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[82] « La gentille bête », etc. — Cette histoire fut racontée par le Maître, alors qu’il vivait à Jetavana, à propos d’un prêtre mendiant qui portait un justaucorps de cuir. [^34] On dit que son vêtement supérieur et inférieur étaient en cuir. Un jour, sortant du monastère, il fit sa tournée à Sāvatthi pour demander l’aumône, jusqu’à ce qu’il arrive au champ de bataille des béliers. Un bélier, l’apercevant, recula, voulant le frapper du coude. Le mendiant pensa : « Il agit ainsi par respect pour moi », et lui-même ne recula pas. Le bélier s’élança et le frappa à la cuisse, le faisant tomber à terre. Ce cas de salutation imaginaire fut largement répandu dans la Congrégation des Frères. Ils en discutèrent dans la Salle de la Vérité, expliquant comment le mendiant vêtu de cuir s’était imaginé être salué et avait trouvé la mort. Le Maître vint et s’enquit du sujet de leur discussion et, après qu’on lui eut dit ce qui avait été dit, « Non seulement maintenant, Frères, mais aussi autrefois, cet ascète s’imaginait qu’on le saluait et c’est ainsi qu’il en est venu à mourir », et il leur raconta alors une légende du vieux monde.
Il était une fois un Bodhisatta né dans une famille de marchands et exerçant son métier. À cette époque, un mendiant religieux, vêtu d’un vêtement de cuir, en tournée pour demander l’aumône, arriva sur le champ de bataille des béliers. Voyant un bélier reculer devant lui, il crut qu’il le faisait en signe de respect et ne se retira pas. « Au monde entier », pensa-t-il, « seul ce bélier reconnaît mes mérites », et, levant les mains jointes en signe de salut respectueux, il se leva et répéta la première strophe :
La gentille bête s’incline devant
Le brahmane de haute caste versé dans les traditions sacrées.
Bonne et honnête créature,
Célèbre parmi toutes les autres bêtes, je le jure !
[83] À ce moment, un marchand sage assis dans ses magasins, pour retenir le mendiant, prononça la deuxième strophe :
Brahmane, ne sois pas si téméraire en faisant confiance à cette bête,
Sinon il se hâtera de te jeter dans la poussière,
Pour cela le bélier recule,
Pour donner un élan à son attaque.
Tandis que le sage marchand parlait encore, le bélier arriva à toute vitesse et, frappant le mendiant à la cuisse, le renversa. Il [ p. 56 ] fut rendu fou par la douleur et, tandis qu’il gémissait, le Maître, pour expliquer l’incident, prononça la troisième strophe :
Avec une jambe cassée et un bol d’aumônes renversé,
Il regrettera amèrement sa fortune endommagée.
Qu’il ne pleure pas en vain, les bras étendus,
Hâtez-vous de porter secours avant que le prêtre ne soit tué.
Alors le mendiant répéta la quatrième strophe :
Ainsi tout cet honneur est payé à l’indigne,
Partagez le même sort que celui que j’ai rencontré aujourd’hui ;
Couché dans la poussière par un bélier heurté
Je dois ma mort à une confiance insensée.
[84] C’est ainsi qu’il se lamenta sur-le-champ sur sa mort.
Le Maître, sa leçon terminée, identifia ainsi la Naissance : « L’homme au manteau de cuir d’aujourd’hui était alors le même qu’aujourd’hui. Et moi, j’étais le marchand avisé. »
[^34] : 55 : 2 Mahāvagga, viii. 28.2.
55:1 Voir R. Morris, Folk-Lore Journal, iii. 248. ↩︎