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« Pourquoi dans la forêt », etc. — C’est une histoire racontée par le Maître alors qu’il résidait à Jetavana, concernant le Capitaine de la Foi (Sāriputta). Cet ancien, dit-on, lorsque des gens méchants venaient à lui, tels que des chasseurs, des pêcheurs et autres, leur imposait la loi morale, ainsi qu’à tous ceux qu’il croisait de temps à autre, en disant : « Recevez la loi. » Par respect pour l’ancien, ils ne purent désobéir à ses paroles et acceptèrent la loi, mais ne la respectèrent pas, chacun suivant ses propres affaires. L’ancien consulta ses confrères prêtres et dit : « Seigneurs, ces hommes reçoivent la loi de moi, mais ne la respectent pas. » [171] Ils répondirent : « Saint Seigneur, vous leur prêchez la loi contre leur gré, et comme ils n’osent pas désobéir à ce que vous leur dites, ils l’acceptent. Désormais, n’imposez plus la loi à de tels hommes. » L’ancien fut offensé. Apprenant l’incident, ils entamèrent une discussion dans la Salle de la Vérité, expliquant que l’aîné Sāriputta prêchait la loi à tous ceux qu’il croisait. Le Maître vint et demanda quel était le sujet de discussion des Frères en assemblée. En l’entendant, il dit : « Non seulement maintenant, Frères, mais autrefois aussi, il prêchait la loi à tous ceux qu’il croisait, même s’ils ne le lui demandaient pas. » Et il raconta une histoire du passé.
Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta naquit et grandit dans une famille de brahmanes, puis devint le principal élève d’un maître de renommée mondiale à Takkasilā. À cette époque, ce maître prêchait la loi morale à tous ceux qu’il croisait, pêcheurs et autres, même s’ils n’en voulaient pas, les exhortant à accepter la loi. Mais bien qu’ils l’aient acceptée, ils ne l’observaient pas. Le maître en parla à ses disciples. Ceux-ci dirent : « Saint Seigneur, vous leur prêchez contre leur gré, et c’est pourquoi ils enfreignent la loi. Dorénavant, ne prêchez qu’à ceux qui désirent vous entendre, et non à ceux qui ne le souhaitent pas. » Le maître fut rempli de regrets, mais il continua néanmoins d’imposer la loi à tous ceux qu’il croisait.
Un jour, des gens arrivèrent d’un village et invitèrent le maître à partager les gâteaux offerts aux brahmanes. Il convoqua son disciple nommé Kāraṇḍiya et lui dit : « Mon cher fils, je n’irai pas, mais tu dois y aller avec ces cinq cents disciples, recevoir les gâteaux et apporter la part qui me revient. » Il l’envoya donc. Le disciple partit et, en revenant, il aperçut une grotte sur le chemin, et une pensée le frappa : « Notre maître dicte la loi, sans qu’on le lui demande, à tous ceux qu’il voit. Désormais, je lui ferai prêcher seulement à ceux qui veulent l’entendre. » [172] Tandis que les autres disciples étaient confortablement assis, [ p. 114 ] il se leva et, ramassant une énorme pierre, la lança dans la grotte, répétant l’action à plusieurs reprises. Alors les disciples se levèrent et dirent : « Seigneur, que faites-vous ? » Kāraṇḍiya ne dit pas un mot. Ils allèrent en hâte prévenir leur maître. Le maître arriva et, conversant avec Kāraṇḍiya, répéta la première strophe :
Pourquoi tout seul dans la forêt
S’emparant souvent d’une pierre puissante,
L’as-tu lancé avec une volonté,
Une grotte de montagne à remplir ?
En entendant ses paroles, Kāraṇḍiya, pour réveiller son maître, prononça la deuxième strophe :
Je ferais de cette terre entourée de mer
Lisse comme la paume de la main humaine :
Ainsi j’aplanis monticules et collines
Et avec des pierres, remplissez chaque creux.
Le brahmane, en entendant cela, répéta la troisième strophe :
Jamais un être de naissance mortelle
A le pouvoir de niveler la terre.
Le rare Kāraṇḍiya peut espérer
Avec une seule grotte à gérer.
[173] Le disciple, en entendant cela, prononça la quatrième strophe :
Si un homme de naissance mortelle
N’a pas le pouvoir de niveler la terre,
Les hérétiques peuvent bien refuser,
Brahmane, pour adopter tes vues.
En entendant cela, le maître répondit de manière appropriée. Car il reconnaissait désormais que d’autres hommes pouvaient différer de son avis, et, pensant : « Je n’agirai plus ainsi », il prononça la cinquième strophe :
Ami Kāraṇḍiya, en bref
Pour mon bien tu m’exhortes :
La Terre ne pourra jamais être nivelée,
Tous les hommes ne peuvent pas non plus être d’accord.
Ainsi le maître chanta les louanges de son disciple. Et après l’avoir ainsi averti, il le reconduisit chez lui.
[174] Le Maître, ayant terminé cette leçon, identifia la Naissance : « À cette époque, Sāriputta était le brahmane, et j’étais moi-même le disciple Kāraṇḍiya. »