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Tout en soumettant ici quelques observations préliminaires sur la version du Shû King présentée dans ce volume, je crois utile de commencer par un bref exposé de ce que l’on considère comme les Livres sacrés des religions de Chine. Ces religions sont au nombre de trois : le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme.
I. Je commencerai par quelques mots sur ce dernier. Traduire un seul de ses livres ne relève pas de mes compétences, et je n’en dirai pas plus. On a dit que le bouddhisme fut introduit en Chine au IIIe siècle avant J.-C. ; mais il n’obtint certainement une reconnaissance officielle dans l’empire qu’au troisième quart de notre premier siècle [1]. Ses textes furent traduits en chinois, partie après partie, au fur et à mesure qu’ils étaient obtenus d’Inde ; mais ce n’est que très longtemps après que les Chinois possédèrent, dans leur propre langue, une copie complète du canon bouddhique [2]. Les traductions du sanskrit constituent l’essentiel de la littérature bouddhique chinoise, bien qu’il existe également de nombreuses œuvres originales en chinois.
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II. Le confucianisme est la religion chinoise par excellence, et doit son nom au grand sage qui vécut aux Ve et VIe siècles avant J.-C. Confucius n’est certes pas à l’origine de ce système, ni le premier à en inculquer les principes ni à en prescrire les formes de culte. Il disait de lui-même (Entretiens, VII, i) qu’il était un transmetteur et non un créateur, quelqu’un qui croyait et aimait les anciens ; c’est pourquoi il est dit au trentième chapitre de la Doctrine du Milieu, attribuée à son petit-fils, qu’il « transmettait les doctrines de Yâo et de Shun, comme s’ils avaient été ses ancêtres, et qu’il exposait avec élégance les règles de Wăn et de Wû, les prenant pour modèles ».
Dans l’accomplissement de ce qu’il considérait comme sa mission, Confucius ne s’engagea guère à écrire les vues de l’Antiquité selon sa propre conception. Il en discutait librement avec les disciples de son école, de qui nous avons reçu une bonne partie de ses propos ; et il est possible que ses récits des vues et pratiques anciennes aient été, inconsciemment, teintés par la nature particulière de son esprit. Mais sa méthode favorite était d’attirer l’attention de ses disciples sur la littérature ancienne de la nation. Il n’affirmait ni ne rapportait rien sans pouvoir fournir un document faisant autorité. Il déclara un jour (Entretiens, III, ix) pouvoir décrire les cérémonies des dynasties Hsiâ (2205-1767 av. J.-C.) et Yin (1766-1123 av. J.-C.), mais il ne le fit pas, car les archives et les érudits des deux États de Kâu, attribués aux descendants de leurs souverains, ne pouvaient attester suffisamment ses dires. C’est une erreur de supposer qu’il a compilé les documents historiques, poèmes et autres livres anciens à partir de divers ouvrages existant à son époque. Des parties des œuvres les plus anciennes avaient déjà disparu. Son étude de celles qui subsistaient, et ses exhortations à ses disciples à les étudier également, ont contribué à leur préservation. Ce qu’il a écrit ou dit sur leur signification devrait être accueilli avec respect ; mais si toutes les œuvres qu’il a traitées nous étaient parvenues intégralement, nous aurions été, autant que possible pour des étrangers, dans la même situation que lui pour apprendre l’ancienne religion de son pays. Nos manuels seraient les mêmes que les siens. Malheureusement, la plupart des livres anciens ont subi des pertes et des dommages après la mort de Confucius. Nous avons cependant des raisons d’être reconnaissants d’en posséder un si grand nombre. Aucune autre littérature, comparable à celle-ci par son antiquité, ne nous est parvenue dans un tel état de conservation.
Mais le lecteur doit garder à l’esprit que les livres anciens de Chine ne prétendent pas avoir été inspirés, ni contenir ce que nous appellerions une Révélation. Historiens, poètes et autres les ont écrits au gré de leurs propres inspirations. Un vieux poème peut parfois contenir ce qu’il prétend avoir été dit par Dieu, mais nous ne pouvons comprendre ce langage que comme une insistance sur les déclarations auxquelles il est préfixé. Nous lisons également que le Ciel a suscité les grands souverains et maîtres de l’Antiquité et les a aidés de diverses manières à accomplir leurs entreprises ; mais tout cela ne doit pas être plus que ce qu’un homme religieux, quel que soit son pays, pourrait affirmer aujourd’hui concernant la direction, l’aide et les conseils donnés d’en haut, à lui-même et à autrui. Mais si les livres anciens chinois ne prétendent contenir aucune révélation divine, les références aux conceptions et pratiques religieuses y sont nombreuses ; et c’est à partir de celles-ci que l’étudiant doit se forger un aperçu de la religion primitive du peuple. Je vais maintenant préciser de quels livres il s’agit.
Premièrement, et de la plus haute importance, il y a le Livre des Documents Historiques, appelé le Shû et, depuis la période de la dynastie Han (commencée en 202 av. J.-C.), le Shû King. Ses documents commencent avec le règne de Yâo au vingt-quatrième siècle av. J.-C. et se prolongent jusqu’à celui du roi Hsiang de la dynastie Kâu, de 651 à 619 av. J.-C. Les premiers chapitres ne sont pas contemporains des événements qu’ils décrivent, mais les autres commencent à l’être au vingt-deuxième siècle av. J.-C. Le lecteur trouvera une traduction intégrale de cet ouvrage sans abrégé.
