« Effort malavisé » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un Frère obstiné. Le Maître dit à ce Frère : « Ce n’est pas la première fois, Frère, que tu es obstiné ; tu étais déjà du même avis autrefois [253] ; et c’est pourquoi, n’ayant pas suivi les conseils des sages et des bons, tu as été coupé en deux par une épée tranchante et jeté sur la route ; et tu es la seule cause de la mort d’un millier d’hommes. » Et ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, un brahmane, dans un village, connaissait le charme appelé Vedabbha. Or, ce charme, dit-on, était d’une valeur inestimable. Car, si, lors d’une certaine conjonction des planètes, le charme était répété et que le regard se levait vers le ciel, aussitôt, des cieux, pleuvaient les Sept Choses de Valeur : l’or, l’argent, la perle, le corail, l’œil-de-chat, le rubis et le diamant.
En ce temps-là, le Bodhisatta était l’élève de ce brahmane ; et un jour, son maître quitta le village pour une affaire ou une autre, et vint avec le Bodhisatta au pays de Ceti.
Dans une forêt, au bord du chemin, vivaient cinq cents brigands – connus sous le nom de « Les Dispatcheurs » – qui rendirent la route impraticable. Ils capturèrent le Bodhisatta et le brahmane Vedabbha. (Pourquoi, demandez-vous, les appelait-on les Expéditeurs ? — Eh bien, l’histoire raconte que sur deux prisonniers qu’ils faisaient, ils en envoyaient un chercher la rançon ; et c’est pourquoi on les appelait les Expéditeurs. S’ils capturaient un père et un fils, ils disaient au père d’aller chercher la rançon pour libérer son fils ; s’ils attrapaient une mère et sa fille, ils envoyaient la mère chercher l’argent ; s’ils attrapaient deux frères, ils laissaient partir l’aîné ; et de même, s’ils attrapaient un maître et son élève, c’était l’élève qu’ils libéraient. Dans ce cas, donc, ils gardèrent le brahmane Vedabbha et envoyèrent le Bodhisatta chercher [ p. 122 ] la rançon.) Et le Bodhisatta dit en s’inclinant devant son maître : « Dans un jour ou deux, je reviendrai sûrement ; n’aie pas peur ; seulement, ne manque pas de faire ce que je vais dire. Aujourd’hui aura lieu la conjonction des planètes qui apportera la pluie des Choses de Valeur. Prends garde, de peur que, cédant à ce malheur, tu ne répètes le charme et n’appelles la précieuse pluie. Car, si tu le fais, le malheur s’abattra sur toi et sur cette bande de brigands. » Après avoir averti son maître, le Bodhisatta partit en quête de la rançon.
Au coucher du soleil, les brigands ligotèrent le brahmane et le mirent à terre. Juste à ce moment, la pleine lune se leva à l’horizon oriental, et le brahmane, observant les cieux, comprit que la grande conjonction avait lieu. « Pourquoi, pensa-t-il, devrais-je endurer ce supplice ? En répétant le charme, j’appellerai la précieuse pluie, je paierai la rançon aux brigands et je serai libre. » Il appela alors les brigands : « Amis, pourquoi me faites-vous prisonnier ? » « Pour obtenir une rançon, révérend monsieur », dirent-ils. « Eh bien, si c’est tout ce que vous désirez, dit le brahmane, dépêchez-vous de me détacher ; faites-moi laver la tête, revêtez-moi de nouveaux vêtements ; et laissez-moi me parfumer et me parer de fleurs. Puis laissez-moi tranquille. » Les brigands obéirent. Et le brahmane, marquant la conjonction des planètes, répéta son charme, les yeux levés au ciel. Aussitôt, les choses précieuses tombèrent du ciel ! Les brigands les ramassèrent toutes, emballant leur butin dans des ballots sous leurs manteaux. Puis, avec leurs frères, ils s’éloignèrent, suivis par le brahmane. Mais, par un heureux hasard, le groupe fut capturé par une seconde bande de cinq cents brigands ! « Pourquoi nous capturez-vous ? » demanda le premier au second groupe. « Pour le butin », fut la réponse. « Si c’est du butin que vous désirez, emparez-vous de ce brahmane, qui, par son simple regard vers le ciel, a fait tomber les richesses sous forme de pluie. C’est lui qui nous a donné tout ce que nous possédons. » La seconde bande de brigands lâcha donc la première et s’empara du brahmane en criant : « Donnez-nous aussi les richesses ! » « Cela me ferait grand plaisir », dit le brahmane ; « mais il faudra un an avant que la conjonction des planètes ne se produise à nouveau. Si vous voulez bien attendre jusque-là, j’invoquerai la précieuse pluie pour vous. »
« Brahmane coquin ! » s’écrièrent les brigands furieux, « tu as enrichi l’autre bande d’un coup, et tu veux qu’on attende une année entière ! » Ils le coupèrent en deux avec une épée tranchante et jetèrent son corps au milieu de la route. Se précipitant ensuite à la poursuite de la première bande de brigands, ils les tuèrent tous au corps à corps et s’emparèrent du butin. Ensuite, ils se divisèrent en deux compagnies et se battirent entre elles, compagnie contre compagnie, jusqu’à ce que deux cent cinquante hommes soient tués. Ils continuèrent ainsi à s’entretuer, jusqu’à ce qu’il n’en reste que deux en vie. C’est ainsi que ces mille hommes furent anéantis.
