LIVRE VIII. LES LÎ KHÎ OU RITES DANS LA FORMATION DU CARACTÈRE[1].
1. Les règles de bienséance servent d’instruments pour former le caractère des hommes, et elles sont donc élaborées à grande échelle. De ce fait, leur valeur est très élevée. Elles éliminent chez l’homme toute perversité et augmentent la beauté de sa nature. Elles le rendent correct, lorsqu’elles s’appliquent à se gouverner lui-même ; elles lui assurent la liberté de mouvement, lorsqu’elles s’appliquent aux autres. Elles sont pour lui ce que leur enveloppe est aux bambous et ce que son cœur est à un pin ou à un cyprès[2]. Ces deux éléments sont les meilleures de toutes les productions du monde (végétal). Elles perdurent à travers les quatre saisons, sans altérer une branche ni changer une feuille. L’homme supérieur observe ces règles de bienséance, de sorte que tous, dans un cercle plus large, sont en harmonie avec lui, et que ceux de son cercle plus restreint ne ressentent aucune insatisfaction à son égard. Les hommes reconnaissent et sont touchés par sa bonté, et les esprits apprécient sa vertu.
2. Les règles instituées par les anciens rois avaient leur élément radical et leur forme extérieure et élégante. Un cœur sincère et une bonne foi en constituent l’élément radical. Les caractéristiques de chacune, selon l’idée qu’elle contient de juste, constituent sa forme extérieure et élégante : sans cet élément radical, elles n’auraient pu être établies ; sans cette forme élégante, elles n’auraient pu être mises en pratique[1:1].
3. Les choses utilisées pour accomplir les rites doivent être adaptées à la saison, puisées dans les ressources du sol, en accord avec les esprits[2:1] et agréables à l’esprit des hommes ; elles doivent être conformes aux caractéristiques de chaque chose. Ainsi, chaque saison a ses productions, chaque sol ses produits appropriés, chaque sens sa puissance particulière et chaque chose ses avantages. Par conséquent, ce qu’une saison ne produit pas, ce qu’un sol ne nourrit pas, ne sera pas utilisé par un homme supérieur pour accomplir ses rites, ni apprécié par les esprits. Si les montagnards cherchaient à utiliser des poissons et des tortues dans leurs rites, ou les habitants des lacs des cerfs et des cochons, l’homme supérieur dirait d’eux qu’ils ne connaissent pas la nature de ces usages.
4. Il est donc nécessaire de considérer les revenus établis d’un État comme la principale règle de ses dépenses cérémonielles. La taille de son territoire est un facteur important pour la détermination de ces revenus. Le montant des offrandes doit également tenir compte du caractère de l’année, bonne ou mauvaise. Ainsi, même si la récolte d’une année est très insuffisante, les masses n’auront pas peur et les cérémonies fixées par les supérieurs seront réglées avec parcimonie.
5. Dans (l’appréciation des) rites, le temps[1:2] doit être la principale considération. (Leur rapport aux) devoirs naturels, leur substance matérielle, leur adéquation aux circonstances et leur proportionnalité sont tous secondaires.
La démission de Yâo du trône à Shun, et celle de Shun à Yü ; le détrônement de Kieh par Thang ; et le renversement de Kâu par Wan et Wû : tout cela sera jugé par le temps. Comme le dit le Livre de la Poésie :
Ce n’était pas qu’il était pressé de satisfaire ses désirs ;
C’était pour montrer le devoir filial qui lui était échu.
Les sacrifices au ciel et à la terre, les services du temple ancestral, les repas du père et du fils, et la justice entre le dirigeant et le ministre : tout cela doit être jugé comme des devoirs naturels.
Les services rendus aux autels de la terre, des céréales, des collines et des ruisseaux, ainsi que les sacrifices aux esprits, doivent être jugés à l’aune de la substance matérielle des offrandes. L’usage des rites funéraires et des sacrifices, ainsi que les réciprocités entre hôte et invité, doivent être jugés selon leur adéquation aux circonstances.