Deuxièmement, et presque aussi important que le Shû, il y a le Shih, ou Livre de Poésie. Il contient en tout 305 [p. xvi] pièces, dont cinq datent de la dynastie Shang (appelée aussi la dynastie Yin), 1766-1123 av. J.-C. Les autres appartiennent à la dynastie des Kâu, depuis l’époque de son fondateur, le roi Wăn, né en 1231 av. J.-C., jusqu’au règne du roi Ting, 606-586 av. J.-C. L’ensemble est divisé en quatre parties, la dernière étant consacrée aux « Odes du Temple et de l’Autel ». De nombreuses pièces des autres parties ont également un caractère religieux, mais la plupart décrivent simplement les mœurs, les coutumes et les événements de l’époque à laquelle elles appartiennent, et ne prétendent pas être incluses dans le recueil des Textes Sacrés. Dans ce volume se trouvent toutes les pièces qui illustrent les vues religieuses de leurs auteurs et les pratiques religieuses de leur époque.
Le troisième ouvrage est le Yî, communément appelé le Livre des Mutations. Confucius lui-même lui accordait une grande valeur, car il était apte à corriger et à perfectionner le caractère de l’apprenant (Entretiens, VII, XVI) ; et les étrangers le considèrent souvent comme le plus ancien de tous les classiques chinois. Mais il n’en est rien. Tel qu’il existait à l’époque du sage, et tel qu’il existe aujourd’hui, aucune partie du texte n’est antérieure à l’époque du roi Wăn, mentionné plus haut. Il contenait et contient en effet huit trigrammes attribués à Fû-hsî, généralement considéré comme le fondateur de la nation chinoise, et dont la place chronologique devrait probablement être fixée au trente-quatrième siècle avant J.-C. Les huit trigrammes sont à nouveau portés à soixante-quatre hexagrammes. Pour former ces figures, deux lignes, l’une entière (———) et l’autre divisée (—- —-), sont prises comme bases. Ces lignes sont ensuite superposées, l’une sur elle-même, l’une sur l’autre ; et quatre binogrammes sont ainsi formés. De celles-ci, par le même procédé que pour les lignes de base, on obtient huit figures, les fameux trigrammes. Trois autres répétitions du même procédé nous donnent successivement seize, trente-deux et soixante-quatre figures. Les lignes des figures augmentent ainsi selon une progression arithmétique, dont la différence commune est un, et le nombre des figures augmente selon une progression géométrique, dont le raison commune est deux. Mais quelles idées Fû-hsî attribuait à ses lignes primaires, le tout et le divisé ; quelle signification donnait-il à ses trigrammes ; qu’en était-il des soixante-quatre hexagrammes, si tant est qu’il ait lui-même formé autant de figures ; et pourquoi la multiplication des figures fut arrêtée à soixante-quatre : nous n’avons aucune connaissance de lui sur aucun de ces points. Il y a des raisons de croire qu’il existait des textes relatifs aux hexagrammes sous les dynasties Hsiâ et Shang, mais aucun d’entre eux n’a été conservé. Il se peut que le roi Wăn et son fils, tout aussi célèbre, le duc de Kâu, aient adopté une grande partie de ce qu’ils trouvaient déjà existant et l’aient incorporé à leurs propres interprétations des figures ; mais eux, et eux seuls, sont acceptés comme les auteurs du texte du Yî. Le roi Wăn, nous dit-on, à une époque où il était emprisonné par le souverain tyrannique avec lequel s’est terminée la dynastie des Shang ou Yin, a pris en main les hexagrammes toujours changeants et a ajouté à chacun une brève explication de la signification que les trigrammes qui le composaient suggéraient par leur union à son esprit ; et dans certains cas, de la marche pratique des affaires vers laquelle cette signification devait orienter. Son fils a fait pour les lignes séparées de chaque hexagramme ce que Wan avait fait pour la figure entière. Confucius aurait participé à leurs travaux environ 600 ans plus tard. Plusieurs appendices lui sont attribués, dans lesquels on tente d’expliquer l’origine des figures de Fû-hsî, et de nombreuses interprétations de Wăn et de son fils.Les premières figures linéaires, les notes de Wăn et du duc de Kâu, ainsi que les appendices confucéens, constituent le Yî.
L’ouvrage fut dès l’origine intimement lié à la pratique de la divination, qui, comme nous le savons par le Shû, pénétra largement la religion des anciens Chinois. Ceci explique en grande partie son caractère obscur et énigmatique ; mais en même temps, on y trouve, bien que de manière fragmentaire, tant d’expressions métaphysiques, physiques, morales et religieuses, que celui qui l’étudie est progressivement soumis à une puissante fascination. De plus, en raison de son utilisation en divination, il fut préservé par le tyran superstitieux de Khin des flammes auxquelles il condamna toute la littérature confucéenne en 213 av. J.-C. Il nous est donc parvenu dans son intégralité, et une traduction intégrale en sera donnée.
