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« Avec les cheveux emmêlés. » — Cette histoire fut racontée par le vantard à Jetavana, à propos d’un hypocrite. Les incidents ressemblaient à ceux relatés ci-dessus [^193].
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta naquit lézard. Dans un village voisin, à la frontière, vivait un ascète austère, qui avait atteint les Cinq Connaissances et était traité avec grand respect par les villageois. Dans une fourmilière, au bout du chemin où le reclus arpentait le chemin, résidait le Bodhisatta. Deux ou trois fois par jour, il allait le voir et écoutait des paroles d’édification et de sainteté. Puis, après avoir rendu hommage à l’homme de bien, le Bodhisatta regagnait sa demeure. Au bout d’un certain temps, l’ascète fit ses adieux aux villageois et s’en alla. À sa place, un autre ascète, un vaurien, vint habiter l’ermitage. S’appropriant la sainteté du nouveau venu, le Bodhisatta se comporta envers lui comme envers le premier ascète. Un jour, une tempête inattendue, en pleine saison sèche, fit sortir les fourmis de leurs collines [1], et les lézards, venus les manger, furent capturés en grand nombre [481] par les villageois ; certains furent servis avec du vinaigre et du sucre, et l’ascète les mangea. Satisfait d’un plat si savoureux, il demanda ce que c’était et apprit que c’était un plat de lézards. Il songea alors qu’il avait pour voisin un lézard remarquablement bon et résolut de dîner à sa table. Il prépara donc la marmite et la sauce pour servir le lézard, et s’assit à la porte de sa hutte, un maillet caché sous sa robe jaune, attendant l’arrivée du Bodhisatta, l’air étudié et paisible. Le soir, le Bodhisatta arriva et, en s’approchant, remarqua que l’ermite ne semblait plus tout à fait le même, mais qu’il avait une expression qui n’annonçait rien de bon. Reniflant le vent qui soufflait vers lui depuis la cellule de l’ermite, le Bodhisatta sentit l’odeur de la chair de lézard et comprit aussitôt que ce goût avait donné envie à l’ascète de le tuer à coups de maillet et de le dévorer. Il rentra donc chez lui sans aller voir l’ascète. Voyant que le Bodhisatta ne venait pas, l’ascète pensa que le lézard avait dû deviner son complot, mais s’étonna de la façon dont il avait pu le découvrir. Déterminé à ce que le lézard ne s’échappe pas, il sortit le maillet et le lança, touchant juste le bout de la queue du lézard. Aussi prompt que la pensée, le Bodhisatta se précipita dans son refuge et, passant la tête par un autre trou que celui par lequel il était entré, s’écria : « Espèce de scélérat hypocrite, ton habit de piété m’a incité à te faire confiance, mais maintenant je connais ta nature scélérate. Qu’a à faire un voleur comme toi avec des vêtements d’ermite ? » Réprimandant ainsi le faux ascète, le Bodhisatta récita cette strophe :
Avec des cheveux emmêlés et un vêtement de peau
Pourquoi singer la piété de l’ascète ?
Un saint à l’extérieur, ton cœur à l’intérieur
Est étouffé par une impureté immonde [2].
[482] C’est ainsi que le Bodhisatta démasqua le méchant ascète, après quoi il se retira dans sa fourmilière. Et le méchant ascète quitta cet endroit.
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Sa leçon terminée, le Maître identifia la Naissance en disant : « L’hypocrite était le méchant ascète de cette époque, Sāriputta le bon ascète qui vivait dans l’ermitage avant lui, et moi-même le lézard. »
[^196] : 298 :1 Dhammapada v.394.