Chapitre II. L'interprétation du Zend-Avesta | Page de titre | Chapitre IV. L'origine de la religion Avesta |
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§ 1. Le recueil de fragments du Zend, connu sous le nom de Zend-Avesta [^34], est divisé, dans sa forme habituelle, en deux parties.
La première partie, ou l’Avesta proprement dite, contient le Vendîdâd, le Vispêrad et le Yasna. Le Vendîdâd est une compilation de lois religieuses et de récits mythiques ; le Vispêrad est un recueil de litanies pour le sacrifice ; et le Yasna est composé de litanies du même genre et de cinq hymnes ou Gâthas écrits dans un dialecte spécial, plus ancien que la langue générale de l’Avesta.
Ces trois livres se trouvent dans les manuscrits sous deux formes différentes : soit chacun seul, auquel cas ils sont généralement accompagnés d’une traduction en pahlavi ; soit les trois mélangés ensemble selon les exigences de la liturgie, car ils ne sont pas récités chacun séparément dans leur intégralité, mais les chapitres des différents livres sont entremêlés ; et dans ce cas, le recueil est appelé Vendîdâd Sâdah ou « Vendîdâd pur », car il présente le texte original seul, sans traduction.
La seconde partie, généralement connue sous le nom de Khorda Avesta ou « Petit Avesta », est composée de courtes prières récitées non seulement par les prêtres, mais par tous les fidèles, à certains moments du jour, du mois ou de l’année, et en présence des différents éléments ; ces prières sont les cinq Gâh, les trente formules de la Sîrôzah, les trois Âfrigân et les six Nyâyis. Mais il est aussi habituel d’inclure dans la Khorda Avesta, bien qu’ils n’en fassent pas réellement partie, les Yasts ou hymnes de louange et de glorification des différents [p. xxxi] Izads, et un certain nombre de fragments, dont le plus important est le Hadhôkht Nosk.
§ 2. Que l’étendue de la littérature sacrée du mazdéisme ait été autrefois bien plus vaste qu’elle ne l’est aujourd’hui, cela ressort non seulement des preuves internes, c’est-à-dire du caractère fragmentaire du livre, mais aussi des preuves historiques. En premier lieu, la conquête arabe fut fatale à la littérature religieuse de l’époque sassanide, dont une grande partie fut soit détruite par le fanatisme des conquérants et des nouveaux convertis, soit perdue lors du long exode des Parsis. Ainsi, la traduction pahlavi du Vendîdâd, qui ne fut achevée qu’à la fin de la dynastie sassanide, contient de nombreuses citations zend tirées de livres aujourd’hui disparus ; d’autres citations, aussi remarquables par leur importance que par leur contenu, se trouvent dans des traités pahlavi et parsis, comme le Nîrangistân et l’Aogemaidê. Le Bundahi contient de nombreux éléments qui ne sont pas mentionnés dans l’Avesta, mais qui proviennent très probablement des livres zends encore entre les mains de son compilateur. La tradition parsis veut que les Yasts étaient à l’origine au nombre de trente, un pour chacun des trente Izads qui président les trente jours du mois ; pourtant, il n’en reste que dix-huit.
La cause de la préservation de l’Avesta est évidente ; prise dans son ensemble, elle ne prétend pas être une encyclopédie religieuse, mais seulement un recueil liturgique, et elle ressemble davantage à un livre de prières qu’à la Bible. On conçoit aisément que la Vendîdâd Sâdah, qui devait être récitée quotidiennement, ait été mieux préservée que les Yasts, généralement récités une fois par mois ; et ceux-ci encore plus soigneusement que d’autres livres qui, si sacrés fussent-ils, n’étaient pas utilisés pour l’accomplissement du culte. De nombreux textes ont sans doute été perdus à la suite de la conquête arabe, mais surtout ceux qui avaient plus d’importance aux yeux du théologien qu’à ceux du prêtre. Français Nous avons un bon échantillon de ce que ces textes perdus ont pu être dans les quelques fragments non liturgiques que nous possédons encore, tels que le Vistâsp Yast et [p. xxxii] la bénédiction de Zoroastre sur le roi Vistâsp, qui appartiennent à l’ancien cycle épique de l’Iran, et le Hadhôkht Nosk, qui traite du sort de l’âme après la mort.
§ 3. Mais si nous avons perdu une grande partie de la littérature sacrée sassanide, la Perse sassanide elle-même, si l’on en croit la tradition parsie, a perdu encore plus de livres originaux. L’Avesta primitive, révélée par Ormazd à Zoroastre et par Zoroastre à Vistâsp, roi de Bactriane, était censée être composée de vingt et un Nosks ou Livres, dont la plus grande partie fut brûlée par Iskander le Rûmi (Alexandre le Grand). Après sa mort, les prêtres de la religion zoroastrienne se réunirent et, en rassemblant les divers fragments ayant échappé aux ravages de la guerre et d’autres qu’ils connaissaient par cœur, formèrent le présent recueil, qui ne représente qu’une infime partie du livre original, car des vingt et un Nosks, un seul fut préservé dans son intégralité, le Vendîdâd [^35].
Cette tradition est très ancienne et remonte de la période actuelle à l’époque sassanide [1]. Elle suppose que l’Avesta est le vestige de la littérature sacrée de la Perse sous les derniers rois achéménides. Pour déterminer si cette déduction est correcte, et dans quelle mesure elle peut l’être, nous devons d’abord essayer de définir, aussi précisément que possible, le moment exact auquel la collection, actuellement existante, a été constituée.
§ 4. Le Ravâet cité ci-dessus déclare avoir été formé « après la mort d’Iskander », expression assez vague, qui pourrait aussi bien signifier « des siècles après sa mort » qu’« immédiatement après sa mort ». Il est, en fait, peu douteux que ce soit bien ce que l’auteur voulait dire ; cependant, la date de ce Ravâet étant très récente, il vaut mieux rechercher des traditions plus anciennes et plus précises. On en trouve une dans le Dînkart, un livre pahlavi qui jouit d’une grande autorité auprès des Parsis de nos jours, et qui, bien qu’il contienne beaucoup de choses d’origine récente [2], comprend aussi de nombreuses [p. xxxiii] traditions anciennes et précieuses. D’après une proclamation attribuée à Khosrav Anôsharvân (531-579), la collecte des fragments de l’Avesta commença sous le règne des derniers Arsacides et fut achevée sous Shapûr II (309-380). Le roi Valkash (Vologèse), dit-on, ordonna d’abord que tous les fragments de l’Avesta qui auraient pu échapper aux ravages d’Iskander ou être préservés par la tradition orale soient recherchés et rassemblés. Français Le premier roi sassanide, Ardeshîr Bâbagân, fit de l’Avesta le livre sacré de l’Iran et du mazdéisme la religion d’État : enfin, Âdarbâd sous Shapûr II purifia l’Avesta et fixa le nombre des Nasks, et Shapûr proclama aux hétérodoxes [3] : « Maintenant que nous avons reconnu la loi du monde ici-bas, ils ne permettront l’infidélité de personne, quel qu’il soit [^39], comme je m’efforcerai qu’il en soit ainsi [^40]. »
§ 5. L’authenticité de ce document a été mise en doute, principalement, je pense, en raison du rôle qu’il attribue à un prince arsacide, ce qui semble difficilement concorder avec les idées généralement admises sur le caractère de la révolution sassanide [^41]. La plupart des auteurs parsis et musulmans s’accordent à dire que c’est la dynastie sassanide qui a relevé la religion zoroastrienne de l’état d’humiliation dans lequel l’invasion grecque l’avait plongée, et qui, tout en donnant le signal d’un renouveau de l’ancien esprit national, a fait du mazdéisme l’une des pierres angulaires du nouvel établissement [^42]. Il semble donc étrange d’entendre que la première mesure prise pour faire du mazdéisme une religion d’État a été prise par l’un de ces princes parthes philhellènes, si imprégnés des idées et des mœurs grecques. Pourtant, c’est la raison même pour laquelle nous devrions hésiter à rejeter ce document, et son désaccord avec l’opinion générale des Parsis plaide plutôt en faveur de son authenticité ; car comme la tradition générale post-sassanienne voulait que la restauration du mazdéisme fût l’œuvre des premiers rois sassanides, aucun Parsi n’aurait jamais pensé à leur faire partager ce qui était à ses yeux leur premier et meilleur titre d’honneur avec l’un des princes méprisés de la dynastie parthe.
