DE LA PRIÈRE DE RECOLLECTION QUE DIEU DONNE GÉNÉRALEMENT À L’ÂME AVANT DE L’ACCORDER CE DERNIER DÉCRIT. SES EFFETS : AUSSI CEUX DE LA PRIÈRE DES DIVINES CONSOLATIONS DÉCRITES DANS LE DERNIER CHAPITRE.
1. La prière de recueillement comparée aux habitants du château. 2. Le berger rappelle son troupeau au château. 3. Ce recueillement est surnaturel. 4. Il nous prépare à des faveurs plus élevées. 5. L’esprit doit agir jusqu’à ce que Dieu l’appelle au recueillement par amour. 6. L’âme doit ici s’abandonner entre les mains de Dieu. 7. La prière de recueillement et les distractions dans la prière. 8. Liberté d’esprit acquise par les consolations. 9. L’âme doit être vigilante. 10. Le diable tente spécialement de telles âmes. 11. Fausses transes et ravissements. 12. Comment traiter ceux qui sont ainsi égarés. 13. Risques d’égarement dans ce manoir.
1. Les effets des consolations divines sont très nombreux : avant de les décrire, je parlerai d’une autre sorte de prière qui les précède habituellement. Je n’ai pas besoin d’en dire beaucoup à ce sujet, ayant déjà écrit à ce sujet ailleurs. [1] C’est une sorte de recueillement qui, je crois, est surnaturel. Il n’y a aucune raison de se retirer ni de fermer les yeux, et cela ne dépend de rien d’extérieur ; involontairement, les yeux se ferment soudainement et l’on trouve la solitude. Sans aucun effort personnel, le temple dont j’ai parlé est élevé pour que l’âme puisse y prier : les sens et le milieu extérieur semblent perdre leur emprise, tandis que l’esprit retrouve peu à peu sa souveraineté perdue. Certains disent que l’âme entre en elle-même ; d’autres, qu’elle s’élève au-dessus d’elle-même. [2] Je ne peux rien dire de ces termes, mais il vaut mieux parler du sujet tel que je le comprends. Vous comprendrez probablement ce que je veux dire, bien que je sois peut-être le seul à le comprendre. Imaginons que les sens et les forces de l’âme (que j’ai comparés dans mon allégorie aux habitants du château) aient fui et rejoint l’ennemi à l’extérieur. Après de longs jours et des années d’absence, conscients de l’ampleur de leur perte, ils retournent aux alentours du château, mais ne parviennent pas à y rentrer, car leurs mauvaises habitudes sont difficiles à rompre ; pourtant, ils ne sont plus des traîtres et errent à l’extérieur.
2. Le Roi, qui y tient sa cour, voit leur bienveillance et, dans sa grande miséricorde, les invite à revenir à lui. Tel un bon berger, il joue si doucement de sa flûte que, bien qu’entendant à peine, ils reconnaissent son appel et cessent d’errer, mais retournent, comme des brebis égarées, à leurs demeures. L’emprise de ce pasteur sur son troupeau est si forte qu’ils abandonnent les soucis du monde qui les égaraient et rentrent au château.
3. Je crois n’avoir jamais exposé ce point aussi clairement. Chercher Dieu en soi-même est bien plus utile que de le chercher parmi les créatures ; saint Augustin nous raconte comment il a trouvé le Tout-Puissant dans son âme, après l’avoir longtemps cherché ailleurs. [3] Ce recueillement nous est d’un grand secours [ p. 107 ] lorsque Dieu nous le donne. Mais ne vous imaginez pas y parvenir en pensant à Dieu habitant en vous, ou en l’imaginant présent dans votre âme : c’est une bonne pratique et une excellente méditation, car elle est fondée sur le fait que Dieu réside en nous ; [4] ce n’est cependant pas la prière de recueillement, car avec l’aide divine chacun peut la pratiquer, mais ce que je veux dire est tout autre chose. Parfois, avant d’avoir commencé à penser à Dieu, les forces de l’âme se trouvent dans le château. Je ne sais par quel moyen ils entrèrent, ni comment ils entendirent le sifflet du berger ; les oreilles n’entendirent aucun son, mais l’âme ressent vivement un délicieux sentiment de recueillement que ressentent ceux qui jouissent de cette faveur, et que je ne puis décrire plus clairement.
