« L’oiseau qui dénonce l’avidité » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’une sœur qui lança un avertissement aux autres. On nous dit en effet qu’elle était issue d’une bonne famille Sāvatthi, mais que dès son entrée dans l’Ordre, elle faillit à son devoir et fut envahie d’un esprit glouton ; elle avait l’habitude de demander l’aumône dans des quartiers de la ville non visités par les autres sœurs. Et on lui y donnait de la nourriture délicate. Or, sa gloutonnerie la faisait craindre que d’autres sœurs n’y aillent aussi et ne lui prennent sa part de nourriture. Cherchant un stratagème pour les en empêcher et pour tout garder pour elle, elle avertit [ p. 258 ] les autres sœurs que c’était un quartier dangereux, infesté par un éléphant, un cheval et un chien féroces. Et elle les supplia de ne pas y aller pour demander l’aumône. En conséquence, pas une seule sœur ne jeta un regard dans cette direction.
Un jour, alors qu’elle traversait ce quartier pour demander l’aumône, alors qu’elle se hâtait d’entrer dans une maison, un bélier féroce la frappa avec une telle violence qu’il lui brisa la jambe. Les gens accoururent, lui déposèrent la jambe et l’emmenèrent sur une litière au couvent des Sœurs. Toutes les Sœurs, railleuses, racontèrent que sa jambe cassée venait du fait qu’elle était allée là où elle les avait averties de ne pas aller.
Peu de temps après, la Confrérie apprit la nouvelle ; un jour, dans la Salle de la Vérité, les Frères racontèrent comment cette sœur s’était fait briser la jambe par un bélier féroce dans un quartier de la ville contre lequel elle avait mis en garde les autres Sœurs ; et elles condamnèrent sa conduite. Entrant dans la Salle à ce moment, le Maître demanda, et on lui répondit, de quoi ils discutaient. « Comme maintenant, Frères », dit-il, « de même autrefois, elle a donné des avertissements qu’elle n’a pas suivis elle-même ; et alors comme maintenant, elle a subi des dommages. » Ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta naquit oiseau. En grandissant, il devint roi des oiseaux et arriva dans l’Himalaya, suivi de milliers d’oiseaux. Durant leur séjour en ce lieu, un oiseau féroce partait en quête de nourriture le long d’une route où il trouvait du riz, des haricots et d’autres céréales abandonnés par des chariots. Cherchant le meilleur moyen d’empêcher les autres de s’y rendre, elle leur dit : « La route est pleine de dangers. Des éléphants et des chevaux y circulent, des chariots tirés par des bœufs féroces et d’autres créatures dangereuses. Et comme il est impossible de prendre son envol instantanément, n’y allez surtout pas. » Suite à son avertissement, les autres oiseaux la surnommèrent « Warner ».
Un jour, alors qu’elle se nourrissait le long de la route, elle entendit le bruit d’une voiture venant à vive allure et tourna la tête pour la regarder. « Oh, c’est bien loin », pensa-t-elle, et elle poursuivit sa route comme avant. La voiture se leva brusquement, et avant qu’elle puisse se relever, la roue l’avait écrasée et s’était envolée. À l’appel, le roi constata son absence et ordonna qu’on la recherche. Finalement, on la retrouva coupée en deux sur la route, et la nouvelle fut portée au roi. « N’ayant pas suivi ses propres conseils envers les autres oiseaux, elle a été coupée en deux », dit-il, et il prononça cette strophe :
L’oiseau qui dénonce la cupidité, pour avidité une proie,
Les roues du char partent abîmées en chemin.
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[430] Sa leçon terminée, le Maître identifia la Naissance en disant : « La sœur avertisseuse était l’oiseau « Avertisseur » de cette époque, et moi le Roi des oiseaux. »