§ 6. Il est difficile, bien sûr, de prouver directement l’authenticité de ce récit, d’autant plus que nous ignorons même à qui il fait allusion. Il y eut, en fait, au moins quatre rois qui portèrent le nom de Valkhash : le plus célèbre et le plus connu des quatre était Vologèse [^43], contemporain de Néron. Or, le zoroastrisme prévalait chez lui, ou du moins chez les membres de sa famille, comme le montre la conduite de son frère Tiridate, qui était un mage (Magus) [^44] ; et par ce terme, il ne faut pas entendre un magicien [4], mais un prêtre, et un adepte de la religion zoroastrienne. Qu’il fût prêtre apparaît dans le témoignage de Tacite [5] ; qu’il fût zoroastrien est démontré par ses scrupules concernant le culte des éléments. Lorsqu’il vint d’Asie à Rome pour recevoir la couronne d’Arménie des mains de Néron, il ne voulut pas venir par mer, mais longea les côtes [6], car il était interdit aux mages de souiller la mer [7]. Cela s’inscrit parfaitement dans l’esprit du zoroastrisme ultérieur et rappelle beaucoup le mazdéisme. Que Vologèse lui-même partageât les scrupules religieux de son frère apparaît dans sa réponse à Néron, [p. xxxv], qui insista pour qu’il vienne également à Rome : « Viens toi-même, il t’est plus facile de traverser une telle immensité de mer [8]. »
§ 7. Ainsi, nous apprenons d’une part, par les Parsis, que la première compilation de l’Avesta fut réalisée par un Arsacide nommé Vologèse ; et nous apprenons, d’autre part, d’une source tout à fait indépendante, qu’un Arsacide nommé Vologèse se comporta comme aurait pu le faire un adepte de l’Avesta. Dans tout cela, rien ne prouve que ce soit Vologèse Ier qui soit mentionné dans le Dînkart, et encore moins qu’il ait été réellement le premier éditeur de l’Avesta ; mais cela montre en tout cas que la première tentative de récupération de la littérature sacrée d’Iran pourrait très bien avoir été faite par un Arsacide, et que nous pouvons nous fier, à ce sujet, à un document qui a peut-être été écrit par un roi sassanide, mais, en tout cas, dans un esprit sassanide. En fait, dans la lutte entre Ardavan et Ardeshîr, il n’y avait aucun intérêt religieux en jeu, mais seulement un intérêt politique ; et Hamza nous dit expressément qu’entre Ardeshîr et ses adversaires, il y avait une parfaite concordance en matière religieuse [9]. On peut donc admettre sans équivoque que, même à l’époque et à la cour des Parthes philhellènes, un mouvement zoroastrien a pu naître, et qu’à un moment donné, ils ont compris qu’une religion nationale faisait partie intégrante de la vie nationale. C’est le mérite des Sassanides d’avoir perçu la portée de cette idée et d’avoir eu la chance de la concrétiser ; et ce ne serait pas le seul exemple, dans l’histoire du monde, d’une idée semée par un parti et dont les avantages ont été récoltés par ses adversaires.
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§ 8. Une autre preuve présomptive que les fondements de l’Avesta soient antérieurs à l’époque des Sassanides est fournie par la langue dans laquelle elle est écrite. Cette langue non seulement n’était pas, mais n’avait jamais été, la langue nationale de la Perse. Elle est en effet étroitement liée au persan ancien, tel qu’on le retrouve dans les inscriptions cunéiformes des rois achéménides, dont dérive le persan moderne ; mais les relations entre le persan ancien et le zend sont telles qu’aucune des deux langues ne peut être conçue comme dérivée de l’autre ; il ne s’agit pas d’une seule et même langue à deux stades différents de son développement, mais de deux dialectes indépendants à peu près au même stade, ce qui prouve qu’ils n’appartenaient pas au même pays et, par conséquent, que le zend n’était pas la langue de la Perse. Or, la langue utilisée en Perse après la mort d’Alexandre, sous les Arsacides et les Sassanides, c’est-à-dire durant la période où l’Avesta a dû être éditée, était le pahlavi, qui ne dérive pas du zend, mais du persan ancien, dialecte intermédiaire entre le persan ancien et le persan moderne. Par conséquent, si les rois sassanides avaient eu l’idée de faire écrire et composer leurs propres livres religieux, il est peu probable qu’ils les aient fait rédiger dans un vieux dialecte étranger, mais dans l’ancienne langue nationale, d’autant plus que, de par leur origine et leur politique, ils étaient tenus d’être les représentants de l’authentique tradition persane ancienne. Par conséquent, s’ils ont adopté le zend comme langue religieuse, c’est sans doute parce qu’il l’était déjà lors de leur parution, c’est-à-dire parce que les seuls vestiges de littérature sacrée subsistant alors étaient écrits en zend, et que les éditeurs de l’Avesta disposaient d’écrits en zend.
Cela ne prouve évidemment pas que tout ce que nous trouvons dans l’Avesta soit pré-sassanien, et que les éditeurs n’aient pas composé de nouveaux textes zend. Bien que le zend fût non seulement une langue morte, mais aussi une langue étrangère, ce n’était pas une langue inconnue : qu’il fût bien compris par la classe érudite, les prêtres, cela ressort de la traduction en pahlavi, qui fut faite par eux, et qui, plus on approfondit [p. xxxvii] la signification du texte, rend mieux justice à ses mérites. La date la plus ancienne que l’on puisse attribuer à cette traduction, dans sa forme actuelle, est le dernier siècle de la dynastie sassanide, car elle contient une allusion à la mort de l’hérésiarque Mazdak, fils de Bâmdâd [10], qui fut mis à mort au début du règne de Khosrav Anôsharvân (vers 531). Or, la capacité à traduire une langue morte est un bon test pour savoir écrire dans cette langue, et concernant l’âge des textes zend, la possibilité que de nouveaux textes aient été composés par les éditeurs ne peut être exclue a priori. Nous verrons même plus loin que certains passages de ces textes paraissent très modernes et pourraient avoir été écrits à l’époque où le livre prit sa forme définitive. Mais quelle que soit la proportion des nouveaux textes par rapport aux anciens (que je crois très faible), il est certain que l’essentiel de l’Avesta est pré-sassanien.
§ 9. La date assignée par le Dînkart à l’édition finale de l’Avesta et à sa promulgation comme loi sacrée de la nation, concorde avec ce que nous savons de l’état religieux de l’Iran à l’époque de Shapûr II. Le mazdéisme venait d’être menacé de destruction par une nouvelle religion issue de lui-même, la religion de Mânî, qui compta un temps un roi parmi ses adeptes (Shapûr I, 240-270). Le mazdéisme fut longtemps ébranlé, et lorsque Mânî fut mis à mort, son œuvre ne périt pas avec lui. Dans le Kissah-i Sangâh, Zoroastre est introduit en prophétisant que la sainte religion sera renversée trois fois et restaurée trois fois ; renversée une première fois par Iskander, elle sera restaurée par Ardeshîr ; renversée à nouveau, elle sera restaurée par Shapûr II et Âdarbâd Mahraspand ; et, enfin, elle sera renversée par les Arabes et restaurée à la fin des temps par Soshyos. Les traditions parsies sur Âdarbâd, bien qu’elles soient mêlées de beaucoup de fables, laissent apparaître une certaine vérité historique. C’était un saint homme sous Shapûr II, qui, comme il y avait beaucoup de religions et d’hérésies en Iran et que la vraie religion [p. xxxviii] tombait dans l’oubli, la restaura par un miracle, car il donna un signe de sa vérité en se laissant verser du laiton fondu sur la poitrine, sans qu’il soit blessé. Français Laissant de côté le miracle, qui est très probablement emprunté à la légende de Zoroastre, ce récit reçoit sa véritable interprétation des passages du Kissah-i Sangâh et du Dînkart, qui impliquent qu’Âdarbâd restaura le mazdéisme, ébranlé par l’hérésie manichéenne, et que, pour l’asseoir sur une base solide et durable, il donna une forme définitive au livre religieux de l’Iran et clôtura les Saintes Écritures. Et même de nos jours, les Parsis, en récitant le Patet, reconnaissent Âdarbâd comme le troisième fondateur de l’Avesta ; le premier étant Zoroastre, qui la reçut d’Ormazd ; le deuxième Gâmâsp, qui la reçut de Zoroastre ; et le troisième Âdarbâd, qui l’enseigna et la restaura dans sa pureté.
Par conséquent, pour autant que l’on puisse se fier à des déductions fondées sur des témoignages aussi rares et vagues, il semble probable que l’Avesta ait pris sa forme définitive des mains d’Âdarbâd Mahraspand, sous le roi Shapûr II, en raison des dangers que l’hérésie de Mânî avait fait peser sur la religion nationale. La mort de Mânî et la première persécution de ses disciples ayant eu lieu une trentaine d’années avant l’accession au trône de Shapûr, on peut présumer que la dernière révision de l’Avesta a eu lieu dans les premières années du nouveau règne, alors que l’agitation suscitée par les doctrines de Mânî et imparfaitement apaisée par la persécution de ses disciples n’était pas encore apaisée, et que la vieille religion tremblait encore sur ses bases [11].
