Traité des actions et de leurs rétributions de Thâi-Shang | Page de titre | Annexe II. Le Roi Yin Fû, ou « Classique de l'harmonie du visible et de l'invisible ». |
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Je dois donc traduire le titre de cette brochure, tel qu’il apparaît dans le « Recueil des plus importants traités des Pères taoïstes » (vol. xxxix, p. xvii), dont j’ai seul eu l’occasion de parcourir et d’étudier le texte. Le nom, donné par Wylie (Notes, p. 178), Balfour (Textes taoïstes) et Faber (China Review, vol. xiii, p. 246), est Khing King King [^484], et signifie « Le Classique de la pureté et du repos ». La différence réside dans le deuxième caractère, mais Khing Käng et Khing King sont des combinaisons bien connues dans les écrits taoïstes ; et on verra, en poursuivant la traduction du texte, qu’aucun des deux ne convient mal comme titre du petit livre.
C’est, comme le dit le Dr Faber, l’un des « canons mystiques » du taoïsme ; mais le mysticisme du taoïsme est d’une nature qui lui est propre et différent de tous les exercices mentaux qui ont été désignés par ce nom en rapport avec le christianisme ou le mahométisme. Il est plus vague et plus obscur que toute théosophie ou tout soufisme, tout comme l’idée du Tâo diffère de la compréhension d’un Dieu personnel, aussi incertaine et indéfinie soit-elle. M. Wylie dit que l’ouvrage « traite dans des limites très modérées de la sujétion des facultés mentales ». C’est en effet le couronnement auquel il conduit l’étudiant ; un [ p. 248 ] condition correspondant au néant que Lâo-dze prétendait être l’antécédent de toute existence positive, et d’où il disait que tout être existant provenait, bien qu’il n’indique pas comment.
J’attribue au Traité la première place parmi nos annexes en raison de l’origine ancienne qu’on lui attribue. Il est attribué à Ko Yüan (ou Hsüan) [^485], un taoïste de la dynastie Wû (222-277 apr. J.-C.), dont la légende raconte qu’il atteignit l’état d’Immortel, et qu’on le qualifie généralement de tel [^486]. Il est représenté comme un faiseur de miracles, adonné à l’intempérance et très excentrique dans ses manières. Lors d’un naufrage, il émergea des eaux, les vêtements propres, et marcha librement à la surface. Finalement, il monta au ciel par un jour radieux [^487]. Tous ces récits peuvent sans risque être considérés comme des inventions d’une époque ultérieure.
Français On verra que le Texte attribue l’ouvrage à Lâo-dze lui-même, et je trouve impossible d’accepter le récit de son origine que Lî Hsî-yüeh attribue à Ko Hsüan. Comme le cite Lî dans la première des notes jointes à son Commentaire, Ko est amené à dire : « Quand j’ai obtenu le vrai Tâo, j’avais récité ce Roi dix mille fois. C’est ce que pratiquent les Esprits du ciel, et cela n’avait pas été communiqué aux érudits de ce monde inférieur. Je l’ai reçu du Divin Souverain des Hwa orientaux ; il l’a reçu du Divin Souverain de la Porte Dorée ; il l’a reçu de la Mère Royale de l’Occident. Dans tous ces cas, il a été transmis de bouche à oreille, et n’a pas été consigné par écrit. Maintenant, pendant que je suis dans le monde, je l’ai écrit dans un livre. Les érudits du plus haut ordre, le comprenant, s’élèvent et deviennent des fonctionnaires du Ciel ; ceux de l’ordre moyen, la cultivant, sont classés parmi les Immortels du Palais du Sud ; ceux de l’ordre le plus bas, la possédant, obtiennent de longues années de vie dans le monde, errent [ p. 249 ] à travers les Trois Régions [^488], et (enfin) montent et entrent dans la Porte Dorée.
Cette citation semble tirée de la préface de notre petit classique par Ho Hsüan. Si une telle préface existait réellement à l’époque de la dynastie Wû, la corruption de l’ancien taoïsme devait être rapide. La Hsî Wang-mû, ou Mère Royale de l’Occident, est mentionnée une fois dans Kwang-dze (Livre VI, par. 7) ; mais aucun « Souverain Divin » ne défigure ses pages. Chaque lecteur doit sentir qu’avec le Classique de la Pureté, il a pénétré dans un domaine de pensée différent de celui qu’il a parcouru dans le Tâo Teh King et dans les écrits de Kwang-dze.
Avec ces remarques, je passe maintenant à la traduction et à l’explication du texte de notre Roi.
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Ch. 1. 1. Lâo le Maître [^489] a dit : Le Grand [^490] Tâo n’a pas de forme corporelle, mais Il a produit et nourri le ciel et la terre [^491]. Le Grand Tâo n’a pas de passions [^492], mais Il fait tourner le soleil et la lune comme ils le font.
Le Grand [^490] Tâo n’a pas de nom [^493], mais Il effectue la croissance et le maintien de toutes choses [^491].
