© 2000 Neal Waldrop
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Allocution présentée à l’occasion des cérémonies du 50ème anniversaire de la Fondation Urantia à Chicago, Illinois, le 18 mars 2000
Neal Waldrop, Genève, Suisse
IL était une fois, un dimanche après-midi, dans une ville d’un passé pas très lointain, une famille de quatre personnes qui se promenaient peu avant l’heure du diner à la lumière d’un soleil de printemps. Elles traversèrent un parc et arrivèrent à une place aux larges trottoirs avec des tables disposées à l’ombre d’érables et d’ormes. A l’instant où elles s’asseyaient, un homme grand, tout vêtu de noir, s’avança vers elles et, d’un large mouvement du bras droit leur montra une entrée proche. «Il vous faut entrer», dit-il d’un ton solennel. Jean le regarda d’un air fatigué et répondit: «Nous ne restons que quelques minutes. » «Il vous faut entrer », répéta l’homme d’un ton ferme tout en réitérant le geste de son bras en direction de la porte.
Marie vit rougir le visage de Jean et aperçut une veine saillante de son front qui commençait à battre. «C’est presque l’heure du repas», dit-elle, «on pourrait entrer et voir ce qu’ils nous proposent. » Jean sourit et demanda à l’homme tout vêtu de noir : «On ne pourrait pas rester ici à l’ombre? » L’homme croisa les bras et répéta d’une voix sèche : «Il vous faut entrer.» Jean leva les épaules et regarda en direction d’un arbre proche où les enfants s’étaient accroupis pour examiner des cailloux et des fleurs sauvages. «Janine, allons-y », dit-il. «Tu viens, Mike?»
Après qu’ils se soient assis dans une salle à manger entièrement vide, à peine agrémentée de quelques rares fresques et icônes, un garçon, joufflu comme un chérubin, leur apporta une suite de menus en grec, en latin et en vieux slave d’église. Toutefois Jean et Marie refusèrent de croire sur parole le garçon selon lequel le menu était tout à fait mangeable et appétissant. Ils demandèrent plutôt qu’on leur apporte d’abord de l’eau et ensuite un menu qu’ils puissent lire. Ils eurent en fin de compte quatre verres et un menu en une toute petite écriture scripte gothique aux lettrines enluminées. Marie porta un verre à ses lèvres mais fit la moue et le reposa. «Qu’est-ce qu’il y a? », demanda Jean. Marie répliqua: «Goûte. »Comme Jean avait soif il en avala une large rasade. "C’est du vinaigre», s’exclama-t-il. Regardant furieusement le serveur il demanda: «Qu’est-ce que cela veut-dire?» «Tout comme le Maitre a changé l’eau en vin », répliqua le serveur, «nous changeons l’eau en vinaigre. En fait», ajouta-t-il d’un ton confidentiel, «nous ne pratiquons pas exactement de la sorte, nous donnons tout simplement du vinaigre à nos clients qui réclament de l’eau. Après tout, le vinaigre est bon pour leur santé, et c’est nous qui savons ce qui est bon pour eux. Mais je vous en prie, admirez cette superbe calligraphie dont je peux vous faire l’interprétation par les racines de l’original hébreu, par le grec et le vieux slave d’église. » Puis il sourit et s’en alla. Janine dit : «Papa, j’ai faim. Où est la viande? » «Il n’y en a pas ici, chérie, il faudra aller ailleurs. » En sortant au milieu des ombres du crépuscule, Jean remarqua que Mike avait fait tomber une des mauvaises chaises en bois. C’est sans importance, décida-t-il. Du moins, ce n’était pas assez important pour qu’il entre de nouveau.
Il se peut que le parallèle avec les méthodes utilisées par les églises établies d’antan vous soit apparu irrésistible, mais vous pouvez interpréter l’histoire comme vous voulez, je ne vais pas vous en faire une analyse en hébreu, en grec ou en latin. De toute manière, il ne fait pas de doute que nous ayons une grande dette envers _la révolte laïque qui vous a dégagés du totalitarisme ecclésiastiqu_e et dont la Commission des Médians nous dit qu’elle nous a apporté beaucoup de libertés et de satisfaction LU 195:8.6 de même que la stupéfiante créativité de l’industrie américaine et le progrès matériel sans précédent de la civilisation occidentale. LU 195:8.7. Et maintenant, à l’aube du troisième millénaire, nous devons combler deux fossés qui ont fragmenté la société au cours des quelques derniers siècles — d’une part la contestation chronique et souvent abusive qui sépare la religion de la science et d’autre part, les querelles encore plus envenimées qui séparent les diverses religions traditionnelles et de nombreuses tendances de la culture contemporaine.