§ 10. Il s’ensuit que les textes Zend ont pu être composés même à une époque aussi tardive que le quatrième siècle après J.-C. Il s’agit, bien sûr, d’une simple possibilité théorique, car bien que les parties liturgiques du Yasna, du Vispêrad, du Sîrôzah et du [p. xxxix] Khorda Avesta doivent être attribuées à une époque postérieure à celle des Gâthas, du Vendîdâd et des Yasts, et puissent appartenir à une période de révision, elles n’appartiennent certainement pas à la période de cette dernière révision. Âdarbâd n’était que le dernier éditeur de l’Avesta, et il est probable, non, il est hors de tout doute, que les docteurs de la loi, avant son époque, avaient essayé de mettre les fragments en ordre, de les relier et de combler les lacunes dans la mesure où les objectifs pratiques de la liturgie l’exigeaient. Français Par conséquent, au lieu de dire que certaines parties de l’Avesta pourraient appartenir à une période aussi tardive que le IVe siècle, il est plus juste de dire qu’aucune partie ne peut appartenir à une date ultérieure.
Deux passages du Vendîdâd semblent contenir des preuves internes de leur datation, et dans les deux cas, ils renvoient à l’époque sassanide, et le second, à l’époque du manichéisme. Le premier se trouve dans le XVIIIe Fargard (§ 10) : Ahura Mazda, tout en maudissant ceux qui enseignent une loi erronée, s’exclame :
« Et celui qui voudrait libérer cet homme, alors qu’il est en prison, ne fait pas de meilleure action que d’écorcher vif un homme et de lui couper la tête. »
Cet anathème indique une époque où le mazdéisme était une religion d’État et devait lutter contre l’hérésie ; il doit donc appartenir à l’époque sassanide. Français Ces lignes sont pleinement illustrées par un livre parsi de la même période [12], le Mainyô-i-Khard :
« Un bon gouvernement est celui qui maintient et ordonne la vraie loi et la coutume des citadins et des pauvres sans trouble, et rejette les lois et coutumes inappropriées ; . . . et maintient en cours le culte de Dieu, les devoirs et les bonnes œuvres ; . . . et renoncera au corps, et aussi à ce qui est sa propre vie, au nom de la bonne religion des Mazdayasniens. Et si quelqu’un s’éloigne de la voie de Dieu, alors il lui ordonne d’y retourner, le fait prisonnier et le ramène à la voie de Dieu ; et accordera, de la richesse qui est la sienne, la part de Dieu, et les œuvres dignes et bonnes, [p. xl] et les pauvres ; et livrera le corps à cause de l’âme. Un bon roi qui est de cette sorte est appelé comme les Yazads et les Ameshâspeñds [13].
Les doctrines auxquelles le Vendîdâd fait allusion ne sont pas expliquées : il ressort du contexte qu’il visait des sectes qui libéraient les fidèles du joug des pratiques religieuses, tout en anathématisant, du même coup, ceux qui ont persisté pendant trois ans sans porter la ceinture sacrée. Nous savons trop peu de choses sur la liturgie manichéenne pour deviner s’il est ici fait allusion aux manichéens : il n’est pas improbable que Mânî ait rejeté de nombreuses pratiques zoroastriennes, car son objectif était de fonder une religion universelle. S’il a poussé à l’extrême plusieurs des principes zoroastriens, en particulier ceux qui avaient pris, ou pouvaient prendre, une signification morale ou métaphysique, il a dû se montrer très indifférent aux pratiques qui ne pouvaient être anoblies par un symbolisme moral. Quoi qu’il en soit du passage précédent, il est difficile de ne pas voir une allusion directe au manichéisme dans des vers comme celui-ci (IV, 47 seq.) :
« En vérité, je te le dis, ô Spitama Zarathustra ! l’homme qui a une femme est bien au-dessus de celui qui n’engendre pas de fils ; celui qui tient une maison est bien au-dessus de celui qui n’en a pas ; celui qui a des enfants est bien au-dessus de l’homme sans enfants, celui qui a des richesses est bien au-dessus de celui qui n’en a pas.
» « Et de deux hommes, celui qui se gave de viande est bien plus rempli du bon esprit que celui qui ne le fait pas ; ce dernier est presque mort ; le premier est au-dessus de lui de la valeur d’une Asperena, de la valeur d’un mouton, de la valeur d’un bœuf, de la valeur d’un homme.
» « C’est cet homme qui peut lutter contre les assauts d’Astôvîdhôtu ; qui peut lutter contre la flèche qui se déplace d’elle-même ; qui peut lutter contre le démon de l’hiver, avec le vêtement le plus léger ; qui peut lutter contre le tyran méchant et le frapper à la tête ; c’est cet homme qui peut lutter contre l’impie Ashemaogha [14] qui ne mange pas [15].’
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Il est difficile de douter qu’il s’agisse d’une polémique religieuse et qu’elle se réfère à des doctrines et principes précis en vigueur à l’époque où elle a été écrite. Cela peut rappeler les doctrines chrétiennes ; et, de fait, c’est presque sur le même ton et avec les mêmes expressions qu’au Ve siècle, le roi Yazdgard flétrit les chrétiens d’Arménie [16]. Mais si ardente que la propagande chrétienne ait pu être pendant un temps en Perse, elle n’a jamais mis en danger la religion d’État. Le véritable ennemi était l’hérésie issue du mazdéisme lui-même ; et le christianisme, venu de l’étranger, était un ennemi plus politique que religieux. Et, en fait, la description du passage ci-dessus concorde mieux avec les doctrines manichéennes qu’avec les doctrines chrétiennes [17]. Comme Mânî, les enseignants chrétiens considéraient le célibat comme plus sacré que le mariage, mais ils n’avaient pas interdit le mariage, contrairement à Mânî ; Ils placèrent le pauvre Lazare au-dessus de Dives, mais ils n’interdirent jamais le commerce et l’agriculture, contrairement à Mânî ; et, enfin, ils n’interdirent jamais la consommation de viande, ce qui était l’un des principaux préceptes de Mânî [^59]. Nous trouvons donc dans ce passage une illustration, tirée de l’Avesta elle-même, de la célèbre doctrine des trois sceaux dont Mânî avait scellé le sein, la main et la bouche de ses disciples (signaculum sinus, manus, oris) [^59].}
[p. xlii]
§ 11. Il nous faut maintenant remonter un peu en arrière et tenter de résoudre la question de l’origine des textes originaux à partir desquels les éditeurs de l’Avesta ont constitué leur collection. Mis à part le Dînkart, nous ne disposons d’aucun document oriental pour nous aider à les retracer à travers l’époque des Arsacides, un désert historique complet, et nous sommes contraints de nous renseigner auprès des auteurs classiques qui ne sont, sur ce point, ni très clairs ni toujours crédibles. La mention de livres attribués à Zoroastre n’est pas rare à cette époque, mais elle s’applique très souvent aux apocryphes alexandrins et gnostiques [18]. Pourtant, quelques passages rendent presque certain l’existence d’une littérature mazdéenne à cette époque. Pausanias, voyageant en Lydie au IIe siècle de notre ère, vit et entendit des prêtres mages chanter des hymnes tirés d’un livre [^61] ; Nous ne pouvons pas déterminer avec certitude si ces hymnes étaient identiques aux Gâthas, toujours existants, mais cela démontre l’existence de Gâthas. L’existence d’une littérature zoroastrienne pourrait remonter au IIIe siècle avant Jésus-Christ, si l’on en croit Pline lorsqu’il affirme qu’Hermippe [^62] a fourni une analyse des livres de Zoroastre, qui auraient compté 2 000 000 de vers [^63]. Faute de preuves externes permettant de déterminer si les textes originaux existaient déjà dans les dernières années de la dynastie achéménide, nous devons rechercher des preuves internes. Une comparaison entre les idées exprimées dans nos textes et ce que nous savons des idées de la Perse achéménide pourrait peut-être conduire à des conclusions plus sûres.
