« Comme c’est passager. » — Cette histoire fut racontée par le Maître alors qu’il était sur son lit de mort, à propos des paroles d’Ananda : « Ô Bienheureux, ne permets pas que ta fin soit dans cette triste petite ville. »
« Lorsque le Bouddha résidait à Jetavana », pensa le Maître, « l’Ancien Sāriputta [^155], né au village de Nāla, mourut à Varaka au mois de Kattika, alors que la lune était pleine ; et au cours du même mois, alors que la lune [ p. 231 ] était décroissante, le grand Moggallāna mourut [1]. Mes deux principaux disciples étant morts, je mourrai moi aussi à Kusinārā. » — Ainsi pensa le Béni du Ciel ; et, venant à Kusinārā pour son pèlerinage d’aumônes, il s’y coucha sur le banc du Nord, entre les deux arbres Sāl, pour ne plus jamais se relever. Alors l’Ancien Ānanda dit : « Ô Bienheureux, ne permettez pas que votre fin soit dans cette petite ville désolée, cette petite ville rude au milieu de la jungle, cette petite ville de banlieue. Rājagaha ou une autre grande ville ne serait-elle pas le lieu de la mort du Bouddha ? »
« Non, Ananda », dit le Maître ; « n’appelle pas cela une petite ville désolée, une petite ville dans la jungle, une petite ville de banlieue. Autrefois, à l’époque de la monarchie universelle de Sudassana, c’est dans cette ville que j’avais ma demeure. C’était alors une puissante cité entourée de remparts ornés de joyaux [392] de douze lieues à la ronde. » Sur ce, à la demande de l’Ancien, il raconta cette histoire du passé et prononça le Mahā-Sudassana Sutta [^157].
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C’est alors que Subhaddā, la reine de Sudassana, remarqua qu’après être descendue du Palais de la Vérité, son seigneur était étendu tout près, à sa droite, sur le lit préparé pour lui dans la Palmeraie [2], tout d’or et de joyaux, ce lit d’où il ne devait plus se relever. Et elle dit : « Quatre-vingt-quatre mille villes, dont la principale est la cité royale de Kusāvatī, détenez votre souveraineté, sire. Fixez votre cœur sur elles. »
« Ne dis pas cela, ma reine », dit Sudassana ; « exhorte-moi plutôt en disant : « Garde ton cœur fixé sur cette ville et ne désire pas les autres ».
« Pourquoi donc, mon seigneur ? »
« Parce que je mourrai aujourd’hui », répondit le roi.
En larmes, essuyant ses yeux humides, la reine parvint à prononcer les mots que le roi lui avait ordonné de prononcer. Puis elle éclata en sanglots et en lamentations ; les autres femmes du harem, au nombre de quatre-vingt-quatre mille, pleurèrent et gémirent à leur tour ; aucun des courtisans ne put s’empêcher de gémir, mais tous s’unirent en une lamentation universelle.
« Paix ! » dit le Bodhisatta ; et à son mot, leurs lamentations s’apaisèrent. Puis, se tournant vers la reine, il dit : « Ne pleure pas, ma reine, et ne gémis pas. Car, même jusqu’à une minuscule graine de sésame, rien de composé n’est permanent ; tout est transitoire, tout doit disparaître. » Puis, à l’intention de la reine, il prononça cette stance :
Combien sont éphémères tous les éléments qui les composent !
La croissance est leur nature et la décadence :
Ils sont produits, ils sont dissous à nouveau :
Et c’est alors que c’est le meilleur moment, quand ils se sont endormis [3].
[ p. 232 ]
[393] Ainsi, le grand Sudassana mena son discours jusqu’au Nirvana ambrosial. De plus, il exhorta le reste de la foule à la charité, à l’obéissance aux Commandements et à la sanctification des jours de jeûne. Le destin à conquérir était de renaître ensuite dans le Royaume des Dévas.
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Sa leçon terminée, le Maître identifia la Naissance en disant : « La mère de Rāhula 1 était la reine Subhaddā de cette époque ; Rāhula était le fils aîné du roi ; les disciples du Bouddha étaient ses courtisans ; et moi-même le grand Sudassana. »
[Note. Pour l’évolution de ce Jātaka, voir le Mahā-parinibbāna Sutta et le Mahā-Sudassana Sutta, traduits par le professeur Rhys Davids dans son volume des « Suttas bouddhistes ».
[^157] : 231 : 1 Pour la mort de Moggallāna, voir le Dhammapada de Fausböll, p. 298, et Bigandet, op. cit.