« Comme c’est plausible ! » Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un coquin. Les détails de sa coquinerie seront relatés dans l’Uddāla-jātaka [^149].
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, vivait non loin d’un petit village un ascète sournois, de la classe sociale aux cheveux longs et emmêlés. Le châtelain du lieu fit construire un ermitage dans la forêt pour lui et lui offrait une excellente table dans sa propre maison. Prenant ce coquin aux cheveux emmêlés pour un modèle de bonté et vivant dans la crainte des voleurs, le châtelain apporta cent pièces d’or à l’ermitage et les y enterra, en demandant à l’ascète de les surveiller. « Inutile de dire cela, monsieur, à un homme qui a renoncé au monde ; nous, les ermites, ne convoitons jamais les biens d’autrui. » « C’est bien, monsieur », dit le châtelain, qui s’éloigna, confiant dans les protestations de son interlocuteur. Alors l’ascète coquin pensa : « Il y a ici de quoi nourrir un homme toute sa vie. » Après quelques jours, il enleva l’or et l’enterra au bord du chemin, puis retourna vivre comme auparavant dans son ermitage. Le lendemain, après un repas de riz chez l’écuyer, l’ascète dit : « Il y a bien longtemps, monsieur, que je suis à votre charge ; et vivre longtemps au même endroit, c’est comme vivre dans le monde, ce qui est interdit aux ascètes déclarés. C’est pourquoi je dois absolument partir. » Et malgré les pressions de l’écuyer, rien ne put contrer sa détermination.
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« Eh bien, s’il le faut, allez, monsieur », dit l’écuyer. Et il escorta l’ascète jusqu’aux faubourgs avant de le quitter. Après un petit bout de chemin, l’ascète pensa qu’il serait bon de cajoler l’écuyer ; alors, enfonçant une paille dans ses cheveux emmêlés, il se retourna. « Qu’est-ce qui vous ramène ? » demanda l’écuyer. « Une paille de votre toit, monsieur, s’était coincée dans mes cheveux ; et, comme nous, les ermites, ne pouvons rien prendre qui ne nous soit donné, je vous l’ai rapportée. » « Jetez-la, monsieur, et allez », dit l’écuyer, qui pensa : « Il ne prendra même pas une paille qui ne lui appartient pas ! Quelle nature sensible ! » Enchanté par l’ascète, l’écuyer lui fit ses adieux.
Or, à ce moment-là, le Bodhisatta, qui se rendait à la frontière pour faire du commerce, s’était arrêté pour la nuit dans ce village. En entendant les paroles de l’ascète, il soupçonna que ce scélérat avait volé quelque chose au seigneur ; et il demanda à ce dernier s’il avait déposé quelque chose sous sa garde.
« Oui, cent pièces d’or. »
« Eh bien, vas-y et vois si tout va bien. »
L’écuyer se rendit à l’ermitage, regarda et constata que son argent avait disparu. Courant vers le Bodhisatta, il s’écria : « Il n’est plus là. » « Le voleur n’est autre que ce vaurien d’ascète aux cheveux longs », dit le Bodhisatta ; « poursuivons-le et attrapons-le. » Ils se lancèrent donc à sa poursuite. Lorsqu’ils attrapèrent le vaurien, ils le frappèrent à coups de pied et de menottes, jusqu’à ce qu’il leur découvre où il avait caché l’argent. Lorsqu’il se procura l’or, le Bodhisatta, le regardant, fit remarquer à l’ascète avec mépris : « Ainsi, cent pièces d’or n’ont pas autant troublé ta conscience que cette paille ! » Et il le réprimanda en ces termes :
Comme l’histoire que racontait le coquin était plausible !
Quelle attention à la paille ! Quelle indifférence à l’or !
[377] Lorsque le Bodhisatta eut réprimandé l’individu de cette manière, il ajouta : « Et maintenant, prends garde, hypocrite, de ne plus refaire un tel tour. » Lorsque sa vie prit fin, le Bodhisatta mourut pour aller par la suite selon ses mérites.
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Sa leçon terminée, le Maître dit : « Ainsi, Frères, vous voyez que ce Frère était aussi fripon autrefois qu’aujourd’hui. » Et il identifia la Naissance en disant : « Ce Frère fripon était l’ascète fripon de cette époque, et moi l’homme sage et bon. »