§ 12. Que toutes les idées de l’Avesta étaient déjà pleinement développées à l’époque, ou du moins à la fin de la dynastie achéménide, apparaît par la parfaite concordance du récit du mazdéisme dans Théopompe [^64] avec les données des livres Zend. Tous les principaux traits de la croyance mazdéenne, à savoir l’existence de deux principes, un bon et un mauvais, Ormazd et Ahriman, les créations antithétiques des deux puissances suprêmes, la division de tous les êtres de la nature en deux classes correspondantes, la durée limitée du monde, la fin de la lutte entre Ormazd et Ahriman par la défaite et la destruction du principe mauvais, la résurrection des morts et la vie éternelle, tous ces principes de l’Avesta avaient déjà été établis à l’époque de Philippe et d’Aristote. Français Il faut donc admettre que la littérature religieuse alors existante, s’il y en a eu, ne devait guère différer, quant à son contenu, de l’Avesta ; son étendue était bien sûr plus grande, et nous en avons une preuve dans ce récit même de Théopompe, qui nous donne des détails qu’on ne trouve nulle part dans les textes actuels, et dont l’authenticité est pourtant assurée par la mythologie comparée [^65]. Rien ne nous interdit donc de croire, avec les Parsis, que les fragments dont l’Avesta est composée existaient déjà avant l’invasion grecque [19].
§ 13. Mais il ne s’ensuit pas que l’Avesta achéménide ait été le livre sacré des Achéménides et de la Perse, et il ne faut pas oublier que le récit de Plutarque ne concerne pas la religion de la Perse, mais la croyance des mages et la science de Zoroastre. Or, si l’on considère que les deux traits caractéristiques du magisme avestéen sont, du point de vue de la croyance, l’admission de deux principes, et, du point de vue de la pratique, l’interdiction d’enterrer les morts, on constate qu’il n’existe aucune preuve [p. xliv] que la Perse achéménide ait admis le premier, et qu’il existe des preuves qu’elle n’ait pas admis le second. Mais, en même temps, il apparaît que la croyance et la pratique existaient déjà, bien que propres à une classe, la classe sacerdotale, celle des mages.
La question de savoir si les rois achéménides croyaient au dualisme et connaissaient Ahriman n’est pas encore tranchée. On a souvent insisté sur l’absence du nom d’Ahriman dans les formules religieuses gravées par Darius et Xerxès sur les rochers de Persépolis et de Naqs-i Rustam [20]. Mais il n’est jamais prudent de tirer de larges conclusions de faits négatifs : Darius et Xerxès parlent d’Aurâmazda tout à fait dans le style de l’Avesta, et le fait qu’ils ne parlent pas d’Ahriman n’est pas une preuve suffisante qu’ils ne le connaissent pas ; ils n’avaient pas l’intention de publier un credo complet,ils n’avaient pas non plus à inscrire des articles de foi.
Le récit de la religion perse chez Hérodote laisse également, ou semble laisser, Ahriman inaperçu. Il faut cependant garder à l’esprit qu’il n’expose pas les conceptions religieuses des Perses, mais seulement leurs coutumes ; il décrit leur culte plus que leurs dogmes, et pas un seul principe n’est mentionné. Il semble même ignorer Ormazd, qui était pourtant très certainement le dieu suprême de la Perse à son époque ; pourtant, il fait clairement allusion à Ormazd lorsqu’il affirme que les Perses adorent Zeus au sommet des montagnes et appellent du nom de Zeus tout le cercle céleste, ce qui concorde parfaitement avec le caractère d’Ormazd [21]. De même, l’existence d’Ahriman est indirectement évoquée par le devoir imposé aux fidèles de persécuter et de tuer les animaux nuisibles, comme ce fut le cas uniquement en raison de [p. xlv] étant donné qu’ils étaient des créatures du principe maléfique et des incarnations de celui-ci, cette coutume était imposée comme un devoir religieux [22]. Il semble, il est vrai, d’après les paroles d’Hérodote, que ce n’était qu’une coutume particulière aux mages [23] ; mais cela montre, au moins, que la croyance en Ahriman existait déjà à cette époque, et que le dualisme était constitué, au moins, comme un article de foi mage.
Si nous passons maintenant du dogme à la pratique, nous constatons que la pratique la plus importante de la loi de l’Avesta était soit ignorée par les rois achéménides, soit inconnue d’eux. Selon l’Avesta, enterrer des cadavres dans la terre est l’un des péchés les plus odieux qui puissent être commis [24] ; nous savons que sous les Sassanides, un premier ministre, Séoses, a payé de sa vie une infraction à cette loi [25]. Les cadavres devaient être déposés au sommet des montagnes, pour y être dévorés par les oiseaux et les chiens ; l’exposition des cadavres était la pratique la plus marquante de la profession mazdéenne, et son adoption était le signe d’une conversion [26]. Or, sous la domination achéménide, non seulement l’enterrement des morts n’était pas interdit, mais c’était la pratique générale. Les Perses, dit Hérodote, enterrent leurs morts dans la terre, après les avoir enduits de cire [27]. Mais Hérodote, immédiatement après avoir affirmé que les Perses enterrent leurs morts, ajoute que les mages ne suivent pas la pratique générale, mais déposent les cadavres à terre, pour être dévorés par les oiseaux. Ainsi, ce qui devint une loi pour tous, laïcs ou prêtres, sous la domination des Sassanides, n’était que la coutume des Achéménides.
Français La conclusion évidente est que les idées et les coutumes que l’on trouve dans l’Avesta existaient déjà sous les rois achéménides ; mais que prises dans leur ensemble, elles n’étaient pas les idées et les coutumes générales de toute la Perse, mais seulement de la caste sacerdotale [28]. Il y avait donc, [p. xlvi] pratiquement deux religions en Iran, l’une pour les laïcs et l’autre pour les prêtres. L’Avesta était à l’origine le livre sacré des seuls mages, et le progrès de l’évolution religieuse devait étendre aux laïcs ce qui était la coutume des prêtres.
§ 14. Nous sommes maintenant en mesure de comprendre comment il se fait que le livre sacré de la Perse ait été écrit dans un dialecte non persan : il avait été écrit dans la langue de ses compositeurs, les mages, qui n’étaient pas Persans. Entre les prêtres et le peuple, il y avait non seulement une différence de vocation, mais aussi une différence de race, la caste sacerdotale étant issue d’une province non perse. La nature de cette province nous est connue tant par les historiens grecs que par les traditions parses.
Tous les auteurs classiques, d’Hérodote à Ammien, s’accordent à désigner la Médie comme le siège et le lieu de naissance des mages. « En Médie », dit Marcellin (XXIII, 6), « se trouvent les terres fertiles des mages… (ayant été instruits dans la science magique par le roi Hystaspe) ils la transmettirent à leur postérité, et ainsi, d’Hystaspe à nos jours, une immense famille s’est développée, héréditairement vouée au culte des dieux… Autrefois, leur nombre était très restreint…, mais ils grandirent peu à peu jusqu’à devenir une nation et, habitant des villes sans murs, ils furent autorisés à vivre selon leurs propres lois, protégés par la crainte religieuse. » Français Laissant de côté le récit légendaire de leur origine, on voit par ce passage qu’à l’époque de Marcellin [29] (IVe siècle apr. J.-C.) il existait en Médie une tribu, appelée Mages, qui avait le privilège héréditaire de fournir des prêtres à l’Iran. Strabon, écrivant trois siècles avant Marcellin, considérait les Mages comme une tribu sacerdotale répandue sur le territoire [^77] . Enfin, on voit chez Hérodote (III, 65) que l’usurpation du mage Smerdis fut interprétée [p. xlvii] par Cambyse, comme une tentative des Mèdes de récupérer l’hégémonie qu’ils avaient perdue, et quand nous apprenons d’Hérodote (I, 101) que les Mèdes étaient divisés en plusieurs tribus, Busae, Paraetakeni, Strouchates, Arizanti, Budii et Magi, sans qu’il fasse aucune remarque sur le nom de famille, nous ne pouvons guère douter que les prêtres connus sous le nom de Magi appartenaient à la tribu des Mages, qu’ils étaient nommés d’après leur origine, et que le récit de Marcellinus peut être correct même pour une période aussi ancienne que celle d’Hérodote.
§ 15. Les traditions parsi concordent avec les témoignages grecs.
Que le sacerdoce fût héréditaire, nous le voyons d’après la déclaration du Bundahis, selon laquelle tous les Maubeds descendent du roi Minochihr [30], et même de nos jours, le sacerdoce ne peut s’étendre au-delà des familles sacerdotales ; le fils d’un Dastur n’est pas obligé d’être Dastur, mais nul qui n’est pas fils d’un Dastur ne peut le devenir [31].
Qu’ils soient originaires de Médie, nous le voyons d’après les traditions concernant le lieu de naissance de Zoroastre, leur chef et fondateur de leur religion. Bien que les légendes épiques situent le berceau du pouvoir mazdéen en Bactriane, à la cour du roi Vistâsp, la Bactriane ne fut que la première conquête de Zoroastre, ce n’était ni son lieu de naissance, ni le berceau de sa religion. Bien qu’il existe deux traditions différentes sur ce point, toutes deux s’accordent à désigner la Médie ; selon l’une, il serait né à Raï, c’est-à-dire en Médie proprement dite ; selon l’autre, il serait né à Shîz, c’est-à-dire en Médie Atropatène.
