Annexe I. Khing Käng King, ou « Le classique de la pureté ». | Page de titre | Annexe III. Yü Shû King, ou « Le Classique du Pivot de Jade ». |
Français Dans le Catalogue Khien-lung de la Bibliothèque Impériale, ch. 146, Partie 3, ce Livre occupe la première place parmi tous les ouvrages taoïstes, avec trois notices, qui précèdent toutes le compte rendu du Commentaire de Ho-shang Kung sur le Roi Tâo Teh. De l’ouvrage de Lâo-dze, nous sommes conduits le long du cours de la littérature taoïste jusqu’à l’année 1626, année de parution du catalogue de ce qu’on appelle « le Canon taoïste [^506] ». Le ch. 147 revient ensuite au Roi Yin Fû et traite de neuf autres ouvrages sur ce sujet, le dernier étant le Commentaire de Lî Kwang-lî, l’un des principaux ministres et grands érudits de l’époque du grand-père de Khien-lung, connu sous le nom de Khang-hsî du nom de son règne.
Français Dans la première de ces nombreuses notices, il est dit que la préface d’une ancienne copie attribue la composition de l’ouvrage à Hwang-Tî (au 27e siècle avant J.-C.), et précise que des commentaires en ont été faits par Thâi-kung (12e siècle avant J.-C.), Fan Lî (5e siècle avant J.-C.), le Reclus de la vallée de Kwei (4e siècle avant J.-C.), Kang Liang (mort en 189 avant J.-C.), Kû Ko Liang (181-234 après J.-C.), et Lî Khwan de la dynastie Thang (vers le milieu de notre 8e siècle) [^507]. Certains auteurs, remontant à l’époque de Hwang-Tî pour la composition de notre petit classique, l’attribuent non pas à ce souverain lui-même, mais à son maître Kwang Khäng-dze [^508] ; [ p. 256 ] et beaucoup d’entre eux soutiennent que ce Kwang Khäng-dze était une incarnation précoce de Lâo-dze lui-même, de sorte que le Yin Fû pourrait bien être placé avant le Roi Tâo Teh ! Lî Hsî-yüeh est l’un des érudits qui adoptent ce point de vue.
Je ne dirai pas que sous la dynastie Kâu il n’existait pas de livre appelé Yin Fû, avec un commentaire attribué à Thâi-kung [^509], car Sze-mâ Khien, dans sa biographie de Sû Khin (Livre lxix), raconte comment cet aventurier obtint « le livre Yin Fû de Kâu », et un passage des « Plans des Royaumes combattants » nous apprend que le livre contenait « les plans de Thâi-kung [^509] ». Quoi qu’il en soit, aucun ouvrage de ce genre n’existe aujourd’hui. De tous les anciens commentaires mentionnés dans le Catalogue Khien-lung, le seul qui subsiste est le dernier, celui de Lî Khwan ; et le récit que nous en avons n’est pas aisément accepté ni fiable.
L’histoire raconte qu’en 441 après J.-C., Khâu Khien-kih, qui avait usurpé la dignité et le titre de patriarche de la famille Kang, déposa un exemplaire du Yin Fû King dans une grotte de montagne. Il y resta environ trois siècles et demi, jusqu’à sa découverte par Lî Khwan, un érudit taoïste, non peu endommagé par sa longue exposition. Il le copia du mieux qu’il put, mais ne parvint pas à le comprendre, jusqu’à ce qu’enfin, errant dans le lointain Occident, il rencontre une vieille femme qui lui en expliqua le sens, au pied du mont Lî ; après quoi il publia le Texte avec un Commentaire, et mourut finalement, errant parmi les collines à la recherche du Tâo ; mais le lieu de sa mort ne fut jamais connu [^510].
Le Classique, tel qu’il existe aujourd’hui, ne peut donc remonter plus haut que notre VIIIe siècle ; et de nombreux critiques soutiennent que, comme le commentaire a été rédigé par Lî Khwan, le texte a été forgé par lui. Tout ce que Hsî-yüeh a à répondre à cela est que, si le classique est l’œuvre de Lî Khwan, alors [ p. 257 ] il doit le considérer comme un autre Kwang Khäng-dze ; mais cela ne répond pas à l’accusation de contrefaçon.