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Le Yî présente un intérêt supplémentaire, car il est la source d’où les philosophes relativement modernes de la dynastie Song (débutée en 960 apr. J.-C.) ont prétendu tirer ce que l’on appelle leur système « athéopolitique ». En annexe à la traduction du Yî, nous présenterons un aperçu de ce système et tenterons de vérifier la justesse de l’interprétation de ce classique par ses auteurs.
Le quatrième grand classique est le Lî Kî, ou Registre des Rites ; mais il n’est qu’un des rares ouvrages que l’on peut appeler les Livres Constitutionnels et Rituels de la Chine ancienne, en particulier sous la dynastie Kâu. Ils sont souvent mentionnés ensemble comme « les Trois Rituels ». Le premier d’entre eux est appelé Kâu Lî, les Rites de Kâu, et aussi Kâu Kwan, les Officiers de Kâu, ce dernier terme étant plus approprié. C’est le livre officiel de la dynastie Kâu. L’opinion dominante est qu’il a été écrit par le duc de Kâu ; et s’il n’a pas été composé sous sa forme actuelle par lui, il contient, sans doute, la substance des règlements qu’il a faits pour l’administration du gouvernement, après que la dynastie de Shang fut passée, par les exploits de son père et de son frère, à celle de Kâu. Sous les divers départements dans lesquels cette administration était organisée, il énumère les officiers principaux et subordonnés appartenant à chacun, et décrit leurs fonctions. Après les incendies de Khin, l’ouvrage a été retrouvé presque complet au premier siècle avant J.-C. Une bonne traduction de l’ouvrage entier a été publiée en 1851, à Paris, par M. Edouard Biot.
Le deuxième recueil rituel porte le nom de Î Lî, qui a traduit par « le Rituel du Décorum » et « les Règles de Conduite ». Il a été retrouvé plus tôt que le précédent et est tout aussi volumineux. Il contient les règles selon lesquelles un érudit ou un officier doit régir sa conduite lors des événements sociaux et officiels. À ma connaissance, il n’a pas encore été traduit dans une langue européenne.
Le troisième recueil, plus volumineux que les autres, fut également réalisé sous la dynastie Han. Au Ier siècle av. J.-C., il s’agissait d’une immense compilation de 214 livres répartis en cinq sections. Ces 214 livres furent réduits à quatre-vingt-cinq par Tâi Teh, un érudit de l’époque, et ses quatre-vingt-cinq à quarante-six par un cousin, appelé Tâi Khăng. Trois autres livres furent ajoutés vers la fin de la période Han, portant le total à quarante-neuf, qui nous sont parvenus sous le titre de Lî Kî, ou « Registre des Rites », et ont longtemps constitué, par l’autorité impériale, l’un des cinq livres du Roi. Un abrégé de cet ouvrage fut traduit par MJM Callery, à Turin, en 1853, sous le titre : « Lî Kî, ou Mémorial des Rites, traduit pour la première fois du Chinois, et accompagné de notes, de commentaires et du texte original. » L’ouvrage de Callery ne contient cependant que trente-six des quarante-neuf livres du Lî Kî, et la plupart de ces trente-six sous une forme condensée. Sera-t-il possible de donner dans ces Livres sacrés de l’Orient des traductions de l’intégralité de ces Rituels ? Et, si cela n’est pas possible, quels principes guider pour le choix de certaines parties de ces textes ? Ce sont des questions qui restent à déterminer après de plus amples délibérations. De nombreux passages contiennent davantage de réflexions de Confucius sur le culte sacrificiel de son pays et les idées qui le sous-tendent que nous n’en trouvons ailleurs.
Mais il ne faut pas oublier que ces livres rituels n’apportent pas sur l’ancienne religion chinoise un éclairage aussi précieux que les plus anciens Shû et Shih. Ils appartiennent à la période de la dynastie Kâu et ne remontent pas, comme documents contemporains, aux dynasties suivantes et à l’époque encore plus lointaine de Yâo et Shun. De plus, les opinions de Confucius, telles qu’elles y sont exposées, ne nous parviennent pas de première main. Elles ont été rassemblées par les érudits Han cinq ou six siècles après sa mort, et nous ne pouvons pas être sûrs qu’ils n’aient pas parfois introduit des idées personnelles dans la bouche du sage et ajouté des ajouts aux écrits que l’on supposait, à tort ou à raison, provenir de ses disciples immédiats.
Nous devons le cinquième et dernier des Rois de Chine à Confucius lui-même. Il s’agit de ce qu’il appelait Khun Khiû, ou « le Printemps et l’Automne », une très brève chronique compilée par lui des annales de son État natal de Lû pendant 242 ans, de 722 à 481 av. J.-C. Mais il n’y a pas grand-chose à en tirer pour les Textes Sacrés ; et si nous devions nous lancer dans les trois suppléments de Ȝo Khiû-ming, Kung-yang et Kû-liang, le résultat ne récompenserait pas le travail. Une traduction de l’ensemble du supplément de Ȝo, de loin le plus important, est donnée dans mon ouvrage sur le Khun Khiû, publié à Hong Kong en 1872.