La première tradition semble être la plus ancienne ; elle est exprimée directement dans le Commentaire Pahlavi de Vendîdâd I, 16 [32] ; et il y a dans l’Avesta elle-même (Yasna XIX, 18 (50)) un passage qui y fait allusion ou montre son origine.
« Combien y a-t-il de maîtres ? »
[p. xlviii]
« Il y a le maître de maison, le seigneur du bourg, le seigneur de la ville, le seigneur de la province, et le Zarathustra (le grand prêtre) comme cinquième. Il en est de même dans tous les pays, sauf dans le royaume zarathustrien ; car il n’y a que quatre maîtres, à Ragha, la cité zarathustrienne [33].’
‘Qui sont-ils ?’
‘Ils sont le maître de la maison, le seigneur du bourg, le seigneur de la ville, et Zarathustra est le quatrième [34].’
Cela revient à dire que le grand prêtre, le Maubedân Maubed, occupait à Rai la position de dahvyuma, ou seigneur du pays, et était le magistrat en chef. On peut soupçonner qu’il s’agissait de l’État sacerdotal indépendant dont parle Marcellin, et ce soupçon est élevé à un certain degré de probabilité par les lignes suivantes de Yaqût :
'Ustûnâwand, une forteresse célèbre dans le district de Danbawand, dans la province de Rai. Elle est très ancienne et était fortement fortifiée. On dit qu’elle existait depuis plus de 3 000 ans et qu’elle était le bastion des Masmoghân du pays à l’époque du paganisme. Ce mot, qui désigne le grand prêtre de la religion zoroastrienne, est composé de mas, « grand », et de moghân, qui signifie « mage ». Khaled l’assiégea, ainsi que le pouvoir du dernier d’entre eux [35].
Selon une autre tradition, Zarathustra serait né à Atropatène. Le même commentaire qui décrit Ragha comme étant identique à Rai, et le lieu de naissance de Zartust, nous informe également que Ragha fut amené par d’autres [p. xlix] pour être Atropatène. Des traditions, dont nous n’avons malheureusement que des traces tardives, le font natif de Shîz, la capitale d’Atropatène [36] : « À Shîz se trouve le temple du feu d’Azerekhsh, le plus célèbre des Pyrées des Mages ; à l’époque du culte du feu, les rois venaient toujours à pied, en pèlerinage. » Le temple d’Azerekhsh est attribué à Zeratusht, le fondateur de la religion des mages, qui se rendit, dit-on, de Shîz à la montagne de Sebîlân, et, après y être resté quelque temps retiré, revint avec le Zend-Avesta, qui, bien qu’écrit en vieux persan, ne pouvait être compris sans commentaire. Après cela, il se déclara prophète [37].
Or, nous lisons dans le Bundahis que Zartust fonda sa religion en offrant un sacrifice en Irân Vêg (Airyanem Vaêgô) [38]. Bien que ce détail se référât à l’origine au personnage mythique de Zoroastre, et que l’Irân Vêg n’ait été primitivement pas un pays réel, comme il fut ensuite identifié au bassin de l’Aras (Vanguhi Dâitya) [39], cette identification prouve que le berceau de la nouvelle religion fut cherché sur les rives de l’Aras. Dans l’Avesta elle-même, nous lisons que Zoroastre naquit et reçut la loi d’Ormazd sur une montagne, près de la rivière Darega [40], un nom qui rappelle de façon frappante la rivière moderne Darah, qui se jette du mont Sebîlân dans l’Aras.
Déterminer lequel des deux lieux, Raï ou Atropatène, pouvait le mieux prétendre être appelé le lieu natal de Zoroastre est bien sûr impossible. Le conflit entre les deux traditions doit être interprété comme une indication que les deux lieux étaient d’importants sièges du culte des Mages. Le fait que les deux traditions s’appuient sur l’Avesta est peut-être un signe que l’Avesta contient deux séries de documents, l’une émanant des mages de Ragha, l’autre des [p. l] mages d’Atropatène [41]. La question de savoir lequel des deux lieux était le plus ancien est également difficile à trancher en l’état actuel de nos connaissances [42].
Que le magisme soit venu de Ragha à Atropatène, ou d’Atropatène à Ragha, dans les deux cas, il trouvait son origine en Mède [43]. Que la Perse se soit soumise en matière religieuse à une tribu étrangère ne surprendra personne si l’on songe à l’influence des augures étrusques à Rome. Les mages pouvaient être haïs en tant que Mèdes, mais ils étaient respectés et craints en tant que prêtres. Lorsque les révolutions politiques donnaient libre cours à la haine nationale, le Perse pouvait volontiers s’y adonner et se délecter du sang du prêtre étranger [44] ; pourtant, chaque fois qu’il devait invoquer la faveur des dieux, il était obligé de reconnaître qu’il ne pouvait se passer de la tribu détestée, et qu’elle seule savait se faire remarquer par le ciel [45]. Quand et comment l’hégémonie religieuse de la Mède est née, nous ne pouvons le dire : il est tout à fait naturel que la Mède [46], [p. li] s’étant élevé plus tôt à un haut degré de civilisation, aurait dû donner à la religion et au culte une forme plus systématique et plus élaborée, et en religion, comme en politique, le pouvoir le mieux organisé doit tôt ou tard prendre le dessus. Il est probable que cela a commencé avec la conquête de la Médie par Cyrus : Media capta ferum victorem cepit. . . . Cyrus aurait introduit le sacerdoce mage en Perse (Xénophon, Cyrop. VIII, I, 23), ce qui concorde avec la légende mentionnée par Nicolas selon laquelle c’est à l’occasion de l’évasion miraculeuse de Crésus que les Perses se souvinrent de l’ancienne λογία de Zoroastre interdisant de brûler les morts.
L’origine médique des Mages explique un fait qui laisse perplexe à première vue, à savoir l’absence du nom des Mages dans le livre écrit par eux-mêmes [47] ; ce qui est assez naturel si le mot Magu n’était pas le nom du prêtre en tant que prêtre, mais en tant que membre de la tribu des Mages. Le mot approprié pour un prêtre dans l’Avesta est Âthravan, littéralement « homme du feu », et que ce soit également son nom chez les Perses apparaît dans l’affirmation de Strabon (XV, 733) selon laquelle les Mages sont également appelés Πύραιθοι. Il est facile de concevoir que les Perses, surtout dans le langage courant, préféraient désigner leurs prêtres d’après leur origine plutôt que d’après leurs fonctions [48] ; mais les Mages eux-mêmes n’avaient aucune raison de suivre la coutume perse, qui n’était pas toujours exempte d’implication de dépit ou de mépris. Le seul passage dans lequel le mot a trouvé sa place est celui qui trahit l’existence de ce sentiment : l’ennemi des prêtres est [p. lii] non pas appelé, comme on pourrait s’y attendre, un Âthrava-tbis, « un ennemi des Âthravanes » (cf. le Brahma-dvish indien), mais un Moghu-tbis, « un ennemi des mages [49]. » Le nom, il est vrai, est devenu courant en pahlavi et en persan moderne,mais c’était à une époque où les vieilles querelles nationales entre la Mède et la Perse étaient éteintes, et le mot ne pouvait plus véhiculer d’idée offensante.
§ 16. Les résultats des recherches précédentes peuvent se résumer ainsi :
les textes originaux de l’Avesta n’ont pas été écrits par des Perses, car ils sont rédigés dans une langue qui n’était pas en usage en Perse ; ils prescrivent certaines coutumes qui étaient inconnues en Perse et en proscrivent d’autres qui y étaient courantes. Ils ont été écrits en Mède, par les prêtres de Ragha et d’Atropatène, dans la langue de Mède, et ils présentent les idées de la classe sacerdotale sous la dynastie achéménide.
Il ne s’ensuit pas nécessairement que les fragments originaux aient déjà été écrits à l’époque d’Hérodote [50]. [p. liii] Mais comme les mages de cette époque chantaient des chants à leurs dieux lors des sacrifices, il est très probable qu’il existait déjà une littérature sacrée. Le fait même qu’aucun sacrifice ne pouvait être accompli sans l’aide des mages rend hautement probable qu’ils possédaient des rites, des prières et des hymnes très bien composés et arrangés, semblables à ceux des brahmanes ; leur autorité ne peut s’expliquer que par la puissance d’un rituel et d’une liturgie bien définis. Il devait donc y avoir un recueil de formules et d’hymnes, et il est fort possible qu’Hérodote ait entendu les mages chanter, au Ve siècle avant J.-C., les mêmes Gâthas que chantent aujourd’hui les Mobeds à Bombay. Une partie de l’Avesta, la partie liturgique, aurait donc été, en fait, un livre sacré pour les Perses. Elle n’avait pas été écrite par eux, mais elle était chantée à leur intention. Que des hymnes zend aient été chantés devant un peuple de langue persane n’est pas plus étrange que des paroles latines chantées par des Français, des Allemands et des Italiens ; la seule différence étant que, en raison de l’étroite affinité du Zend avec le Persan, les Perses ont peut-être pu comprendre les prières de leurs prêtres.