Sacrifier avec un agneau et un cochon de lait, par la multitude des officiers, quand il y en avait encore assez ; et sacrifier avec un bœuf, un bélier et un sanglier, quand il n’y avait encore rien à épargner : nous avons là un exemple de proportionnalité.
6. Les princes attachent une grande importance à la tortue et considèrent leurs jetons de jade comme l’insigne de leur rang, tandis que les (chefs de) clans n’ont pas les tortues qui sont si précieuses, ni les jetons de jade à garder (pour eux-mêmes), ni les portes à tours : ce sont (aussi) des exemples de proportionnalité.
7. Dans certains usages cérémoniels, la multitude des choses formait la marque de distinction. Le fils du Ciel avait 7 sanctuaires dans son temple ancestral ; le prince d’un état, 5 ; les grands officiers, 3 ; et les autres officiers, 1. Les plats du fils du Ciel sur des supports étaient 26 ; d’un duc, 16 ; d’un autre prince, 12 ; d’un grand officier de la classe supérieure, 8 ; d’un de la classe inférieure, 6. À un prince, on donnait 7 serviteurs et 7 bœufs ; et à un grand officier, 5 de chaque. Le fils du Ciel était assis sur 5 nattes placées les unes sur les autres ; un prince, sur 3 ; et un grand officier, sur 2. Lorsque le fils du Ciel mourut, il fut enterré après 7 mois, dans un cercueil quintuple, avec 8 plumes ; un prince fut enterré après 5 mois, dans un cercueil triple, avec 6 plumes ; un grand officier après 3 mois, dans un cercueil double, avec 4 plumes. Dans ces cas, la multitude des choses était la marque de distinction[1:3].
8. Dans d’autres usages, la rareté des choses constituait une marque de distinction. Au fils du Ciel, on ne donnait pas de serviteurs[2:2], et il sacrifiait au Ciel avec une seule victime ; lorsqu’il rendait visite aux princes (lors de ses tournées d’inspection), on le régalait d’un seul bœuf. Lorsque les princes se rendaient à la cour les uns des autres, on utilisait des esprits parfumés en libations, et il n’y avait pas de plats sur des supports, ni en bois ni en bambou. Lors des missions amicales des grands officiers, les offrandes cérémonielles étaient des tranches de viande séchée et des cornichons. Le fils du Ciel se déclarait satisfait après un plat ; un prince, après deux ; un grand officier et d’autres officiers, après trois ; tandis qu’aucune limite n’était imposée à la consommation de ceux qui vivaient de leur travail. (Les chevaux du) grand carrosse avaient un gland ornemental à leur poitrail ; ceux des autres carrosses avaient sept (pièces de) jade en guise de symboles de rang ; et les coupes à libation étaient présentées individuellement ; ainsi que les coupes en forme de tigre et les coupes jaunes. Pour sacrifier aux esprits, on utilisait une seule natte ; lorsque les princes donnaient audience à leurs ministres, ils s’inclinaient devant les grands officiers un par un, mais devant tous les autres officiers ensemble. Dans ces cas, la rareté des objets constituait un signe distinctif.
9. Dans d’autres cas, la grandeur des dimensions constituait la marque. Les dimensions des palais et des appartements ; les dimensions des plats et autres objets ; l’épaisseur des cercueils intérieurs et extérieurs ; la grandeur des éminences et des tumulus[1:4] : tels étaient les cas où la grandeur des dimensions était la marque.
10. Chez d’autres, la petitesse constituait la marque distinctive. Lors des sacrifices du temple ancestral, le plus haut placé offrait une coupe (d’esprits au représentant des morts), et le plus bas, un san (contenant cinq fois plus) ; lors de certains autres sacrifices, l’honorable prenait un khih (contenant trois coupes), et le plus bas une corne (contenant quatre). (Lors des fêtes des vicomtes et des barons), lorsque le vase faisait cinq tours, à l’extérieur de la porte se trouvait le fâu (de réserve) en terre cuite, et à l’intérieur, le hû ; tandis que le vase du souverain était un wei en terre cuite : c’étaient des cas où la petitesse constituait la marque distinctive[2:3].