4. Je crois lire quelque part [5] que l’âme est alors comme une tortue ou un oursin qui se retire en elle-même. Ceux qui ont dit cela ont sans doute compris de quoi ils parlaient ; mais ces créatures peuvent se retirer en elles-mêmes à volonté, tandis qu’ici il n’est pas en notre pouvoir de nous retirer en nous-mêmes, à moins que Dieu ne nous en fasse la grâce. À mon avis, Sa Majesté n’accorde cette faveur qu’à ceux qui ont renoncé au monde, du moins par désir, si leur état de vie ne le leur permet pas en fait. Il les appelle donc spécialement à se consacrer aux choses spirituelles ; s’ils lui en laissent le pouvoir, il accordera des grâces encore plus grandes à ceux qu’il commence ainsi à appeler à une vie supérieure. Ceux qui apprécient ce souvenir devraient remercier Dieu avec ferveur : il est de la plus haute importance pour eux de comprendre la valeur de cette faveur, dont la gratitude les préparerait à recevoir des grâces encore plus remarquables. Certains livres recommandent, pour se préparer à entendre ce que Notre-Seigneur pourrait nous dire, de garder l’esprit en repos, en attendant de voir ce qu’il accomplira dans nos âmes. [6] Mais à moins que Sa Majesté n’ait commencé à suspendre nos facultés, je ne comprends pas comment nous pourrions cesser de penser sans nous faire plus de mal que de bien. Ce point a été longuement débattu par les érudits en matière spirituelle ; j’avoue mon manque d’humilité de n’avoir pu céder à leur avis. [7]
5. Quelqu’un m’a parlé d’un certain livre écrit sur le sujet par le saint frère Pierre d’Alcantara (comme je crois pouvoir l’appeler à juste titre) ; j’aurais dû me soumettre à sa décision, sachant qu’il était compétent pour juger, mais en le lisant, j’ai découvert qu’il [ p. 109 ] était d’accord avec moi que l’esprit doit agir jusqu’à ce que l’amour le rappelle à lui, bien qu’il l’ait exprimé en d’autres termes. [8] Je peux peut-être me tromper, mais je m’appuie sur ces raisons. Premièrement, celui qui raisonne moins et s’efforce d’agir le moins, agit le plus en matière spirituelle. Nous [ p. 110 ] devrions présenter nos requêtes comme des mendiants devant un empereur puissant et riche ; puis, les yeux baissés, attendre humblement. Lorsqu’il nous montre secrètement qu’il entend nos prières, il est bon de se taire, puisqu’il nous a attirés en sa présence ; il n’y aurait alors aucun mal à essayer de garder l’esprit tranquille (si nous le pouvons). Si, cependant, le Roi ne fait aucun signe d’écoute ou de vue, il n’est pas nécessaire de rester inerte, comme un idiot, auquel l’âme ressemblerait si elle restait inactive. Dans ce cas, sa sécheresse augmenterait considérablement, et l’imagination serait rendue plus agitée qu’auparavant par son effort même pour ne penser à rien. Notre Seigneur désire qu’en ce moment nous lui présentions nos requêtes et nous mettions en sa présence ; il sait ce qui est le mieux pour nous.