§ 17. On peut donc admettre sans équivoque que, dans l’ensemble, les textes présents dérivent de textes déjà existants sous les rois achéménides. Certaines parties du recueil sont sans doute plus anciennes que d’autres ; ainsi, les Gâthas sont certainement plus anciennes que le reste de l’Avesta, car elles sont souvent citées et louées dans le Yasna et le Vendîdâd ; mais il est difficile d’aller au-delà d’une chronologie logique. On pourrait être tenté, à première vue, d’attribuer à une date très récente, peut-être à la dernière révision de l’Avesta, ces longues énumérations de dieux si symétriquement élaborées dans le Yasna, le Vispêrad et le Vendîdâd. Mais l’exposé du mazdéisme donné par Plutarque montre que le [p. liv] travail de coordination était déjà terminé à la fin de la période achéménide, et il n’y a aucune partie de l’Avesta qui, en ce qui concerne le sujet, n’ait été écrite à cette époque. Bien plus, les récits grecs de cette période nous présentent, dans une certaine mesure, un stade de pensée plus tardif, et sont imprégnés d’un sens de symétrie plus fort que l’Avesta elle-même. Des passages tels que la fin du Zamyâd Yast et du Vendîdâd X, 9 seq. prouvent que, lorsqu’ils furent composés, les sept Arch-Dêvs n’étaient pas encore clairement opposés aux sept Amshaspands, et par conséquent ces passages pourraient avoir été écrits bien avant l’époque de Philippe. La théorie du temps et de l’espace comme premiers principes du monde, dont on ne trouve que les germes dans l’Avesta, fut pleinement développée à l’époque d’Eudemos, un disciple d’Aristote.
§ 18. Dans quelle mesure les conceptions dogmatiques des Mages furent admises par l’ensemble de la population iranienne, ni comment et par quel processus elles se répandirent parmi elle, nous ne pouvons le déterminer, faute de preuves documentaires. Quant à leurs observances, nous sommes mieux informés et pouvons nous faire une idée de leur degré et de leurs particularités de différence avec celles des autres Iraniens. Le nouveau principe qu’ils introduisirent, ou plutôt développèrent en de nouvelles conséquences, fut celui de la pureté des éléments. Le feu, la terre et l’eau avaient toujours été considérés comme des choses sacrées et avaient reçu un culte [51] : les Mages tirèrent de ce principe la conclusion qu’enterrer les morts ou les brûler était une souillure envers un dieu ; dès Hérodote, ils avaient déjà réussi à préserver le feu de cette souillure, et la crémation était un crime capital. La terre continua d’être souillée, malgré l’exemple qu’ils donnèrent ; et ce ne fut que sous les Sassanides, lorsque le mazdéisme devint religion d’État, qu’ils obtinrent également gain de cause sur ce point.
La différence religieuse entre les Perses et leurs prêtres médiques résidait donc principalement dans les observances. Des principes sur lesquels reposait la religion populaire, la classe sacerdotale tira, à force de logique et dans un esprit puritain, [p. lv] la nécessité d’observances strictes, dont le joug n’était pas volontiers supporté par la masse du peuple. De nombreux actes, insignifiants aux yeux du peuple, devinrent répugnants à sa conscience et à sa logique plus raffinée. Le peuple résista, et pendant un temps, les observances mages ne furent observées que par les mages. Le lent triomphe du magisme peut être vaguement retracé à travers la période achéménide. Introduit par Cyrus, il régna un temps avec le Pseudo-Smerdis, et fut freiné par Darius [^100]. Il semble avoir repris son essor sous Xerxès ; du moins, on rapportait que c’était pour appliquer les principes mages qu’il détruisit les temples grecs, et que le premier à écrire sur la tradition zoroastrienne était un mage, nommé Osthanes, qui l’avait accompagné en Grèce [52]. De nouveaux progrès marquèrent le règne d’Artaxerxès Longuemain. L’histoire épique de l’Iran, telle que conservée dans le Shah Nâmah, passe soudainement du domaine de la mythologie à celui de l’histoire avec le règne de ce roi, ce qui rend probable que c’est à son époque que les légendes de la Médie devinrent nationales en Perse, et que son règne fut une époque dans l’histoire politique du magisme [53]. Mais la véritable victoire ne fut remportée que six siècles plus tard, lorsque l’intérêt national exigea une religion nationale. Alors, comme cela arrive dans toute révolution, le parti ultra, qui avait poussé à l’extrême les principes communs à tous, prit la tête ; Les Mages montèrent sur le trône avec Ardeshîr, l’un de leurs élèves [54], et les observances des Mages [p. lvi] devinrent la loi de tout l’Iran. Mais leur triomphe ne fut pas de longue haleine ; leurs principes exigeaient un effort trop continu et trop sévère pour être jamais accompli par quiconque, sauf les prêtres, qui pouvaient concentrer toutes leurs facultés à surveiller s’ils n’avaient pas laissé tomber un cheveu par terre. Un peuple travailleur ne pouvait être emprisonné dans une telle religion, même si elle pouvait être pure et élevée dans son éthique. Le triomphe de l’Islam fut une délivrance pour les consciences de beaucoup [^104], et le Magisme, en imposant ses observances à la nation, provoqua la ruine de ses dogmes, qui furent balayés du même coup : son triomphe fut la cause et le signal de sa chute [^105].
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[^34] : xxx:1 Une désignation très impropre, car Zend signifie « un commentaire ou une explication », et n’était appliqué qu’aux textes explicatifs, aux traductions de l’Avesta. Avesta (du vieux persan âbastâ, « la loi » ; voir Oppert, Journal Asiatique, 1872, Mars) est le nom propre des textes originaux. Ce qu’il est d’usage d’appeler « la langue zend » devrait être appelé « la langue avesta » ; le zend n’étant pas une langue du tout ; et, si le mot est utilisé pour désigner une langue, il ne peut s’appliquer à juste titre qu’au Pahlavi. L’expression « Avesta et Zend » est souvent utilisée dans le commentaire pahlavi pour désigner « la loi avec son explication traditionnelle et révélée ».
[^35] : xxxii : 1 Ravâet ap. Anquetil, Mémoires de l’Acad. des Inscr. et Belles-Lettres XXXVIII, 216 ; Spiegel, Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft IX, 174.
[^39] : xxxiii:2 Ainsi traduit par West (Glossaire du Livre d’Ardâ Vîrâf, p. 27).
[^40] : xxxiii : 3 Haug, Essai sur Pahlavi p. 145 suiv., 149 suiv.
[^41] : xxxiii : 4 Spiegel, Eranische Alterthumskunde III, 782, n. 1.
[^42] : xxxiii:5 S. de Sacy, Mémoires sur quelques antiquités de la Perse. Cf. Masudi, 125. II, 125.
[^43] : xxxiv:1 Peut-être cinq (voir de Longpérier, Mémoire sur la Numismatique des Arsacides, p. 111).
[^44] : xxxiv : 2 ‘Magus ad eum Tiridates venerat’ (Pline, Nat. Hist. XXX, 6).
[^61] : xlii:1 ‘Ceux qui suivent l’hérésie de Prodicus se vantent de posséder des livres secrets de Zoroastre’, Clemens Alex. Stromates I. Cf. le ἀποκαλύψεις Ζωροάστρου forgé par Adelphius ou Aquilin (ap. Porphyr. Vita Plotini, § 16).
[^62] : xlii:2 Ἐπᾴδει δὲ ἐπιλεγόμενος ἐκ βιβλίου (V, 27, 3).
[^63] : xlii:3 Voir Windischmann, Zoroastrische Studien, 288.
[^64] : xlii:4 ‘Hermippus, qui de tota arte ea (magia) diligentissime scripsit et viciens centiens milia versuum a Zoroastre condita indicibus quoque volumem ejus positis explanavit.’ . . . (Hist. Nat. XXX, 1, 2). Il avait écrit un livre περὶ μάγων (Diog. Laert. Prooem. 8).
[^65] : xliii:1 Dans Plutarque, De Iside et Osiride, §§46-47.
[^77] : xlvi:1 Ou des historiens dont il copie. Il semble pourtant parler d’après des preuves contemporaines. Sozomène (Hist. Eccles. II, 9) affirme que le soin du culte appartenait héréditairement aux Mages « comme à une race sacerdotale », ὡ?'σπερ τι φῦλον ἱερατικόν.
