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Ce Gâtha, composé de Yasna XLVII à L, tire son nom de ses premiers mots. Comme les autres Gâthas, il doit son existence en tant que recueil à la nature de son mètre, car sa matière est homogène à celle des autres. Son mètre peut être qualifié de Trishtup, car ses vers comptent chacun onze syllabes et sont disposés en strophes de quatre.
Un aperçu général précède chaque chapitre. Le regroupement des hymnes dans ce Gâtha n’a, comme d’habitude, que peu ou pas de rapport avec la question de leur ancienneté.
Comme toujours, nous ne disposons ici que des fragments d’un texte plus long ; mais, comme toujours, cela ne diminue en rien la valeur de ce qui reste. Bien que l’on trouve quelques indices d’une origine autre que celle de Zarathustra, les versets ultérieurs ne sont pas du tout éloignés, quant à la période qu’ils indiquent, des versets zarathustriens, et présentent donc un intérêt presque égal, offrant en outre l’avantage de fournir des données permettant d’évaluer la progression du changement.
1. Le Spentâ mainyû ici n’est pas identique à Ahura, mais est, comme souvent, Son esprit. Il est plus que possible que l’application mémorable du mot spenta aux sept, nous donnant les Ameshôspends, les Amshaspands de la littérature, tire son origine du premier verset ici devant nous, ou de vers perdus de caractère similaire. Tous les sept semblent ici regroupés intentionnellement et artificiellement, bien que « Son Esprit » n’en fasse évidemment pas partie. Le mot initial spenta a également attiré l’attention au point de former le thème d’une sorte de jeu de mots dans l’épilogue ultérieur de Visparad XIX. Français Par l’intermédiaire de cet Esprit qui demeure en lui (idée ou expression qui n’a probablement aucun lien direct avec le « Saint-Esprit » de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais qui, en donnant la désignation « esprit » aux Ameshôspends, pourrait bien avoir été l’origine des « sept esprits qui sont devant le trône de Dieu »), par l’intermédiaire de cet esprit béni, c’est-à-dire conformément à ses pensées les plus intimes, Ahura accorde un don au saint idéal (versets 4, 5), à celui qui produit les meilleurs résultats pour Zarathustra (Y. XLVI, 19), le Ratu et le prophète (Y. XXIX, 6, 8). Et ce don est déclaré être les deux inséparables : le Bonheur en chaque détail, puis la perspective et la réalisation de la continuité de ce Bonheur dans l’Immortalité. Et il les accorde, non par son action immédiate, qu’aucun intellect, ni aucune sensibilité humaine, ne pourrait absorber sans aide, mais par sa Bienveillance spécialement révélée, son Esprit Meilleur, en tant que son représentant, conformément à son plan d’Ordre et de Pureté, imprégnant toute règle morale aussi bien que spirituelle, et par l’exercice de son Pouvoir Royal, envoyé comme l’« archange » Khshathra, et incarné dans le régime politique de l’État sacré de Zarathustría, et celui-ci tel qu’influencé dans toutes ses relations, publiques et domestiques, par la piété pratique appelée Âramaiti, la fille d’Ahura (l’esprit prêt). Une telle révélation des composantes de l’esprit et de la volonté de la Déité, la classe laborieuse la plus simple pouvait la comprendre pour un moment, et pour quelques décennies ; mais tout cela allait, bien entendu, être bientôt envahi par les vieilles mauvaises herbes de la superstition et du mythe.
2. Entrant dans les détails et variant les expressions, le compositeur prie pour qu’Ahura puisse mettre en œuvre son saint projet par les mains et les doigts actifs de la piété domestique, et par les paroles prêchées et récitées du Bon Esprit par la bouche et la langue de prêtres fidèles. Ainsi, et ainsi seulement, il deviendrait le Père d’Asha, l’Ordre divin, et de la régularité morale et rituelle parmi les hommes.
