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EXPLICATION SUPPLÉMENTAIRE DU MÊME SUJET ; EXPLIQUE CETTE PRIÈRE. L’IMPORTANCE D’ÊTRE SUR SES GARDES, CAR LE DIABLE DÉSIRE IMMÉDIATEMENT DÉVIDER LES ÂMES DU DROIT CHEMIN.
1. Les fiançailles spirituelles. 2. La prière d’union ressemble à des fiançailles. 3. Avant les noces spirituelles, les tentations sont dangereuses. 4. Le grand bien accompli par les âmes fidèles à ces grâces. 5. Les religieux soumis aux tromperies du diable. 6. Les stratagèmes de Satan. 7. Pourquoi ils sont [permis] (errata.htm#2). 8. La prière et la vigilance sont nos garanties. 9. La vigilance de Dieu sur de telles âmes. 10. Le progrès dans la vertu. 11. L’insignifiance de nos actions comparée à leur récompense. 12. Les motivations de sainte Thérèse pour écrire sur la prière.
1. Vous semblez impatiente de savoir ce qu’est devenue la petite colombe et où elle trouve le repos, car elle ne le trouve évidemment ni dans les consolations spirituelles ni dans les plaisirs terrestres, mais prend un essor plus élevé. Je ne peux vous le dire avant d’arriver à la dernière demeure : Dieu veuille que je m’en souvienne ou que j’aie le temps de l’écrire. Il y a près de cinq mois que j’ai commencé cet ouvrage, et comme ma tête est trop faible pour le relire, il sera sans doute très décousu et plein de répétitions ; cependant, comme il est réservé à mes sœurs, cela importera peu. J’aimerais cependant m’exprimer plus longuement sur la prière d’union et je ferai usage, au mieux de mes connaissances, d’une comparaison. Nous parlerons plus tard du petit papillon, qui ne s’arrête jamais, car il ne peut trouver de véritable repos, mais qui est toujours fécond, faisant du bien à lui-même et aux autres. [1] Vous avez souvent entendu dire que Dieu épouse spirituellement les âmes : qu’il soit [ p. 148 ] loué pour sa miséricorde en s’humiliant ainsi si profondément. Bien que ce ne soit qu’une comparaison singulière, je ne trouve rien de mieux pour exprimer ce que je veux dire que le sacrement du mariage, bien que les deux choses soient très différentes. Dans l’union divine, tout est spirituel et bien loin de tout ce qui est corporel ; toutes les joies que Notre-Seigneur donne et le plaisir mutuel qu’on y ressent sont célestes et très différents du mariage humain, qu’il surpasse mille fois. Ici tout est amour uni à l’amour ; ses opérations sont plus pures, plus raffinées et plus douces qu’on ne peut le décrire, bien que Notre-Seigneur sache les rendre sensibles à l’âme.
2. Je pense que cette union ne va pas aussi loin que les fiançailles spirituelles, mais ressemble aux préliminaires qui ont lieu lorsque deux personnes envisagent des fiançailles. Leur aptitude et leur volonté pour l’alliance sont d’abord discutées ; ensuite, il peut leur être permis de se voir de temps en temps afin de prendre une décision. Il en est de même pour les fiançailles spirituelles : lorsque l’accord préliminaire a été conclu et que l’âme comprend parfaitement les grands avantages qu’elle en retirera, ayant résolu d’accomplir en toutes choses la volonté de son Époux et de faire tout ce qu’elle peut pour lui plaire, Sa Majesté, qui sait bien si cela est vrai, désire en retour satisfaire son épouse. Il lui accorde donc cette faveur, la visite et l’attire en sa présence, car il désire qu’elle le connaisse mieux. On pourrait comparer la prière d’union à une visite, car elle ne dure que très peu de temps. [2] Il n’y a plus de [ p. 149 ] question de délibération, mais l’âme voit secrètement à quel Époux elle est fiancée ; les sens et les facultés ne pourraient, en mille ans, acquérir la connaissance ainsi transmise en si peu de temps. L’Époux, étant ce qu’il est, laisse l’âme bien plus méritante de compléter les fiançailles, comme on peut les appeler ; l’âme amoureuse de Lui fait tout son possible pour éviter qu’elles ne soient frustrées. Si elle devient négligente et porte son affection sur autre chose que notre Seigneur, elle perdra tout : cette perte est aussi grande que le sont les faveurs que l’âme a continuellement reçues, qui sont d’une valeur indescriptible. [3]
3. Ô âmes chrétiennes ! vous que Dieu a amenées jusqu’ici ! Je vous implore, pour son amour, de ne pas vous laisser aller à l’insouciance, mais d’éviter toute occasion de péché ; vous n’êtes pas encore assez fortes pour subir la tentation, comme vous le serez après les fiançailles qui auront lieu dans la prochaine demeure. Ici, les fiancés ne se connaissent, comme on dit, que de vue, [4] et le diable n’épargnera aucun effort pour s’opposer à leurs noces et les empêcher. Plus tard, lorsqu’il voit l’Épouse entièrement donnée à son Époux, il craint d’intervenir, ayant appris par expérience que s’il la moleste, il perd beaucoup, mais elle gagnera beaucoup en mérite.