6. Je crois que les efforts humains sont inutiles dans ces domaines, que Sa Majesté semble se réserver, fixant cette limite à nos forces. En bien d’autres choses, telles que les pénitences, les bonnes œuvres et les prières, nous pouvons, avec son aide, nous aider autant que la faiblesse humaine le permet. La deuxième raison est que ces opérations intérieures étant douces et paisibles, [^139] tout effort pénible nous fait plus de mal que de bien. Par « effort pénible », j’entends toute contrainte que nous nous imposons, comme retenir notre souffle. [9] Nous devrions plutôt abandonner nos âmes entre les mains de Dieu, le laissant faire de nous comme il l’entend, oubliant autant que possible tout intérêt personnel et nous soumettant entièrement à sa volonté. La troisième raison est que l’effort même de ne penser à rien excite davantage notre imagination. La quatrième raison est que nous rendons à Dieu le service le plus vrai et le plus agréable en ne nous souciant que de son honneur et de sa gloire, et en oubliant nous-mêmes, nos avantages, notre confort et notre bonheur. Comment pouvons-nous être inconscients de nous-mêmes, tout en nous contrôlant si strictement que nous craignons de bouger, ou même de penser, ou de laisser à notre esprit assez de liberté pour désirer la plus grande gloire de Dieu et se réjouir de la [ p. 112 ] gloire qu’Il possède ? Lorsque Sa Majesté souhaite que l’esprit se repose de son travail, Il l’emploie d’une autre manière, lui donnant une lumière et une connaissance bien supérieures à celles qu’il pourrait obtenir par ses propres efforts et l’absorbant entièrement en Lui-même. Alors, bien qu’il ne sache pas comment, il est rempli d’une sagesse telle qu’il ne pourrait jamais l’acquérir en s’efforçant de suspendre ses pensées. Dieu nous a donné des facultés pour notre usage ; chacune d’elles recevra sa juste récompense. Alors, n’essayons pas de les endormir, mais laissons-les faire leur travail jusqu’à ce qu’ils soient divinement appelés à quelque chose de plus élevé. [10]
7. À mon avis, lorsque Dieu choisit de placer l’âme dans cette demeure, il est préférable qu’elle fasse ce que je lui ai conseillé, puis qu’elle s’efforce, sans contrainte ni perturbation, de se libérer des pensées vagabondes. Cependant, il ne faut pas s’efforcer de suspendre complètement l’imagination, car il est bon de se souvenir de la présence de Dieu et de considérer qui il est. Si ses sentiments la transportent hors d’elle-même, tant mieux ; mais qu’elle n’essaie pas de comprendre ce qui se passe en elle, car cette faveur est accordée à la volonté, qui doit en jouir en paix, [ p. 113 ] ne formulant que de temps en temps des aspirations affectueuses. Bien que, dans ce genre de prière, l’âme ne fasse aucun effort pour y parvenir, il arrive souvent que, pendant un très court instant, l’esprit cesse de penser. J’ai expliqué ailleurs pourquoi cela se produit durant cet état spirituel. [11] En parlant des quatrièmes demeures, je vous ai dit avoir mentionné les consolations divines avant la prière de recueillement. Celle-ci aurait dû venir en premier, car elle est bien inférieure aux consolations, dont elle est le commencement. Le recueillement n’exige pas que nous abandonnions la méditation, ni que nous cessions d’utiliser notre intellect. Dans la prière de quiétude, lorsque l’eau coule de la source elle-même et non par des conduits, l’esprit cesse d’agir ; il y est contraint, bien qu’il ne comprenne pas ce qui se passe, et erre ainsi çà et là, confus, sans trouver de repos. Cependant, la volonté, entièrement unie à Dieu, est fort troublée par le tumulte des pensées ; il ne faut cependant pas y prêter attention, car elles feraient perdre une grande partie de la faveur dont l’âme jouit. Que l’esprit ignore ces distractions et s’abandonne dans les bras de l’amour divin : Sa Majesté lui apprendra la meilleure manière d’agir, qui consiste principalement à reconnaître son indignité d’un si grand bien et à s’occuper de l’en remercier.