Leur propagation et leur errance sur les terres mazdéennes apparaissent dans Yasna XLII, 6 (XII, 34) : « Nous bénissons la venue des Âthravans, qui viennent de loin pour apporter la sainteté aux pays ; » cf. infra, p. lii, note 97, et Farg. XIII, 22.
[^100] : liv:1 Cf. V, 8.
[^104] : lv:4 Agathias II, 26.
[^105] : lvi:1 De Gobineau, Histoire des Perses, II, 632 seq.
xxxii:2 J. Darmesteter, La légende d’Alexandre chez les Parses. ↩︎
xxxii:3 On y trouve une description des quatre classes, qui rappelle d’une manière frappante, p. xxxiii, le récit brahmanique de l’origine des castes (chap. XLII ; cf. les premières pages du Shikan Gumânî), et qui fut certainement empruntée à l’Inde ; soit à l’époque des derniers Sassanides, lorsque la Perse apprit tant de l’Inde, soit depuis l’établissement des Parsis en Inde, nous ne pouvons en décider : la première hypothèse paraît pourtant plus probable. ↩︎
xxxiii:1 Gvêt rastakân. Nous sommes redevables à M. West de la traduction exacte de ce mot. ↩︎
xxxiv:3 Pline confond très souvent magisme et magie, mages et magiciens. Nous savons aussi par Pline que Tiridate refusa d’initier Néron à son art : mais la cause n’était pas, comme il le suppose, qu’il s’agissait d’un « art détestable, frivole et vain », mais parce que la loi mazdéenne interdit de révéler la connaissance sacrée aux laïcs, et encore plus aux étrangers. ↩︎
xxxiv:4 ‘Nec recusaturum Tiridatem accipiendo diademati in urbem vanire, nisi sacerdotii religione attineretur’ (Ann. XV, 24). ↩︎
xxxiv:5 Il ne traversa que l’Hellespont. ↩︎
xxxiv:6 ‘Le navigateur ne doit pas s’en prendre à la nature, car il ne peut pas la rendre impure’ (Pline, II Cf. Introd. V, 8 seq.). ↩︎
xxxv:1 Dion Cassius, LXIII, 4. La réponse fut prise pour une insulte par Néron, et, semble-t-il, par Dion lui-même. En fait Vologèse resta jusqu’au bout fidèle à la mémoire de Néron (Suet. Nero, 57). Ce que nous savons en outre de son caractère personnel le qualifie pour prendre l’initiative d’une œuvre religieuse. Il semble avoir été un homme à l’esprit contemplatif plutôt qu’un homme d’action, ce qui a souvent suscité la colère ou le mépris de son peuple à son égard ; et il eut la gloire de rompre avec la politique familiale des rois parthes (Tacite, Annales, XV, 1, 2). C’est sous son règne qu’eut lieu la première interférence de la religion dans la politique, dont parle l’histoire de la Perse, comme l’appelaient les habitants d’Adiabène contre leur roi Izatès, devenu juif (Josèphe, Antiq. XX, 4, 2). ↩︎
xxxv:2 Annales Hamzae Ispahensis, éd. Gottwaldt, p. 31 (dans la traduction). ↩︎
xxxviii:1 Shapûr II monta sur le trône vers 309 (avant sa naissance, selon la tradition) : et comme il apparaît d’après le Dînkart qu’il a pris une part personnelle à l’œuvre d’Âdarbâd, la promulgation de l’Avesta ne peut guère avoir eu lieu avant 325-330. Âdarbâd et les Pères de Nicée vécurent et travaillèrent à la même époque, et les menaces zoroastriennes du roi d’Iran et les anathèmes catholiques du Kaisar de Rome ont peut-être été émis le même jour. ↩︎
xxxix:1 Voir le livre du Mainyo-i-Khard, éd. Ouest; Introduction, p. x séq. ↩︎
xl:1 Chap. XV, 16 seq. tel que traduit par West. ↩︎
xl:2 Ashemaogha, « le confondeur d’Asha » (voir IV, 37), est le nom des démons et des hérétiques. Les Parsis distinguent deux sortes d’Ashemaoghas, le trompeur et le trompé ; le trompeur, de son vivant, est margarzân, p. xli « digne de mort », et après la mort, il est un darvand (un démon, ou l’un des damnés) ; celui qui est trompé n’est que margarzân. ↩︎
xl:3 La traduction pahlavi illustre les mots ‘qui ne mange pas’ par la glose, ‘comme Mazdak, fils de Bâmdâd’, ce qui prouve que cette partie du commentaire est postérieure ou contemporaine de l’écrasement de la secte mazdakienne (dans les premières années de Khosrav Anôsharvân, vers 531). Les mots ‘contre le tyran méchant’ sont expliqués par la glose, ‘comme Zarvândâd’ ; ne pourrait-il pas s’agir de Kobâd, le roi hérétique, ou de ‘Yazdgard le pécheur’, le méprisant des mages ? ↩︎
xli:4 Élisée, pp. 29, 52. dans la traduction française de Garabed. ↩︎
xli:5 Du moins avec le christianisme orthodoxe, qui semble avoir seul prévalu en Perse jusqu’à l’arrivée des Nestoriens. Français La description s’appliquerait très bien à certaines sectes gnostiques, en particulier à celle de Cerdo et de Marcio, ce qui n’est pas étonnant puisque c’est par ce canal que le christianisme est devenu connu de Mânî. Masudi fait de Mânî un disciple de Kardûn (éd. B. de Meynard, II, 167), et le soin que son biographe (ap. Flügel, Mânî, pp. 51, 85) prend à déterminer le laps de temps qui s’est écoulé entre Marcio et Mânî semble trahir un vague souvenir d’un lien historique entre les deux doctrines. ↩︎
xli:6 Le patriarche d’Alexandrie, Timothée, permettait aux autres patriarches, p. xlii évêques et moines de manger de la viande le dimanche, afin de reconnaître ceux qui appartenaient à la secte manichéenne (Flügel, p. 279). ↩︎
xliii:2 Les hommes, une fois ressuscités d’entre les morts, n’auront plus d’ombre (μήτε σκιὰν ποιοῦντας). En Inde, les dieux n’ont pas d’ombre (Nalus) ; en Perse, Râshidaddîn a été reconnu comme un dieu parce qu’il ne produisait pas d’ombre (Guyard, Un grand maître, des Assassins, Journal Asiatique, 1877, I, 392) ; la plante de la vie éternelle, Haoma, n’a pas d’ombre (Henry Lord). ↩︎
xliii:3 On ne peut pas vraiment se fier à la tradition persane, lorsqu’elle essaie de remonter au-delà d’Alexandre, et sur ce point particulier, elle semble être plus une déduction d’âges ultérieurs qu’une véritable tradition ; mais la déduction se trouve être juste. ↩︎
xliv:1 Le professeur Oppert croit avoir trouvé dans les inscriptions de Darius une mention expresse d’Ahriman (Le peuple et le langage des Mèdes, p. 199) ; pourtant l’interprétation philologique du passage me paraît encore trop obscure pour permettre une opinion décisive. Plutarque introduit Artaxerxès Ier en parlant de l’Ἀρειμάνιος, mais on ne sait pas si le roi est amené à parler la langue de son époque ou celle de Plutarque. Quant aux allusions dans Isaïe (xlv), elles ne se réfèrent pas nécessairement au dualisme en particulier, mais à toutes les religions non monothéistes. (Cf. Ormazd et Ahriman, §241.) ↩︎
xliv:2 Vide infra, IV, 5. ↩︎
xlv:1 Vide infra, IV, 35 ; cf. Français Fargard XIII, 5 seq.; XIV, 5. ↩︎
xlv:2 Hérode. I, 140. ↩︎
xlv:3 Vide infra, V, 9. ↩︎
xlv:4 Procope, De Bello Persico, I, II. ↩︎
xlv:5 Ibid. I, 12. ↩︎
xlv:6 Hérode. I. 140. ↩︎
xlv:7 Il y a d’autres caractéristiques de la religion de l’Avesta qui semblent avoir été étrangères à la Perse, mais qui sont attribuées aux Mages. Le hvaêtvôdatha, la sainteté du mariage entre proches parents, même jusqu’à l’inceste, était inconnu de p. xlvi La Perse sous Cambyse (Hérode III, 31), mais elle est hautement louée dans l’Avesta, et était pratiquée sous les Sassanides (Agathias II, 31) ; à l’époque antérieure aux Sassanides, elle n’est mentionnée que comme une loi des Mages (Diog. Laert. Prooem. 6 ; Catulle, Carm. XC). ↩︎
xlvi:2 Τὸ τῶν Μάγων φῦλον (XV, 14). ↩︎
xlvii:1 Bundahis 79, 13. ↩︎
xlvii:2 Dosabhoy Framjee, The Parsis, &c. p. 277. ↩︎
xlvii:3 ‘Ragha des trois races’, c’est-à-dire Atropatene (vide infra) ; certains disent que c’est ‘Rai’. Il est ‘des trois races’ parce que les trois classes, prêtres, guerriers, cultivateurs, ‘étaient bien organisées là-bas. Certains disent que Zartust est né là…, ces trois classes sont nées de lui.’ Cf. Bundahis 79, 15, et Farg. II, 43, n. 2. Rai est le grec Ῥαγαί. ↩︎