Il existe un autre court traité attribué à Confucius : le Hsiâo King, ou « Classique de la piété filiale ». Bien qu’il ne ressemble pas à l’un des cinq grands ouvrages décrits, il fut le premier à recevoir le titre de roi, et ce, de la bouche même du sage, si l’on en croit le récit que nous en avons reçu. Ce petit ouvrage ne nous parvient pas, comme le Khun Khiû, directement de la plume de Confucius, mais sous la forme de conversations entre lui et son disciple Ȝăng-ȝze, consignées initialement, probablement, par des membres de l’école de Ȝăng. Aucune partie de la littérature ancienne n’a autant exercé l’esprit et retenu l’attention de nombreux empereurs des dynasties successives. Le Hsiâo me semble une tentative de construction d’une religion fondée sur la vertu cardinale de la piété filiale, et il est sujet à critique à bien des égards. Une traduction en est donnée dans le présent volume.
On parle souvent des livres classiques comme étant « les cinq Rois » et « les quatre Shû ». Les Rois ont tous été mentionnés séparément ci-dessus ; les quatre Shû sont l’abréviation de Shû ou Livres des quatre Philosophes. Le premier est le Lun Yü, ou « Discours et Conversations », consacré principalement aux paroles de Confucius et aux conversations entre lui et nombre de ses disciples. Le deuxième est les Œuvres de Mencius, peut-être le plus grand penseur et écrivain de l’école confucéenne après le Maître. J’espère pouvoir citer ces deux ouvrages. Le troisième des Shû est le Tâ Hsio, ou « Grand Savoir », attribué, comme le Hsiâo, à Ȝăng-ȝze. Le quatrième est le Kung Yung, ou « Doctrine du Milieu », œuvre de Ȝze-sze, le petit-fils du sage. Ces deux traités, cependant, sont tirés du Lî Kî. L’ensemble des quatre livres a été traduit et publié par moi en 1861.
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III. La troisième religion en Chine est ce qu’on appelle le taoïsme. Comme le confucianisme, il était d’origine indigène, et son fondateur reconnu était Lî R, appelé aussi Lî Po-yang, et, après sa mort, Lî Tan. Plus communément, on l’appelle Lâo-ȝze, traduit par certains par « le Vieux Philosophe », par d’autres par « le Vieux Garçon », d’après une histoire fabuleuse selon laquelle sa mère l’aurait porté dans son ventre pendant soixante-douze ans, de sorte que lorsqu’il en fut enfin arraché, ses cheveux étaient déjà blancs. Sa naissance est située en 604 av. J.-C., ce qui le rendait de cinquante à soixante ans plus âgé que Confucius. Il existe des récits, peu fiables, d’entretiens et de discussions entre les deux hommes.
Le système de Lâo-ște est souvent désigné par les auteurs anglais sous le nom de rationalisme ; mais si l’on conserve ce nom, le terme doit être pris dans un sens bien particulier. Sa doctrine était celle du Tâo, mais il est difficile de déterminer quel terme anglais exprimerait le mieux le sens du caractère chinois. Le seul témoignage que nous ayons des vues de Lâo-ște est le Tâo-teh King, ou « Classique du Tâo et de la Vertu », un traité de faible ampleur. Il fut publié à Paris en 1842, accompagné d’une traduction française par feu Stanislas Julien, sous le titre de « Livre de la Voie et de la Vertu ». Faisant appel aux vues de Kwang-ȝze et d’autres écrivains de l’école taoïste, M. Julien dit que « Le Tâo est dépourvu d’action, de pensée, de jugement, d’intelligence », et ajoute qu’« il paraît donc impossible de le prendre pour la raison primordiale, la Sublime Intelligence, qui a créé et gouverne le monde ».
Une traduction en anglais a été publiée en 1868 par le révérend Dr Chalmers de Canton, sous le titre « Spéculations en métaphysique, politique et morale du « vieux philosophe ». » Le Dr Chalmers conserve le terme Tâo dans son texte anglais et déclare : « J’ai pensé qu’il valait mieux laisser le mot Tâo non traduit, à la fois parce qu’il a donné son nom à la secte – les Tâoïstes – et parce qu’aucun mot anglais n’est son équivalent exact. Trois termes s’imposent : la Voie, la Raison et le Verbe ; mais ils sont tous sujets à objection. Si nous nous guidions par l’étymologie, « la Voie » serait le plus proche de l’original, et dans un ou deux passages, l’idée d’une Voie semble être présente dans le terme ; mais cela est trop matérialiste pour servir l’objectif d’une traduction. » La raison semble davantage être une qualité ou un attribut d’un Être conscient que le Tao. Je le traduirais par le Verbe au sens de Logos, mais ce serait comme trancher la question que je souhaite laisser ouverte, à savoir quelle ressemblance existe entre le Logos du Nouveau Testament et ce Tao, qui en est le plus proche représentant en chinois.
