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« L’homme ingrat. » — Cette histoire fut racontée par le Maître alors qu’il était à Jetavana, à propos d’Anātha-piṇḍika.
À la frontière, raconte la légende, vivait un marchand, correspondant et ami d’Anātha-piṇḍika, mais ils ne s’étaient jamais rencontrés. Un jour, ce marchand chargea cinq cents charrettes de produits locaux et donna l’ordre aux hommes responsables d’aller trouver le grand marchand Anātha-piṇḍika, d’échanger les marchandises de la boutique de son correspondant contre leur valeur, et de rapporter les marchandises reçues en échange. Ils arrivèrent donc à Sāvatthi et trouvèrent Anātha-piṇḍika. Lui offrant d’abord un présent, ils lui racontèrent leur affaire. « Vous êtes les bienvenus », dit le grand homme, et il ordonna qu’on les loge là-bas et qu’on leur fournisse de l’argent pour subvenir à leurs besoins. Après s’être enquis avec bienveillance de la santé de leur maître, il troqua leurs marchandises et leur donna les marchandises en échange. Puis ils retournèrent dans leur district et rapportèrent ce qui s’était passé.
Peu après, Anātha-piṇḍika envoya de même cinq cents charrettes chargées de marchandises dans la région même où ils habitaient. Arrivés sur place, ses hommes allèrent, présent à la main, rendre visite au marchand de la frontière. « D’où venez-vous ? » demanda-t-il. « De Sāvatthi », répondirent-ils ; « de votre correspondant, Anātha-piṇḍika. » « N’importe qui peut se faire appeler Anātha-piṇḍika », dit-il avec un ricanement. Et, prenant leur présent, il leur fit partir, sans leur offrir ni logement ni hospitalité. Ils troquèrent donc leurs marchandises et les rapportèrent en échange à Sāvatthi, avec le récit de l’accueil qu’ils avaient reçu.
Or, il advint que ce marchand frontalier envoya une autre caravane de cinq cents charrettes à Sāvatthi ; ses hommes arrivèrent avec un présent pour servir Anātha-piṇḍika. Mais, dès que les hommes d’Anātha-piṇḍika les aperçurent, ils dirent : « Oh, nous veillerons, monsieur, à ce qu’ils soient convenablement logés, nourris et pourvus d’argent pour leurs besoins. » Ils emmenèrent les étrangers hors de la ville et leur demandèrent de dételer leurs charrettes à un endroit approprié, ajoutant que du riz et une douceur viendraient de la maison d’Anātha-piṇḍika. Vers le milieu de la nuit, après avoir rassemblé une troupe de serviteurs et d’esclaves, ils pillèrent toute la caravane, emportèrent tous les vêtements des hommes, emmenèrent leurs bœufs et démontèrent les roues des charrettes, ne laissant à ces dernières que les roues. Sans même une chemise parmi eux, les étrangers terrifiés s’enfuirent et réussirent à atteindre leur foyer à la frontière. Alors les gens d’Anātha-piṇḍika lui racontèrent toute l’histoire. « Cette histoire capitale », dit-il, « sera mon cadeau au Maître aujourd’hui » ; et il partit la raconter au Maître.
« Ce n’est pas la première fois, monsieur, dit le Maître, que ce marchand de frontière fait preuve de cette disposition ; il était exactement le même autrefois. » Puis, à la demande d’Anātha-piṇḍika, il raconta l’histoire suivante du passé.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta était un très riche marchand de cette ville. Il avait lui aussi pour correspondant un marchand frontalier qu’il n’avait jamais vu, et tout se passa comme décrit ci-dessus.
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Informé par son peuple de ce qu’ils avaient fait, il dit : « Ce malheur est le résultat de leur ingratitude pour la bonté dont ils ont été l’objet. » Et il continua d’instruire la foule assemblée dans cette strophe :
L’homme ingrat pour une bonne action,
Désormais, il ne trouvera plus personne pour l’aider dans son besoin.
[paragraphe continue] Après cela, le Bodhisatta enseigna la vérité dans cette strophe. Après une vie consacrée à la charité et à d’autres bonnes œuvres, il mourut pour vivre selon ses mérites.
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[379] Sa leçon terminée, le Maître identifia la Naissance en disant : « Le marchand frontalier d’aujourd’hui était aussi le marchand frontalier de cette époque ; et j’étais le marchand de Bénarès. »