xlviii:1 Ou peut-être, « dans le Ragha zarathoutrien ». ↩︎
xlviii:2 Le Commentaire dit ici : « c’est-à-dire qu’il était le quatrième maître dans son propre pays. » ↩︎
xlviii:3 Dictionnaire géographique de la Perse, traduit par Barbier de Meynard, p. 33. Cf. Spiegel, Eranische Alterthumskunde III, 565. Un vague souvenir de cette dynastie mage semble survivre dans le récit d’ap. Diog. Laert. (Prooem. 2) que Zoroastre fut suivi par une longue série de Mages, d’Osthanae Astrampsychi et de Pazatae, jusqu’à la destruction de l’empire perse par Alexandre. ↩︎
xlix:1 Le Gazn persan, le Gaza Ganzaka byzantin, dont le site a été identifié par Sir Henry Rawlinson avec Takht i Suleiman. ↩︎
xlix:2 Kazwini et Rawlinson, lcp 69. ↩︎
xlix:3 Bund. 79, 12. ↩︎
xlix:4 Voir Farg. Moi, p. 3. ↩︎
xlix:5 Voir Farg. XIX, 4, 11. ↩︎
l:1 Ce serait là un principe de classification qui ne s’applique malheureusement qu’à une petite partie de l’Avesta. ↩︎
l:2 Pourtant, si nous suivons la direction de la légende zoroastrienne, le magisme doit s’être répandu d’ouest en est, d’Atropatène à Ragha, de Ragha à la Bactriane ; et l’Atropatène doit donc avoir été le premier berceau du mazdéisme. Son nom même évoque son caractère sacré ; Les écrivains orientaux, à partir de la forme moderne du nom, Adarbîgân, l’interprètent comme « la graine du feu », avec une allusion aux nombreuses sources de feu que l’on y trouve. Les érudits modernes ont généralement suivi l’étymologie historique donnée par Strabon, qui affirme qu’après la mort d’Alexandre, le satrape Atropates s’est fait souverain indépendant dans sa satrapie, qui a été nommée d’après lui Atropatène. Cela ressemble à une étymologie grecque (à peine plus digne de confiance que l’étymologie de Ῥαγαί, de ῥήγνυμι), et il est difficile de croire que le pays ait perdu son ancien nom pour en prendre un nouveau de son roi ; il ne s’agissait pas d’une division géographique nouvelle, comme la Lotharingie, et elle avait vécu sa propre vie depuis longtemps auparavant. Son nom Âtarpatakân semble signifier « la terre de la descente du feu », car c’est là que le feu descendait du ciel (cf. Ammien lc) ↩︎
l:3 Les noms pahlavi des points cardinaux montrent que la Médie était le centre d’orientation dans la géographie mage. ↩︎
l:4 Magophonie (Hérode III, 79). ↩︎
l:5 Ὡς κοουομένουσ (Diog. Laert. Prooem.); cf. Hérode. Moi, 132 Ammien. ll ↩︎
l:6 Un écho de la vieille histoire politique de la Médie semble subsister dans Yast V, 29, qui montre Azi Dahâka régnant à Babylone (Bawru) ; comme Azi, dans son personnage légendaire, représente l’envahisseur étranger, ce passage ne peut guère être qu’un écho lointain des luttes entre la Médie et les empires mésopotamiens. La légende d’Azi n’est localisée que dans les pays médics p. li : il adresse ses prières à Ahriman sur les bords du Sipît rût (Bundahis 52, 11), son adversaire Ferîdûn est né à Ghilân, il est lié au mont Damâvand (près de Rai). ↩︎
li:1 Dans leur propre langue, le Zend ; dont les représentants modernes, s’il en reste, doivent donc être cherchés en Atropatène ou sur les bords de la mer Caspienne. Français La recherche est compliquée par l’intrusion croissante de mots persans dans les dialectes modernes, mais autant que je puisse le voir d’une étude très incomplète de la question, le dialecte qui présente le plus de traits zend est le dialecte talis, sur la rive sud de l’Aras. ↩︎
li:2 Le Pahlavi a « celui qui hait les Magu-men ». Dans le passage LIII (LII), 7, magéus n’est pas un mage, et il est traduit par magi, « sainteté, piété », apparenté au védique magha. Par la suite, les deux mots ont été confondus, d’où l’affirmation grecque selon laquelle μάγος signifie à la fois « un prêtre » et « un dieu » (Apollon. Tyan. Ep. XVII). ↩︎
lii:1 Un autre écho des sentiments anti-magiques peut être entendu dans Yasna IX, 24 (75) : « Haoma renversa Keresâni, qui s’était levé pour s’emparer de la royauté, et il dit : « Désormais, les Âthravans ne parcourront plus les terres et n’enseigneront plus à leur guise. » C’est un exemple curieux de la facilité avec laquelle l’histoire légendaire peut tourner les mythes à son avantage. La lutte de Haoma contre Keresâni est un vieux mythe indo-européen, Keresâni étant le même que le Krisânu védique, qui veut garder Soma loin des mains des hommes. Son nom devient dans l’Avesta le nom d’un roi anti-mage, il pourrait s’agir de Darius, l’usurpateur (?), et dix siècles plus tard il est transformé en appellation des Kaisars chrétiens de Rûm (Kalasyâk = *ἐκκλησια[κός]; Tarsâka). ↩︎
lii:2 Si l’interprétation de la fin de l’inscription de Behistun (conservée seulement dans la version scythe) telle que donnée par le professeur Oppert est correcte, Darius doit avoir fait une collection de textes religieux connue sous le nom d’Avesta, d’où il s’ensuivrait, avec une grande probabilité, que l’Avesta actuelle procède de Darius. La traduction du célèbre érudit est la suivante : « J’ai fait une collection de textes (dippimas) ailleurs en langue arienne qui autrefois n’existait pas. Et j’ai fait un texte de la Loi (de l’Avesta ; Haduk ukku) et un commentaire de la Loi, et la Bénédiction (la prière, le Zend) et les Traductions. » (Le peuple et la langue des Mèdes, pp. 155, 186.) L’autorité d’Oppert est si grande, et en même temps le passage est si obscur, que je ne sais guère s’il y a plus de témérité à rejeter son interprétation ou à l’adopter. Français Je me permets cependant de remarquer que le mot dippimas est la translittération scythe habituelle du persan dipi, « une inscription », et il n’y a aucune raison apparente de s’écarter de ce sens dans ce passage ; si le mot traduit par « la Loi », ukku représente réellement ici un mot persan Abasta, il n’est pas nécessaire qu’il désigne l’Avesta, le livre religieux, p. liii car dans ce cas le mot n’aurait très certainement pas été traduit dans la version scythe, mais seulement translittéré ; l’idéogramme pour « Bénédiction, prière », peut se référer à des inscriptions religieuses comme Persépolis I ; l’importance de tout le passage serait donc que Darius a fait graver d’autres inscriptions et a écrit d’autres édits et formules religieuses (le mot « traductions » n’est qu’une supposition). ↩︎
lv:1 Darius reconstruisit les temples que le mage Gaumata avait détruits (Behistun I, 63). Les mages, dit-on, voulaient que les dieux ne soient pas emprisonnés entre quatre murs (Cic. de Legibus II, 10). Xerxès se comporta en leur disciple, du moins en Grèce. Pourtant, les mages semblent avoir finalement cédé sur ce point aux coutumes perso-assyriennes, et il y avait des temples même sous les Sassanides. ↩︎
lv:2 Pline, Hist. Nat., XXX, I, 8. ↩︎
lv:3 Cf. Westergaard, Préface du Zend-Avesta, p. 17. Ceci concorde avec ce que nous savons du goût d’Artaxerxès pour les nouveautés religieuses. C’est lui qui a mêlé le culte de l’Assyrienne Anat-Mylitta à celui de l’Iranienne Anâhita (l’attribution de cette innovation à Artaxerxès Mnémon par Clément d’Alexandrie (Stromates I) doit reposer sur une erreur cléricale, car à l’époque d’Hérodote, qui écrivit sous Longimanus, le culte de Mylitta avait déjà été introduit en Perse (I, 131)). ↩︎