L’État de Khin, à l’époque à laquelle se rapporte ce discours, était l’un des plus puissants du royaume et promettait déjà son expansion. Finalement, l’un de ses princes renversa la dynastie de Kâu et mit fin à la Chine féodale. Sa première capitale se trouvait dans l’actuel district de Khăng-shui, Khin Kâu, Kan-sû.
Khin et Kin étaient engagés ensemble en 631 av. J.-C. dans le siège de la capitale de Kăng et menaçaient d’anéantir cet État. Le marquis de Kin, cependant, fut soudainement amené à retirer ses troupes, laissant trois de ses officiers en relations amicales avec la cour de Kăng et engagés à défendre l’État contre toute agression. Ces hommes jouèrent le rôle d’espions dans l’intérêt de Khin, et en 629 av. J.-C., l’un d’eux, appelé Khî-ȝze, fit savoir qu’il était responsable de l’une des portes, et que si une armée était envoyée pour surprendre la capitale, Kang pourrait être ajoutée aux territoires de Khin. Le marquis – connu dans l’histoire sous le nom de duc Mû – soumit l’affaire à ses conseillers. Les plus expérimentés d’entre eux, Pâi-lî Hsi et Khien-shû, étaient contre l’idée de profiter de la trahison proposée ; mais le marquis écouta plutôt les incitations de l’ambition ; et l’année suivante, il envoya une importante force, sous le commandement de ses trois commandants les plus compétents, espérant trouver Kăng désemparé. La tentative, cependant, échoua ; et l’armée, sur le chemin du retour vers Khin, fut attaquée par les forces de Kin et subit une terrible défaite. Elle fut presque anéantie et les trois commandants furent faits prisonniers.
Le marquis de Kin avait l’intention de mettre ces captifs à mort, mais il les envoya finalement à Khin, afin que le duc Mû les sacrifiât lui-même à sa colère pour leur insuccès. Mû, cependant, n’en fit rien. Il quitta sa capitale pour aller à la rencontre des généraux disgraciés et les réconforta, affirmant que la responsabilité de leur défaite lui incombait, lui qui avait refusé d’écouter les conseils de ses sages conseillers. Puis, dit-on, il prononça le discours conservé ici à l’intention de tous ses ministres, décrivant le bon et le mauvais ministre, et les différentes conséquences de leur écoute, et déplorant avoir lui-même stupidement rejeté les conseils de ses vieux conseillers pour suivre ceux d’hommes nouveaux ; chose qu’il ne referait plus jamais.
Le duc [^301] dit : « Ah ! mes officiers, écoutez-moi sans bruit. Je vous annonce solennellement la plus importante de toutes les paroles. (C’est ce que) les anciens ont dit : « Ainsi en est-il de tous les peuples : ils aiment généralement leur confort. Il n’y a aucune difficulté à réprimander les autres, mais recevoir la réprimande et la laisser libre cours, c’est difficile. » Mon cœur est triste, car les jours et les mois sont passés, et il est peu probable qu’ils reviennent (pour que je puisse suivre une autre voie).
« Il y avait mes anciens conseillers [^302]. Je disais : « Ils ne s’accommoderont pas de moi », et je les haïssais. Il y avait mes nouveaux conseillers, et je voulais pour le moment leur accorder ma confiance [^303]. Il en était ainsi pour moi ; mais désormais, je prendrai conseil auprès des hommes aux cheveux blonds, et alors je serai exempt de toute erreur. Ce bon vieil officier ! Ses forces sont épuisées, mais je préférerais l’avoir (comme conseiller). Ce brave officier ! Son tir et sa conduite de char sont impeccables, mais je préférerais ne pas l’avoir. Quant aux hommes argutiers, habiles en mots rusés et capables de faire changer d’avis l’homme de bien, que dois-je faire pour en tirer grand profit ? »
« J’ai profondément réfléchi et conclu : Qu’il ne me reste qu’un seul ministre résolu, simple et sincère, sans autre capacité, mais ayant un esprit droit et doté de générosité, considérant les talents des autres comme s’il les possédait lui-même ; et lorsqu’il trouve des hommes accomplis et sages, les aimant dans son cœur plus que sa bouche ne l’exprime, se montrant réellement capable de les supporter : un tel ministre serait capable de préserver mes descendants et mon peuple, et serait en effet un dispensateur de bienfaits.
« Mais si (le ministre), lorsqu’il trouve des hommes de talent, est jaloux et les hait ; si, lorsqu’il trouve des hommes accomplis et sages, il s’oppose à eux et ne permet pas leur avancement, se montrant réellement incapable de les supporter : un tel homme ne sera pas capable de protéger mes descendants et mon peuple ; et ne sera-t-il pas un homme dangereux ?
« Le déclin et la chute d’un État peuvent provenir d’un seul homme. La gloire et la tranquillité d’un État peuvent également provenir de la bonté d’un seul homme. »