8. Pour traiter de l’oraison de recueillement, j’ai passé sous silence les effets et les symptômes que l’on trouve dans les âmes ainsi favorisées de Dieu. Les consolations divines produisent évidemment une dilatation ou un élargissement de l’âme comparable à l’eau [ p. 114 ] qui coule d’une source dans un bassin sans issue, mais construit de manière à augmenter de volume et de proportion avec la quantité qu’on y verse. Dieu semble produire le même effet par cette prière, en plus de donner bien d’autres grâces merveilleuses, préparant et disposant ainsi l’âme à contenir tout ce qu’il veut lui donner. Après la douceur et la dilatation intérieures, l’âme n’est plus aussi contrainte qu’autrefois au service de Dieu, mais possède beaucoup plus de liberté d’esprit. Elle n’est plus affligée par la terreur de l’enfer, car, bien que plus soucieuse que jamais de ne pas offenser Dieu, elle a perdu la crainte servile et est sûre qu’un jour elle possédera son Seigneur. Elle ne craint pas de perdre sa santé par les austérités ; [12] croyant pouvoir tout faire par sa grâce, elle désire plus qu’auparavant faire pénitence. Elle éprouve une plus grande indifférence pour les souffrances, car sa foi étant plus forte, elle espère que, si elle les supporte pour Dieu, il lui donnera la grâce de les supporter patiemment. En effet, elle aspire parfois même aux épreuves, ardente à faire quelque chose pour lui. À mesure que l’âme comprend mieux la majesté divine, elle perçoit plus vivement sa propre bassesse. La consolation divine lui montre combien les plaisirs terrestres sont vils ; en s’en retirant progressivement, elle acquiert une plus grande maîtrise d’elle-même. Bref, ses vertus s’accroissent et elle ne cessera de progresser en perfection, à moins de se détourner et d’offenser Dieu. Si elle agissait ainsi, elle perdrait tout, si élevé qu’elle soit.
9. Il ne faut pas supposer que tous ces effets soient produits simplement par le fait que Dieu a manifesté ces faveurs une ou deux fois. Il faut les recevoir continuellement, car c’est de leur fréquente réception que dépend tout le bien-être de l’âme. J’exhorte fortement ceux qui ont atteint cet état à éviter avec le plus grand soin toute occasion d’offenser Dieu. [13] L’âme n’est pas encore pleinement établie dans la vertu, mais elle est comme un nouveau-né qui tète pour la première fois au sein de sa mère : [14] si elle la quitte, que peut-elle faire d’autre que mourir ? Je crains fort que lorsqu’une âme à qui Dieu a accordé cette faveur cesse de prier, sauf en cas d’urgence, elle ne s’enlise, à moins de reprendre immédiatement cette pratique.
10. Je suis conscient du danger d’un tel cas, ayant eu la douleur d’assister à la chute de personnes que je connaissais, s’éloignant de Celui qui, avec tant d’amour, cherchait à se faire leur ami, comme il l’a prouvé par son traitement. J’avertis instamment ces personnes de ne pas courir le risque de pécher, car le diable préfère gagner une de ces âmes plutôt que plusieurs à qui Notre-Seigneur n’accorde pas de telles grâces, [15] car la première pourrait lui causer de graves pertes en entraînant d’autres à suivre son exemple, et pourrait même rendre de grands services à l’Église de Dieu. S’il n’y avait d’autre raison que de voir l’amour particulier que Sa Majesté porte à ces personnes, cela suffirait à rendre Satan frénétiquement fou de détruire l’œuvre de Dieu en elles, afin qu’elles soient perdues éternellement. C’est pourquoi elles subissent de graves tentations, et si elles tombent, elles tombent plus bas que les autres. [ p. 116 ] 11. Vous, mes sœurs, vous êtes à l’abri de tels dangers, autant que nous pouvons le constater : Dieu vous garde de l’orgueil et de la vaine gloire ! Le diable offre parfois des contrefaçons des grâces que j’ai mentionnées : cela est facile à constater, les effets étant exactement contraires à ceux des grâces véritables. [16] Bien que j’en aie parlé ailleurs, [17] je désire vous avertir ici d’un danger particulier auquel sont exposés ceux qui pratiquent la prière, particulièrement les femmes, que la faiblesse de constitution rend plus sujettes à de telles erreurs. À cause de leurs pénitences, de leurs prières et de leurs veilles, ou même simplement à cause de la faiblesse de leur santé, certaines personnes ne peuvent recevoir de consolation spirituelle sans en être vaincues. Lorsqu’elles ressentent une joie intérieure, leur corps étant languissant et faible, elles tombent dans un sommeil – elles l’appellent sommeil spirituel – qui est un stade plus avancé de ce que j’ai décrit ; elles croient que l’âme y participe aussi bien que le corps, et s’abandonnent à une sorte d’ivresse. Plus ils perdent le contrôle d’eux-mêmes, plus leurs émotions prennent le dessus, car leur corps s’affaiblit. Ils s’imaginent qu’il s’agit d’une transe et le considèrent comme telle, mais moi, je trouve cela absurde ; cela ne fait que leur faire perdre leur temps et nuire à leur santé.