11. Chez d’autres, la hauteur constituait le signe distinctif. La salle du fils du Ciel comptait neuf marches[1:5] ; celle d’un prince sept ; celle d’un grand officier cinq ; et celle d’un officier ordinaire trois. Le fils du Ciel et les princes possédaient aussi la porte d’entrée surmontée d’une tour. Dans ces cas, la hauteur était le signe distinctif.
12. Chez d’autres, la bassesse constituait la marque. Lors du sacrifice, la plus grande révérence ne se manifestait pas sur l’autel élevé, mais sur le sol en dessous, qui avait été balayé. Les vases du fils du Ciel et des princes étaient placés sur un plateau sans pieds[2:4] ; ceux des Grands et des autres officiers sur un plateau avec pieds (3 pouces de hauteur). Dans ces cas, la bassesse était la marque de distinction.
13. Chez d’autres, l’ornement constituait la marque. Le fils du Ciel portait sa robe supérieure ornée des dragons ; les princes, la robe inférieure brodée des haches ; les grands officiers, leur robe inférieure ornée du symbole de distinction ; et les autres officiers, la robe supérieure sombre et la robe inférieure rouge. Le bonnet du sol du Ciel comportait douze pendentifs de perles de jade sertis sur des cordons de soie rouge et verte ; celui des princes, neuf ; celui des grands officiers du plus haut grade, sept ; et s’ils étaient du grade le plus bas, cinq ; et celui des autres officiers, dans ces cas, l’ornement était la marque de distinction.
14. Chez d’autres, la simplicité était la marque de fabrique. Les actes de la plus grande révérence n’admettent aucun ornement.
Les proches d’un père ne prennent pas de poses (contrairement aux autres visiteurs). Le Grand jeton de jade n’est pas gravé. La Grande soupe est dépourvue de condiments. Le Grand carrosse est simple, et ses nattes sont en jonc. Le gobelet, orné du bœuf-victime, est recouvert d’un tissu blanc uni. La louche est en bois veiné de blanc. Ce sont des cas où la simplicité est la marque de fabrique.
15. Confucius disait : « Les usages cérémoniels doivent être soigneusement étudiés. » C’est le sens de la remarque selon laquelle « même si les usages sont différents, les relations entre eux, qu’elles soient nombreuses ou peu nombreuses, doivent être maintenues[1:6]. » Ses paroles faisaient référence à la proportionnalité des rites.
16. Que, lors de l’institution des rites, la multitude des choses soit considérée comme un signe distinctif, cela vient du fait que les esprits (des rédacteurs) étaient tournés vers l’extérieur. L’énergie (de la nature) jaillit et se manifeste partout en toutes choses, avec un grand pouvoir discriminant sur leur immense multitude. Dans un tel cas, comment pouvaient-ils s’empêcher de faire de la multitude un signe distinctif dans les rites ? C’est pourquoi les hommes supérieurs (les rédacteurs) se réjouissaient d’afficher (leur discernement).
Mais que, dans l’institution des rites, la rareté des choses fût considérée comme un signe distinctif, cela venait de l’introspection des esprits (des rédacteurs). Aussi extrême soit l’énergie (de la nature) dans sa production, elle est exquise et infiniment ténue. Quand on regarde toutes les choses sous le ciel, elles ne semblent pas proportionnées à cette énergie. Dans un tel cas, comment pouvaient-ils s’empêcher de considérer la rareté comme un signe distinctif ? C’est pourquoi les hommes supérieurs (les rédacteurs) veillaient attentivement à la solitude (de leurs propres pensées)[1:7].
17. Les anciens sages (ainsi) honoraient ce qui était interne, et recherchaient le plaisir dans ce qui était externe ; trouvaient une marque de distinction dans la pauvreté, et une de ce qui était admirable dans la multitude ; et donc dans les usages cérémoniels institués par les anciens rois nous ne devrions chercher ni la multitude ni la pauvreté, mais la juste proportion relative.