4. Je puis vous assurer, mes filles, [5] que j’ai connu des personnes très avancées dans la vie spirituelle, parvenues à cet état de prière, mais que le diable a récupérées par sa ruse et ses ruses : comme je l’ai souvent dit, tout l’enfer se ligue contre de telles âmes, car la perte de l’une d’elles entraîne la perdition de beaucoup d’autres, Satan le sait bien. Si nous considérions combien d’hommes Dieu attire à lui par une seule, nous devrions le louer avec ferveur. Songez aux multitudes converties par les martyrs ou par une jeune fille comme sainte Ursule ! Et combien de victimes le malin a été privé par saint Dominique, saint François et d’autres fondateurs d’ordres religieux ! Combien d’autres en perd-il, même maintenant, par le père Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus ! En lisant leur vie, nous apprenons qu’elles ont reçu de telles grâces de Dieu. Comment ce grand bien a-t-il pu être accompli, si ce n’est par leurs efforts pour ne pas perdre, par leur faute, ces divines fiançailles ? Ô mes filles, comme notre Seigneur est disposé à nous accorder les mêmes grâces ! En fait, il est encore plus urgent aujourd’hui de se préparer à de telles faveurs, car rares sont ceux qui se soucient de son honneur. Nous nous aimons trop et sommes trop prudents pour renoncer à nos droits. Quelle tromperie ! Que Dieu, dans sa miséricorde, nous éclaire, de peur que nous ne sombrions dans de telles ténèbres.
5. Vous pouvez vous interroger ou douter sur deux points. Premièrement : si l’âme est entièrement unie à la volonté de Dieu, comme je l’ai dit, comment peut-elle être trompée, puisqu’elle cherche toujours à suivre son plaisir ? Deuxièmement, comment le diable peut-il entrer et faire de tels ravages au point de détruire votre âme alors que vous êtes si complètement retiré du monde et que vous fréquentez constamment les sacrements ? [6] En même temps, vous jouissez de la société [ p. 151 ] des anges (comme nous pourrions les appeler) et, par la miséricorde de Dieu, vous ne désirez rien d’autre que de le servir et de lui plaire en toutes choses ? [7] Il n’est pas surprenant que les gens du monde courent de tels risques. J’admets que vous avez le droit de le dire, car Dieu nous a montré une miséricorde insigne ; mais, comme je l’ai dit plus haut, sachant que Judas était parmi les Apôtres et qu’il était en communication constante avec Dieu lui-même, dont il écoutait les paroles, j’apprends que l’état de la religion ne nous met pas en sécurité.
6. À votre première question, je réponds que, sans aucun doute, si une telle âme est toujours fidèle à la volonté de Dieu, elle ne peut se perdre. Cependant, le malin, avec sa subtilité, vient la tromper sur des choses futiles et, sous prétexte de bien, la fait commettre de petits défauts qu’il lui fait croire inoffensifs. Ainsi, peu à peu, la raison s’obscurcit et la volonté s’affaiblit, tandis que le diable entretient l’amour-propre de sa victime, jusqu’à ce qu’il parvienne peu à peu à la soustraire à la volonté de Dieu et à la faire suivre sa propre volonté.
7. La réponse à votre première question servira à la seconde. Aucun enclos ne peut être trop étroit pour que Satan puisse y pénétrer, ni aucun désert trop reculé pour qu’il puisse le visiter. De plus, Dieu peut lui permettre de tenter l’âme pour prouver sa vertu ; car, comme il l’entend pour éclairer les autres, il vaut mieux qu’elle échoue dès le début plutôt que de leur causer un grand tort.