12. Cet état dura huit heures chez une certaine personne, pendant lesquelles elle ne fut ni insensible ni préoccupée par Dieu. [18] Elle fut guérie en étant obligée de bien manger et dormir, et en abandonnant certaines de ses pénitences. Sa guérison [ p. 117 ] fut due à quelqu’un qui comprit son cas ; jusqu’alors, elle avait involontairement trompé son confesseur, d’autres personnes et elle-même. Je suis persuadé que le diable avait agi ici pour servir ses propres intérêts et qu’il commençait à en tirer un grand profit. Il faut savoir que lorsque Dieu accorde de telles faveurs à l’âme, bien qu’il puisse y avoir une langueur de l’esprit et du corps, elle n’en est pas affectée, car elle éprouve une grande joie à se voir si près de Dieu, et cet état ne dure jamais plus que très peu de temps. [19] Bien que l’âme puisse se résorber, comme je l’ai dit, à moins qu’elle ne soit déjà faible, le corps ne souffre ni d’épuisement ni de douleur. Je conseille à celles d’entre vous qui éprouvent ces derniers d’en parler à la Prieure et de détourner leurs pensées autant que possible de ces sujets. La Supérieure devrait empêcher une telle religieuse de passer plus de quelques heures en prière, et devrait la faire bien manger et dormir jusqu’à ce que ses forces habituelles soient rétablies, si elle les a ainsi perdues. [20] Si la constitution de la religieuse est si fragile que cela ne suffise pas, qu’elle me croie quand je lui dis que Dieu ne l’appelle qu’à la vie active. Il faut qu’il y ait de telles personnes dans les monastères : employez-la aux divers offices et veillez à ce qu’elle ne soit jamais laissée seule très longtemps, sinon elle perdra entièrement la santé. Ce traitement lui sera une grande mortification : Notre-Seigneur éprouve son amour pour Lui par la manière dont elle supporte son absence. Il lui plaira peut-être, après quelque temps, de lui rendre ses forces ; sinon, elle fera autant de progrès et gagnera une récompense aussi grande par la prière vocale et l’obéissance qu’elle en aurait obtenu par la contemplation, et peut-être plus.
13. Il y a des gens, dont j’ai connu certains, dont l’esprit et l’imagination sont si actifs qu’ils s’imaginent voir tout ce qui leur passe par la tête, ce qui est très dangereux. [21] J’en parlerai peut-être plus tard, mais je ne peux le faire maintenant. J’ai longuement parlé de ce domaine, car je crois que c’est celui où pénètrent la plupart des âmes. Le naturel se mêlant au surnaturel, le diable peut faire plus de mal ici que plus tard, lorsque Dieu ne lui laissera pas autant d’occasions. Que Dieu soit loué à jamais ! Amen.