3. Du discours sur Dieu, il s’élève, comme si souvent, vers Lui. Cet Esprit (mentionné aux versets 1 et 2) est celui d’Ahura, car c’est Lui qui le rend généreux ; c’est Lui qui a créé le bœuf symbolique sacré, emblème et substance de la « joie », représentant à la fois les biens du peuple saint et ce peuple lui-même. Et c’est Lui qui, en réponse à ses gémissements (Y. XXIX, 1, 9), a étendu pour elle les prés de la « piété », comme prévu lors des consultations (Y. XXXIII, 6) faites en son nom.
4. Et cet « Esprit », comme on pouvait s’y attendre, ne limite pas son attention à la seule inspiration de la Piété. La justice de Mazda est justifiée. Les méchants sont affligés sous son influence d’une longue blessure (Y. XXX, 11) pour leurs péchés et pour leur préférence cynique pour les hommes prospères, au caractère mauvais et malhonnête, ainsi qu’à la foi hérétique. [ p. 147 ] 5. Mais il exprime sa confiance qu’Ahura Mazda finira par tout remettre d’aplomb. Contrairement aux personnes mentionnées précédemment, il donnera aux ashavan, non seulement kasu, mais paru (non pas une maigre part, mais la plénitude) de ce qu’il y a de meilleur, tandis que les dregvant et les aka (verset 4), les infidèles et les méchants, bien qu’ils soient isvanô, prospères, ne goûteront la jouissance de leurs richesses qu’en dehors de Dieu, et seront donc corrompus. Tant qu’ils poursuivent leur chemin habituel, ils vivent dans des actions inspirées non par l’esprit généreux, mais par l’Esprit Mauvais, un esprit aussi aka que la personne évoquée dans les mots paraos (kâthê) akô dregvaitê au verset précédent.
6. Mais, comme toujours, les appels moraux et les louanges, aussi nobles soient-ils, ne sont pas laissés sans le soutien et le service du rituel. Dieu accordera ces dons, et tous ceux qui sont les meilleurs, mais en lien avec Son Feu communiqué à ces côtés en lutte (Y. XXXI, 2), aux croyants comme aux infidèles (versets 4, 5), par l’accroissement de Sa Piété et de Son Ordre ; car cette piété, toujours instructrice, convertira tous ceux qui viennent à elle et cherchent sa lumière (Y. XXX, 1 ; Y. XLV, 1). Bien plus, elle incitera tous les vivants à choisir Dieu et à croire en lui (Y. XXXI, 3).
(Si les deux premiers versets ici ressemblent davantage à l’œuvre d’un disciple, les quatre derniers montrent à nouveau le ton original. Il ne faut jamais oublier, cependant, que les parties ultérieures et même interpolées sont, dans leur sens, également originales, et ne diffèrent que légèrement par leur grande ancienneté des pièces plus directement issues du premier compositeur.)
Traduction.
11. Et à cet [^662] (homme, Son saint élu), Ahura Mazda donnera [1] les deux (plus grands dons, Ses) [ p. 148 ] Bien-être et Immortalité Universels, au moyen de Son Esprit généreux, et avec Son Meilleur Esprit, du (désir de maintenir Son) Ordre moral Juste en paroles et en actes, et par la (force et la sagesse) de Son Pouvoir Souverain, (établi) dans la Piété (parmi Son peuple).
2. Oui, (cette béatitude, qui est la) meilleure [2] (création) de cet esprit le plus généreux, Ahura Mazda la manifestera par les paroles de Son Bon Esprit (au sein de Ses voyants), et par les deux mains [3] d’Âramaiti (sa piété telle qu’elle vit dans l’âme). Et par une telle [4] sage (bienfaisance) Il est le père de l’Ordre juste (dans notre culte et nos vies).
3. Et Tu es là, ô Ahura Mazda ! Le Bienfaisant qui appartient à, et qui possède, cet esprit (le plus généreux) en cela Tu es Celui qui pour cet [5] (homme, en qui cet esprit travaille) a fait le Veau créateur de joie. (Et quant à elle), pour elle, comme [ p. 149 ] de joyeuses prairies [6] de sa paix, Tu accorderas (Ton) Âramaiti (qui est notre Piété considérée comme la terre), puisqu’il [7] (pour elle) a pris conseil avec Ton Bon Esprit, Seigneur !
