SHÛ KING, le nom de l’ouvrage tout entier, a été suffisamment expliqué dans l’introduction. Le nom de cette partie, la première des cinq qui la composent, est le Livre de Thang, Thang étant pris comme la désignation dynastique de Yâo, qui, avant son élévation au trône, avait été marquis du petit État de Thang, dont le nom est censé être encore conservé à Thang, l’un des districts du département de Pâo-ting, dans le Kih-lî. On dit qu’après son élévation, il établit sa capitale à Phing-yang, lat. 36º 06’, long. 111º 33’, dans le Shan-hsî. Mais tout cela est très incertain. Voir la partie III, Livre iii, ch. 2. Le seul Livre, qui constitue cette partie, est appelé le Canon de Yâo. Le caractère que nous traduisons par « Canon » désigne un document de la plus haute importance, dont le contenu mérite la plus grande considération. Ce nom n’est donné expressément qu’à un seul autre livre du Shû. Les Canons constituent la première des six classes de documents que contient le Shû.
Yâo est le sujet du Livre : — Au ch. 1, dans son caractère personnel et les résultats généraux de son gouvernement ; au ch. 2, dans son souci particulier de la réglementation du calendrier et des travaux agricoles ; au ch. 3, dans son souci de trouver quelqu’un qui pourrait faire face aux ravages d’une terrible inondation et prendre sa place sur le trône. Le troisième chapitre présente à notre attention Shun, le successeur de Yâo. [ p. 32 ] 1. En examinant l’antiquité, (nous trouvons que) le Tî Yâo [1] était appelé Fang-hsün [2]. Il était respectueux, intelligent, accompli et réfléchi, — naturellement et sans effort. Il était sincèrement courtois et capable de (toute) complaisance. L’influence lumineuse de ces qualités se faisait sentir dans les quatre coins du pays et atteignait le ciel en haut et la terre en bas.
Il a distingué les hommes capables et vertueux, et de là est venu l’amour des neuf classes de sa parenté, qui sont ainsi devenues harmonieuses. Il a également régulé et poli les gens (de son domaine), qui sont tous devenus brillants d’intelligence. (Enfin), il a uni et harmonisé les myriades d’États ; et ainsi le peuple aux cheveux noirs a été transformé. Le résultat fut la concorde (universelle).
2. Il ordonna aux Hsîs et aux Hos [3], en accord respectueux avec (leur observation des) vastes cieux, de calculer et de délimiter (les mouvements et les apparences du) soleil, de la lune, des étoiles et des espaces zodiacaux, et ainsi de délivrer respectueusement les saisons à observer par le peuple.
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Il ordonna séparément au second frère Hsî de résider à Yü-î [4], dans ce qu’on appelait la Vallée Lumineuse, et (là) d’accueillir respectueusement le soleil levant comme un invité, et d’ajuster et d’organiser les travaux du printemps. « Le jour », (dit-il), « est de longueur moyenne, et l’étoile est dans Niâo ; — vous pouvez ainsi déterminer exactement le milieu du printemps. Les gens sont dispersés (dans les champs), et les oiseaux et les bêtes se reproduisent et copulent. »
Il ordonna en outre au troisième frère, Hsî, de résider à Nan-_k_iâo [5] (dans ce qu’on appelait la Brillante Capitale), pour ajuster et organiser les transformations de l’été, et pour observer respectueusement la limite exacte (de l’ombre). « Le jour », dit-il, « est à son plus long, et l’étoile est à Hwo ; vous pouvez ainsi déterminer exactement le milieu de l’été. Les gens sont plus dispersés ; et les oiseaux et les bêtes ont leurs plumes et leurs poils clairsemés, et changent de pelage. »
Il ordonna séparément au second frère Ho de résider à l’ouest, dans ce qu’on appelait la Vallée Sombre, et d’y accompagner respectueusement le soleil couchant, ainsi que d’organiser les travaux d’achèvement de l’automne. « La nuit, dit-il, est de longueur moyenne, et l’étoile est In Hsü ; vous pouvez ainsi déterminer avec précision le milieu de l’automne. Les gens se sentent à l’aise, et les oiseaux et les bêtes ont leurs manteaux en bon état. »
Il ordonna en outre au troisième frère Ho de résider dans la région du nord, dans ce qu’on appelait la Sombre Capitale, et d’y observer les changements de l’hiver. « Le jour est à son plus court, dit-il, et l’étoile est à Mâo ; vous pouvez ainsi déterminer avec précision le milieu de l’hiver. Les gens restent dans leurs maisons, et les manteaux des oiseaux et des bêtes sont duveteux et épais. »
Le Tî dit : « Ah ! vous, Hsîs et Hos, une année ronde se compose de trois cent soixante-six jours. Fixez-vous, au moyen du mois intercalaire, les quatre saisons et complétez-vous (la période de) l’année ? (Par la suite, les différents officiers étant réglés, conformément à cela, tous les travaux (de l’année) seront pleinement exécutés. »
3. Le Tî dit : « Qui me cherchera un homme en fonction de son temps, que je puisse élever et employer ? » Fang-_kh_î dit : « (Votre) fils héritier Kû [6] est très intelligent. » Le Tî dit : « Hélas ! il est insincère et querelleur : le pourra-t-il ? »
Le Tî dit : « Qui me cherchera un homme à la hauteur de l’exigence de mes affaires ? » Hwan-tâu [7] dit : « Oh ! les mérites du ministre des Travaux publics viennent d’être déployés sur une grande échelle. » Le Tî dit : « Hélas ! quand tout est calme, il parle ; mais lorsqu’il est occupé, ses actions tournent différemment. Il n’est respectueux (que) en apparence. Voyez ! les flots assaillent les cieux ! »
Français Le Tî dit : « Ho ! (Président des) Quatre [ p. 35 ] Montagnes [8], destructrices dans leur débordement sont les eaux de l’inondation. Dans leur vaste étendue, elles embrassent les collines et dépassent les grandes hauteurs, menaçant les cieux de leurs inondations, de sorte que les gens d’en bas gémissent et murmurent : « Y a-t-il un homme capable à qui je puisse assigner la correction (de cette calamité) ? » Tous (dans la cour) dirent : « Ah ! n’y a-t-il pas Khwăn [9] ? » Le Tî dit : « Hélas ! qu’il est pervers ! Il désobéit aux ordres et essaie de nuire à ses pairs. » (Le Président des) Montagnes dit : « Eh bien, mais… Essayez s’il peut (accomplir le travail). » (Khwăn) fut employé en conséquence. Le Tî lui dit : « Va et sois respectueux ! » Il travailla pendant neuf ans, mais son œuvre resta inachevée.