Quant au titre du Traité, la force du Fû a été exposée au vol. xxxix, p. 133, en lien avec le titre du cinquième Livre de Kwang-dze. Le sens que j’ai donné à l’ensemble est en substance celui de Li Hsî-yüeh, qui affirme que le Yin doit être compris comme incluant le Yang, et fonde sa critique sur le célèbre dicton du Grand Appendice au Yî King (vol. xvi, p. 355) : « Le mouvement successif du Yin et du Yang (leur repos et leur fonctionnement actif) constitue ce qu’on appelle le cours (des choses). » M. Balfour traduit le titre par « La Clé de l’Invisible », ce qui est ingénieux, mais peut être trompeur. L’auteur raisonne plutôt de l’Invisible vers le Visible que du Visible vers l’Invisible.
M. Wylie donne son point de vue sur l’objet du Traité en ces termes : « Ce court Traité, qui n’est pas entièrement exempt de l’obscurité du mysticisme taoïste, prétend réconcilier les décrets du Ciel avec le cours des affaires terrestres. » Dans quelle mesure le Livre y parvient, et avec succès ou non, le lecteur pourra en juger par lui-même grâce à la traduction qui sera immédiatement jointe. Li Hsî-yüeh, l’envisageant simplement du point de vue de son objet pratique, le qualifie de « hsiû lien kih Shû, un Livre de culture et de raffinement » [^511]. Ce langage évoque l’idée d’un dévot taoïste, qui s’est sublimé par l’étude de ce Livre jusqu’à devenir Immortel. Je dois cependant me permettre de dire que le Traité tout entier me semble nous être parvenu fragmentairement, avec des passages incapables d’une explication satisfaisante.
Ch. 1. 1. Si l’on observe la Voie du Ciel [^512] et maintient Ses actions (comme les siennes) [^513], tout ce qu’il a à faire est accompli. [ p. 258 ] 2. Au Ciel appartiennent les cinq ennemis (mutuels) [^514], et celui qui les voit (et comprend leur fonctionnement) appréhende comment ils produisent la prospérité. Les mêmes cinq ennemis sont dans l’esprit de l’homme, et lorsqu’il peut les mettre en action à la manière du Ciel, tout l’espace et le temps sont à sa disposition, et toutes choses reçoivent leurs transformations de sa personne [^515]. [ p. 259 ] 3. La nature du Ciel appartient (aussi) à l’Homme ; l’esprit de l’Homme est une source (de puissance). Lorsque la Voie du Ciel est établie, le (Cours de) l’Homme est ainsi déterminé. [^516]
4. Lorsque le Ciel déploie son pouvoir de mort, les étoiles et les constellations sont plongées dans l’obscurité. Lorsque la Terre déploie son pouvoir de mort, dragons et serpents apparaissent sur la terre ferme. Lorsque l’Homme déploie son pouvoir de mort, le Ciel et la Terre reprennent leur cours normal. Lorsque le Ciel et l’Homme exercent leurs pouvoirs de concert, toutes les transformations voient leur commencement déterminé. [^517]
5. La nature (de l’homme) est tantôt intelligente, tantôt stupide ; et l’une de ces qualités peut se cacher dans l’autre. L’abus des neuf ouvertures se situe principalement dans les trois plus importantes, qui peuvent être tantôt en mouvement, tantôt au repos. Lorsqu’un incendie se déclare dans le bois, le mal, une fois commencé, est sûr de se propager jusqu’à la destruction du bois. Lorsqu’une calamité survient dans un État, si un mouvement s’ensuit, il est sûr de le détruire.
