« Que la honte soit avec vous ! » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos de Sāriputta, le Capitaine de la Foi. La tradition raconte qu’à l’époque où l’Ancien mangeait des gâteaux, les gens venaient au monastère en apporter une quantité pour la Confrérie. Après que les Frères eurent tous mangé à leur faim, il en resta beaucoup ; et les donateurs dirent : « Seigneurs, prenez-en aussi pour ceux qui sont au village. »
Juste à ce moment-là, un jeune homme, cohabitant de l’Ancien, était absent au village. On lui en prit une part ; mais comme il ne revenait pas et qu’on sentait qu’il se faisait tard [^122], on la donna à l’Ancien. Une fois celle-ci mangée par l’Ancien, le jeune homme entra. L’Ancien lui expliqua la situation : « Seigneur, j’ai mangé les gâteaux mis à part pour vous. » « Ah ! » répondit-il, « nous avons tous un faible pour les sucreries. » Le Grand Ancien était très troublé.
« À partir d’aujourd’hui », s’exclama-t-il, « je jure de ne plus jamais manger de gâteaux. » Et à partir de ce jour, selon la tradition, l’Ancien Sāriputta n’en toucha plus jamais ! Cette abstention devint un fait notoire au sein de la Confrérie, et les Frères en parlèrent dans la Salle de la Vérité. Le Maître dit : « De quoi parlez-vous, Frères, assis ici ? » Lorsqu’ils le lui eurent dit, il répondit : « Frères, quand Sāriputta a renoncé à quelque chose, il n’y revient jamais, même si sa vie était en jeu. » Et ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta naquit dans une famille de médecins experts dans le traitement des morsures de serpents, et lorsqu’il grandit, il pratiqua pour gagner sa vie.
Il arriva qu’un homme de la campagne fut mordu par un serpent ; sans tarder, sa famille fit venir le médecin. Le Bodhisatta dit : « Dois-je extraire le venin avec les antidotes habituels, ou faire attraper le serpent et lui faire aspirer son propre venin de la plaie ? » « Faire attraper le serpent et lui faire aspirer son venin. » Il fit donc attraper le serpent et demanda à la créature : « As-tu mordu cet homme ? » « Oui », répondit-il. « Eh bien, aspire à nouveau ton propre venin de la plaie. » « Quoi ? Reprends le venin que j’ai répandu ! » s’écria le serpent. « Je ne l’ai jamais fait et je ne le ferai jamais. » Le médecin alluma alors du bois et dit au serpent : « Soit tu aspires le venin, soit tu vas au feu. »
« Même si les flammes sont ma fin, je ne reprendrai pas le poison que j’ai versé autrefois », dit le serpent, et il répéta la strophe suivante :
Que la honte soit sur le poison qui, une fois répandu,
Pour sauver ma vie, j’avale à nouveau !
La mort est plus bienvenue que la vie achetée par faiblesse !
Sur ces mots, le serpent s’avança vers le feu ! Mais le docteur lui barra le chemin et en extraya le venin à coups de sortilèges et de charmes, si bien que l’homme recouvra la santé. Puis il dévoila les commandements au serpent et le libéra en lui disant : « Ne faites plus de mal à personne. »
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Et le Maître continua en disant : « Frères, lorsque Sāriputta s’est séparé de quelque chose, il ne le reprend jamais, même si sa vie est en jeu. » Sa leçon terminée, il montra le lien et identifia la Naissance en disant : « Sāriputta était le serpent de cette époque, et moi le médecin. »