Huitième conseil. Que le dernier et principal conseil soit que, dans ce saint exercice, nous nous efforcions d’unir la Méditation à la Contemplation, faisant de l’une une échelle pour atteindre l’autre. Pour cela, nous devons savoir que (p. 118) l’office même de la Méditation est de considérer les choses divines avec étude et attention, passant de l’une à l’autre, pour éveiller en notre cœur une affection et un sentiment profond pour elles, comme si l’on frappait un silex pour en tirer l’étincelle.
Car la Contemplation, c’est avoir fait jaillir cette étincelle : j’entends avoir maintenant trouvé cette affection et ce sentiment que l’on recherchait, et en jouir en paix et en silence, non pas avec beaucoup de spéculations discursives et intellectuelles, mais avec un simple regard sur la vérité.
C’est pourquoi, dit un saint maître, la méditation poursuit son chemin et porte ses fruits avec effort, tandis que la contemplation porte ses fruits sans effort. L’une cherche, l’autre trouve ; l’une consomme la nourriture, l’autre la savoure ; l’une discute et médite, l’autre se contente d’un simple regard sur les choses, car elle possède leur amour et leur joie. Enfin, l’une est comme le moyen, l’autre comme la fin ; l’une comme la route et le cheminement qui la parcourt, l’autre comme le terme de la route et du cheminement.
Français De là il faut inférer une chose très commune, que tous les maîtres de la vie spirituelle enseignent, bien qu’elle soit peu comprise (p. 119) de ceux qui l’apprennent ; c’est que, comme les moyens cessent quand la fin a été atteinte, comme la navigation est terminée quand le port a été touché, de même lorsque, par l’élaboration de notre Méditation, nous sommes parvenus au repos et à la douce saveur de la Contemplation, nous devons alors cesser cette pieuse et laborieuse recherche ; et étant satisfaits du simple regard sur Dieu, et de la pensée de Dieu — comme si nous l’avions là présent devant nous — nous devrions nous reposer dans la jouissance de cette affection alors donnée, que ce soit de l’amour, ou de l’admiration, ou de la joie, ou d’un autre sentiment semblable.
La raison pour laquelle ce conseil est donné est la suivante : le but de cette dévotion étant l’amour et les affections de la volonté plutôt que les spéculations de l’entendement, lorsque la volonté est saisie et emportée par cette affection (p. 110), nous devrions, autant que possible, abandonner toutes ces spéculations discursives et intellectuelles, afin que notre âme, de toutes ses forces, puisse s’attacher à cette affection sans être détournée par l’action d’autres influences. Un savant maître nous conseille donc, dès que l’on se sent enflammé par l’amour de Dieu, de mettre de côté (p. 120) toutes ces considérations et pensées, aussi élevées qu’elles puissent paraître, non parce qu’elles ne sont pas bonnes en elles-mêmes, mais parce qu’elles constituent des obstacles à ce qui est meilleur et plus important. Car il ne s’agit rien d’autre que, parvenus au but de notre travail, nous y restions et abandonnions la méditation pour l’amour de la contemplation. Cela peut être fait particulièrement à la fin de tout exercice, c’est-à-dire après la demande de l’amour divin dont nous avons parlé. D’une part, parce qu’on suppose alors que le travail de l’exercice que nous venons d’accomplir a produit une dévotion et un sentiment divins, puisque, dit le sage, « mieux vaut la fin de la prière que le commencement » ; d’autre part, parce qu’après l’œuvre de la prière et de la méditation, il est bon de donner un peu de repos à son esprit et de le laisser se reposer dans les bras de la contemplation. À ce stade, nous devrions donc écarter toute autre pensée qui pourrait se présenter, et, apaisant notre esprit et notre mémoire, nous concentrer sur notre Seigneur ; et, nous souvenant que nous sommes alors en sa présence, nous ne nous attarderons plus sur les détails des choses divines.