Le Tî dit : « Ho ! (Président des) Quatre Montagnes, je suis sur le trône depuis soixante-dix ans. Vous pouvez exécuter mes ordres ; je vous céderai ma place. » Le Chef dit : « Je n’ai pas la vertu ; je déshonorerais votre place. » (Le Tî) dit : « Montrez-moi quelqu’un parmi les illustres, ou désignez-en un parmi les pauvres et les humbles. » Tous (alors) dirent au Tî : « Il y a un homme célibataire parmi les gens du peuple, appelé Shun de Yü [10] ». Le Tî [ p. 36 ] dit : « Oui, j’ai entendu parler de lui. Qu’avez-vous à dire à son sujet ? » Le Chef dit : « C’est le fils d’un aveugle. Son père était obstinément sans principes ; sa (belle-)mère était insincère ; Son (demi-)frère Hsiang était arrogant. Il a pu (cependant), par sa piété filiale, vivre en harmonie avec eux et les conduire progressivement à l’autonomie, de sorte qu’ils (ne) se livrent plus à de grandes méchancetés. Le Tî dit : « Je vais le mettre à l’épreuve ; je vais l’épouser et ainsi voir son comportement avec mes deux filles. » (En conséquence) il arrangea et envoya ses deux filles au nord du Kwei [11], pour être épouses dans (la famille de) Yü. Le Tî leur dit : « Soyez respectueuses ! »
32:1 Yâo est pour nous aujourd’hui le nom de l’ancien souverain ainsi dénommé. Ce caractère signifie « élevé », « majestueux et grandiose ». Il s’agissait peut-être à l’origine d’une épithète, « l’Exalté ». Sur la signification de Tî dans Tî Yâo, voir ce qui a été dit dans la Préface. ↩︎
32:2 Les érudits Han soutenaient que Fang-hsün était le nom de Yâo. Ceux de Sung, prenant les caractères comme une épithète, leur font signifier « le Très Méritoire ». ↩︎
32:3 Les Hsîs et les Hos semblent avoir été « frères de deux familles, à qui incombait le soin du calendrier, principalement en vue de réguler les saisons agricoles. » Voir les parties III, iv, et V, xxvii. Sur les instructions de Yâo à leur égard, voir l’Introduction, pp. 24-28. ↩︎
33:1 Yü-î est identifié par certains à Tăng-_k_âu, dans le Shan-tung, lat. 37° 48´ long. 12° 4´ ; par d’autres, il est recherché en Corée. ↩︎
33:2 Nan-_k_iâo se trouvait au sud, dit-on, à la frontière d’Annan ou de la Cochinchine. Les caractères signifiant « dans ce qu’on appelait la Brillante Capitale » auraient disparu du texte. ↩︎
34:1 Dans la partie II, iv, 2, Yü parle de ce fils de Yâo comme de « l’orgueilleux Kû de Tan », Tan étant probablement le nom d’un État sur lequel, selon la tradition, il avait été nommé. ↩︎
34:2 Hwan-tâu et le ministre des Travaux publics, qu’il recommande, apparaissent dans le Livre suivant comme de grands criminels. ↩︎
35:1 (Président des) Quatre Montagnes, ou simplement Quatre Montagnes, semble avoir été le titre du ministre en chef de Yâo. Les quatre montagnes étaient : le mont Thâi à l’est ; Hwâ à l’ouest dans le Shan-hsî ; Hăng au sud, dans le Hû-nan ; et Hăng au nord, dans le Kih-lî. Telles étaient probablement les limites du pays, pour autant que nous le sachions, et tout ce qui se trouvait à l’intérieur de ces points était sous la garde du ministre en chef. ↩︎
35:2 On pense que Khwăn était le père de Yü, qui par la suite surmonta avec succès l’inondation. On nous dit qu’il était comte de Khung, correspondant à l’actuel district de Hû, dans le Shen-hsî. ↩︎
35:3 Voir le titre du prochain livre. ↩︎
36:1 Le Kwei est un petit ruisseau du Shan-hsî, qui se jette dans le Ho. ↩︎