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« Autrefois, nous jouissions », etc. — Voici une histoire racontée par le Maître alors qu’il résidait dans la Bambouseraie, au sujet de la perte de biens et d’honneur de Devadatta. En effet, lorsque Devadatta, déraisonnablement, en voulut au Bouddha et soudoya une bande d’archers pour le tuer, son offense fut révélée par le lâcher de l’éléphant Nālāgiri [1]. On lui retira alors sa charge et les rations qui lui étaient destinées, et le roi cessa de l’estimer. Ayant perdu sa source de biens et d’honneur, il alla vivre de ce qu’il mendiait dans les familles nobles. Les Frères entamèrent une discussion dans la Salle de la Vérité : comment Devadatta pensait obtenir des biens et des honneurs, mais une fois acquis, il ne put les conserver. Le Maître vint et demanda quel était le sujet de discussion des Frères en conclave, et lorsqu’on lui répondit, il dit : « Non seulement maintenant, Frères, mais aussi autrefois, Devadatta a été privé de biens et d’honneurs. » Et il leur raconta ensuite une légende du vieux monde.
Un jour, alors que Dhanaiñjaya régnait à Bénarès, le Bodhisatta devint un perroquet nommé Rādha. C’était un oiseau adulte aux membres parfaitement formés. Son frère cadet s’appelait Poṭṭhapāda. Un oiseleur captura ces deux oiseaux et les apporta en cadeau au roi de Bénarès. Le roi les plaça dans une cage dorée [98], prit soin d’eux et leur donna du miel et du maïs grillé à manger dans un plat en or, ainsi que de l’eau sucrée à boire. On leur accorda une grande attention, et ils atteignirent le plus haut degré de profit et d’honneur. Puis un garde forestier apporta au roi un grand singe noir, appelé Kālabāhu, qui, arrivé après les perroquets, reçut un gain et un respect encore plus grands, tandis que ceux accordés aux perroquets diminuèrent. Le Bodhisatta, possédant les qualités de Bouddha, resta silencieux, mais son jeune frère, incapable, faute de ces qualités, de supporter l’honneur rendu au singe, dit : « Frère, autrefois, dans cette maison royale, les hommes nous donnaient de la nourriture savoureuse, mais maintenant nous n’en recevons plus rien, et ils offrent tout au singe Kālabāhu. Puisque nous ne recevons ni gain ni honneur du roi en ce lieu, que devons-nous faire ? Viens, allons vivre dans la forêt. » Et tout en lui parlant, il prononça la première strophe :
Autrefois, nous jouissions d’une nourriture abondante,
Ce singe a maintenant ce qui était à nous avant.
Viens, Rādha, allons dans la forêt ;
Qu’est-ce qui peut justifier un tel traitement ignoble ?
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Rādha, en entendant cela, répondit dans la deuxième strophe :
Gain et perte, louange et blâme,
Plaisir, douleur, déshonneur, gloire,
Tout est conçu comme des états transitoires—
Pourquoi Poṭṭhapāda devrait-il être en deuil ?
[99] En entendant cela, Poṭṭhapāda ne put se débarrasser de sa rancune envers le singe et répéta la troisième strophe :
Rādha, l’oiseau le plus sage du monde,
Tu sais sûrement ce qui va arriver,
Cette vile créature qui conduira
De la cour à son ancienne demeure ?
Rādha, en entendant cela, prononça la quatrième strophe :
Souvent, son visage plissé et ses oreilles qui bougent
Les enfants royaux sont remplis de peurs insensées :
Bientôt Kālabāhu par l’intermédiaire d’un monstre espiègle,
Il devra chercher sa nourriture très loin.
En très peu de temps, le singe, en secouant les oreilles et en usant de ruses semblables, terrifia les jeunes princes. Effrayés, ils poussèrent un cri. Le roi demanda ce que cela signifiait et, en entendant la cause, dit : « Chassez-le. » Il fit donc chasser le singe, et les perroquets retrouvèrent leur ancienne condition de gain et d’honneur.
[100] Le Maître termina ici sa leçon et identifia la Naissance : « À cette époque, Devadatta était Kālabāhu, Ānanda était Poṭṭhapāda, et moi-même j’étais Rādha. »
65:1 Voir vol. ii. p. 140, et p. 168. ↩︎