Deux autres traductions du Tâo-teh King sont parues, toutes deux en allemand : — Tao Teh King de Lao-tsze, aus dem Chinesischen ins Deutsche übersetzt, eingeleitet, und commentirt, von Victor von Strauss (Leipzig, 1870) » et « Lao-tseu, Tao-te-king, « Der Weg zur Tugend », aus dem Chinesischen. übersetzt und erklärt von Reinhold von Plänckner», également publié à Leipzig. Strauss suit de près Julien, tandis que Plänckner s’accorde une grande liberté dans le traitement de son original. Malgré ces quatre tentatives visant à donner le sens du « vieux philosophe » dans trois langues européennes, il reste place pour une nouvelle version, qui sera soumise au lecteur en temps utile. Ce n’est que par une étude approfondie et prolongée de l’original que nous pourrons nous mettre d’accord sur le sens du Tâo. Je propose de donner une traduction non seulement du Roi Tâo-teh, mais aussi des œuvres de Kwang-ȝze, le plus remarquable des premiers écrivains de l’école taoïste.
Quelle que soit l’intention de Lâo-ște par le Tâo, le taoïsme a, au fil du temps, largement emprunté au confucianisme et au bouddhisme. Il inculque une morale d’un ordre élevé à certains égards et a développé un système de croyances et de pratiques grotesques, favorisant la superstition et visant à raffiner et préserver le souffle de vie. Ses enseignements pratiques seront exposés dans l’ouvrage le plus populaire de tous les taoïstes : le traité sur « Les actions et leurs récompenses », et peut-être dans une ou plusieurs autres productions caractéristiques du système.
La version du Shû qui apparaît dans ce volume est sensiblement la même que celle du troisième volume de ma grande édition des Classiques chinois, publiée en 1865. Je l’ai cependant entièrement réécrite, ayant sous les yeux non seulement ma propre version, mais aussi les traductions antérieures de P. Gaubil en français et du Dr Medhurst en anglais. Je me suis également référé fréquemment à un ensemble plus vaste de commentaires natifs que celui que j’avais utilisé auparavant. En reprenant le texte, après plus de douze années consacrées principalement à l’étude continue des classiques chinois, je n’ai guère découvert d’erreurs à corriger. Quelques modifications verbales ont été apportées pour clarifier le sens. Dans un seul cas, un lecteur familier de l’ancienne version sera frappé par une quelconque modification. Le caractère chinois (Tî), appliqué à plusieurs reprises aux anciens Yâo et Shun dans les premiers livres du classique, et une fois dans le 27e Livre de la cinquième Partie, y a été traduit par « empereur », alors qu’il n’est pas traduit dans le présent volume, et son nom a été transféré dans le texte anglais.
Français Avant d’adopter ce changement, j’avais examiné si je devais traduire Tî dans tous les autres cas où il apparaît dans le Shû (et invariablement dans le Shih), et sa forme intensifiée Shang Tî ( ) par notre terme « Dieu ». Gaubil a rendu Tî la plupart du temps par « le Seigneur », et Shang Tî par « le Souverain Maître », ajoutant parfois à ces noms Tî et Shang Tî entre parenthèses. Medhurst a traduit Tî par « le Suprême » et « le Souverain Suprême », et Shang Tî par « le Souverain Suprême ». Il y a plus de vingt-cinq ans, j’en suis arrivé à la conclusion que Tî était le terme correspondant en chinois à notre « Dieu », et que Shang Tî était le même, avec l’ajout de Shang, égal à « Suprême ». Je n’ai jamais hésité dans cette opinion et j’ai traduit les deux noms par « Dieu » dans tous les volumes des classiques chinois traduits et publiés jusqu’à présent.
Ce qui m’a fait hésiter avant de le faire dans le présent volume, c’est que l’objet des « Textes sacrés des religions de l’Orient », tel que je le comprends, est de donner des traductions de ces textes sans aucune coloration au départ des opinions des traducteurs. [p. xxiv] Se pourrait-il que ma propre conception de Tî, comme signifiant Dieu, se soit développée au rythme de nos controverses en Chine quant aux caractères appropriés à utiliser pour les mots Dieu et Esprit, dans la traduction des Écritures sacrées ? Un lecteur, confronté partout au mot Dieu, pourrait être amené à avoir une opinion plus élevée de la religion primitive de la Chine qu’il ne le devrait. Devrais-je laisser les noms Tî et Shang Tî non traduits ? Ou devrais-je leur donner, au lieu de Dieu, les termes Souverain et Souverain suprême ? Je ne voyais pas comment adopter l’une ou l’autre de ces voies.
