« Où est la sainteté ? » — Cette histoire, racontée par le Maître à Jetavana, concernait un hypocrite. Lorsqu’on lui rapporta l’hypocrisie du Frère, le Maître dit : « Ce n’est pas la première fois qu’il se montre hypocrite ; il était tout à fait sain d’esprit autrefois. » Ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta naquit rat, parfait en sagesse et aussi grand qu’un jeune sanglier.
Il avait sa demeure dans la forêt et des centaines d’autres rats possédaient son empire.
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Or, un chacal errant aperçut cette troupe de rats et se mit à comploter pour les séduire et les dévorer. Il s’installa près de leur demeure, le visage tourné vers le soleil, humant le vent et se tenant sur une jambe. Voyant cela, alors qu’il était en quête de nourriture, le Bodhisatta crut que le chacal était un être saint et s’approcha pour lui demander son nom.
« Divin » est mon nom, dit le chacal. « Pourquoi te tiens-tu sur une seule jambe ? » « Parce que si je me tenais à quatre pattes à la fois, la terre ne pourrait pas supporter mon poids. C’est pourquoi je me tiens sur une seule jambe. » « Et pourquoi gardes-tu la bouche ouverte ? » « Pour respirer. Je vis d’air ; c’est ma seule nourriture. » « Et pourquoi fais-tu face au soleil ? » « Pour le vénérer. » « Quelle droiture ! » pensa le Bodhisatta, et dès lors il prit soin d’aller, accompagné des autres rats, rendre hommage matin et soir au saint chacal. Et lorsque les rats s’en allèrent, le chacal saisit et dévora le dernier d’entre eux, s’essuya les lèvres et fit comme si de rien n’était. En conséquence, les rats devinrent de moins en moins nombreux, jusqu’à ce qu’ils remarquent des lacunes dans leurs rangs et, se demandant pourquoi, en demandèrent la raison au Bodhisatta. Il ne put le distinguer, mais soupçonnant le chacal, [461] résolut de le mettre à l’épreuve. Le lendemain, il laissa donc les autres rats sortir en premier, fermant lui-même la marche. Le chacal bondit sur le Bodhisatta qui, le voyant arriver, se retourna et s’écria : « Voilà donc ta sainteté, hypocrite et scélérat ! » Et il répéta la strophe suivante :
Là où la sainteté n’est qu’un manteau
Pour tromper les gens sans scrupules
Et masquer la trahison d’un méchant,
\—La nature féline que nous voyons là [^184].
En parlant ainsi, le roi des rats se jeta à la gorge du chacal et lui mordit la trachée juste sous la mâchoire, le tuant. Les autres rats revinrent en masse et engloutirent le corps du chacal avec un « crac, crac, crac » ; c’est-à-dire le plus avancé d’entre eux, car, dit-on, il n’en restait plus pour les derniers coins. Et depuis, les rats vécurent heureux, en paix et en tranquillité.
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Sa leçon terminée, le Maître fit le lien en disant : « Ce frère hypocrite était le chacal de cette époque, et moi le roi des rats. »