« De l’endroit où », etc. — Cette histoire fut racontée par le Maître, lorsqu’il résidait à Jetavana, à propos de quelques hérétiques. Ces hérétiques, dit-on, en divers endroits près de Jetavana, faisaient leur lit sur des épines, subissaient les cinq formes de pénitence par le feu et pratiquaient de fausses ascèses de toutes sortes. Or, plusieurs Frères, après avoir fait leur tournée pour demander l’aumône à Sāvatthi, sur le chemin du retour à Jetavana, virent ces hérétiques subir leurs prétendues austérités et vinrent demander au Maître : [75] « Y a-t-il, Monsieur, une quelconque vertu chez ces prêtres hétérodoxes qui s’adonnent à ces pratiques ? » Le Maître répondit : « Il n’y a aucune vertu, Frères, ni aucun mérite particulier en cela. Lorsqu’on l’examine et qu’on l’éprouve, c’est comme un sentier sur un tas de fumier, ou comme le bruit qu’un lièvre entend. » « Nous ignorons, Monsieur, ce que signifiait ce bruit. Dites-le-nous, Saint Seigneur. » Alors, à leur demande, il leur raconta une légende ancestrale.
Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta prit vie sous la forme d’un jeune lion. Devenu adulte, il vécut dans une forêt. À cette époque, près de l’Océan Occidental, se trouvait un bosquet de palmiers mêlés à des vilvas. Un lièvre vivait là, sous un jeune palmier, au pied d’un vilva. Un jour, après s’être nourri, ce lièvre vint se coucher sous le jeune palmier. Une pensée le frappa : « Si cette terre était détruite, que deviendrais-je ? » À cet instant précis, un vilva mûr tomba sur une feuille de palmier. Au bruit de ce bruit, le lièvre pensa : « Cette terre solide s’effondre », et, se redressant, il s’enfuit sans même regarder derrière lui. Un autre lièvre le vit s’enfuir, comme mort de peur, et lui demanda la cause de sa fuite paniquée. « Je vous en prie, ne me posez pas de questions », dit-il. L’autre lièvre cria : « Seigneur, qu’est-ce que c’est ? » et continua à courir après lui. Alors le lièvre s’arrêta un instant et, sans se retourner, dit : « La terre ici se disloque. » Et, à ces mots, le second lièvre courut après l’autre. Ainsi, un lièvre, puis un autre, l’aperçurent en train de courir et se joignirent à la poursuite jusqu’à ce que cent mille lièvres prennent la fuite ensemble. Ils furent aperçus par un cerf, un sanglier, un élan, un buffle, un bœuf sauvage, un rhinocéros, un tigre, un lion et un éléphant. Et lorsqu’ils demandèrent ce que cela signifiait et qu’on leur répondit que la terre se disloque, ils prirent la fuite à leur tour. [76] Ainsi, peu à peu, cette armée d’animaux s’étendit sur une lieue entière.
Lorsque le Bodhisatta vit cette fuite effrénée des animaux et apprit que la cause en était la fin de la Terre, il pensa : « La Terre ne va nulle part disparaître. Ce doit être un bruit qu’ils ont mal compris. Et si je ne fais pas un grand effort, ils périront tous. Je leur sauverai la vie. » Alors, avec la vitesse d’un lion, il les devança jusqu’au pied d’une montagne et rugit trois fois comme un lion. Terriblement effrayés par le lion, ils s’arrêtèrent dans leur fuite et se rassemblèrent tous ensemble. Le lion s’approcha d’eux et leur demanda pourquoi ils fuyaient.
« La terre s’effondre », répondirent-ils.
« Qui l’a vu s’effondrer ? » a-t-il demandé.
« Les éléphants savent tout cela », ont-ils répondu.
