« Mille malfaiteurs. » — Cette histoire fut racontée par le Maître alors qu’il était à Jetavana, à propos d’actions accomplies pour le bien du monde, comme cela sera expliqué dans le Douzième Livre du Mahā-Kaṇha-jātaka [^105].
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta renaquit dans le sein de la Reine Consort. À sa naissance, il fut nommé Prince Brahmadatta le jour de sa fête. À seize ans, il avait reçu une excellente éducation à Takkasilā, avait appris par cœur les Trois Védas et était versé dans les Dix-huit Branches du Savoir. Son père le nomma vice-roi.
À cette époque, les habitants de Bénarès étaient très adonnés aux fêtes en l’honneur des « dieux » et avaient pour habitude de leur rendre hommage. Ils avaient coutume de massacrer de nombreux moutons, chèvres, volailles, porcs et autres créatures vivantes, et d’accomplir leurs rites non seulement avec des fleurs et des parfums, mais aussi avec des carcasses sanglantes. Le Seigneur de Miséricorde, destiné à devenir roi, pensa : « Égarés par la superstition, les hommes sacrifient maintenant sans raison ; la multitude est pour la plupart livrée à l’irréligion : mais lorsqu’à la mort de mon père je recevrai mon héritage, je trouverai le moyen de mettre fin à cette destruction de vies. J’élaborerai un stratagème astucieux pour stopper le mal sans faire de mal à un seul être humain. » C’est dans cet état d’esprit que le prince monta un jour sur son char et quitta la ville. En chemin, il vit une foule rassemblée près d’un banian sacré, priant la fée qui y avait pris naissance, de leur accorder fils et filles, honneur et richesse, chacun selon ses désirs. Descendant de son char, le Bodhisatta s’approcha de l’arbre et se comporta en adorateur jusqu’à faire des offrandes de parfums et de fleurs, aspergeant l’arbre d’eau et arpentant son tronc avec révérence. Puis, remontant sur son char, il retourna en ville.
Dès lors, le prince fit de temps à autre des voyages semblables vers l’arbre [260] et l’adora comme un véritable croyant aux « dieux ».
En temps voulu, à la mort de son père, le Bodhisatta régna à sa place. Fuyant les quatre mauvaises voies et pratiquant les dix vertus royales, il gouverna son peuple avec droiture. Son désir étant exaucé et devenu roi, le Bodhisatta s’employa à accomplir sa première résolution. Il convoqua donc ses ministres, les brahmanes, la noblesse et les autres ordres du peuple, et demanda à l’assemblée s’ils savaient comment il s’était proclamé roi. Mais personne ne put le dire.
« M’avez-vous déjà vu vénérer respectueusement un banian avec des parfums et autres choses du même genre, et m’incliner devant lui ? »
« Sire, nous l’avons fait », dirent-ils.
« Eh bien, j’ai fait un vœu ; et ce vœu était que, si jamais je devenais roi, j’offrirais un sacrifice à cet arbre. Et maintenant que, grâce au dieu, je suis devenu roi, je vais offrir le sacrifice promis. Alors, préparez-le au plus vite. »
« Mais qu’est-ce qu’on doit en penser ? »
« Mon vœu », dit le roi, « était le suivant : tous ceux qui s’adonnent aux Cinq Péchés, à savoir le massacre d’êtres vivants, etc., et tous ceux qui marchent sur les Dix Sentiers de l’Iniquité, je les tuerai, et avec leur chair et leur sang, avec leurs entrailles et leurs organes vitaux, je ferai mon offrande. Proclame donc au son du tambour que notre seigneur le roi, à l’époque de sa vice-royauté, a juré que s’il devenait roi, il tuerait et offrirait en sacrifice tous ses sujets qui enfreindraient les Commandements. Et maintenant, le roi veut tuer mille de ceux qui s’adonnent aux Cinq Péchés ou marchent sur les Dix Sentiers de l’Iniquité ; avec le cœur et la chair de ces mille personnes, un sacrifice sera fait en l’honneur du dieu. Proclame ceci afin que chacun le sache dans toute la ville. De ceux qui transgresseront après cette date », ajouta le roi, « [ p. 128 ] J’en tue mille et je les offre en sacrifice au dieu en exécution de mon vœu. Et pour clarifier sa pensée, le roi prononça cette strophe :
J’ai juré un jour à mille malfaiteurs
En signe de pieuse gratitude, tuer ;
Et les malfaiteurs forment une foule si immense,
Je vais maintenant accomplir mon vœu. [261]
Obéissant aux ordres du roi, les ministres firent proclamer les commandements au son du tambour dans toute la ville de Bénarès. L’effet de cette proclamation fut tel sur les habitants que pas une âme ne persista dans ses anciennes méchancetés. Et durant tout le règne du Bodhisatta, nul ne fut reconnu coupable de transgression. Ainsi, sans nuire à un seul de ses sujets, le Bodhisatta les obligea à observer les Commandements. Au terme d’une vie d’aumônes et d’autres bonnes œuvres, il s’éteignit avec ses disciples pour envahir la cité des devas.
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Le Maître dit : « Ce n’est pas la première fois, mes frères, que le Bouddha agit pour le bien du monde ; il a agi de la même manière autrefois. » Sa leçon terminée, il démontra le lien et identifia la Naissance en disant : « Les disciples du Bouddha étaient les ministres de cette époque, et j’étais moi-même le roi de Bénarès. »