Quand quelqu’un mène à bien son travail de culture et de raffinement, nous l’appelons un Sage. [^518]
2. 1. Que le Ciel donne la vie tantôt et tantôt la retire, telle est la méthode du Tâo. Le Ciel et la Terre sont les spoliateurs de toutes choses ; toutes choses sont les spoliateurs de l’Homme ; et l’Homme est le spoliateur de toutes choses. Lorsque les trois spoliateurs agissent comme ils le devraient, en tant que trois Puissances, ils sont au repos. C’est pourquoi il est dit : « Pendant la période de nutrition, tous les membres sont correctement réglés ; lorsque les ressorts du mouvement entrent en jeu, toutes les transformations s’opèrent tranquillement. » [^519]
2. Les hommes connaissent le mystère de l’action de l’Esprit, mais ils ignorent comment ce qui n’est pas spirituel devient spirituel. Le soleil et la lune ont leurs temps définis et leurs mesures exactes, aussi grandes que petites. Le service des sages apparaît alors, et l’intelligence spirituelle devient apparente. [^520]
3. Le ressort qui anime les spoliateurs est invisible et inconnu de tous. Quand l’homme supérieur le possède, il renforce son corps grâce à lui ; quand l’homme modeste le possède, il méprise sa vie. [^521]
3. 1. Les aveugles entendent bien et les sourds voient bien. Obtenir tout ce qui est utile d’une seule source est dix fois mieux que de faire appel à une armée ; le faire trois fois par jour et par nuit est mille fois mieux. [^522]
2. L’esprit est stimulé (à l’activité) par les choses (extérieures) et meurt à cause de leur poursuite excessive. La source (de l’activité de l’esprit) est dans les yeux.
Le ciel n’a pas de (sentiment particulier de) bonté, mais c’est de lui que vient la plus grande bonté.
[ p. 262 ]
Le coup de tonnerre et le vent violent arrivent tous deux sans intention. [^523]
3. La jouissance parfaite est la satisfaction débordante de la nature. Le calme parfait en est le désintéressement absolu. Lorsque le Ciel semble le plus absorbé par lui-même, son action est universelle. [^524]
4. C’est par son souffle que nous contrôlons toute créature que nous saisissons. La vie est la racine de la mort, et la mort est la racine de la vie. La bonté naît de l’injure, et l’injure naît de la bonté. Quiconque s’enfonce dans l’eau ou entre au milieu du feu attire sa propre destruction. [^525] [ p. 263 ] 5. L’homme stupide, en étudiant les phénomènes et les lois du ciel et de la terre, devient sage ; moi, en étudiant leurs temps et leurs productions, je deviens intelligent. Lui, dans sa stupidité, est perplexe quant à la sagesse ; moi, dans mon affranchissement de la stupidité, je suis pareil. Il considère sa sagesse comme une réalisation extraordinaire ; moi, je ne considère pas la mienne ainsi. [^526]
6. La méthode de la spontanéité se déroule dans le calme, et c’est ainsi que le ciel, la terre et toutes choses furent créés. La méthode du ciel et de la terre se déroule doucement et graduellement, et c’est ainsi que le Yin et le Yang se dominent (tour à tour). L’un prend la place de l’autre, et ainsi le changement et la transformation se produisent en conséquence. [^527]
7. C’est pourquoi les sages, sachant qu’on ne peut résister à la méthode de la spontanéité, agissent en conséquence et la régulent (à des fins de culture). La voie de l’immobilité parfaite ne peut être soumise à des calculs numériques ; mais il semble qu’il existe une machinerie merveilleuse, par laquelle tous les corps célestes sont produits, les huit diagrammes et le cycle sexagénaire ; les sources de puissance spirituelles et les fantômes cachés ; les arts du Yin et du Yang dans la victoire de l’un sur l’autre : tout cela apparaît avec éclat et visibilité. [^528]
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[^574] : 255 :1 .
[^576] : 255 : 3 Voir Kwang-dze, Bk. XI, par. 4.
[^578] : 256:1 Voir le Thésaurus Khang-hsî sous la combinaison Yin Fû.
On ignore d’où provient la citation finale. Bien entendu, toute citation est incompatible avec l’idée de l’origine ancienne du Traité.
Le reste du paragraphe a ses parallélismes dans Lâo-dze et Kwang-dze.
Les quatre dictons suivants illustrent les « contraires » du taoïsme selon Lâo-dze. Le dernier dicton est une vérité : est-il introduit ici pour illustrer que tout ce qui est fait avec dessein est contraire au taoïsme ?