18. C’est pourquoi, lorsqu’un homme de rang utilise une grande victime en sacrifice, nous disons qu’il agit selon la convenance, mais lorsqu’un officier ordinaire le fait, nous disons qu’il commet un acte d’usurpation.
19. Kwan Kung avait ses plats sacrificiels en grains sculptés et des bandes rouges sur sa casquette ; il avait façonné des collines sur les chapiteaux de ses piliers et des algues sur les petits piliers au-dessus des poutres[2:5] : l’homme supérieur considérait cela comme une extravagance sauvage.
:2o. Un Phing-kung, en sacrifiant à son père, utilisait un cochon de lait qui ne remplissait pas le plat, et se rendait à la cour vêtu d’une (vieille) robe et d’un bonnet lavés : l’homme supérieur considérait cela comme de l’avarice[3].
21 C’est pourquoi l’homme noble estime nécessaire de faire preuve du plus grand soin dans la pratique des cérémonies. Elles sont le lien qui unit les multitudes ; et si ce lien est rompu, ces multitudes sombrent dans la confusion. Confucius disait : « Si je combats, je suis victorieux ; si je sacrifie, je reçois des bénédictions[1:8]. » Il disait cela parce qu’il avait la bonne façon de faire (toutes choses).
22. Un homme supérieur dira[2:6] : « Le but des sacrifices n’est pas de prier ; leur heure ne doit pas être précipitée ; un grand appareil n’est pas requis pour eux ; les objets ornementaux ne doivent pas être approuvés ; les victimes n’ont pas besoin d’être grasses et grandes ; une profusion des autres offrandes n’est pas à admirer. »
23. Confucius dit : « Comment peut-on dire que Zang Wan-kung connaissait les règles de bienséance ? Lorsque Hsiâ Fû-khî s’est opposé à l’ordre sacrificiel[3:1], il ne l’a pas empêché (ni n’a pu l’empêcher) de brûler un tas de bois en sacrifice à l’esprit du four. Or, ce sacrifice est offert à une vieille épouse. Les matériaux nécessaires pourraient être contenus dans une cuve, et le vase est une jarre à vin (ordinaire). »
I. Les règles de bienséance peuvent être comparées au corps humain. Lorsque les parties du corps d’une personne ne sont pas complètes, on la qualifiera d’« homme imparfait » ; ainsi, une règle mal conçue peut être qualifiée d’« incomplète ».
Certaines cérémonies sont grandes, d’autres petites ; certaines sont manifestes, d’autres infimes. Les grandes ne doivent pas être diminuées, ni les petites augmentées. Les manifestes ne doivent pas être cachés, ni les infimes amplifiées. Mais si les règles importantes sont au nombre de 300 et les règles plus petites au nombre de 3 000, le résultat auquel elles aboutissent toutes est le même[2:7]. Nul ne peut entrer dans un appartement autrement que par la porte.
2. Un homme supérieur, dans son respect des règles, où il fait tout son possible et use du plus grand soin, est d’une extrême révérence et manifeste sa sincérité. Là où elles suscitent l’admiration et une élégante séduction, on observe (toujours) cette manifestation de sincérité.
3. Un homme supérieur, dans sa considération des règles, trouve celles qui sont mises directement en pratique ; celles dans lesquelles il faut s’incliner et faire quelque modification ; celles qui sont régulières et les mêmes pour toutes les classes ; celles qui sont diminuées dans un certain ordre ; celles dans lesquelles (une sorte de) transplantation a lieu, et (la cérémonie) est distribuée ; celles dans lesquelles les individus sont poussés en avant et prennent part aux règles d’un degré supérieur ; celles dans lesquelles il y a des imitations ornementales (d’objets naturels) ; celles dans lesquelles les imitations ornementales ne sont pas réalisées aussi pleinement ; et celles où l’appropriation (d’observances plus élevées) n’est pas considérée comme une usurpation[1:9].