Je ne connais pas son nom, mais je fais un effort et je l’appelle le Tâo [^494]. [ p. 250 ] 2. Or, le Tâo (se montre sous deux formes) ; le Pur et le Trouble, et a (les deux conditions de) Mouvement et Repos [^495]. Le ciel est pur et la terre est trouble ; le ciel se meut et la terre est au repos. Le masculin est pur et le féminin est trouble ; le masculin se meut et le féminin est immobile [^496]. La (Pureté) radicale est descendue, et le produit (trouble) s’est répandu au loin ; et ainsi toutes choses ont été produites [^495].
Le pur est la source du trouble, et le mouvement est le fondement du repos.
Si l’homme pouvait toujours être pur et immobile, le ciel et la terre retourneraient tous deux (à la non-existence) [^497]. [ p. 251 ] 3. Or, l’esprit de l’homme aime la Pureté, mais son esprit [^498] la trouble. L’esprit de l’homme aime le calme, mais ses désirs l’éloignent [^498]. S’il pouvait toujours chasser ses désirs, son esprit deviendrait de lui-même calme. Que son esprit soit purifié, et son esprit deviendra pur de lui-même.
Bien entendu, les six désirs [^499] ne surgiront pas et les trois poisons [^500] seront éliminés et disparaîtront.
4. La raison pour laquelle les hommes ne sont pas capables d’atteindre cela, c’est parce que leurs esprits n’ont pas été purifiés et que leurs désirs n’ont pas été dissipés.
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Si l’on est capable de chasser les désirs, lorsqu’on regarde son esprit, il n’est plus à lui ; lorsqu’on regarde son corps, il n’est plus à lui ; et lorsqu’on regarde plus loin les choses extérieures, ce sont des choses avec lesquelles on n’a rien à voir.
Lorsqu’il comprendra ces trois choses, seule la vacuité lui apparaîtra. Cette contemplation de la vacuité éveillera l’idée de vacuité. Sans une telle vacuité, il n’y a pas de vacuité.
L’idée de l’espace vide ayant disparu, celle du néant elle-même disparaît également ; et lorsque l’idée du néant a disparu, il s’ensuit sereinement l’état d’immobilité constante. [^501]
5. Dans cet état de repos, indépendamment du lieu, comment un désir pourrait-il surgir ? Et lorsque plus aucun désir ne surgit, règnent le véritable calme et le repos.
Cette Vraie (immobilité) devient une qualité constante et répond aux choses extérieures (sans erreur) ; oui, cette qualité Vraie et Constante détient la possession de la nature.
Dans une telle réponse constante et un tel calme constant, il y a la pureté et le repos constants.
Celui qui possède cette Pureté absolue entre progressivement dans (l’inspiration du) Vrai Tâo. Et [ p. 253 ] y étant entré, il est appelé Possesseur du Tâo.
Bien qu’il soit qualifié de Possesseur du Tâo, en réalité il ne pense pas être possédé de quoi que ce soit. C’est en accomplissant la transformation de tous les êtres vivants qu’il est qualifié de Possesseur du Tâo.
Celui qui est capable de comprendre cela peut transmettre aux autres le Tâo Sacré. [^502]
2. 1. Le Maître Lâo a dit : Les érudits de la classe la plus élevée ne s’efforcent pas (pour quoi que ce soit) ; ceux de la classe la plus basse aiment s’efforcer [^503]. Ceux qui possèdent au plus haut degré les attributs (du Tâo) ne les manifestent pas ; ceux qui les possèdent à un faible degré les maintiennent fermement (et les affichent) [^504]. Ceux qui les maintiennent ainsi fermement et les affichent ne sont pas qualifiés de (possesseurs) du Tâo et de ses attributs [^504].
2. Si tous les hommes n’atteignent pas le Vrai Tao, c’est parce que leur esprit est perverti. Ce faisant, leur esprit est perturbé. Ce faisant, ils sont attirés par les choses extérieures. Attirés par elles, ils commencent à les rechercher avec avidité. Cette quête avide engendre perplexités et contrariétés ; celles-ci, à leur tour, engendrent des pensées désordonnées, source d’anxiété et de troubles, tant physiques que mentaux. Les personnes concernées subissent alors de terribles disgrâces, traversent sans cesse les phases de la vie et de la mort, sont susceptibles de sombrer constamment dans un océan d’amertume et de perdre à jamais le Vrai Tao.
3. Le Tao véritable et permanent ! Ceux qui le comprennent l’obtiennent naturellement. Et ceux qui parviennent à comprendre le Tao demeurent dans la pureté et le calme. [^505]
Traité des actions et de leurs rétributions de Thâi-Shang | Page de titre | Annexe II. Le Roi Yin Fû, ou « Classique de l'harmonie du visible et de l'invisible ». |
[^546] : 247 : 1 .
[^547] : 247 :2 .
[^549] : 248 :2 .
[^558] : 249 : 3 TTK, chap. 1, 51, et coll.