Ce faisant, nous devons nous garder d’une tendance générale qui est de proposer des interprétations intellectuelles comme si c’était la solution. Ce n’est pas la solution. Nous devons de même nous garder de la tendance à la controverse théologique, cette tactique de diversion consacrée par l’usage et qu’employa la Samaritaine Nalda lorsqu’elle cherchait à éviter le regard inquisiteur de Jésus. (LU 143:5.5). Tous ces expédients reviennent à élaborer des diversions intellectuelles qui esquivent et dévient l’appel à être parfait comme le Père est parfait, et à aimer les autres comme le Père nous aime. Par de telles méthodes, nous dit-on [l’]homme réfléchi … tente invariablement de … rationaliser une religion forte et active qui menace de le dominer, d’en faire une tradition et de la transformer en une institution, dans l’espoir de pouvoir ainsi la contrôler. LU 195:9.6.
Les nouveaux enseignements sont spirituels, mentaux et culturels, pas seulement spirituels. Ils traitent du désir de croissance et de progression de l’individu et du groupe et pas seulement du désir insatiable d’être «sauvé». Ils unifient toute l’expérience de chaque être humain et de toute la civilisation, ils ne tombent pas dans les dogmes intellectuels, les codes moraux et les rituels sacrés. L’impact produit par les enseignements est la toute nouvelle alliance selon laquelle Dieu le Père et Dieu la Mère ont un plan pour chacun d’entre nous et pour toute la planète habitée par les humains.
Une approche purement religieuse de la révélation serait par conséquent, déficiente et imparfaite. Nous ne sommes pas libres de rester dans notre coin à lire Le Livre d’Urantia et à nous émerveiller de son inspiration spirituelle. Non, il nous faut faire plus. Nous avons des obligations les uns envers les autres, envers la société, envers la croissance et la progression de notre planète.
Dans tout ce travail, nous devons trouver les moyens d’inspirer les religieux, les non-religieux et les anti-religieux pour qu’ils s’unissent à la poursuite d’idéaux partagés. Il nous faut imaginer et inventer un nouveau cadre pour y inclure nos efforts communs, des façons de se tenir par le bras avec les autres sur la base de l’unité des idéaux et des buts, plutôt que … des croyances. LU 99:5.7. Je crois que même la tâche consistant à construire une nouvelle philosophie de vie attrayante sera active, interactive, expérimentale et évolutionnaire, ce ne sera ni une excuse pour des rêveries de salon, ni le produit d’une théorisation abstraite fondée sur des symboles, sur des paradigmes et sur des relations conceptuelles.
Les auteurs de la cinquième révélation d’époque commentent en profondeur les dimensions sociales, économiques et politiques de la vie sur Urantia. Ils émettent de manière répétée des jugements de valeur explicites fondés sur des points de vue historiques, philosophiques et moraux, qu’ils proclament avec vigueur et défendent avec verve. Si nous ne sommes pas préparés à adopter, expliquer et, si nécessaire, défendre les conclusions des révélateurs, si nous ne voulons pas mobiliser notre propre sagesse et notre propre discernement tout en nous efforçant de mettre en oeuvre les idéaux des révélateurs dans notre vie et dans nos sociétés, si nous ne voulons pas nous tenir coude à coude avec les révélateurs afin de poursuivre leurs buts d’époque en vue du renouveau et du rehaussement de la vie spirituelle, mentale et matérielle de notre planète, alors, par quel effort d’imagination pourrions-nous justifier notre prétention à être des croyants?
Jusqu’ici, les lecteurs engagés du Livre d’Urantia ont surtout mis l’accent sur le fait que la dissémination des enseignements doit nécessairement avoir une forte influence positive sur les individus et sur le monde. Mais il est pour le moins tout aussi logique de raisonner du point de vue opposé. Même des efforts timides et hautement sélectifs pour exécuter les idéaux des révélateurs susciteront inévitablement un grand intérêt pour leurs idées. Ce sera de la dissémination par attraction. Plus tard, lorsque nous, et ceux qui coopèrent avec nous à des buts communs, serons effectivement capables de mettre en oeuvre les enseignements des révélateurs, graduellement, partiellement et progressivement, le résultat global sera la dissémination de la révélation en tant que réalité vivante.
Au stade où nous sommes, nous avons besoin d’un processus d’innovation et d’expérimentation décentralisé et relativement spontané, du fait que nous et nos successeurs vont probablement devoir tenter au moins neuf pratiques inadéquates avant d’en trouver une qui soit suffisamment significative pour que nous la trouvions pleinement satisfaisante. Mais je ne crois pas que ces activités potentielles et ces buts équivalent à un menu de projets que nous, groupe de croyants, devrions cataloguer, caractériser, inventorier ou adopter. Je ne veux pas suggérer — et tout au contraire je m’y oppose fermement — l’implication active de groupes organisés de lecteurs du Livre d’Urantia dans des projets sociaux, économiques ou politiques. Bien plutôt, notre défi est en tant que groupe de croyants est de découvrir comment stimuler au mieux les individus pour qu’ils poursuivent leurs idées les plus profondes et les plus productives, de préférence en coopération avec d’autres qu’ils soient ou non lecteurs du Livre d’Urantia.