4. Les usages des trois dynasties avaient un seul et même but, et tous les peuples les observaient. En matière de couleur, comme le blanc ou le foncé, Hsiâ l’institua et Yin l’adopta (son choix, ou ne le fit pas)[2:8].
5. Sous la dynastie Kâu, les représentants des morts siégeaient. Leurs surveillants et leurs fournisseurs de coupes n’observaient aucune règle régulière. Les usages étaient les mêmes (que ceux de Yin), et le principe sous-jacent était le même. Sous la dynastie Hsiâ, les personateurs restaient debout jusqu’à la fin du sacrifice, tandis que sous Yin, ils étaient assis. Sous Kâu, lorsque la coupe circulait parmi tous, il y avait six personateurs. Zang-dze a dit : « Les usages de Kâu pourraient être comparés à ceux d’un club d’abonnement[2:9]. »
6. Un homme supérieur dira : « Les usages de la cérémonie qui se rapprochent le plus de nos sentiments humains ne sont pas ceux des plus hauts sacrifices ; (comme on peut le voir dans) le sang du sacrifice frontalier ; la chair crue dans la grande offrande (à tous les ancêtres royaux) du temple ancestral ; la chair trempée, où les esprits sont présentés trois fois ; et la viande rôtie, où ils sont présentés une fois[3:2]. »
7. Et donc ces usages n’ont pas été conçus par
C’est-à-dire que tous sont sur un pied d’égalité comme si chacun avait payé sa contribution aux dépenses.
Des hommes supérieurs, pour exprimer leurs sentiments. Leur origine remonte aux temps les plus reculés ; par exemple, lorsque deux princes ont un entretien, sept serviteurs les accueillent et les guident. Sans eux, l’entretien serait trop simple et ennuyeux. Ils atteignent le temple ancestral après que le visiteur a décliné trois fois l’accueil de l’hôte, et que celui-ci a tenté à trois reprises de céder la place à l’autre. Sans ces courtoisies, l’entretien serait trop précipité et brusque.
De même, lorsqu’à Lû ils s’apprêtaient à accomplir le service divin (dans le faubourg), ils estimaient nécessaire de célébrer d’abord un service au collège avec son bassin semi-circulaire. Lorsqu’à Zin ils s’apprêtaient à sacrifier aux Ho, ils le faisaient d’abord au bassin de Wû. Lorsqu’à Khî ils s’apprêtaient à sacrifier au mont Thâi, ils le faisaient d’abord dans la forêt de Phei.
De plus, le fait de garder les victimes (pour l’autel du Ciel) pendant trois mois (dans l’étable) ; l’abstinence (des fidèles) pendant sept jours ; et la veillée de trois jours : tout cela montrait le degré extrême de soin (préparatoire) (pour le service).
Les arrangements rituels, en outre, de l’accueil (des invités) et de la communication entre eux et l’hôte, ainsi que pour assister et guider les pas des musiciens (aveugles), ont montré le degré extrême de bienveillance (provision)[1:10].
8. Dans les usages cérémoniels, il faut remonter à leur racine (dans l’esprit) et conserver les anciens (arrangements), sans oublier ce qu’ils étaient à l’origine. Il n’est donc pas nécessaire d’attirer l’attention sur les manifestations de chagrin[1:11] ; et celles qui (plus particulièrement) appartiennent à la cour sont accompagnées de musique. On trouve l’usage d’alcools doux et la valeur accordée à l’eau ; l’usage du couteau (ordinaire) et l’honneur exprimé par celui garni de (petites) clochettes ; le réconfort apporté par le jonc et les fines nattes de bambou, et l’emploi (spécial) de celles en paille. Par conséquent, les anciens rois, dans leur institution des règles de bienséance, avaient une idée dominante, et c’est ainsi qu’elles étaient susceptibles d’être transmises et apprises, quel que soit leur nombre.
