« Pour une application universelle. » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos de l’Ancien Lāḷudāyi, dont on dit qu’il avait le don de toujours dire la mauvaise chose. Il ne savait jamais quand donner ses enseignements. Par exemple, s’il s’agissait d’une fête, il croassait ce texte lugubre [^177] : « Hors des murs, ils se cachent, là où quatre chemins se croisent. » S’il s’agissait d’un enterrement, il s’exclamait : « La joie a rempli le cœur des dieux et des hommes », ou encore : « Puissiez-vous voir [447] cent, voire mille jours aussi heureux ! »
Un jour, les Frères réunis dans la Salle de la Vérité firent des remarques sur son étrange maladresse et sur sa tendance à toujours dire des choses fausses. Tandis qu’ils discutaient, le Maître entra et, en réponse à sa question, on lui raconta le sujet de leur conversation. « Frères », dit-il, « ce n’est pas la première fois que la folie de Lāḷudāyi lui fait dire des choses fausses. Il a toujours été aussi incompétent qu’aujourd’hui. » Ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta naquit dans une riche famille de brahmanes et, lorsqu’il grandit, il était versé dans toutes les connaissances et était un professeur de renommée mondiale avec cinq cents jeunes brahmanes à instruire.
À l’époque de notre récit, il y avait parmi les jeunes brahmanes un homme qui nourrissait toujours des idées absurdes et disait toujours des choses erronées. Il étudiait les Écritures avec les autres, mais sa folie l’empêchait de les maîtriser. Il était le serviteur dévoué du Bodhisatta et le servait comme un esclave.
Un jour, après le souper, le Bodhisatta s’étendit sur son lit. Le jeune brahmane lui lava et parfuma ses mains, ses pieds et son dos. Alors que le jeune homme se retournait pour partir, le Bodhisatta lui dit : « Cale les pieds de mon lit avant de partir. » Le jeune brahmane cala les pieds du lit d’un côté, mais ne trouva rien pour le soutenir de l’autre. Il utilisa donc sa jambe comme support et passa la nuit ainsi. Le matin, lorsque le Bodhisatta se leva et vit le jeune brahmane, il lui demanda pourquoi il était assis là. « Maître », dit le jeune homme, « je n’ai pas trouvé un seul support du lit ; j’ai donc placé ma jambe en dessous pour le soutenir. »
Ému par ces mots, le Bodhisatta pensa : « Quelle dévotion ! Et dire qu’elle vient du plus stupide de tous mes élèves ! Mais comment puis-je lui transmettre mon savoir ? » Et l’idée lui vint que le meilleur moyen était d’interroger le jeune brahmane, à son retour de la cueillette de bois et de feuilles, sur quelque chose qu’il avait vu ou fait ce jour-là ; puis de lui demander ce qu’il en avait pensé. « Car », pensa le maître, « cela l’amènera à faire des comparaisons et à donner des raisons, et sa pratique constante de la comparaison et du raisonnement me permettra de lui transmettre mon savoir. »
Il fit donc venir le jeune homme et lui recommanda de toujours raconter, à son retour du ramassage du bois et des feuilles, ce qu’il avait vu, mangé ou bu. Le jeune homme promit de le faire. Un jour, alors qu’il était en train de ramasser du bois dans la forêt avec ses camarades, il aperçut un serpent. Il dit : « Maître, j’ai vu un serpent. » « À quoi ressemblait-il ? » « Oh, comme le manche d’une charrue. » « C’est une très bonne comparaison. Les serpents sont comme les manches des charrues », dit le Bodhisatta, qui commençait à espérer enfin réussir avec son élève.
Un autre jour, le jeune brahmane aperçut un éléphant dans la forêt et le dit à son maître. « Et à quoi ressemble un éléphant ? » « Oh, au manche d’une charrue. » Son maître ne dit rien, car il pensa que, la trompe et les défenses de l’éléphant ressemblant quelque peu au manche d’une charrue, la stupidité de son élève le poussait peut-être à parler ainsi (bien qu’il pensait à la trompe en particulier), à cause de son incapacité à entrer dans les détails.
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Un troisième jour, il fut invité à manger de la canne à sucre et le raconta à son maître. « Et à quoi ressemble une canne à sucre ? » « Oh, à un manche de charrue. » « Ce n’est pas une comparaison très pertinente », pensa son maître, mais il ne dit rien. Un autre jour, les élèves furent invités à manger de la mélasse avec du lait caillé et du lait, et cela aussi fut dûment rapporté. « Et à quoi ressemblent le lait caillé et le lait ? » « Oh, à un manche de charrue. » Alors le maître pensa : « Ce jeune homme avait parfaitement raison de dire qu’un serpent ressemblait au manche d’une charrue, et il avait plus ou moins raison, quoique inexact, de dire qu’un éléphant et une canne à sucre présentaient la même similitude. Mais le lait et le lait caillé (qui sont toujours blancs) prennent la forme du récipient dans lequel ils sont placés ; [449] et là, il manqua complètement la comparaison. Cet idiot n’apprendra jamais. » Ce disant, il prononça cette strophe :
Pour une application universelle, il
Utilise un terme d’importance limitée.
Le manche de la charrue et le caillé lui sont également inconnus,
— Le fou affirme que les deux choses sont identiques.
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Sa leçon terminée, le Maître identifia la Naissance en disant : « Lāḷudāyi était l’idiot de cette époque, et moi le professeur de renommée mondiale. »