Livre XXX. Le discours du marquis de Khin | Page de titre | Chapitre II. Le Shih avant Confucius et quels furent ses travaux, le cas échéant |
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1. Parmi les livres classiques chinois, immédiatement après le Shû en termes d’antiquité, vient le Shih ou Livre de poésie.
La signification du caractère Shih.
Le caractère Shû [^304], formé par la combinaison de deux autres, dont l’un signifiait « un crayon » et l’autre « parler », fournissait, comme nous l’avons vu dans sa structure, une indication de sa signification première et fournissait un indice pour ses différentes applications. Le caractère Shih [^305] a été créé selon un principe différent, celui de la formation phonétique, au sens particulier de ces mots lorsqu’ils sont appliqués à une large classe de termes chinois. La partie significative est le caractère pour « parole », mais l’autre moitié est simplement phonétique, ce qui nous permet d’approcher sa prononciation ou son nom. La signification du composé doit être déduite de son usage. Ses significations les plus courantes sont « poésie », « un ou des poèmes », et « un recueil de poèmes ». C’est ce dernier terme qui est utilisé lorsqu’on parle du Shih ou du Roi Shih.
La plus ancienne expression chinoise que nous possédions sur la poésie est celle du Shû, écrite par l’ancien Shun, lorsqu’il dit à son ministre de la Musique : « La poésie est l’expression d’une pensée sincère, et le chant est l’expression prolongée de cette expression. » On trouve le même effet dans une préface du Shih, parfois attribuée à Confucius et certainement plus ancienne que notre ère chrétienne : « La poésie est le produit d’une pensée sincère. La pensée chérie dans l’esprit devient sincère ; puis exprimée par des mots, elle devient poésie. Les sentiments se manifestent intérieurement et s’incarnent dans les mots. Lorsque les mots ne suffisent pas, on a recours aux soupirs et aux exclamations. Lorsque les soupirs et les exclamations ne suffisent pas, on a recours à l’expression prolongée du chant. Lorsque cela est à nouveau insuffisant, inconsciemment les mains se mettent à bouger et les pieds à danser. » . . . Pour exposer correctement les succès et les échecs (du gouvernement), pour influencer le Ciel et la Terre, et pour émouvoir les êtres spirituels, il n’y a pas d’instrument plus efficace que la poésie.
Il convient d’ajouter ici que la rime est un élément indispensable de la poésie aux yeux des Chinois. Elle n’est négligée que dans quelques rares pièces du Shih.
Le contenu du Shih.
2. Le Shih King contient 305 pièces et les titres de six autres. Les plus récentes sont attribuées au règne du roi Ting de la dynastie Kâu, de 606 à 586 av. J.-C., et les plus anciennes, ne comptant que cinq pièces, à la période de la dynastie Shang, qui précéda celle de Kâu, de 1766 à 1123 av. J.-C. Parmi ces cinq pièces, la plus récente doit être attribuée au XIIe siècle av. J.-C., et la plus ancienne pourrait avoir été composée cinq siècles plus tôt. Toutes les autres pièces du Shih doivent être réparties sur la période comprise entre Ting et le roi Wăn, fondateur de la lignée des Kâu. Cette répartition, cependant, n’est ni égale ni continue. Il y eut des règnes dont nous ne possédons pas un seul fragment poétique.
L’ensemble de la collection est divisé en quatre parties, appelées le Kwo Făng, le Hsiâo Yâ, le Tâ Yâ et le Sung.
Le Kwo Făng, en quinze livres, contient 160 pièces, presque toutes courtes, décrivant les mœurs et les événements de plusieurs États féodaux de Kâu. Le titre a été traduit par « Les Mœurs des Royaumes » et, ce que je préfère, par « Lessons from the States ».
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Le Hsiâo Yâ, ou Petit Yâ, en huit Livres, contient soixante-quatorze morceaux et les titres de six autres, chantés lors des assemblées des princes féodaux et de leurs apparitions à la cour royale. Ils furent produits sur le territoire royal et décrivent les mœurs et usages du gouvernement sous les règnes successifs. Il est difficile de trouver un mot anglais qui puisse décrire le Yâ chinois tel qu’il est employé ici. Dans sa traduction latine du Shih, p. Lacharme traduit Hsiâo Yâ par « Quod rectum est, sed inferiore ordine », ajoutant en note : « Siâo Yâ, latine Parvum Rectum, quia in hac Parte mores describuntur, recti illi quidem, qui tamen nonnihil a recto deflectunt. » Mais les mœurs décrites ne sont pas moins correctes ou incorrectes, selon le cas, que celles des États de la première partie ou du royaume de la suivante. Je préfère appeler cette partie « Odes mineures du Royaume », sans tenter de traduire le terme Yâ.
Le Tâ Yâ ou Grand Yâ, en trois Livres, contient trente et un morceaux, chantés lors des grandes occasions à la cour royale et en présence du roi. p. Lacharme l’appelait « Magnum Rectum (Quod rectum est superiore ordine) ». Mais on trouve ici la même objection à l’emploi du mot « correct » que dans le cas des morceaux de la partie précédente. J’emploie le nom de « Odes Majeures du Royaume ». La longueur et la dignité plus grandes de la plupart des morceaux justifient la distinction des deux parties : mineure et majeure.