Ibidem p. 121. Et non seulement à la fin de l’exercice, mais au milieu de celui-ci, et à quelque moment que ce soit, cet évanouissement spirituel devrait nous venir, lorsque l’intellect est endormi, nous devrions faire cette pause et jouir de la bénédiction accordée ; puis, lorsque nous avons terminé la digestion, nous tourner vers la question que nous avons en main, comme le fait le jardinier, lorsqu’il arrose son parterre ; qui, après lui avoir donné (p. 122) une quantité suffisante d’eau, retient le courant et le laisse tremper et se répandre dans les profondeurs de la terre ; puis lorsque celle-ci s’est quelque peu tarie, il fait redescendre sur elle le flux d’eau afin qu’elle puisse en recevoir encore plus et être bien irriguée.
[^139] : 111:9 Sève. viii. Moi : « Disponit omnia suaviter. »
104:1 Vie, ch. xiv. 2. La sainte dit dans le deuxième chapitre de cette maison, § 5, ainsi que dans des lettres datées du 7 décembre 1577 (vol. II) et du 14 janvier 1580, que lorsqu’elle écrivit le Château Intérieur elle avait plus d’expérience des choses spirituelles que lorsqu’elle composa ses œuvres précédentes. Ceci est pleinement confirmé par le présent chapitre. Dans la partie correspondante de sa Vie, elle confondait pratiquement la prière de recueillement avec la prière de quiétude (le second état de l’âme). De même, dans la Voie de Perfection, ch. xxviii., elle ne parle que d’une seule sorte de prière de recueillement, puis passe à la prière de quiétude. Ici, cependant, elle mentionne une seconde forme de prière de recueillement. Voir Philippus a SS. Trinitate, pars iii. tract. i, disc. iii. art. 1, « De oratione recollectionis » (page 81 du troisième vol. de l’édition de 1874) ; « de secundo modo recollectionis » (ibid. p. 82.) ; et l’art. 2 : ‘De oratione quietis’ (ibid. p. 84.) Antonius a Spiritu Sancto, Direct. Mystique. tract. iv. n. 78 : ‘Duo sunt hujus recollectionis modi, primus quidem activus [référence à la Voie de Perfection, l.c.], secundus autem passivus, [référence à ce chapitre de la Quatrième Demeure].’ Le premier n’est pas surnaturel, dans le sens où il peut être acquis grâce à une grâce spéciale venue d’en haut ; la seconde est tout à fait surnaturelle et ressemble davantage à une grâce gratuite (ibid. n° 80 et 81). Sur la signification de « Solitude », « Silence », etc., voir Anton. a Sp. S. l.c., tract. i, n. 78-82. ↩︎
105:2 L’édition de Burgos (vol. iv, p. 59) se réfère à juste titre au passage suivant du Tercer Abecedario (Voir Vie, ch. iv, 8) du frère franciscain Francisco de Osuna, un ouvrage qui a exercé une profonde influence sur sainte Thérèse : « Entrer en soi-même et s’élever au-dessus de soi-même sont les deux points principaux de cet exercice, ceux que l’on doit rechercher par-dessus tout et qui donnent la plus grande satisfaction à l’âme. Il y a moins de travail à entrer en soi-même qu’à s’élever au-dessus de soi-même et il me semble donc que lorsque l’âme est prête et apte à l’un ou l’autre, vous devez faire le premier, car l’autre suivra sans aucun effort et sera d’autant plus pure et spirituelle ; cependant, suivez la voie que votre âme préfère, car cela vous apportera plus de grâce et de bienfait » (Tr. ix, ch, viii). ↩︎