9. L’homme supérieur dira : « Si un homme ne possède pas en lui les distinctions (incarnées dans les cérémonies), il envisagera cette incarnation sans aucune discrimination intelligente ; s’il souhaite exercer cette discrimination et ne pas suivre les règles, il n’atteindra pas son objectif. Par conséquent, si sa pratique des cérémonies n’est pas conforme aux règles, les hommes ne les respecteront pas ;
Et si ses paroles ne sont pas conformes à ces règles, les hommes ne les croiront pas. C’est pourquoi il est dit : « Les règles de cérémonie sont la plus haute expression de la vérité des choses. »
10. C’est pourquoi, autrefois, lorsque les rois instituaient des cérémonies, ils transmettaient leur idée par les qualités des objets et des pratiques qu’ils employaient. Dans leurs grandes entreprises, ils veillaient à agir en accord avec les saisons ; matin et soir, ils imitaient le soleil et la lune ; lorsqu’une situation élevée exigeait des monticules et des collines, et lorsqu’une situation plus basse exigeait des rivières et des lacs. Ainsi, chaque saison a ses pluies et ses bienfaits, et ces sages cherchaient à en tirer profit avec intelligence et toute la diligence dont ils étaient capables[1:12].
11. Les anciens rois valorisaient la vertu, honoraient ceux qui suivaient la bonne voie et employaient ceux qui faisaient preuve de talent. Ils choisissaient des hommes talentueux et vertueux, et les nommaient. Ils les rassemblaient tous et leur adressaient un discours solennel[1:13].
12. Alors, selon la hauteur du ciel, ils rendirent service au ciel, et selon la position plus basse de la terre, ils rendirent service à la terre ; profitant des collines célèbres, ils les gravirent et annoncèrent au ciel le bon gouvernement (des princes). Lorsqu’ainsi, arrivés à l’endroit propice (choisi pour leurs capitales), ils présentèrent leurs offrandes à Dieu dans le faubourg et annoncèrent au ciel (le bon gouvernement général depuis les collines célèbres), le phénix descendit, et les tortues et les dragons firent leur apparition[2:10]. Lorsqu’ils présentèrent leurs offrandes à Dieu dans le faubourg, les vents et les pluies furent dûment réglés, et le froid et la chaleur survinrent chacun en son temps, de sorte que le sage (roi) n’eut qu’à se tenir face au sud, et l’ordre régnait partout sous le ciel.
13. Le cours des corps célestes offre les leçons les plus parfaites, et les sages possédaient le plus haut degré de vertu. Au-dessus, dans la salle du temple ancestral, se trouvait la jarre, ornée de nuages et de collines à l’est, et celle avec la victime à l’ouest. Sous la salle, les grands tambours étaient suspendus à l’ouest, et les plus petits, qui leur répondaient, à l’est. Le souverain apparaissait en haut des marches de la jarre ; son épouse se trouvait dans l’appartement à l’ouest. Le grand luminaire apparaît à l’est ; la lune à l’ouest. Telles sont les différentes manières dont les processus d’obscurité et de lumière sont répartis dans la nature, et telles sont les dispositions des positions (correspondantes) du mari et de la femme. Le souverain remplit sa coupe de la jarre ornée d’un éléphant ; son épouse remplit la sienne de nuages et de collines. C’est avec une telle réciprocité que les cérémonies se déroulent en haut, tandis que la musique répond de la même manière en bas ; là est la perfection de l’harmonie.
14. L’objet des cérémonies est de remonter aux circonstances qui les ont engendrées, et celui de la musique d’exprimer le plaisir des résultats qui les ont suscitées. C’est ainsi que les anciens rois, en instituant des cérémonies, cherchaient à exprimer leur régulation des circonstances et, en cultivant la musique, à exprimer les objectifs qu’ils poursuivaient. Ainsi, l’examen de leurs cérémonies et de leur musique permet de connaître les conditions d’ordre et de désordre qui les ont engendrées. Kü Po-yü[1:14] a dit : « Un homme sage, par son intelligence, à la vue d’un objet, connaît l’habileté de l’artisan, et à la contemplation d’une action, la sagesse de son exécuteur. » D’où le dicton : « L’homme supérieur veille à la manière dont il entretient ses relations avec les autres hommes. »
15. Dans le temple ancestral, la révérence régnait. Le souverain lui-même conduisait la victime, tandis que les grands officiers l’assistaient et la suivaient, portant les offrandes de soie. Le souverain lui-même découpait (le foie) pour l’offrande (préliminaire), tandis que sa femme portait le plat dans lequel il devait être présenté. Le souverain lui-même découpait la victime, tandis que sa femme présentait les esprits.