Ceci est un défi pour chacun d’entre nous. C’est un défi pour moi comme pour tous ceux qui désirent m’entendre. Chacun d’entre nous doit plonger au plus profond de son imagination et décider pour lui-même ce que nous pouvons faire, au mieux, pour la cause et la progression de la civilisation et de la société sur notre planète Urantia. Il nous faut construire sur notre éducation sur notre expérience, sur notre caractère, sur notre jugement. Nous devons alors chercher à coopérer avec ceux qui ont des buts et des visions similaires.
Les révélateurs nous offrent des idées et des aperçus que nous pouvons et devons explorer. Un Puissant Messager déclare que la réalisation de la fraternité sociale sur votre monde dépend beaucoup LU 52:6.2 de l’accomplissement des transformations personnelles et des ajustements planétaires qu’il décrit sous cinq rubriques (1) fraternité sociale, (2) fécondation croisée de la pensée, (3) réveil éthique, (4) sagesse politique, (5) clairvoyance spirituelle. (LU 52:6.2-7). De plus, un Archange de Nébadon identifie 15 facteurs clés du développement de la civilisation (LU 81:6.1-44), et le Chef des Séraphins décrit les domaines dans lesquels les 12 corps de maitres séraphins du gouvernement séraphique planétaire font des efforts de promotion et d’entretien. (LU 114:6.1-20).
Notre travail extérieur et visible de réforme et de renouvellement ne sera pas un effort religieux et, à cet égard, nous ne devrions pas prendre l’étiquette de «religieux ». Nous devrions aborder ces efforts d’un point de vue spirituel et nous le ferons. Nous ne disséminerons pas une religion, nous ne développerons pas une religion, nous ne soutiendrons pas une religion. Bien plus, nos relations, entre nous ou avec ceux qui coopéreront avec nous, seront des relations de but et des relations pratiques et non pas discursives, théoriques, théologiques ou dogmatiques.
Permettez-moi de mettre cela dans son contexte. Je ne nie pas le besoin d’efforts énergiques pour produire de nouvelles traductions, je ne veux pas non plus réduire le mérite du travail des groupes d’étude ni le désir des individus d’approfondir leur compréhension des enseignements par la lecture et la réflexion. Tous ces aspects sont importants en eux-mêmes et ils sont étroitement liés aux objets concordants de la Fondation Urantia que l’on trouve à l’article 2.2 de la Déclaration de Fiducie. Toutefois, au cours des cinquante premières années de la Fondation nous n’avons guère prêté attention à l’objet principal demandant de mettre en oeuvre les enseignements des révélateurs dans notre vie et dans le monde entier. Ceci doit changer.
Les lecteurs engagés de la révélation seront confrontés à des questions très difficiles :
Beaucoup plus tard — soit au cours de l’étendue du présent âge, soit dans une ère qui suivra — chaque habitant d’Urantia, agissant avec son libre arbitre, de son propre choix, avec ses convictions personnelles et son engagement individuel, se lancera dans une croisade planétaire dans le but d’effacer les dernières traces de la trahison de Caligastia. Ils le feront non pas en endossant des uniformes, en criant des slogans et en brandissant des épées, mais en incarnant des réalités intérieures puissantes qui seront la preuve de leur dévouement et de leur alignement : une acceptation consciente de la vigilance et de l’amour sans limite du Père, une participation active à son plan céleste en vue de notre croissance individuelle et collective, et une coopération fraternelle avec tous ceux qui cherchent à le servir ici-bas et au ciel.
Au cours des millénaires qui s’écouleront avant qu’Urantia n’atteigne ce point de repère transcendant dans la destinée planétaire, nous, et ceux qui soutiennent l’intention des révélateurs et cherchent à mettre en oeuvre leurs idéaux, pourrions bien poursuivre des voies qui semblent terriblement lentes et tortueuses. Parfois, peut-être, au cours des brefs répits qui nous seront accordés alors que nous tentons de nous frayer un passage vers le haut, nous trouverons consolation et soutien en nous remémorant Van et Amadon, eux qui, en possession de ressources très limitées et par intermittence quelques vagues soupçons d’un triomphe ultime, ont persévéré résolument et avec patience pendant plus de 150000 ans en attendant l’arrivée d’Adam et Eve…
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