106:3 Certains éditeurs du Château Intérieur pensent que sainte Thérèse fait référence au passage suivant tiré des Confessions de saint Augustin : « Trop tard je t’ai aimé, ô Beauté, toujours ancienne et toujours nouvelle ! trop tard je t’ai aimé ! Et voici, tu étais en moi et moi au loin, et là je te cherchais, et, déformé comme je l’étais, je poursuivais les beautés que tu as faites. Tu étais avec moi, mais je n’étais pas avec toi. Ces choses me tenaient loin de toi, qui, si elles n’étaient pas en toi, n’auraient pu avoir d’existence » (Confessions de saint Augustin, livre x, ch. xxvii.). Les Confessions de saint Augustin ont été traduites pour la première fois en espagnol, p. 107, par Sebastian Toscano, un augustinien portugais. Cette édition, publiée à Salamanque en 1554, fut celle utilisée par sainte Thérèse. Cependant, il est plus probable qu’ici et ailleurs (Vie, ch. 41. 10 ; Chemin de perfection, ch. 28. 2) sainte Thérèse cite un passage d’un livre pieux intitulé Soliloquia, attribué à tort à saint Augustin : « J’ai parcouru les rues et les chemins de la cité de ce monde à ta recherche, mais je ne t’ai pas trouvé, car j’ai eu tort de chercher au dehors ce qui était au dedans. » (ch. 31). Ce traité, également cité par saint Jean de la Croix, Cantique spirituel, strophe i. 7, Montée au Mont Carmel, livre i. ch. v. 1, parut dans une traduction espagnole à Valladolid en 1515, à Medina del Campo en 1553 et à Tolède en 1565. ↩︎
107:4 Vie, ch. xiv. 7, 8; 20. ↩︎
107:5 Sainte Thérèse lisait ceci dans le Tercer Abecedario de Francisco de Osuna (tr. vi, ch. iv) : « Cet exercice concentre les sens de l’homme à l’intérieur du cœur où habite « la fille du roi » ; c’est-à-dire l’âme catholique ; ainsi recueilli, l’homme peut bien être comparé à la tortue ou à l’oursin qui s’enroule et se retire en lui-même, négligeant tout ce qui est extérieur. » ↩︎
108:6 Vie. ch, xii. 8. ↩︎
108:7 Vie, ch. xiv, 10. ↩︎
109:8 Un traité d’or de la prière mentale par saint Pierre d’Alcantara, traduit par le révérend GF Bullock MA et édité par le révérend George Seymour Hollings SSJE Londres, Mowbray, 1905, p. 117. ↩︎
111:10 Vie, ch. xv. i. ↩︎
112:11 « Pendant tout le temps où Notre-Seigneur nous communique l’attention générale, simple et aimante, dont j’ai déjà parlé, ou lorsque l’âme, aidée par la grâce, est établie dans cet état, nous devons nous efforcer de maintenir l’entendement en repos, sans le troubler par l’intrusion de formes, de figures ou de connaissances particulières, à moins que ce ne soit légèrement et pour un instant, et cela avec douceur et amour, pour enflammer davantage nos âmes. À d’autres moments, cependant, dans tous nos actes de dévotion et nos bonnes œuvres, nous devons faire usage de bons souvenirs et de méditations, afin de ressentir un accroissement de profit et de dévotion ; nous attachant plus particulièrement à la vie, à la passion et à la mort de Jésus-Christ, notre Seigneur, afin que notre vie et notre conduite soient à l’image des siennes. » (Saint Jean de la Croix, Montée du Mont Carmel, livre II, ch. xxxii, 7.) ↩︎
113:12 Vie, ch. xv. 2. ↩︎
114:13 Vie, ch. xxiv. 2. ↩︎
115:14 Chemin de Perf. ch. xvi. 5. Château, M. v. ch. i, 2, 3; ii. 4, 5; iii. 2, 6, 12. ↩︎
115:15 Voie de la Perfection ch. xxxi. 7. Concept. ch. iv. 6. ↩︎
115:16 Chemin de la Perfection ch. xl. 3. ↩︎
116:17 Vie, ch. xx. 31. ↩︎
116:18 Trouvé. ch. vi. ↩︎
116:19 Trouvé. ch. vi. 15. ↩︎
117:20 Vie ch. xviii. 16, 17. ↩︎
117:21 Lettre du 23 oct. 1 376. Vol. II. ↩︎
118:22 Trouvé. ch. viii. 7-8. ↩︎