Français Le terme Ciel ( , prononcé Thien) est utilisé partout dans les classiques chinois pour désigner le Pouvoir suprême, qui gouverne toutes les affaires des hommes avec une droiture et une bonté omnipotentes et omniscientes ; et ce terme vague est constamment interchangé dans le même paragraphe, pour ne pas dire la même phrase, avec les noms personnels Tî et Shang Tî. Thien et Tî dans leurs formes écrites sont parfaitement distincts. Tous deux étaient parmi les premiers caractères et entrent, bien que pas en grande partie, comme élément phonétique dans d’autres caractères de formation ultérieure. Français Selon le plus ancien dictionnaire chinois, le Shwo Wăn (100 après J.-C.), Thien est formé, « par association d’idées », de yî (
), « un », et tâ (
), « grand », signifiant ce qui est un et indivisible, et grand. Tâi Thung, de notre XIIIe siècle, dans son remarquable dictionnaire, le Liû Shû Kû, explique que la ligne supérieure de ce caractère indique « ce qui est au-dessus », de sorte que la signification du caractère est ce qui est au-dessus et grand. Français Dans ces deux dictionnaires, Tî (
) est dérivé de
ou
(shang), « au-dessus » ou « ce qui est au-dessus » : et ils disent que le caractère entier est de formation phonétique, ce dans quoi je ne suis pas en mesure de les suivre [3] ; [p. xxv] mais Tâi Thung donne le compte rendu suivant de sa signification : « Tî est la désignation honorable de la seigneurie et du règne », ajoutant : « C’est pourquoi le Ciel est appelé Shang Tî ; les cinq Puissances Élémentaires sont appelées les cinq Tî ; et le Fils du Ciel [4]\—c’est-à-dire le Souverain—est appelé Tî.’ Voici donc le nom Ciel, par lequel l’idée de Pouvoir Suprême dans l’absolu est vaguement exprimée ; et lorsque les Chinois veulent en parler par un nom personnel, ils utilisent les termes Tî et Shang Tî ; disant, je crois, ce que nos premiers pères ont fait, lorsqu’ils ont commencé à utiliser le mot Dieu. Tî est le nom qui a été employé en Chine pour ce concept pendant au moins 5000 ans. Notre mot Dieu s’intègre, naturellement dans chaque passage où le caractère apparaît dans les anciens classiques chinois, sauf ceux auxquels j’ai fait référence plus haut à la p. xxiii. Il n’est jamais devenu pour le peuple un nom propre comme le Zeus des Grecs. Je ne peux pas plus traduire Tî ou Shang Tî par un autre mot que Dieu que je ne peux traduire _z_ăn (
) par autre chose que homme.
Ce qui précède est un bref résumé du raisonnement qui m’a conduit à conserver le terme « Dieu » pour Tî et Shang Tî dans ce volume, sauf dans les cas qui ont nécessité ces observations. Mais dans le récit de Tî que j’ai tiré du Tâi Thung, il est dit que « le souverain est aussi appelé Tî » ; et la plupart de mes lecteurs savent que Hwang Tî ( ) est le titre de l’empereur de Chine. Comment ce nom est-il né ? Était-ce d’abord une désignation du souverain ou de l’empereur ; et était-il ensuite donné au Pouvoir suprême, lorsque le vague Ciel ne parvenait pas à satisfaire le penseur et l’adorateur, [p. xxvi] et qu’il souhaitait exprimer sa reconnaissance d’un Être personnel qui était pour lui-même son souverain tout-puissant ? Si ces questions reçoivent une réponse affirmative, Tî serait un nom appliqué à l’Être suprême, tout comme nous nous élevons de la relation paternelle entre nous et l’appelons Père. Ou, au contraire, Tî était-il la désignation du Seigneur et Souverain suprême, correspondant à notre Dieu, et fut-il ensuite appliqué au souverain terrestre, le déifiant ainsi, tout comme le titre Divus fut donné à un empereur romain ? Je crois que c’est de cette dernière manière que Tî en vint à être utilisé pour les souverains de Chine ; c’est pourquoi, en publiant à nouveau une traduction du Shû, j’ai décidé que, là où l’appellation y est donnée à Yâo et Shun, et qu’elle ne s’applique qu’à eux, je conserverais le terme chinois au lieu de le traduire, comme auparavant, par « empereur ».
Voici les raisons qui m’ont poussé à prendre cette résolution :
Premièrement, le premier souverain réellement historique de la Chine qui utilisa le titre de Hwang Tî fut le fondateur de la dynastie Khin ; et il l’assuma en 221 av. J.-C., lorsqu’il eut soumis toutes les souverainetés en lesquelles le royaume féodal de Kâu s’était divisé, et qu’il institua l’empire despotique qui a subsisté depuis.
La dynastie Kâu a perduré pendant 867 ans, de 1122 à 256 av. J.-C., et ses dirigeants étaient appelés Wang ou rois.
Kâu a remplacé la dynastie des Shang ou Yin, qui avait duré 644 ans, de 1766 av. J.-C. à 1123 ; et ses dirigeants avaient également été appelés Wang ou rois.
Shang a remplacé la dynastie des Hsiâ, qui avait duré 439 ans, de 2205 av. J.-C. à 1767, et ses dirigeants avaient été appelés Wang, ou rois, et Hâu, ou souverains.
Ainsi, de la grande dynastie Yü, de 2205 à 221 av. J.-C., soit pendant près de 2000 ans, il n’y eut ni Tî ni empereur en Chine. Durant tout ce temps, la population avait globalement augmenté en nombre et la nation en territoire. Comment se fait-il que le titre supérieur, s’il avait existé auparavant, ait cédé la place à un titre inférieur ?
