« C’est un ami. » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un ami d’Anātha-piṇḍika. La tradition dit qu’ils avaient fait des pâtés de boue ensemble et fréquenté la même école ; mais, au fil des ans, l’ami, surnommé « Curse », sombra dans une grande détresse et ne put de toute façon plus subvenir à ses besoins. Il alla donc trouver l’homme riche, qui se montra bienveillant et le paya pour s’occuper de tous ses biens ; et l’ami pauvre fut employé par Anātha-piṇḍika et s’occupa de toutes ses affaires. Après son arrivée chez l’homme riche, on entendait souvent dans la maison : « Lève-toi, Curse », ou « Assieds-toi, Curse », ou « Dîne, Curse ».
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Un jour, les amis et connaissances du Trésorier vinrent le voir et lui dirent : « Seigneur Trésorier, ne laissez pas ce genre de choses se produire chez vous. C’est à effrayer un ogre d’entendre des observations aussi funestes que : « Lève-toi, maudit », ou « Assieds-toi, maudit », ou « Dîne, maudit ». Cet homme n’est pas votre égal en société ; c’est un misérable, poursuivi par le malheur. Pourquoi avoir affaire à lui ? » « Pas du tout », répondit Anātha-piṇḍika ; « un nom ne sert qu’à désigner un homme, et les sages ne jugent pas un homme à son nom ; il ne convient pas non plus de se montrer superstitieux à propos de simples sons. Jamais je ne laisserai tomber, pour son seul nom, l’ami avec qui j’ai fait des pâtés de boue enfant. » Et il rejeta leurs conseils.
Un jour, le grand homme partit visiter un village dont il était le chef, laissant à son interlocuteur la garde de la maison. Apprenant son départ, des voleurs décidèrent de s’introduire dans la maison et, armés jusqu’aux dents, l’encerclèrent pendant la nuit. Mais « Curse » soupçonnait des cambrioleurs et les attendait. Lorsqu’il sut qu’ils étaient arrivés, il courut comme pour réveiller ses gens, ordonnant à l’un de sonner de la conque, à l’autre de battre du tambour, jusqu’à ce que la maison soit pleine de bruit, comme s’il réveillait une armée de serviteurs. Les voleurs dirent : « La maison n’est pas aussi vide qu’on nous l’a dit ; le maître doit être à la maison. » Jetant leurs pierres, leurs gourdins et leurs autres armes, ils s’enfuirent pour sauver leur vie. Le lendemain, une grande alarme fut provoquée par la vue de toutes les armes abandonnées qui traînaient autour de la maison ; et Curse fut porté aux nues par des éloges comme celui-ci : « Si la maison n’avait pas été patrouillée par un homme aussi sage que cet homme, les voleurs y seraient simplement entrés à leur guise et auraient pillé la maison. Le Trésorier doit ce coup de chance à son fidèle ami. » Et dès que le marchand revint de son village, ils s’empressèrent de lui raconter toute l’histoire. « Ah », dit-il, « voici le fidèle gardien de ma maison dont vous vouliez que je me débarrasse. Si j’avais suivi votre conseil et m’en étais débarrassé, je serais un mendiant aujourd’hui. Ce n’est pas le nom, mais le cœur qui fait l’homme. » Ce disant, il augmenta ses salaires. Et pensant que c’était une bonne histoire à raconter, il alla trouver le Maître et lui en fit un récit complet, d’un bout à l’autre. « Ce n’est pas la première fois, monsieur », dit le Maître, « qu’un ami nommé Curse sauve la fortune de son ami des brigands ; la même chose s’est produite autrefois. » Puis, à la demande d’Anātha-piṇḍika, il raconta cette histoire du passé.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta était un trésorier de grande renommée ; il avait un ami nommé Malédiction, et ainsi de suite, comme dans l’histoire précédente. À son retour de son zémindaire, le Bodhisatta apprit ce qui s’était passé et dit à ses amis : « Si j’avais suivi votre conseil et me suis débarrassé de mon fidèle ami, je serais aujourd’hui un mendiant. » Et il répéta cette strophe :
Un ami est celui qui fera sept pas
Pour nous aider [^144]; douze attestent la véracité du camarade.
Une loyauté éprouvée de quinze jours ou d’un mois
Rend la parenté, le temps plus long, un second soi.
\—Alors comment le ferais-je, moi qui toutes ces années ai connu
Mon ami, sois sage en chassant la malédiction ?
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Sa leçon terminée, le Maître identifia la Naissance en disant : « Ananda était la Malédiction de ces jours-là, et moi-même le Trésorier de Bénarès. »