Les hauts ministres et les hauts fonctionnaires suivaient le souverain ; leurs épouses suivaient la sienne. Quelle gravité et quelle sérénité dans leur révérence ! Quelle sincérité dans leur cœur ! Quel désir sincère ils avaient que leurs offrandes soient acceptées ! L’arrivée de la victime était annoncée (aux esprits) dans la cour ; la présentation du sang et de la chair avec les cheveux était annoncée dans la chambre ; la présentation de la soupe et de la viande bouillie, dans la salle. L’annonce était faite trois fois, chaque fois dans un lieu différent, indiquant qu’ils cherchaient les esprits sans les avoir encore trouvés. Lorsque le sacrifice était présenté dans la salle, il était répété le lendemain à l’extérieur (à la porte du temple) ; d’où la locution : « Sont-ils là ? Sont-ils ici ? »
16. Une offrande de la coupe montrait la simplicité du service ; trois offrandes servaient à l’orner ; cinq, à marquer un soin discriminant ; et sept, à montrer (la révérence pour) les esprits[1:15].
17. Le grand sacrifice quinquennal n’était-il pas un service réservé au roi ? Les trois victimes animales, le poisson et la chair, constituaient les plus riches offrandes pour le palais, venues des quatre mers et des neuf provinces. Les fruits et les céréales, présentés dans les hauts plats de bois et de bambou, étaient le produit des influences harmonieuses des quatre saisons. Le tribut de métal témoignait de la soumission harmonieuse (des princes). Les rouleaux de soie, sur lesquels étaient posées les rondelles de jade, témoignaient de l’honneur qu’ils rendaient à la vertu. La tortue était placée devant toutes les autres offrandes, en raison de sa connaissance de l’avenir ; le tribut de métal lui succédait, témoignant de son emprise sur les sentiments humains. Le vermillon, le vernis, la soie, la soie, les grands bambous et les plus petits pour les flèches – les articles que tous les États fournissent ; avec les autres articles rares, que chaque État fournissait selon ses ressources, même ceux des régions les plus reculées ; (ceux-ci suivaient le premier). Lorsque les visiteurs partirent, ils furent escortés par la musique du Sze Hsiâ[1:16]. Tous ces éléments montraient l’importance du sacrifice.
19. Un homme supérieur a dit : « Ce qui est doux peut être tempéré ; ce qui est blanc peut être coloré. Ainsi, l’homme droit et sincère peut apprendre le sens des rites. » Les rites ne doivent pas être accomplis superficiellement par l’homme qui n’est ni droit ni sincère. Il est donc primordial de choisir les personnes compétentes pour les accomplir.