[p. xxvii]
Avant la dynastie des Hsiâ, à l’exception de la période de Yâo et de Shun, les récits que nous possédons de l’histoire de la Chine ont été, et devraient être, qualifiés de « fabuleux » et de « légendaires ». Les plus anciens documents se prétendant historiques sont les livres du Shû consacrés à Yâo et Shun, et même ceux-ci ne prétendent pas être contemporains de ces personnages. Les premiers récits s’ouvrent sur un Phan-kû, à l’époque duquel « le ciel et la terre furent séparés pour la première fois ». À lui succéda la période des San Hwang, ou Trois Lignées Augustes, composées de douze Souverains Célestes, onze Souverains Terrestres et neuf Souverains Humains, qui régnèrent ensemble pendant environ 50 000 ans. Viennent ensuite une multitude de Lignées différentes, jusqu’aux Wû Tî, ou Cinq Empereurs. Le premier d’entre eux est communément appelé Fû-hsî, tandis que lui et deux autres sont parfois considérés comme les San Hwang, afin de faire apparaître Yâo et Shun comme les deux derniers des Tî.
Je suis entré dans ces détails à cause du récit que nous avons de l’accession du roi de Khin au titre de Hwang Tî. On nous dit : « Dès que le roi eut soumis tout le pays, pensant réunir en lui les vertus des trois Hwang et que ses mérites surpassaient ceux des cinq Tî, il changea son titre en Hwang Tî. » Les trois Hwang sont entièrement fabuleux, et les cinq Tî sont, pour le moins, légendaires. On ne peut admettre qu’il y ait eu des Hwang ou des Tî au pouvoir en Chine avant l’époque de la dynastie Hsiâ.
Deuxièmement, il a été dit plus haut, et cela est démontré dans l’Introduction au Shû, pp. 13-19, que les livres du Shû, antérieurs à la dynastie Hsiâ, ne sont pas historiques au sens où ils seraient des documents contemporains de l’époque dont ils parlent. Ils prétendent être de simples compilations de documents plus anciens ; et lorsqu’ils parlent de Yâo et Shun comme de Tî, le titre Tî précède le nom ou la désignation, au lieu de le suivre, comme il devrait le faire, selon l’usage chinois, si Tî doit être pris au sens d’empereur. Yâo Tî serait « l’empereur Yâo », mais nous avons Tî Yâo, où Tî joue le rôle d’un adjectif. Le roi Wăn, le fondateur de la dynastie Kâu, est [p. xxviii] est invariablement mentionné comme Wăn Wang, « Wăn le roi ». Dire Wang Wăn serait immédiatement ressenti par tout érudit chinois comme inadmissible ; et Tî Yâo ne l’est pas moins pour « l’empereur Yâo ». C’est la perception de cette violation de l’usage dans la composition chinoise, il y a cinq ans, qui m’a montré pour la première fois l’erreur de traduire Tî Yâo et Tî Shun par « l’empereur Yâo » et « l’empereur Shun ». Il est vrai que dans les premiers livres du Shû, nous avons Tî utilisé seul, sans l’adjonction de Yâo ou Shun, et se référant à ces personnages. Dans ces cas, il joue bien le rôle d’un substantif, mais sa signification dépend de ce qui lui appartenait en tant qu’adjectif dans les expressions Tî Yâo et Tî Shun. Si l’on s’assure que dans ces termes, il signifie « le Déifié », alors lorsqu’il est utilisé seul comme nom, il signifiera Divus, ou le Divin.
Troisièmement, on a vu que les souverains des dynasties Hsiâ, Shang et Kâu étaient appelés Wang et non Tî. Confucius parle à plusieurs reprises de Yâo et de Shun dans les Entretiens, mais il ne les appelle jamais Tî. Mencius, cependant, l’utilise à la fois pour l’un et l’autre, lorsqu’il cite en substance les récits du Shû les concernant. Cela confirme l’idée que les premiers livres du Shû étaient courants après le milieu de la dynastie Kâu, sous la forme actuelle ; et la question se pose de savoir si nous pouvons montrer comment le titre Tî, tel qu’il y est donné, est apparu à Yâo et Shun. Nous le pouvons.
Le quatrième Livre du Li Kî s’intitule Yüeh Ling, « Le Registre mensuel des actes du gouvernement ». Il contient certaines observances sacrificielles honorées aux cinq Tîs, réparties au cours des quatre saisons. Les Tîs sont Fû-hsî, Shăn-năng, Yû-hsiung ou Hsien-yüan, Kin-thien et Kâo-yang, appelés Thâi Hâo (le Très Resplendissant), Yen Tî (le Tî Flamboyant), Hwang Tî (le Tî Jaune), Shâo Hâo (le Moins Resplendissant) et Kwan Hsü (le Seul Correct) ; à chaque Tî est associé dans la cérémonie un personnage de rang inférieur, appelé Shăn ( = un Esprit). Le langage descriptif de la cérémonie est le même dans tous les cas, à l’exception des noms et des [p. xxix] mois. Ainsi, la première entrée est : « Au premier mois du printemps, à tels et tels jours, le Tî est Thâi Hâo, et le Shân est Kâu-mang. » Or, ce Kâu-mang était un fils de Shâo Hâo, plusieurs centaines d’années plus tard que Thâi Hâo, de sorte que leur association dans cette cérémonie ne pouvait survenir qu’à des époques ultérieures.
