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Le grand ermite Asita, dont les austérités plaisaient aux dieux, apprit la naissance de celui qui devait sauver l’humanité du tourment de la renaissance. Soif de la vraie loi, il se rendit au palais du roi Suddhodana et s’approcha gravement du quartier des femmes. Son âge et son érudition lui conféraient une grande dignité.
Le roi lui témoigna les politesses que la coutume lui prescrivait et s’adressa à lui de manière convenable :
« Heureux, vraiment ! Mon enfant jouira d’une faveur distinguée, car la vénérable Asita est venue exprès pour me voir. Ordonnez-moi. Que dois-je faire ? Je suis votre disciple, votre serviteur. »
L’ermite, les yeux brillants de joie, prononça gravement ces paroles :
« Cela t’est arrivé, ô roi noble, généreux et hospitalier, parce que tu aimes le devoir et que tu es toujours bienveillant envers les sages et les riches. Cela t’est arrivé parce que tes ancêtres, bien que riches en terres [ p. 17 ] et en or, étaient surtout riches en vertu. Sache la raison de ma venue, ô roi, et réjouis-toi. J’ai entendu une voix divine dans les airs qui disait : « Un fils est né au roi des Sakyas, un fils qui aura la vraie connaissance. » J’ai entendu ces paroles, et je suis venu, et mes yeux contempleront désormais la gloire des Sakyas.” »
Submergé de joie, le roi alla chercher l’enfant. Le prenant du sein de sa nourrice, il le montra à la vieille Asita.
L’ermite remarqua que le fils du roi portait les marques de la toute-puissance. Son regard se posa sur l’enfant, et ses cils se mouillèrent de larmes. Puis il soupira et leva les yeux au ciel.
Le roi vit Asita pleurer et commença à craindre pour son fils. Il interrogea le vieil homme :
« Tu dis, ô vénérable rouan, que le corps de mon fils diffère peu de celui d’un dieu. Tu dis que sa naissance fut un miracle, qu’à l’avenir sa gloire sera suprême, et pourtant tu le regardes avec des yeux remplis de larmes. Sa vie sera-t-elle donc fragile ? Est-il né uniquement pour me causer du chagrin ? Cette nouvelle branche doit-elle se faner avant d’avoir fleuri ? Parle, ô saint homme, parle vite ; tu connais le grand amour qu’un père porte à son fils. »
« Ne sois pas affligé, ô roi », répondit l’ermite. [ p. 18 ] « Ce que je t’ai dit est vrai : cet enfant connaîtra une grande gloire. Si je pleure, c’est pour moi-même. Ma vie touche à sa fin et il est né, celui qui détruira le mal de la renaissance. Il abandonnera le pouvoir souverain, il maîtrisera ses passions, il comprendra la vérité, et l’erreur disparaîtra du monde devant la lumière de sa connaissance, tout comme la nuit fuit devant les lances du soleil. De la mer du mal, des embruns cinglants de la maladie, de la houle de la vieillesse, des vagues furieuses de la mort, il sauvera le monde souffrant, et ensemble ils navigueront sur le grand navire de la connaissance. Il saura d’où prend sa source, ce fleuve rapide, merveilleux et bienfaisant, le fleuve du devoir ; Il en révélera le cours, et ceux que la soif torture viendront boire de ses eaux. À ceux qui sont tourmentés par la douleur, à ceux qui sont esclaves des sens, à ceux qui errent dans la forêt des existences comme des voyageurs égarés, il indiquera le chemin du salut. À ceux qui brûlent du feu de la passion, il sera le nuage qui apporte la pluie rafraîchissante ; armé de la vraie loi, il ira à la prison des désirs où languissent toutes les créatures, et il en brisera les portes du mal. Car celui qui aura la compréhension parfaite libérera le monde. Ne t’afflige donc pas, ô roi. Seul est à plaindre celui qui n’entend pas la voix de ton fils, et c’est pourquoi je pleure, moi qui, malgré mes austérités, malgré mes méditations, ne connaîtrai jamais son message et sa loi. Oui, même celui qui monte aux plus hauts jardins du ciel est à plaindre.