Le Sung, également en trois Livres, contient quarante pièces, dont trente et une appartiennent aux services sacrificiels à la cour royale de Kâu ; quatre à ceux des marquis de Lû ; et cinq aux sacrifices correspondants des rois de Shang. p. Lacharme les a correctement dénommés « Parentales Cantus ». Dans la préface du Shih, à laquelle j’ai fait référence plus haut, il est dit : « Les Sung sont des pièces d’admiration pour la manifestation incarnée de la vertu complète, annonçant aux Intelligences spirituelles leur accomplissement. » Le compte rendu du Sung par Kû Hsî était : « Chants pour la musique du temple ancestral » ; et celui de Kiang Yung de la dynastie actuelle : « Chants pour la musique des sacrifices. » J’ai réuni ces deux définitions et appelé la partie : « Odes du temple et de l’autel ». Il y a [ p. 278 ] une différence entre les pièces de Lû et les deux autres recueils de cette partie, sur laquelle j’attirerai l’attention en en donnant la traduction.
Seules les pièces de la quatrième partie ont un caractère prétendument religieux.
D’après le récit ci-dessus du contenu du Shih, on constate que seuls les passages de la dernière des quatre parties sont prétendument de caractère religieux. Cependant, nombre de ceux des autres parties, notamment les deuxième et troisième, décrivent des services religieux et expriment les idées religieuses de leurs auteurs.
Classification des pièces selon leur forme et leur style.
3. Certaines des pièces du Shih sont des ballades, certaines sont des chansons, certaines sont des hymnes, et d’autres encore, la nature peut difficilement être indiquée par une dénomination anglaise. On les a souvent désignées sous le nom général d’odes, entendant par ce terme des poèmes lyriques mis en musique.
Si j’aborde ce point ici, c’est parce que la première mention du Shih, en tant que recueil déjà constitué ou en cours de constitution, que l’on trouve dans la littérature chinoise. Dans le Livre Officiel de Kâu, généralement considéré comme un ouvrage du XIIe ou XIe siècle av. J.-C., parmi les devoirs du Grand Maître de Musique figure « l’enseignement » (c’est-à-dire aux musiciens) des « six classes de poèmes : le Făng ; le Fû ; le Pî ; le Hsing ; le Yâ ; et le Sung ». Le recueil du Shih, tel qu’il est aujourd’hui, existait aussi tôt que la date attribuée au Livre Officiel ne pouvait l’être ; mais nous en trouvons le même récit dans la préface dite confucéenne. Le Făng, le Yâ et le Sung sont les quatre parties du classique décrit au paragraphe précédent, le Yâ englobant les Odes mineures et majeures du Royaume. Mais qu’étaient donc le Fû, le Pî et le Hsing ? On pourrait supposer qu’il s’agissait des noms de trois autres Parties ou Livres distincts. Mais il n’en était rien. Des pièces ainsi distinguées se retrouvent dans les quatre Parties, bien qu’elles soient plus nombreuses dans les deux premières que dans les autres.
Les Fû peuvent être décrits comme des pièces narratives, dans lesquelles les auteurs racontent ce qu’ils ont à dire de manière simple et directe, sans aucun sens caché réservé à l’esprit. La métaphore et autres figures de style entrent dans leur composition aussi librement que dans les poèmes descriptifs de toute autre langue.
Les Pî sont des pièces métaphoriques, dans lesquelles le poète donne à son langage un sens différent de celui qu’il exprime, sens que rien dans ce langage ne devrait indiquer. On peut comparer une telle pièce à la fable ésopique ; mais, si l’objet de la fable est d’inculquer les vertus de moralité et de prudence, il faut chercher une interprétation historique pour les pièces métaphoriques du Shih. En outre, la morale de la fable y est généralement ajoutée, ce qui n’est jamais le cas dans ces pièces.
Les Hsing ont été appelés pièces allusives. Elles sont très remarquables et plus nombreuses que les pièces métaphoriques. Elles commencent souvent par quelques vers répétés sans changement, ou avec de légers changements rythmiques, dans toutes les strophes. Dans d’autres pièces, différentes strophes comportent des vers allusifs qui leur sont propres. Ces vers décrivent, pour la plupart, un objet ou une circonstance du monde animal ou végétal, après quoi le poète aborde son propre sujet. Généralement, les vers allusifs véhiculent un sens en harmonie avec ceux qui suivent, là où un poète anglais commencerait ses vers par « Comme » ou « Comme ». Elles sont en réalité métaphoriques, mais la différence entre une pièce allusive et une pièce métaphorique réside dans le fait que, dans la première, l’auteur expose le thème qui l’occupe, tandis que dans la seconde, aucune indication de ce genre n’est donnée. Il est parfois difficile, voire impossible, de déceler l’idée métaphorique dans les vers allusifs, et nous ne pouvons alors les traiter que comme une sorte de refrain.
En quittant ce sujet, il suffit de dire que les éléments allusifs, métaphoriques et narratifs se retrouvent parfois tous dans la même pièce.
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