4. (Mais Ton esprit généreux ne suffit pas à accorder récompenses et bénédictions aux bons.) Les méchants (ennemis de la foi) sont lésés, et à cause (des motifs qui motivent) cet esprit généreux (le tien), ô Mazda [8] ! mais pas les saints. (Et pourtant, l’orgueil du dirigeant mépriserait toujours le juste.) Seul l’homme faible est libre de donner en bienveillance [9] à Ton saint, mais ayant la richesse et le pouvoir de gouverner, le méchant (l’homme) est (au service) des méchants, et pour beaucoup [10]. [ p. 150 ] 5. Mais Tu donneras ces dons, et par Ton esprit (le plus béni et le plus) généreux, ô Ahura Mazda ! à ceci [11] Ton saint saint, car ils sont tout ce qui est le meilleur ; mais loin [12] de Ton amour le méchant a sa part, demeurant dans les actions de l’Esprit Mauvais.
6. Oui, ces choses, Tu les lui donneras, ô Toi Ahura Mazda ! et par Ton esprit généreux, (et) par Ton Feu comme dans une bonne effusion aux deux [13] (foules) qui luttent par l’augmentation prospère de notre Piété, et du rituel juste et de la Vérité morale ; car cela (la Piété qui nous instruit) enseigne [14] les nombreux qui viennent la chercher (face) !
147:1 Ou, « à nous » ; mais dans ce cas, ce serait le Veau qui « prit conseil », comme mentionné au troisième verset. Ceci est cependant loin d’être impossible, car elle est mentionnée comme poussant sa plainte et recevant une réponse de son créateur dans Y. XXIX, 1, 2. Ainsi, comprendre « à nous » devient une traduction admirable pour le verset 1 ; mais au verset 3, elle est forcée, car le Veau pour lequel (Y. XXIX, 9) Zarathoustra fut désigné, ne pouvait pas être aussi facilement déclaré être celui qui nous a été donné, elle représentant « nous » à cet endroit dans une large mesure. Il y a une certaine plausibilité dans la traduction « à nous », mais je pense que ahmâi se réfère à ashaonê compris (voir versets 4 et 5). Le Pahlavi, de plus, est contre la première personne. ↩︎
147:2 Dãn (Geldn.) semble être un 3ème subjonctif aoriste pluriel ; le pluriel étant dû au fait qu’Ahura donne avec les autres Ameshôspends. Dã, pourrait aussi être la relique du mot propre qui représente le participe ; comp. dãs (sic). ↩︎
148:1 L’idée du summum bonum semble s’être développée très tôt, et de cet usage constant de ce mot au neutre, au singulier et au pluriel, et aussi avec anghu. ↩︎
148:2 Remarquez une fois de plus la personnification prononcée de Vohu Manah et d’Âramaiti ; voir Y. XXX, 8, et Y. XLIV, 14, etc. La traduction Pahlavi remarque la forme duelle pavan kolâ II yadman. ↩︎
148:3 Les Pahlavi semblent guider ceux qui considèrent ôyâ comme = une forme d’ava ; il a zak î. ↩︎
148:4 C’est l’ahmâi du premier verset (mais toujours potentiellement = ‘à nous’, si les versets ne doivent être mis en relation d’aucune sorte). Autrement, il se réfère évidemment aux ashâunê* dans 4 et 5 ; ainsi qu’aux Pahlavi tout au long. Voir ahmâi et hôi dans LI, 6. ↩︎
149:1 Beaucoup diraient que nous avons ici un exemple où l’identité d’Âramaiti avec la terre est reconnue dans les Gâthas. Je dirais, au contraire, que nous avons ici un exemple où une conception poétique a donné lieu à une erreur ultérieure ou à une association fantastique. La piété, associée à la vertu frugale, a induit une agriculture rigoureuse et a assuré la hushiti, une vie familiale paisible. Elle a donné la prairie aux vaches ; à l’étape suivante, elle représente poétiquement les prairies, puis la terre. Si vâstrâi, ce serait pour « nourrir ». ↩︎
