« _Crains-tu le vent ? » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un Frère qui vivait dans un état perpétuel d’inquiétude nerveuse. Nous apprenons qu’il était issu d’une bonne famille de Sāvatthi, et qu’il fut amené à renoncer au monde en entendant prêcher la Vérité, et qu’il craignait constamment pour sa vie [ p. 247 ], nuit et jour. Le souffle du vent, le bruissement d’un éventail, le cri d’un oiseau ou d’une bête lui inspiraient une terreur si abjecte qu’il hurlait et s’enfuyait. Il n’avait jamais pensé que la mort était certaine de le frapper ; bien que, s’il avait pratiqué la méditation sur la certitude de la mort, il ne l’aurait pas redoutée. [415] Car seuls ceux qui ne méditent pas ainsi craignent la mort. Sa peur constante de la mort fut alors connue des Frères. Un jour, ils se réunirent dans la Salle de la Vérité et se mirent à discuter de sa peur et de la pertinence pour chaque Frère de prendre la mort comme thème de méditation. En entrant dans la Salle, le Maître demanda, et on lui répondit, de quoi ils parlaient. Il fit donc venir ce Frère et lui demanda s’il vivait vraiment dans la peur de la mort. Le Frère confessa que oui. « Ne vous fâchez pas, Frères », dit le Maître, « contre ce Frère. La peur de la mort qui l’habite aujourd’hui n’était pas moins forte autrefois. » Ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta était un esprit des arbres près de l’Himalaya. En ce temps-là, le roi confia son éléphant d’apparat aux dresseurs pour qu’ils le dressent. Ils l’attachèrent solidement à un poteau et, munis d’aiguillons, se mirent à l’entraîner. Incapable de supporter la douleur tandis qu’on le forçait à obéir à leurs ordres, l’éléphant brisa le poteau, mit en fuite les dresseurs et s’enfuit vers l’Himalaya. Les hommes, incapables de l’attraper, durent revenir bredouilles. L’éléphant vivait dans l’Himalaya dans la peur constante de la mort. Un souffle de vent suffisait à le remplir de peur et à le faire s’élancer à toute vitesse, secouant sa trompe. Et c’était comme s’il était encore attaché au poteau pour être dressé. Toute joie de corps et d’esprit disparue, il errait dans une terreur constante. Voyant cela, l’Esprit de l’Arbre se tint dans la fourche de son arbre et prononça cette strophe :
Craignez-vous le vent qui souffle sans cesse
Les branches pourries se déchirent-elles toujours ?
Une telle peur te détruira complètement !
[416] Telles furent les paroles encourageantes de l’Esprit-Arbre. Et l’éléphant n’eut plus peur désormais.
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Sa leçon terminée, le Maître enseigna les Quatre Vérités (à la fin desquelles le Frère entra dans les Sentiers), et identifia la Naissance en disant : « Ce Frère était l’éléphant de ces jours-là et moi l’Esprit-Arbre. »