« Ne faites pas confiance à celui en qui vous avez confiance. » Cette histoire a été racontée par le Maître alors qu’il était à Jetavana, à propos de la confiance que vous accordez à quelqu’un.
La tradition nous apprend qu’à cette époque, les Frères, pour la plupart, se contentaient de ce que leur donnaient leurs mères, pères, frères, sœurs, oncles, tantes ou autres proches. Arguant que, dans leur état laïc, ils avaient naturellement reçu des choses des mêmes mains, eux aussi, en tant que Frères, [ p. 228 ] ne faisaient preuve d’aucune circonspection ni prudence avant d’utiliser la nourriture, les vêtements et autres objets que leurs proches leur donnaient. Voyant cela, le Maître sentit qu’il devait donner une leçon aux Frères. Il les convoqua donc et dit : « Frères, que le donateur soit un proche ou non, que la circonspection accompagne l’usage. Le Frère qui utilise sans circonspection les objets qui lui sont donnés peut s’exposer à une existence ultérieure d’ogre ou de fantôme. » Consommer sans circonspection, c’est comme prendre du poison ; et le poison tue de la même manière, qu’il soit administré par un proche ou par un inconnu. Autrefois, certains prenaient du poison parce qu’il leur était offert par des proches, et c’est ainsi qu’ils périrent. » Ce disant, il raconta l’histoire suivante.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta était un marchand très riche. Il avait un berger qui, lorsque le blé poussait abondamment, menait ses vaches dans la forêt et les y gardait pour un shieling, apportant de temps en temps les produits au marchand. Or, tout près du shieling, dans la forêt, vivait un lion ; et les vaches avaient si peur du lion qu’elles ne donnaient que peu de lait. Alors, quand le berger apporta un jour son ghee, le marchand demanda pourquoi il y en avait si peu. Le berger lui en expliqua la raison. « Eh bien, le lion s’est-il attaché à quelque chose ? » « Oui, maître ; il adore une biche. » « Pourriez-vous attraper cette biche ? » « Oui, maître. » « Eh bien, attrapez-la, enduisez-la de poison et de sucre, et laissez-la sécher. Gardez-la un jour ou deux, puis relâchez-la. À cause de son affection pour elle, le lion la lèchera partout avec sa langue et mourra. » Prends sa peau, ses griffes, ses dents et sa graisse, et rapporte-les-moi. » Ce disant, il donna un poison mortel au berger et le renvoya. À l’aide d’un filet qu’il avait fabriqué, le berger attrapa la biche et exécuta les ordres du Bodhisatta.
Dès qu’il revit la biche, le lion, dans son immense amour pour elle, la lécha de sa langue, jusqu’à en mourir. Le berger prit la peau du lion et le reste, et les apporta au Bodhisatta, qui dit : « Il faut éviter toute affection pour autrui. Remarquez comment, malgré toute sa force, le roi des animaux, le lion, fut conduit par son amour coupable pour une biche à s’empoisonner en la léchant et à mourir ainsi. » Ce disant, il prononça cette stance pour l’instruction de ceux qui l’entouraient :
[389] Ne vous fiez pas à ce qui est digne de confiance, ni à ce qui n’est pas digne de confiance ;
La confiance tue ; à cause de la confiance, le lion a mordu la poussière.
Telle fut la leçon que le Bodhisatta enseigna à son entourage. Après une vie consacrée à la charité et à d’autres bonnes œuvres, il s’éteignit et vécut selon ses mérites.
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Sa leçon terminée, le Maître identifia la Naissance en disant : « J’étais le marchand de cette époque. »
[Note. Cf. « Indische Sprüche » de Böhtlingk (1ère éd.) Nos. 1465-7 et 4346.]