[257] « Le fou peut regarder. » — Cette histoire fut racontée par le Maître alors qu’il était à Jetavana, à propos d’un certain ascète nu. La tradition raconte qu’un gentilhomme du pays voisin de Sāvatthi demanda en mariage pour son fils une jeune Sāvatthi de rang égal. Ayant fixé un jour pour venir chercher la mariée, il consulta ensuite un ascète nu, intime de sa famille, afin de savoir si les étoiles étaient favorables au déroulement des festivités ce jour-là.
« Il ne m’a pas demandé la première fois », pensa l’ascète indigné, « mais ayant déjà fixé le jour, sans me consulter, il ne fait qu’une allusion vide à moi. Très bien ; je vais lui donner une leçon. » Il répondit donc que les étoiles n’étaient pas favorables pour ce jour-là ; que les noces ne devaient pas être célébrées ce jour-là ; et que, si elles l’étaient, un grand malheur en résulterait. Et la famille de campagne, fidèle à son ascète, n’alla pas chercher la mariée ce jour-là. Or, les amis de la mariée en ville avaient fait tous leurs préparatifs pour célébrer les noces, et voyant que l’autre partie ne venait pas, ils dirent : « Ce sont eux qui ont fixé ce jour, et pourtant ils ne sont pas venus ; et nous avons dépensé beaucoup d’argent pour tout cela. Qui sont ces gens, au fait ? Marions la jeune fille à quelqu’un d’autre. » Ils trouvèrent donc un autre époux et lui donnèrent la jeune fille en mariage, avec toutes les festivités qu’ils avaient déjà préparées.
Le lendemain, le groupe de paysans vint chercher la mariée. Mais les habitants de Sāvatthi les critiquèrent ainsi : « Vous, les paysans, êtes une mauvaise bande ; vous avez fixé la date vous-mêmes, et vous nous avez insultés en ne venant pas. Nous avons donné la jeune fille à un autre. » Le groupe de paysans commença une querelle, mais finit par rentrer chez eux par où ils étaient venus.
Les Frères apprirent alors comment cet ascète nu avait gâché la fête, et ils commencèrent à en discuter dans la Salle de la Vérité. Entrant dans la Salle et s’enquérant du sujet de leur conversation, le Maître dit : « Frères, ce n’est pas la première fois que ce même ascète gâche les festivités de cette famille ; par dépit, il a déjà fait la même chose. » Ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, des habitants de la ville demandèrent une jeune fille de la campagne en mariage et fixèrent le jour. Après avoir pris leurs dispositions, ils demandèrent à l’ascète de leur famille si les étoiles étaient propices à la cérémonie ce jour-là. Piqué de les voir fixer le jour à leur convenance sans l’avoir consulté au préalable, l’ascète décida de contrarier leurs festivités nuptiales pour ce jour-là ; il répondit donc que les étoiles n’étaient pas favorables pour ce jour-là et que, s’ils persistaient, un grave malheur en résulterait. Alors, fort de leur foi en l’ascète, ils restèrent chez eux ! Lorsque les habitants constatèrent que les invités de la ville n’étaient pas venus, ils se dirent entre eux : « Ce sont eux qui ont fixé le mariage pour aujourd’hui, et maintenant ils ne sont pas venus. Qui sont-ils, en vérité ? » Et ils marièrent la jeune fille à quelqu’un d’autre.
Le lendemain, les habitants de la ville vinrent demander la jeune fille ; mais les habitants de la campagne répondirent : « Vous autres, les habitants de la ville, vous manquez de décence. Vous avez vous-mêmes fixé le jour et pourtant vous n’êtes pas venus chercher la mariée. Comme vous étiez absents, nous l’avons mariée à quelqu’un d’autre. » « Mais nous avons interrogé notre ascète, et il nous a dit que les étoiles étaient défavorables. C’est pourquoi nous ne sommes pas venus hier. Donnez-nous la jeune fille. » « Vous n’êtes pas venus au bon moment, et maintenant elle est à un autre. Comment pouvons-nous la marier deux fois ? » Tandis qu’ils se disputaient ainsi, un sage de la ville arriva à la campagne pour affaires. Entendant les habitants expliquer qu’ils avaient consulté leur ascète et que leur absence était due à la disposition défavorable des étoiles, il s’exclama : « Qu’importent donc les étoiles ? N’est-ce pas une bonne chose d’avoir la fille ? » Et, ce disant, il répéta cette strophe :
L’imbécile peut guetter les « jours de chance »,
Mais la chance manquera toujours ;
C’est la chance elle-même qui est l’étoile de la chance.
Que peuvent accomplir de simples étoiles ?
Quant aux habitants de la ville, n’ayant pas réussi à récupérer la fille malgré toutes leurs disputes, ils ont dû rentrer chez eux !
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Le Maître dit : « Ce n’est pas la première fois, Frères, que cet ascète nu perturbe les festivités de cette famille ; il a fait exactement la même chose autrefois. » Sa leçon terminée, il démontra le lien et identifia la Naissance en disant : « Cet ascète était aussi l’ascète de cette époque, et les familles étaient les mêmes ; j’étais moi-même l’homme sage et bon qui a prononcé cette strophe. »