Il interrogea les éléphants. « Nous ne savons pas », répondirent-ils, « les lions le savent. » Mais les lions répondirent : « Nous ne savons pas, les tigres le savent. » Les tigres répondirent : « Les rhinocéros le savent. » Les rhinocéros répondirent : « Les bœufs sauvages le savent. » Les bœufs sauvages, « les buffles ». Les buffles, « les élans ». Les élans, « les sangliers ». Les sangliers, « les cerfs ». Les cerfs répondirent : « Nous ne savons pas, les lièvres le savent. » Interrogés, les lièvres désignèrent un lièvre en particulier et dirent : « Celui-ci nous l’a dit. »
Alors le Bodhisatta demanda : « Est-il vrai, Monsieur, que la terre se brise ? » « Oui, Monsieur, je l’ai vu », dit le lièvre.
« Où viviez-vous quand vous l’avez vu ? » demanda-t-il.
« Près de l’océan, Monsieur, dans un bosquet de palmiers mêlés à des vilvas. Car, alors que j’étais allongé à l’ombre d’un jeune palmier, au pied d’un vilva, je me suis demandé : « Si cette terre se brise, où irai-je ? » Et à cet instant précis, j’ai entendu le bruit de la terre qui se brise et je me suis enfui. »
Le lion pensa : « Un fruit mûr de vilva a dû tomber sur une feuille de palmier et faire un bruit sourd. Ce lièvre en conclut aussitôt que la terre allait disparaître et s’enfuit. [77] Je vais découvrir la vérité. » Il rassura donc le troupeau et dit : « Je vais prendre le lièvre et aller voir exactement si la terre va disparaître ou non, à l’endroit qu’il m’a indiqué. En attendant mon retour, restez ici. » Puis, plaçant le lièvre sur son dos, il bondit en avant avec la vitesse d’un lion et, le déposant dans la palmeraie, il dit : « Viens, montre-nous l’endroit que tu voulais dire. »
« Je n’ose pas, mon seigneur », dit le lièvre.
« Viens, n’aie pas peur », dit le lion.
Le lièvre, n’osant pas s’approcher de l’arbre vilva, se tint à distance et cria : « Là-bas, monsieur, est le lieu du bruit épouvantable », et ce disant, il répéta la première strophe :
De l’endroit où j’ai habité
Émit un « bruit sourd » effrayant ;
Je ne pouvais pas dire ce que c’était,
Je n’ai pas compris ce qui l’a provoqué.
Après avoir entendu ce que le lièvre avait dit, le lion alla au pied de l’arbre vilva et vit l’endroit où le lièvre s’était couché sous l’ombre du palmier, et le fruit mûr du vilva qui était tombé sur la feuille de palmier, et après s’être soigneusement assuré que la terre ne s’était pas brisée, il plaça le lièvre sur son dos et avec la vitesse d’un lion revint bientôt vers le troupeau de bêtes.
Il leur raconta alors toute l’histoire et dit : « N’ayez pas peur. » Après avoir ainsi rassuré le troupeau, il le laissa partir. Sans l’intervention du Bodhisatta, tous les animaux se seraient précipités dans la mer et auraient péri. C’est grâce au Bodhisatta qu’ils échappèrent à la mort.
Alarmé par le bruit des fruits tombés
Un lièvre s’est enfui un jour,
Les autres bêtes ont toutes suivi le mouvement
Ému par la consternation de ce lièvre.
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Ils ne se sont pas empressés de voir la scène,
Mais il a prêté une oreille attentive
Pour bavarder, et être propre
Désemparé d’une peur insensée.
[78] Ceux qui, pour le calme et le plaisir de la Sagesse
Et les sommets de la Vertu atteignent,
Même si le mauvais exemple devrait inviter,
Une telle panique, une telle peur, un tel dédain.
Ces trois strophes ont été inspirées par la Sagesse Parfaite.
Le Maître, ayant terminé sa leçon, identifia la Naissance : « À ce moment-là, j’étais moi-même le lion. »
49:1 Voir Contes tibétains, XXII. p. 296, « Le vol des bêtes ». R. Morris, Folk-Lore Journal, Vol. iii. 121. ↩︎