149:2 Ou « elle », comme elle s’est plainte un jour lors d’un colloque. Autrement, il s’agit de la personne chargée de veiller à ses intérêts. Comparer Y. XXXIII, 6, où le juste Zaotar parle en désirant des conseils (hemparstôis) dans l’intérêt des pâturages et des lois de l’agriculture sacrée. Voir aussi la reproduction ultérieure de l’idée sous une forme étendue dans le Vendîdâd. Le zaotar de Y. XXXIII, 6, pourrait avoir été l’ashavan des versets 4 et 5. ↩︎
149:3 Voc. avec K5 (Barth.). ↩︎
149:4 Les Pahlavi nous donnent, comme d’habitude, notre première hypothèse quant au sens de « kâthê » ; je suis Geldner à ce sujet par rapport à Haug. Les expressions ici ne sont pas littérales. ↩︎
149:5 Isvâkît n’est relié qu’indirectement à kaseuskît, car kâthê intervient. Je considère que paraos akô dregvâitê présente la véritable antithèse de kaseuskît nâ ashâunê. L’isvâ peut avoir kît simplement sous l’influence du jingle, étant en tête de ligne comme kaseus; isvâ signifie p. 150 de lui-même « posséder des moyens ». Paraos peut dépendre de kâthê compris, comme kaseus dépend de son expression. De plus, dans tous les cas où il est utilisé, his termine le sens, et est ici séparé de paraos par la césure, ce qui, cependant, n’a pas grande importance. Le discours porte sur les méchants ; les saints sont mentionnés incidemment, et leurs mauvais traitements sont ici signalés. Akô ne peut pas bien signifier ici « hostile » ; voir aussi akât dans le verset suivant. Isvâkît, compris avec nâ, ne change rien. « Un homme désirait (peu pour le service du saint, mais même lorsqu’il était riche, dans le désir) beaucoup était le mal pour le mal. » Ou, en prenant kaseuskît comme régi par isvâkît compris avec kâthê comme précédemment compris dans la dernière ligne : « Seul un homme (des hommes) (possédé) de peu était au service du juste, tandis qu’un homme (des hommes) mauvais possédant beaucoup (était au service) du méchant. » L’autre traduction est : « Même un homme de peu de moyens se tient au service volontaire du saint, mais un homme même de grands moyens est hostile (?) au méchant. » C’est très désinvolte et si attrayant, mais je ne peux l’accepter au vu du contexte. L’expression gâthique est souvent malheureusement loin d’être désinvolte ; mais elle est étroite, maladroite et susceptible de contenir plus de pensée que ce qui pourrait être commodément exprimé dans le nombre compté de syllabes. La traduction désinvolte nécessite un autre langage que celui des manuscrits. Voir le verset suivant, qui contraste directement avec le traitement du bien et du mal par Ahura lui-même. ↩︎
150:1 Voir ahmâi au verset 1, et ashaunê au verset 4. Ahura traite le saint d’une manière inverse de celle pratiquée par les nâ kaseus* et les akô, ne donnant pas avec parcimonie aux bons, ni beaucoup aux méchants. ↩︎
150:2 Le Pahlavi nous donne ici notre première hypothèse, comme d’habitude, en gavîd min hanâ î lak dôshisnîh. ↩︎
151:1 Ou, ‘par les deux aráni’; mais comparez l’ãsayau dans Y. XXXI, 2 juste avant ranôibyâ; ainsi ici les ashavan et dregvant sont mentionnés dans un verset précédent. Le Pahlavi est invariable avec patkardârânŏ. Je ne me prononcerai pas positivement sur ce point; en général, cependant, la traduction préférée est dans le texte, alors que sur de très nombreuses questions, il y a un équilibre presque égal des probabilités. ↩︎