Quelle que soit la manière dont nous expliquons la cérémonie ainsi brièvement décrite ; que nous y voyions la prévalence croissante du culte de la nature ou une illustration de la pratique du culte des héros et des dignitaires antiques : Tî apparaît dans le récit clairement utilisé dans le sens de Dieu. Dans chacun des cinq cas, nous avons un Tî et un Shan, non pas un empereur et un esprit, mais un Dieu et un Esprit, un Esprit se trouvant dans la même relation au Dieu que Khăn ( = un sujet ou un ministre) se trouve dans la relation d’un souverain. C’est ainsi que, par un processus de déification, le titre de Tî en vint à être donné, à l’époque de la dynastie Kâu, aux grands noms, fabuleux et légendaires, de l’Antiquité ; et c’est ainsi qu’il fut appliqué aux héros Yâo et Shun. Il se peut bien que le titre Hwang Tî, utilisé par un Chinois de l’empereur actuel ou de tout empereur du passé, n’évoque pas dans son esprit d’autre idée que celle d’un souverain humain ; mais étant convaincu de la signification propre de Tî en tant que Dieu, et du processus par lequel le titre en est venu à être appliqué aux anciens Yâo et Shun, je ne pouvais plus le rendre, lorsqu’il était utilisé à leur sujet dans le Shû, par empereur, et j’ai choisi de le laisser non traduit dans le présent volume.
Il est inutile de mentionner les modifications mineures de traduction. Les dates av. J.-C. figurant dans les introductions et les notes sont toutes supérieures d’un an à celles des traductions publiées antérieurement. Elles sont ainsi mises en accord avec celles de P. Gaubil et les utiles Tables chronologiques chinoises de feu M. Mayers.
Les changements dans la translittération des noms chinois sont considérables. Comme des étrangers résident désormais à Pékin, il a semblé approprié d’adopter la prononciation de la majuscule [p. xxx] telle que donnée par Sir TF Wade dans son ouvrage Hsin Ching Lu et Tzŭ Erh Chi. Parallèlement, afin d’assurer une uniformité aussi proche que possible dans tous les volumes des Livres sacrés de l’Orient, les lettres employées ont été adaptées pour être conformes à celles du Schéma de translittération des alphabets orientaux du professeur Max Müller. Ce ne fut pas facile au début, car le chinois, n’ayant pas d’alphabet, répugnait à se laisser faire comme s’il en avait un ; mais l’usage m’a plus que réconcilié avec la méthode actuelle. Il n’a pas été possible d’introduire dans le tableau toutes les diphtongues dont le langage chinois est riche. Il faut informer le lecteur que le i placé devant une autre voyelle ou une diphtongue se rapproche du son de y, de sorte que l’énoncé reste monosyllabique. Les puissances de R et de ze doivent être entendues avant de pouvoir être appréciées.
Pour attirer l’attention du lecteur sur des passages du Shû qui incarnent, plus ou moins distinctement, des idées religieuses, on leur ajoutera un astérisque (*).
J_L_.
OXFORD,
18 avril 1879.
xiii:1 Je place l’introduction du bouddhisme en Chine avant notre ère chrétienne de manière aussi incertaine, en raison de ce qui est dit dans l’article sur l’histoire du bouddhisme en Chine, dans les Annales de la dynastie Sui (589-618 apr. J.-C.), dont les compilateurs disent qu’avant la dynastie Han (commencée en 202 av. J.-C.), le bouddhisme n’était pas entendu parler en Chine. Ils se réfèrent aux déclarations contraires comme à ce que « certains disent », et continuent à relater des circonstances incompatibles avec elles. Il est reconnu de tous côtés que les livres bouddhistes ont été introduits pour la première fois en Chine entre 60 et 70 apr. J.-C. ↩︎
xiii:2 M. Beal (Catena of Buddhist Scriptures from the Chinese, pp. 1, 2) dit que « la première édition complète du Canon bouddhiste en Chine date du septième siècle ; qu’une deuxième édition, très augmentée, appelée la Collection du Sud, a été préparée en 1410 après J.-C. ; qu’une troisième édition, appelée la Collection du Nord, est apparue vers 1590 après J.-C. ; qui a été à nouveau renouvelée et augmentée en 1723. » ↩︎
xxiv:1 Il est dit dans le Shwo Wăn que l’élément phonétique de Tî est ; mais celui-ci se prononce Ȝhze. Ni dans la forme ni dans le son, il n’y a de similitude entre lui et Tî. Une erreur s’est probablement glissée dans le texte. Le Dr Chalmers, dans son traité sur « l’Origine des Chinois », tente (p. 12) d’analyser le caractère en ses parties constituantes de la manière suivante : « La nature particulière de la langue écrite chinoise a rendu de bons services en stéréotypant le p primitif. xxv croyance en un Tî Suprême (
), qui est
« grand », au-dessus, et
, « régnant », le ciel (
=
) et la terre (
)’ Ceci est ingénieux, mais pas entièrement satisfaisant. Les trois dernières étapes sont ainsi ; mais la découverte
(grande) dans la partie supérieure de
n’apporte pas de la même manière la conviction à l’esprit. ↩︎
xxv:1 Thien Ȝze, « le Fils du Ciel », est une désignation courante du souverain de Chine. À l’origine, Ȝze jouait le rôle d’un verbe dans l’expression, et Thien Ȝze équivalait à « celui que le Ciel a pour fils », c’est-à-dire qu’il considère et traite comme son fils. Voir le deuxième vers de l’ode, p. 318. ↩︎