8. Nous devons constamment prier Dieu dans nos prières de nous soutenir par sa main ; nous devons toujours garder à l’esprit cette vérité que s’il nous abandonne, nous tomberons certainement dans l’abîme, car nous ne devons jamais être assez fous pour nous fier à nous-mêmes. Après cela, je pense que la plus grande sauvegarde est d’être très prudents et de surveiller nos progrès dans la vertu ; nous devons remarquer si nous progressons ou si nous régressons, surtout en ce qui concerne l’amour du prochain, le désir d’être le dernier de tous et la manière dont nous accomplissons nos devoirs ordinaires. Si nous y prêtons attention et prions Notre-Seigneur de nous éclairer, nous percevrons immédiatement notre gain ou notre perte.
9. Ne croyez pas qu’après avoir élevé l’âme à un tel état, Dieu l’abandonne si facilement qu’il soit facile au diable de la reconquérir. Lorsque Sa Majesté la voit le quitter, il ressent si vivement la perte qu’il lui adresse de multiples avertissements secrets qui lui révèlent le danger caché. [8]
10. En conclusion, efforçons-nous de progresser constamment : nous devrions être très inquiets si nous ne progressons pas, car le malin doit sans doute méditer sur un mal quelconque ; il est impossible qu’une âme parvenue à cet état ne progresse pas davantage, car l’amour ne reste jamais inactif. C’est donc un très mauvais signe de stagner dans la vertu. Celle qui aspire à devenir l’épouse de Dieu lui-même, qui a traité avec Sa Majesté et est parvenue à une telle entente avec Lui, ne doit pas s’arrêter et s’endormir. [9]
11. Pour vous montrer, mes filles, comment le Christ traite les âmes qu’il prend pour épouses, je vais maintenant vous parler [ p. 153 ] des sixièmes demeures. Vous verrez alors combien peu est, en comparaison, tout ce que nous pouvons faire ou souffrir à son service pour nous préparer à recevoir de si immenses faveurs. Peut-être Notre-Seigneur a-t-il décrété que j’écrive ceci afin que la connaissance de la grande récompense à venir et de son infinie miséricorde, cherchant à se donner et à se manifester à des vermisseaux comme nous, nous fasse oublier nos misérables, mesquins et terrestres plaisirs et que nous poursuivions notre chemin, les yeux fixés sur sa grandeur, enflammés d’amour pour lui.
12. Qu’il me permette d’expliquer certaines de ces questions difficiles ; si notre Seigneur et le Saint-Esprit ne guident pas ma plume, je sais que la tâche s’avérera impossible. Je le prie de m’empêcher de dire quoi que ce soit qui ne vous soit utile. Sa Majesté sait que, autant que je puisse en juger, je n’ai d’autre souhait que la glorification de son nom et que nous nous efforcions de servir un Seigneur qui récompense ainsi nos efforts, même en ce monde. Quelle sera donc notre joie au ciel, où elle sera continue, sans les interruptions, les travaux et les dangers de cette mer tumultueuse de la vie ? Si ce n’était par crainte de le perdre ou de l’offenser, nous souhaiterions vivre jusqu’à la fin du monde [10] afin de travailler pour un Dieu si grand, notre Seigneur et notre Époux. Que Sa Majesté nous permette de lui rendre service, exempts des nombreuses fautes que nous commettons toujours, même dans les bonnes œuvres ! Ainsi soit-il.
147:1 Comparer : « il portera du fruit dans le respect des âmes saintes » (Breviar. Rom. Ant. ad Laudes de Com. Virg.) ; « Comme une abeille, vous avez servi le Seigneur avec des arguments » (Ibid. Fête de Sainte Cécile.) ↩︎
148:2 Vie, ch. xviii. ↩︎
149:3 Voie de la Perf. ch. xxxi. 10. ↩︎
149:4 Phil. a SS. Trinit. l.c. p. iii. tract. i. disc. ii. art. 2. ↩︎
149:5 Contrastez avec ce paragraphe ce que dit la Sainte dans sa Vie, ch. xix. § 8. ↩︎
150:6 Vie, ch, xxxvi. 26; xxxix. 14. Trouvé. ch. i. 1-4. ↩︎
151:7 Chemin de la Perfection. ch. i, 2; xiii. 3. Trouvé. ch. i. 3. ↩︎
152:8 Vie, ch. xix. 9. ↩︎
152:9 Vie, ch. xix. 7. ↩︎
153:10 Rel. ix. 19. ↩︎