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Or, lorsque les deux survivants eurent réussi à emporter le trésor, ils le cachèrent dans la jungle près d’un village ; et l’un d’eux s’assit là, l’épée à la main, [255] pour le garder, tandis que l’autre allait au village chercher du riz et le faire cuire pour le souper.
« La convoitise est la racine de la ruine ! » songea celui [^104] qui s’arrêta devant le trésor. « Quand mon compagnon reviendra, il en voudra la moitié. Supposons que je le tue dès son retour. » Il dégaina donc son épée et attendit le retour de son camarade.
Pendant ce temps, l’autre songea également qu’il fallait diviser le butin en deux et se dit : « Si j’empoisonnais le riz, le lui donnais à manger, le tuais et gardais tout le trésor pour moi. » Ainsi, une fois le riz cuit, il mangea d’abord sa part, puis ajouta du poison au reste, qu’il rapporta dans la jungle. Mais à peine l’eut-il déposé que l’autre brigand le coupa en deux avec son épée et cacha le corps dans un endroit isolé. Il mangea alors le riz empoisonné et mourut sur-le-champ. Ainsi, à cause du trésor, non seulement le brahmane, mais tous les brigands périrent.
Cependant, au bout d’un jour ou deux, le Bodhisatta revint avec la rançon. Ne retrouvant pas son maître là où il l’avait laissé, mais voyant des trésors éparpillés tout autour, il se doutait que, malgré ses conseils, son maître avait fait tomber une pluie de trésors du ciel, et que tous avaient péri en conséquence ; il reprit donc la route. En chemin, il arriva à l’endroit où le corps de son maître gisait coupé en deux. « Hélas ! » s’écria-t-il, « il est mort pour n’avoir pas tenu compte de mon avertissement. » Puis, avec des brindilles ramassées, il dressa un bûcher et brûla le corps de son maître, offrant des fleurs sauvages en offrande. Plus loin, il rencontra les cinq cents « Expéditeurs », puis les deux cent cinquante, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’arrive enfin qu’à deux cadavres. Constatant que sur les mille hommes, tous sauf deux avaient péri, et convaincu qu’il devait y avoir deux survivants, et que ceux-ci ne pouvaient s’empêcher de se battre, il poursuivit sa route pour voir où ils étaient allés. Il continua ainsi sa route jusqu’à ce qu’il trouve le chemin par lequel, avec le trésor, ils avaient pénétré dans la jungle ; il y trouva le tas de liasses de trésors, et un voleur étendu mort, son bol de riz renversé à ses côtés. Comprenant toute l’histoire d’un seul coup d’œil, le Bodhisatta se mit à la recherche du disparu et retrouva finalement son corps à l’endroit secret où il avait été jeté [256]. « Et ainsi », songea le Bodhisatta, « en ne suivant pas mes conseils, mon maître, par sa propre volonté, a contribué à sa propre destruction, ainsi qu’à celle de mille autres. En vérité, ceux qui recherchent leur propre profit par des moyens erronés et malavisés récolteront la ruine, tout comme mon maître. » Et il répéta cette strophe :
Un effort mal orienté conduit à la perte, et non au gain ;
Les voleurs ont tué Vedabbha et eux-mêmes ont été tués.
Ainsi parla le Bodhisatta, et il poursuivit : « De même que l’effort malavisé de mon maître pour faire tomber du ciel une pluie de trésors a causé sa propre mort et la destruction d’autrui, de même tout homme qui, par des moyens erronés, cherche à atteindre son propre avantage périra complètement et entraînera autrui dans sa destruction. » Par ces mots, le Bodhisatta fit résonner la forêt ; et dans cette strophe, il prêcha la Vérité, sous les acclamations des fées des arbres. Il parvint à emporter le trésor chez lui, où il vécut jusqu’au terme de sa vie en faisant l’aumône et en accomplissant d’autres bonnes œuvres. Et lorsque sa vie prit fin, il s’en alla vers le ciel qu’il avait conquis.
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Le Maître dit : « Ce n’est pas la première fois, Frère, que tu étais obstiné ; tu l’étais aussi autrefois ; et par ta volonté tu as abouti à la destruction totale. » Sa leçon terminée, il identifia la Naissance en disant : « Le Frère obstiné était le brahmane Vedabbha de cette époque, et moi-même son élève. »
[Note. Le Dr Richard Morris fut le premier à retrouver dans ce Jātaka une forme ancienne du Conte du Pardonneur de Chaucer (voir Contemporary Review de mai 1881) ; MM. H.T. Francis et C.H. Tawney ont établi indépendamment le même lien dans the Academy du 22 décembre 1883 (réimprimé ultérieurement sous une forme augmentée) et dans le Cambridge Journal of Philology, vol. xii. 1883. Voir aussi Popular Tales and Fictions de Clouston.]