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« Ton étreinte se resserre. » — Cette histoire fut racontée par le Maître, alors qu’il était à la Bambouseraie, à propos de Devadatta qui s’apprêtait à le tuer. Car, entendant les Frères en discuter dans la Salle de la Vérité, le Maître dit que, comme Devadatta agissait maintenant, il avait agi autrefois, mais avait échoué – à son grand préjudice – dans son dessein maléfique. Et en disant cela, il raconta cette histoire du passé.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait sur Behaves, le Bodhisatta naquit chacal et vécut dans un charnier entouré d’une nombreuse troupe de chacals dont il était le roi. À cette époque, une fête eut lieu à Rājagaha, une fête très humide où tout le monde buvait beaucoup. Un groupe de coquins se procura de la nourriture et des boissons en abondance, revêtant leurs plus beaux vêtements, chantant et s’amusant de leur repas. À minuit, la viande était épuisée, même si l’alcool subsistait encore. Alors, comme quelqu’un demandait de la viande et qu’on lui répondait qu’il n’en restait plus, il dit : « Les vivres ne manquent jamais tant que je suis là. Je vais au charnier tuer un chacal qui rôde pour dévorer les cadavres et rapporter de la viande. » Ce disant, il saisit une massue et sortit de la ville par l’égout jusqu’à l’endroit où il s’allongea, la massue à la main, feignant d’être mort. Juste à ce moment, suivi des autres chacals, le Bodhisatta s’approcha et observa le prétendu cadavre. Soupçonnant la supercherie, il décida d’examiner l’affaire. Il se dirigea donc vers le côté sous le vent et sut, à l’odeur, que l’homme n’était pas réellement mort. Résolu à ridiculiser l’homme avant de le quitter, le Bodhisatta s’approcha discrètement, saisit la massue entre ses dents et tira dessus. Le coquin ne le lâcha pas : ne voyant pas l’approche du Bodhisatta, il la serra plus fort. Sur ce, le Bodhisatta recula d’un pas ou deux et dit : « Mon cher, si tu avais été mort, tu n’aurais pas resserré ta prise sur ta massue pendant que je tirais dessus, et tu ne te serais pas trahi. » Ce disant, il prononça cette strophe :
Ta prise resserrée sur ton club montre
Ta grossière imposture, tu n’es pas un cadavre, j’en suis sûr.
Se voyant découvert, le voleur se releva d’un bond et lança sa massue sur le Bodhisatta, mais manqua sa cible. « Va-t’en, brute », dit-il, « tu m’as manqué cette fois. » Se retournant, le Bodhisatta dit : « C’est vrai que tu m’as manqué, mais sois assuré que tu ne manqueras pas les tourments du Grand Enfer et des seize Enfers Mineurs. »
Les mains vides, le coquin quitta le cimetière et, après s’être baigné dans un fossé, retourna dans la ville par le chemin par lequel il était venu.
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Sa leçon terminée, le Maître identifia la Naissance en disant : « Devadatta était le voyou de cette époque, et moi le roi des chacals. »