doit être là où tu l’as mise ; j’ai eu peur d’y toucher. » Sur ce, le visiteur la prit [ p. 318 ] du chaume et partit, pleinement convaincu que Rav Das ne désirait aucune richesse terrestre.
Un jour, le saint trouva cinq pièces d’or dans un panier destiné à contenir des objets de culte. Il commença alors à craindre la dévotion à Dieu, de peur qu’elle ne lui apporte la richesse. Dieu lui dit alors dans une vision : « Bien que tu ne désires absolument rien, accepte néanmoins la richesse que je te donne maintenant. » Rav Das promit de le faire. Un pieux admirateur lui donna de l’argent avec lequel il construisit une sara, ou maison de repos, où il recevait des saints. Il construisit ensuite un temple et le décora de telle sorte qu’un dais, des franges, des cordons de dentelle d’or, des appliques, des lustres, etc., que les visiteurs, en admirant sa beauté, furent enchantés. Après cela, Rav Das construisit une maison à deux étages sur le site de la hutte qu’il avait jusque-là utilisée comme temple, et il y continua à prier avec un amour parfait.
Rav Das connut le sort ordinaire des hommes soudainement enrichis. Les brahmanes, par envie et jalousie, se plaignirent au roi de Bénarès qu’il n’y avait aucune autorité dans les Shastars pour qu’un cordonnier puisse fabriquer une image de Dieu. Pourtant, Rav Das avait érigé une telle image sans crainte ni scrupule, la vénérait et lui rendait hommage. Il méritait donc d’être puni pour sa présomption. Le roi convoqua Rav Das, mais fut si impressionné par la dignité et le bien-fondé de sa défense qu’il n’eut aucune difficulté à le déclarer immédiatement innocent de toute atteinte à la religion.
Jhali, la reine de Chitaur, ayant entendu parler de la renommée de Rav Das, lui rendit visite et devint son disciple. Les brahmanes qui l’accompagnaient s’indignèrent vivement. Ils dirent que la reine avait perdu la raison et allèrent se plaindre de Jir auprès du Rana, son mari, qui l’avait accompagnée à Bénarès. Il fit venir Rav Das et écouta les accusations des brahmanes rassemblés contre lui. Ils soulignèrent [ p. 319 ] l’importance capitale de la caste et l’inconvenance de permettre à un cordonnier d’usurper une position spirituelle ou sociale supérieure à celle de sa naissance. Rav Das répondit : « Ce qui est cher à Dieu, c’est la dévotion ; il ne tient aucun compte de la caste. » Sur ce, les brahmanes proposèrent de soumettre l’affaire à l’arbitrage de la prière. Ils lurent les Védas pendant trois heures entières et répétèrent de nombreux sorts, mais ne parvinrent pas à convaincre Dieu de la culpabilité de Rav Das. Quand vint son tour, Rav Das dit : « Ô Grand Roi, sois fidèle à ton nom de Pardonneur des pécheurs. » Il chanta ensuite quelques strophes. Le premier vers de la première strophe est le suivant :
Venez sans tarder ou appelez-moi à vous.
Les premiers vers de la deuxième strophe sont :—
Ô Dieu des dieux, j’implore ta protection ;
Aie pitié de moi, sachant que je suis ton esclave.
Le Rana fut facilement convaincu de l’innocence de Rav Das et s’exprima en conséquence. On dit alors que tous les présents crurent en la sainteté de Rav Das.
Après cela, la reine Jhali quitta Bénarès et retourna dans son royaume, où elle décida d’organiser une fête d’action de grâce. Avec beaucoup de modestie et d’humilité, elle invita Rav Das à y assister. Il accepta son invitation et se rendit à Chitaur. Sa visite lui causa un immense plaisir. Elle distribua une importante aumône à cette occasion et invita les principaux brahmanes de son État à rencontrer le saint homme. Les brahmanes savaient que le gourou de la reine avait été cordonnier et qu’il valait mieux pour eux prendre leurs propres provisions et les cuisiner plutôt que de se contenter de la nourriture offerte par la reine. Ils se firent donc préparer à manger, mais, lorsqu’ils s’assirent pour manger, ils virent, dit-on, Rav Das assis entre eux deux. Ils crurent alors en sa mission divine et tombèrent à ses pieds. On raconte qu’il gagna de nombreux [ p. 320 ] disciples à cette occasion. Rav Das composa ce qui suit après le divertissement : —
Hommes intelligents, [1] je suis notoirement un tanneur de caste, mais dans mon cœur je médite sur Dieu.
Si l’on fait du vin même avec l’eau du Gange, vous, les saints, vous n’en boirez pas ;
Mais si l’on met du vin impur ou un autre liquide dans l’eau du Gange, celle-ci ne sera pas altérée. [2]
Le palmier palmier, messieurs, est certes impur, [3] car ses feuilles [4] sont également considérées comme ;
Mais si les paroles de Dieu y sont écrites, les hommes l’adoreront et se prosterneront devant elle.
Mon métier consiste à habiller et à couper le cuir et à retirer quotidiennement les cadavres de bétail dans les environs de Bénarès.
Mais d’éminents Brahmanes se prosternent maintenant devant moi, puisque moi, l’esclave Rav Das, j’ai cherché refuge auprès de Ton nom, ô Dieu.
On dit que Rav Das était un saint de Dieu si parfait que ses paroles et sa poésie étaient comme des soleils dissipant les ténèbres du doute et de l’infidélité. Il accomplissait les actes méritoires prescrits dans les Védas et les Shastars. Les Orientaux croient que si l’on place du lait mélangé à de l’eau devant un cygne, celui-ci peut, grâce à son bec particulier, séparer les deux et ne boire que le lait. De même, Rav Das séparait la vertu du vice, faisait le choix des bonnes actions et évitait les interdits.
Les compositions suivantes de Rav Das se trouvent dans le Granth Sahib :
Nagar jan, également traduit — Vous, les hommes de la ville. ↩︎
Si un homme, aussi noble soit-il, devient mauvais, il n’est pas respecté, car le vin fait avec l’eau du Gange n’est pas propre à la consommation des saints. Mais si, au contraire, on jette du vin dans le Gange, l’eau du Gange restera sainte ; ainsi, les humbles sont exaltés par leur association avec les saints. ↩︎
Parce que le toddy, une boisson alcoolisée, est fabriqué à partir de celui-ci. ↩︎
Kagara, d’où le nom hindou moderne de « papier ». Les feuilles du palmier étaient à l’origine utilisées pour écrire. ↩︎