20. Confucius a dit : « On peut répéter les trois cents odes et ne pas être apte à offrir le sacrifice là où il n’y a qu’une seule offrande de la coupe. On peut offrir ce sacrifice et ne pas être apte à participer à un grand sacrifice. On peut participer à un tel sacrifice et ne pas être apte à offrir un grand sacrifice aux collines. On peut l’accomplir pleinement et pourtant ne pas être capable de participer au sacrifice à Dieu. Que personne ne discute à la légère du sujet des rites[1:17]. »
21. Lorsque Dze-lû était intendant de la Maison de Kî, son chef avait coutume de commencer ses sacrifices avant le lever du jour, et lorsque le jour ne le permettait pas, de les poursuivre à la lumière des torches. Tous ceux qui y participaient, aussi forts qu’ils puissent paraître et aussi respectueux qu’ils puissent être, étaient épuisés et fatigués. Les officiers boitaient et s’appuyaient, partout où ils le pouvaient, pour accomplir leurs tâches, et le manque de respect était grand. Par la suite, lorsque Dze-lû prit leur direction, les sacrifices se déroulèrent différemment. Pour les services dans la chambre, il fit communiquer des groupes à l’extérieur et à l’intérieur de la porte ; et pour ceux dans le hall, il fit communiquer des groupes sur les marches. Dès le lever du jour, les services commençaient, et au moment de l’audience du soir, tous étaient prêts à se retirer. Lorsque Confucius apprit cette organisation, il dit : « Qui dira que ce Yû ne comprend pas les cérémonies ? »
[1:18] : Callery donne pour ce court paragraphe : « Les rites établis par les anciens rois ont leur essence intime et leur dehors ; la droiture est l’essence des rites; leur accord patent avec la raison en est le dehors. Sans essence, ils ne peuvent exister ; sans dehors ils ne peuvent fonctionner.’ Il ajoute une longue note sur la difficulté de traduction occasionnée par le caractère ### (wan), qu’il rend par « le dehors », et I par « la forme extérieure et élégante » ; et conclut en disant : « Traduise mieux qui pourra ». Je peux seulement dire que j’ai fait de mon mieux (à l’époque) avec ce paragraphe et tous les autres.
[2:11] : Voir Livre XXVIII, ii, paragraphe 38. La nature des règles 300 et 3000 est très controversée. Le « seul et même résultat » est, selon la plupart, « la révérence et la sincérité » ; selon certains, « l’adéquation ».
[2:12] : Callery prend un point de vue différent sur la deuxième phrase de ce paragraphe, et la traduit :—‘(Si quelque chose a subi des modifications, ce n’a été que) la couleur blanche ou la couleur verte (caractéristique de telle ou telle autre dynastie; en dehors de ces peu importantes, pour tout ce qui est essentiel) la dynastie des Yin s’est scrupuleusement conformée à ce qui a été établi par les Hsiâ.’ Cependant, son point de vue sur l’ensemble du paragraphe est à peu près le même que le mien.
[1:19] : Ami, et peut-être disciple de Confucius, officier de l’État de Wei. Il est mentionné dans les Entretiens confucéens et dans Mencius.
Les éditeurs de Khien-lung disent : « Dze-lû était un homme sincère et au grand cœur, et le Livre se termine par ce récit à son sujet. Depuis la mention de la préparation des rites à grande échelle et de leur grande valeur au début du Livre jusqu’à cet hommage à Dze-lû en tant que cérémonies de compréhension, tout son contenu montre que ce qui est précieux dans les rites est la combinaison de l’idée de ce qui est serré avec la forme élégante et extérieure comme suffisante pour éliminer d’un homme toute perversité et augmenter ce qu’il y a de bon dans sa nature, sans une multiplicité de formes qui porteraient atteinte à la bonté et à la sincérité naturelles, et conduiraient leur pratiquant à une perversité tortueuse. Profonde et de grande portée est l’idée de cela ! » ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
Voir pp. 392, 393, paragraphe 16. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
Le plus grand de tous les sacrifices était celui au Ciel dans un faubourg de la capitale ; le suivant était le grand sacrifice triennal ou quinquennal dans le temple ancestral ; le troisième était celui aux autels de la terre et du grain, et des collines et des rivières, qui est censé être décrit ici comme celui où « la coupe » était présentée trois fois ; et les derniers par ordre et importance étaient les petits sacrifices aux esprits individuels. Les quatre offrandes du texte étaient présentées aux trois premières ; mais pas dans le même ordre. Celle au Ciel commençait par le sang ; celle dans le temple ancestral par la chair crue. Ceux qui étaient les plus éloignés de nos sentiments humains avaient la place d’honneur dans les plus grands services. Nous devons chercher une origine plus élevée et plus profonde pour eux que nos sentiments ordinaires. ↩︎ ↩︎ ↩︎